AHMED BEN BELLA DE L’ALGÉRIE

Un couple pauvre, berbère marocain originaire de Marrakech, Embarek Ben Mahdjoub et Fatma Bent El Hadj s’installent en Algérie et le 25 décembre 1916, dans la ville de Maghnia, à l’ouest de l’Algérie, non loin de la frontière Algéro-marocaine où naît de ce couple, Ahmed Ben Bella, leur fils.
 
En 1930, à quatorze  ans, pour pouvoir se présenter au Certificat d’études réservé aux jeunes de plus de quinze ans, les parents de Ben Bella vieillissent leur fils de deux ans. 
 
A l’école primaire supérieure de Tlemcen, à l’ouest de l’Algérie, lorsque Bénavides, son professeur, traite le prophète Mohamed d’imposteur, Ahmed Ben Bella s’en prend à lui. 
 
Au cours de ses études secondaires à Tlemcen, Ahmed Ben Bella découvre la figure noire du colonialisme et en 1933, à dix-sept ans, il adhère au Parti du peuple algérien  (PPA) fondé par le nationaliste algérien Messali Hadj.
 
Ahmed Ben Bella est appelé sous les drapeaux français en 1937 et en France, il s’engage au 141ème  Régiment d’Infanterie Alpine (RIA) de Marseille où il atteint le grade de Sergent.
 
Le  PPA est dissout en 1939 par les autorités coloniales françaises et 28  sympathisants sont  arrêtés mais le Parti politique continue de fonctionner dans la clandestinité.
 
Tout en continuant son service militaire, Ahmed Ben Bella joue au football de 1939 à 1940 à l’Olympique de Marseille au poste de demi-centre et il marque un but au cours du match qui oppose son équipe  au FC Antibes.
 
Démobilisé, il est rappelé au sein de l’armée et intègre le 5ème Régiment des tirailleurs marocains de la 2ème Division d’Infanterie Marocaine (DIM) au grade de Sergent-chef puis Adjudant.
 
En 1940, à Marseille, il combat dans la défense antiaérienne et abat un Stuka sur le port.  
 
Ahmed Ben Bella participe à la campagne  d’Italie en compagnie d’officiers français  de haut grade qui tentent de rejoindre le Général de Gaulle qui a pris la fuite pour Londres.
 
En effet, le 17 juin 1940, lorsque la France est vaincue et envahie par les allemands, le Général Charles de Gaulle, son aide de camp, Geoffroy de Courcel et le Général Sir Edward Spears, agent de liaison personnel du Premier ministre britannique auprès du gouvernement français s’enfuient de la France en prenant un vol à 9 heures de Mérignac pour arriver à Londres vers 14 heures après être passés à New Jersey pour se ravitailler en carburant.
 
Pour des critiques, la fuite du Général de Gaulle est une  désertion face à l’ennemi en temps de guerre  qui a entraîné la fusillade de nombreux soldats. Deux frères d’Ahmed Ben Bella  sont tués, l’un en 1914, l’autre en 1940 et plusieurs de ses cousins ont perdu la vie dans leur engagement pour la France.
 
En 1944, Ahmed Ben Bella participe à la bataille du Monte Cassino d’Italie, à Montano, à la Silva et à Santa Corseau sein du corps expéditionnaire français sous, le commandement du Maréchal Juin qu’Ahmed Ben Bella qualifie de grand stratège militaire.
 
Le commandement Maréchal Juin a sous ses ordres, des soldats nord-africains venant principalement de la Tunisie, du Maroc et de l’Algérie dont Ahmed Ben Bella  âgé de 26 ans. 
 
Placés en premières lignes face à l’ennemi, ils parviennent à mettre les troupes d’Adolphe Hitler hors d’Italie.
 
Au cours des combats, sur le Mont Belvedère, les paras allemandet marocains se massacrent et des pertes sont notées dans le 3ème Régiment de tirailleurs tunisiens  qui, avant d’être fauchés par les mitrailleuses des allemands hurlent :  Ma Capitaine !  Ma Capitaine ! Interpellation qui  amuse les colons.
 
Au sein de ce Régiment, il est dénombré 15 Officiers et 264 soldats tués. 
 
800 soldats et six Officiers  sont blessés quand  400 personnes sont portées disparues.
 
Ahmed Ben Bella compté parmi les survivants de ce massacre, sauve la vie de son Capitaine Offel de Villaucourt blessé et qu’il  transporte sur son dos pour parcourir le chemin montagneux de 500 mètres difficile à escalader.
 
Pour expliquer la raison de la défaite de l’Allemagne, le Commandant de la division allemande écrit à Adolphe Hitler : « On a affronté des soldats qui grimpent des montagnes comme des mulets ».
 
Ahmed Ben Bella est décoré quatre fois par la France dont  celle faite en personne par le Général de Gaulle en juin 1944, de la Médaille militaire et Ahmed Ben Bella relate l’événement le 26 octobre 1995 dans le journal Le Monde  :  « La première fois que nous nous sommes rencontrés, c’était en avril 1944, en Italie, au nord du Monte Cassino. Il avait insisté, contre l’avis des Alliés, pour que le corps expéditionnaire Français participe à  cette campagne. La plupart des troupes venaient d’Afrique du Nord. J’appartenais à une unité d’élite, le 5èmerégiment de  tirailleurs marocains (RTM), basé à El Malah. Cet hiver-là, le froid fut terrible. Nous progressions dans les montagnes, pied à pied, repoussant l’ennemi à la baïonnette, à la grenade, à l’arme automatique, parfois à coups de poignard… De Gaulle nous a gratifiés d’une visite spéciale. Il allait, disait-on, décorer cinq ou six officiers. Moi, le sous-off, je ne me sentais pas concerné. Juste avant la cérémonie, le colonel me fait chercher : « Comment, vous n’êtes pas prêt ? Dépêchez-vous donc, on vous attend ! » De Gaulle, ce jour-là, m’a remis la médaille militaire pour faits de guerre exceptionnels. » 
 
En 1945, il participe à la campagne d’Allemagne au sein de la première Armée du général de Lattre de Tassigny.
 
Libéré définitivement, Ahmed Ben Bella rentre en Algérie en 1945 et est témoin du Massacre de Sétif qui le bouleverse et le pousse à combattre pour l’indépendance de son pays. 
 
Le  8 mai 1945, après la victoire des alliés sur l’Allemagne, les mouvements nationalistes algériens organisent une manifestation pacifique en Algérie pour demander aux colons français de leur accorder davantage de droits sur le fondement de l’engagement  de l’Algérie avec les milliers d’algériens qui ont participé à la deuxième guerre mondiale  et ont aidé la France à se libérer des troupes allemandes.
 
Dans la ville de Sétif, à 300 kilomètres d’Alger, un cortège se dirige vers le quartier européen avec des pancartes où sont mentionnées des revendications, notamment : Nous voulons être vos égaux !  Libérez Messali ! Vive l’Algérie libre et indépendante !  A bas le colonialisme !  
 
Messali Hadj, le Chef du PPA, avait été arrêté le 23 avril 1945 et déporté à Bakouma au Congo-Brazzaville. 
 
A la tête du cortège, le Chef de scout musulman, Aïssa Cheraga tient  un drapeau algérien, pourtant interdit à cette époque et devant le Café de France , un Commissaire de Police du nom  d’Olivieri, tente d’arracher le drapeau à Aïssa Cheraga.  Les manifestants s’opposent au Commissaire et un jeune algérien de  26 ans, Bouzid Saâd, s’empare du drapeau. 
 
Un policier blanc tire et l’abat.
 
Les autres policiers tirent en désordre sur les manifestants et  la foule se déchaîne, s’en prend aux européens du quartier, en particulier les français. 
 
La Police tue une trentaine de manifestants et en blesse 48.
 
La contestation embrase le pays, notamment dans les régions de Gulma et Kherrata et plus de 102 européens sont tués. 
 
La répression de l’armée coloniale est terrible avec le bombardement des quartiers habités, en majorité par les algériens, particulièrement par les musulmans.  
 
L’armée  distribue des armes aux européens  et créé des milices pour poursuivre le massacre. 
 
Les sources officielles françaises dénombrent 1.500 morts mais les mouvements nationalistes algériens déclarent plus de 45 000 morts à fin mai 1945 ; Tuerie baptisée, Massacre de Sétif.
 
Un autre algérien, Abane Ramdane, après avoir participé à la deuxième guerre mondiale dans un régiment de tirailleurs algériens de Blida 2, rejoint le Parti du Peuple Algérien (PPA). 
 
Révolté par le Massacre de Sétif, Abane Ramdane coupe tout lien avec les colons et décide de défendre son pays.
 
En remplacement du PPA interdit, Messali Hadj créé, en 1946,  le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratique  (MTLD) avec dans le Comité central, Sid-Ali Abdelhamid, Hocine Aït Ahmed, Saïd Amrani, Mohamed Assami, Benyoucef Benkhedda, Mohamed Belouizad, M’hammed Ben M’hel, Ouali Bennaï, Abane Ramdane et bien d’autres.
 
Au début de l’année 1947, sur une liste d’union indépendante, Ahmed Ben Bella est élu conseiller municipal de Maghnia et, sollicité par Messali Hadj, intègre le MTLD qui met en place une branche militaire armée, l’Organisation spéciale (OS) qu’Abane Ramdane rejoint également.
 
A son Congrès tenu du 15 au 16 février 1947, chaque leader du MTLD reçoit ses attributions, Chef d’Etat-major : Mohamed Belouizad ; Chef d’Etat-major adjoint : Hocine Aït Ahmed ; Responsable du département d’Oran : Ahmed Ben Bella ; Responsable du département d’Alger II : Abdelkader Belhadj Djilali ; Responsable du département d’Alger I : Djilali Reguini ; Responsable du département de la Kabylie : Hocine Aït Ahmed ; Responsable du département de Constantine : Mohammed Boudiaf, Responsable de Wilaya : Abane Ramdane …
 
Sans  ressources financières pour faire fonctionner le mouvement d’Oran, deuxième plus grande ville d’Algérie, Ahmed Ben Bella et  Hocine Aït Ahmed  cherchent à braquer la Poste d’Oran et dans la nuit du 4 au 5 avril 1949, Ahmed Ben Bella et Hocine Aït Ahmed braquent la Poste et emportent environ trois millions de francs.
 
Plus tard, Ahmed Ben Bella explique la préparation du braquage et son déroulement : « C’est au cours d’une réunion de l’état-major de l’OS, à Alger, que Madjid nous a fait connaître l’intention du Parti d’attaquer la poste d’Oran, pour se procurer de l’argent… Il m’a chargé de trouver sur place, à Oran, un local où nous pourrions en toute quiétude mettre sur pied le plan de réalisation d’une telle  opération… A plusieurs reprises, je vous ai parlé de l’attaque à main armée perpétrée contre la poste d’Oran. Je viens de vous dire qu’il s’agissait d’une manifestation de l’OS, que ce coup de force avait été tenté pour satisfaire aux exigences des trublions politiques du MTLD. Je vais donc par le détail vous dire tout ce que je sais sur cet attentat (…) Pour ma part, je devais rejoindre Alger deux ou  trois jours avant la date et revenir à Oran par le train de jour qui arrive à quinze heures. Madjid, lui, devait rentrer à Alger la veille, en prenant le train qui part d’Oran à vingt-deux heures environ. Ces consignes ont été scrupuleusement respectées et le 5 avril vers 13h, je suis arrivé à Oran… C’est par le journal du  soir Oran-Soir que j’ai connu le montant du vol et appris certains autres détails. Je devais reprendre le train du soir pour rendre compte de ma mission à Madjid… Dès le matin, j’étais rentré à Alger par le train de la veille, au soir, j’ai pris contact avec Madjid  auquel j’ai rendu compte de ma mission. Là, se terminait mon rôle. Par la suite, j’ai appris par Madjid lui-même que l’argent avait été transporté chez Boutlelis où le député Khider devait en prendre livraison… Le produit du vol a été entièrement versé au MTLD par Khider. »
 
Un an après le braquage, le 12 mai 1950, Ahmed Ben Bella est arrêté et condamné à huit ans de prison. 
 
Plus de 500 membres de l’OS sont arrêtés de mars à mai 1950 dont Abane Ramdane, rattrapé dans l’ouest de l’Algérie, il est soumis à un interrogatoire musclé et d’atroces tortures en prison.
 
Abane Ramdane est jugé une année après en 1951 et est condamné à cinq  ans de prison, dix ans de privation des droits civiques et d’interdiction de séjour et  500 000 francs d’amende pour atteinte à la sûreté intérieure de l’État
 
Il purge sa peine dans les prisons algériennes de Bougie, Barberousse et Maison Carrée, sans compter les prisons françaises de Bouches-du-Rhône, de Haut-Rhin, Alsace et de Tarn.
 
L’OS est démantelée et son armement saisi.
 
Ahmed Ben Bella purge sa peine aussi à la prison de Blida mais deux années après son incarcération, en 1952, il s’évade et réussit à sortir du pays pour l’Egypte en passant par Marseille, Paris et la Suisse. 
 
Certains de ses détracteurs qui mettent ses origines marocaines en avant, le qualifient de traître  à la solde des français. 
 
Ils l’accusent d’avoir vendu  et livré  l’OS à l’armée française et ne croient pas à son évasion car, pour eux, il s’agit d’un arrangement entre les français et lui pour qu’il intègre les mouvements nationalistes pour les briser.
 
Ahmed Ben Bella demeure au Caire et réorganise l’OS avec l’aide du Président égyptien, Gamal Abdel Nasser Hussein.
 
En Algérie, le MTLD est tiraillé par des querelles incessantes entre ses membres et en avril 1953 lors de son second congrès, deux courants voient le jour.
 
Les  Centralistes   issus du  Comité central  qui souhaitent  la tenue d’un Congrès national algérien pour se prononcer sur les nouvelles orientations du mouvement. 
 
Les Messalistes, proche du leader Messali Hadj, en résidence surveillée à Niort qui craignent que le Comité central se lance dans une voie réformisme.
 
Le 23 mars 1954, exaspérés par ces disputes, quatre jeunes algériens se réunissent dans une école coranique et créent le Comité Révolutionnaire d’Unité et d’Action  (CRUA), Mostefa Ben Boulaïd, Mohamed Boudiaf, Mohamed Dekhli et Ramdhane Bouchbouba alias Ould Amri.
 
Le CRUA s’assigne deux missions fondamentales qui sont celles de réunifier le MTLD et trouver les moyens logistiques pour engager la lutte armée contre les colons.
 
Informé de l’existence du CRUA, Messali Hadj accuse les Centralistes, spécialement Hocine Lahouel, membre influent du Comité central, d’être  le parrain de ce nouveau mouvement.
 
La division du MTLD est consommée lorsque chaque tendance, Centralistes et  Messalistes  organise son propre  Congrès.
 
Mostefa Ben Boulaïd et Mohamed Boudiaf,  des anciens de l’OS jugent le Congrès des Centralistes  inutile et Mohamed Dekhli avec Ramdhane Bouchbouba alias Ould Amri, proches des politiques Centralistes se positionnent derrière eux. 
 
Le CRUA qui ambitionne unifier le MTLD se retrouve également divisé.
 
Le 21 juillet 1954, la conférence de Genève met fin à la  guerre d’Indochine  et les vietnamiens gagnent leur indépendance. En apprenant cette nouvelle, les jeunes du CRUA, issus de l’OS sont convaincus de pouvoir en faire autant pour obtenir l’indépendance de l’Algérie.
 
Le 25 juin 1954 donc,  pour discuter de la lutte armée, Mostefa Ben Boulaïd et Mohamed Boudiaf font appel  à 20 jeunes algériens militants de l’OS, Mokhtar Badji, Mohamed Belouizdad, Benabdelmalek Ramdane, Benaouda Amar, Mohamed Larbi Benm’hidi, Bentobbal Lakhdar, Bitat Rabah, Bouadjadj Zoubir, Bouali Said, Bouchaib Ahmed, Boussouf Abdelhafid, Derriche Elias, Didouche Mourad, Habbachi Abdesslam, Lamoudi Abdelkader, Mechati Mohamed, Slimane Mellah (dit Rachid),  Merzougui Mohamed, Souidani Boudjema et Zighoud Youcef. 
 
Ce groupe prend le nom de « Groupe des 22 » et se réunit à Clos Salembier, au domicile de Derriche Elias, pour s’accorder sur la date du lancement de la guerre contre la France.
 
Le 1er juillet 1954, à Alger, le courant des Centralistes  tient une Conférence des cadres et met en place le Conseil National de la Révolution Algérienne (CNRA) composé de cinq membres appelé le « Groupe des 5 », Moustapha Ben Boulaid, Mourad Didouche, Rabah Bitat, Larbi Ben Mhidi et Mohamed Boudiaf.
 
De facto, le CNRA remplace le CRUA.
 
Messali Hadj de son côté, organise les 13 et 15 juillet 1954 à Hornu, en Belgique, un Congrès de rupture avec les Centralistes et dissout le Comité central  du MTLD
 
Il  exclut les responsables du Comité central  du Parti.
 
Livrés à eux-mêmes désormais, le courant des Centralistes  se tourne vers des alliés et contacte la Fédération du MTLD de Kabylie.
 
Fin août 1954, l’accord est conclu, Amar Ouamrame et Krim Belkacem de la  Fédération du MTLD de Kabylie  rejoignent le  « Groupe des 22 ». 
 
Krim Belkacem devient le sixième membre du CNRA, le Comité se renomme le « Groupe des 6 ».
 
Ahmed Ben Bella, Mohamed Khider  et Hocine Aït Ahmed du MTLD exilés au Caire en Egypte proposent de se joindre au  CNRA
 
Le  « Groupe des 6 » est  rebaptisé le « Groupe des 9 » avec l’adhésion des exilés. 
 
En définitif, le Groupe des 9 est composé de Mostefa Ben Boulaïd, Mourad Didouche, Krim Belkacem, Rabah Bitat, Larbi Ben Mhidi, Mohamed Boudiaf, Mohamed Khider, Hocine Aït Ahmed et Ben Bella.
 
Le CNRA créé une branche militaire en 1954 dénommée Armée de libération nationale (ALN).
 
Après plusieurs réunions du Groupe des 9, une dernière rencontre est organisée  le 23 octobre 1954 au domicile de Mourad Boukhechoura au 24, rue Comte-Guillot, appelée aujourd’hui  Avenue Bachir Bedidi.
 
Lors de ce rassemblement clandestin, les missions de chaque membre sont précisées : Moustapha Ben Boulaïd devient le Chef de la zone 1 (Aurès) ; Mourad Didouche, Chef de la zone 2 (Constantinois) – Krim Belkacem, Chef de la zone 3 (Kabylie) ; Rabah Bitat, Chef de la zone 4 (Algérois) ; Larbi Ben Mhidi, Chef de la zone 5 (Oranie) et Mohamed Boudiaf, Coordinateur national.
 
Pour la cause du CNRA, Ahmed Ben Bella  voyage  beaucoup et,  par sa vigilance, il  évite des attentats contre sa personne, telle la bombe déposée dans son  bureau du Caire par les  services secrets français et la tentative d’assassinat dans le hall d’un hôtel.
 
Le 25 octobre 1954, le Coordonnateur national, Mohamed Boudiaf quitte l’Algérie pour l’Egypte  avec les  documents  de la réunion du 23 octobre 1954. 
 
Mohamed Boudiaf est reçu en Egypte par Ahmed Ben Bella, Mohamed Khider et Hocine Aït Ahmed.
 
Dans la nuit  du 31 octobre 1954 au 1er novembre 1954, en Algérie, le Groupe des 9 lit ce message : « PEUPLE ALGERIEN, MILITANTS DE LA CAUSE NATIONALE (…) Notre désir aussi est de vous éviter la confusion que pourraient entretenir l’impérialisme et ses agents administratifs et autres politicailleurs véreux. Nous considérons avant tout qu’après des décades de lutte, le mouvement national a atteint sa phase de réalisation….» (Voir le Discours entier à la fin du présent article).
 
Le Front de Libération Nationale (FLN) est  proclamé ce 1er novembre 1954 et annonce le déclenchement de la lutte armée contre les colons français.
 
Le 1er novembre, la Toussaint, une fête chrétienne, le FLN met en exécution  une vague  d’attentats contre la population française et ses intérêts en Algérie.
 
Attentats baptisé la Toussaint rouge.
 
Le 5 novembre 1954, le gouvernement fait convoyer des renforts militaires en Algérie et le 24 novembre 1954, le ministre de l’Intérieur du gouvernement français de l’époque, François Mitterrand, soutient le recours à la force pour mâter les indépendantistes algériens.
 
En prison, Abane Ramdane suit les activités de ces camarades combattants  et est informé de la création du FLN
 
Abane Ramdane est libéré le 18 janvier 1955.
 
Mourad Didouche, un membre du Groupe des 9, âgé de 28 ans est tué dans les combats de Douar Souaddek non loin de Constantine le 18 janvier 1955
 
Les attaques répétées du FLN poussent les autorités françaises  à nommer  le 26 janvier 1955, Jacques Soustelle, Gouverneur général d’Algérie, un homme politique français opposé à l’indépendance de l’Algérie.
 
Pour châtier les combattants du FLN, Jacques Soustelle proclame l’état d’urgence et instaure la censure dans les régions d’Aurès et de la Grande Kabylie le 31 mars 1955.
 
Lors de la Conférence du Tiers-monde du 18 au 24 avril 1955 à Bondoeng ou Bandung, en Indonésie, les participants à la Conférence font part de leur solidarité à l’Algérie et aux membres du FLN présents à cette conférence.
 
Les attaques sous forme de guérilla se multiplient et le 13 mai 1955, l’armée  française est obligée de porter son effectif à 100 000 hommes en Algérie.
 
Le 20 août 1955, un soulèvement de musulmans de Philippevillois, en Algérie est écrasé par l’armée française et une centaine de personnes est tuée. 
 
Dix jours après, le 30 août 1955, les autorités françaises proclament l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire algérien. 
 
A la 10ème Session de l’Assemblée générale de l’ONU du 11 septembre 1955, il est évoqué la guerre d’Algérie.
 
En novembre 1955, Mostefa Ben Boulaid, un membre du Groupe des 9 s’évade de la prison centrale de Constantine.
 
Une manifestation violente est réprimée le 20 janvier 1956 à  Tlemcen et environ deux semaines après, le 2 février 1956, Jacques Soustelle, est remplacé par Robert Lacoste.
 
Lorsque le Général de Gaulle visite l’Algérie, le 6 février 1956, il est conspué et Guy Mollet, Président du Conseil qui l’accompagne dit : « La France doit rester en Algérie et elle y restera. »
 
Mostefa Ben Boulaid qui s’était évadé de la prison de Constantine est tué le  22 mars 1956 par l’explosion d’un poste radio piégé que l’armée française a parachuté sur lui.
 
En petite Kabynie en Algérie, le 20 août 1956, dans les villages d’Ighbane et d’Ifri, se tient un Congrès du FLN, le Congrès de la Soummam  organisé par Abane Ramdane pour déterminer  les objectifs de la guerre, les conditions de cessez-le-feu et la désignation du FLN comme seul interlocuteur de l’Algérie.
 
Les décisions du Congrès de la Soummam sont confiées au Comité de Coordination et d’Exécution (CCE) composé de cinq algériens, Larbi Ben M’Hidi, Krim Belkacem, Benyoucef Benkhedda, Saad Dahlab et Abane Ramdane lui-même.
 
En septembre 1956, l’effectif des soldats français en Algérie passe de 100 000 à 600.000 hommes.
 
Les attaques répétées du Comité de Coordination et d’Exécution entraîne l’insurrection quasi-permanente dès janvier 1957 et le Général Jacques Massu déclenche la Bataille d’Alger en torturant les nationalistes, en ratissant et en les traquant dans toutes les zones.
 
Larbi Ben M’Hidi arrêté, est assassiné en février 1957 par les hommes du Général Jacques Massu.
 
Les autres combattants du Comité de Coordination et d’Exécution s’enfuient mais Yacef Saadi est arrêté en septembre 1957.
 
Le FLN de l’intérieur sous le contrôle d’Abane Ramdane est déclaré défait le  9 octobre 1957 lorsque le redoutable résistant algérien, Ali la pointe, de son vrai nom  Ali Ammar est tué  le 8 octobre 1957.
 
Le FLN de l’extérieur dirigé par Ahmed Ben Bella continue de fonctionner et tient sa réunion au Caire en Egypte le 20 août 1957.
 
A cette réunion, Krim Belkacem ne défend plus son allié Abane Ramdane mais se positionne du côté d’Ahmed Ben Bella ainsi que d’autres hommes forts comme Lakhdar Ben Tobbal et Abdelhafid Boussouf.
 
Abane Ramdane se trouve isolé et entre le 24 et le 26 décembre 1957, alors qu’il se trouve avec Ali Harkati dans une ferme au Maroc est assassiné par étranglement par deux hommes de main d’Abdelhafid Boussouf surnommé Colonel Si Mabrouk.
 
le 10 juin 1920 à Azouza, Abane Ramdane  après avoir obtenir son  baccalauréat en Mathématiques – mention Bien, s’est engagé dans la politique à seulement 22 ans, en adhérant au PPA.
 
Abane Ramdane était qualifié par ses compatriotes, d’homme courageux, exceptionnel, strict et déterminé qui a su unifier les forces nationales de l’Algérie autour de la révolution et il est surnommé à cet effet,  l’icône de la révolution algérienne ou l’architecte de la révolution.
 
Ahmed Ben Bella accorde une interview à  Sans frontière dans la semaine du  26 mars au 1er avril 1982 et explique la mort d’Abane Ramdane : « Pour ce qui concerne Abane, il y a des rues qui portent son nom dans toute l’Algérie, mais il faut dire que là aussi, c’est une mystification. Car Abane a été liquidé par la direction du G.P.R.A. J’étais en prison lorsqu’Abane a été liquidé. Alors, quels étaient les problèmes de l’époque ? Les problèmes qui étaient agités étaient que le civil devait prendre le pas sur le militaire, que le F.L.N. dirige la révolution. Abane a eu même des démêlés avec moi, je dois dire. Et là, je dois le répéter, sur le plan des procédés  qui ont été utilisés pour la liquidation d’Abane, je condamne totalement ce procédé parce qu’il est ignoble, et qu’il entache la révolution algérienne. Il a été appelé sous prétexte qu’il était invité par le Roi du Maroc, et là il a été arrêté par les dirigeants  (de la révolution algérienne N.D.L.R.) et étranglé par des lacets, comme un simple… C’est absolument abominable, sans procès, ni rien. Un procès cela voulait dire un accord tacite entre les dirigeants. Je dois dire pour être objectif, pour ne pas avoir l’air de charger les gens, que personnellement, je n’étais pas d’accord avec Abane, j’estime même qu’il a été à l’origine d’une des plus grandes confusions de la révolution algérienne… » (Voir le Discours entier à la fin du présent article).
 
L’anti-indépendantiste français, Jacques Massu est ensuite nommé préfet d’Alger en juin 1958 et Général de division le 1er juillet 1958  quand il prend le commandement du corps d’armée d’Alger en décembre 1958.
 
Tout en combattant, la France engage des négociations avec le FLN et Ahmed Ben Bella raconte la situation qui prévalait : «... J’étais à la tête du FLN quand le gouvernement de Guy Mollet – après avoir compris que la France ne pourrait se maintenir en Algérie – a contacté Gamal Abdel Nasser pour qu’il nous demande si nous étions prêts à discuter avec eux. C’est ce que j’avais toujours prévu ; qu’un jour,  il allait falloir s’asseoir autour d’une table et définir la meilleure façon pour l’Algérie de devenir totalement indépendante. C’était le but que nous recherchions : redevenir libres, ne plus vivre sous la férule d’un système oppressif. J’ai dit oui, que j’étais prêt à négocier, à condition que ce soit eux, les Français, qui en fassent la demande. C’était important, car c’est toujours celui qui est le plus faible qui demande à négocier. J’ai exigé que les négociations se déroulent en Egypte. Les négociations ont duré six mois. Nous sommes arrivés à une solution. Avec ce bout  de papier en poche, en septembre 1956, je suis allé informer Mohammed V, le roi du Maroc. Il s’était impliqué dans cette lutte, il nous avait aidés, y compris militairement. Puis, alors que nous nous rendions en Tunisie, où nous voulions également informer les autorités, notre avion a été pris en chasse par l’aviation française. C’était le premier détournement d’avion de l’histoire. Il y avait, dans cet  avion, les deux tiers des dirigeants de la révolution algérienne. Ils voulaient nous liquider tout de suite. C’est un miracle si nous avons échappé à la mort. Tout ceci pour vous dire ce que je pense des socialistes : c’était Guy Mollet qui, à peine avait-il signé un engagement, le trahissait… » 
 
Le 22 octobre 1956, cinq membres du FLN,  Mohamed Boudiaf, Mohamed Khider, Mostefa Lacheraf, Hocine Hocine Aït Ahmed et Ahmed Ben Bella se rendent à rabat au Maroc pour échanger avec le roi Mohammed V et son fils, le prince Hassan.
 
Les membres du FLN en visite au Maroc se préparent pour partir à la  conférence de Tunis, sur invitation du Président tunisien, Habib Bourguiba mais ils s’entendent dire qu’ils ne pourront plus prendre le même vol que le Roi  du Maroc, Mohammed V parce que ce dernier prendra un vol qui doit survoler l’Algérie, un risque à ne pas prendre pour des indépendantistes recherchés en Algérie.
 
Un avion DC3 de la compagnie Air Atlas est mis à la disposition d’Ahmed Ben Bella et ses compagnons avec à bord, un malade pour Tunis.
 
Or, les indépendantistes ignorent que Guy Mollet avait tout arrangé pour détourner leur avion vers l’Algérie ; Pour ce faire, de belles hôtesses ont été installées à bord de l’avion pour les distraire tout le long du voyage.
 
Avant  la tombée de la nuit, l’avion DC3 se pose sur le tarmac de l’aéroport d’Alger, en Algérie et les leaders du FLN qui croient être arrivés en Tunisie descendent de l’avion.
 
En sortant de l’avion, ils voient un grand dispositif militaire et réalisent qu’ils viennent de se faire piéger. Ils sont menottés et conduits dans une prison algérienne. 
 
Leur arrestation provoque des manifestations et une dizaine de français  sont tués à Meknès au Maroc.
 
Transférés en France par la suite, ils passent sept ans à la prison de la Santé sur l’île d’Aix et après au château de Turquant.
 
Après ce premier détournement d’avion civil de transport de voyageurs dans le monde, Ahmed Ben Bella relate les circonstances dans une interview : «  …Excuse-moi, mais l’affaire avait été planifiée, car l’avion était marocain et le pilote était français. L’équipage était entièrement français. Dans l’affaire du détournement de l’avion, je le dis sans hésitation, ils nous ont vendus (…)  Il était prévu que nous prenions le même avion que le roi Mohammed V et que celui-ci ne survole pas  l’Algérie, mais la mer,  sans rentrer dans l’espace aérien. Mais la veille du voyage, nous avons été informés que le roi serait accompagné de son épouse, ce qui signifiait que nous ne voyagerons pas à bord du même avion. Je ne vous cacherai pas que j’avais un pressentiment et mes pressentiments ne m’ont jamais trahi ».
 
De janvier à février 1957, les attentats à la bombe se multiplient et il est dénombré plus de trente morts et trois fois plus de blessés.
 
Dans la nuit du 4 au 5 mars 1957, pendant la bataille d’Alger, un autre membre du Groupe des 9, Larbi Ben M’hidi est arrêté par l’armée française et torturé. Sur recommandation du Général français Paul Aussaresses, il est exécuté sans jugement.
 
Dans les colonnes du journal, Le Monde  du 22 novembre 2000, le Général Paul Aussaresses avoue le crime en disant : « …En mars 1957, à Alger, j’ai (Aussaresses) pendu Larbi Ben M’Hidi, considéré en Algérie comme une figure semblable à Jean Moulin, et fait précipiter dans le vide Ali Boumendjel, un avocat engagé auprès du FLN. La thèse officielle donnée par l’armée française était – et reste toujours – que ces deux hommes se sont suicidés… »
 
L’aveu de ce Général provoque un grand scandale en France et sur ordre du Président  Jacques Chirac, le Général Aussaresses est déchu de sa Légion d’honneur.
 
Poursuivi par la justice française pour apologie de la torture, les  trois filles du Général Aussaresses le renient et son épouse, Odile Charton ne quitte pas son lit et meurt de chagrin quelques mois après. 
 
Le Général Aussaresses est victime de trois attentats de deux colis piégés et, à la place Bastille, une balle qui lui est destiné  atteint son ami qui lui fait office de garde du corps.
 
Le Général Aussaresses, se disant héros français, trouve les attaques à son encontre injustes et sort aux Editions Rocher en 2008, un ouvrage sous le titre  Je n’ai pas tout dit et fait des révélations sur des nationalistes africains dont l’assassinat du camerounais Félix Moumié.
 
Paul Aussaresses dit qu’il connaît la vérité sur le sort de Maurice Audin, ce jeune mathématicien algérien disparu en 1957 à Alger, après avoir été arrêté par les parachutistes français. 
 
Il révèle au passage qu’il a demandé au Général Massu, avant sa mort en  octobre 2002, de le délivrer du pacte de silence qu’ils ont conclu, 50 ans auparavant sur l’affaire Audin mais le Général Massu a  refusé et Paul Aussaresses avec regret, a gardé le silence pour respecter le serment fait au Général Massu
 
Le 3 décembre 2013, Paul Aussaresses décède à Sainte-Marie-aux-Mines sans avoir parlé.
 
Le 28 mai 1957, des membres de l’ALN qui jugent que  la population du Douar de Melouza, aux frontières méridionales de la Kabylie, dans les villages de Mechta-Kasbah et Béni Ilmane s’allie au MNA, une unité de l’ALN commandée par le Capitaine Arab s’y rend et, pour punir les jeunes de cette zone qui refusent de se rallier à eux, ils font une boucherie en tuant plus de 300 jeunes hommes dans les villages de Mechta-Kasbah et Béni Ilmane.
 
Cet acte de l’ALN salit son image sur la scène internationale  et le Président français René Coty dit : « Je m’adresse à tous les peuples civilisés et je leur demande s’ils n’estiment pas le moment venu de signifier qu’ils refuseront toute audience aux fauteurs et aux agents de ce hideux terrorisme qui foule au pied toutes les lois au mépris de la conscience universelle. »
 
Le 7 février 1958, les combattants du FLN abattent un avion de chasse à partir de Sakh et le lendemain, le groupement aérien de Constantine bombarde Sakhiet-Sidi-Youssef et tue plus de 70 personnes dont 21 enfants qui se trouvent dans une école.
 
Surpris par la ténacité des algériens, le Général de Gaulle reconnaît, le 6 septembre 1959,  le droit des algériens à l’autodétermination. 
 
Or, dans sa tournée des commissariats en Algérie du 27 au 31 août 1959, le Général de Gaulle avait dit : « Moi vivant, jamais le drapeau du FLN ne flottera sur l’Algérie. »
 
Le 18  août 1962, en France, des pourparlers sont entamés entre français et indépendantistes algériens. Les français sont représentés par Louis Joxe, R. Buron et J. de Broglie quand l’Algérie prend comme représentants, Belkacm Krim, L. Ben Tobbal, S. Dahleb et M. Yazid.
 
Les deux parties concluent les Accords d’Evian. 
 
Par ces Accords, la France approuve l’indépendance de l’Algérie, reconnaît l’intégrité du territoire algérien y compris le Sahara,  l’évacuation progressive de ses troupes et le maintien pendant trois ans du taux de l’aide accordée à  l’Algérie en 1961.
 
De son côté, l’Algérie signe une déclaration pour maintenir la coopération  Franco-algérienne  et s’engage à respecter les accords conclus dans le domaine du pétrole.
 
Le 8 avril 1962, la France organise un référendum pour faire approuver les Accords d’Evian  au peuple français.
 
Le 5 juillet 1962, l’indépendance de l’Algérie est proclamée. 
 
Sur la base des  Accords d’Evian, Ahmed Ben Bella est libéré le 19 mars 1962 et nommé Vice-président du Gouvernement provisoire de la République algérienne. 
 
Il démissionne néanmoins pour constituer un bureau politique en charge de prendre en main les destinées du nouvel Etat indépendant.
 
Le 10 septembre 1962, Ahmed Ben Bella arrive en Algérie, dans les blindés  de son ami, le Colonel Houari Boumedine et l’ALN prend le contrôle du pays. 
 
Ahmed Ben Bella devient le Président du Conseil des ministres en 1962 et il forme le premier gouvernement de l’Algérie le 27 septembre 1962.
 
Au pouvoir, Ahmed Ben Bella rejette le marxisme  et  le communisme pour une idéologie particulière, un mélange de Panarabisme du Président égyptien Gamal Abdel Nasser et le Castrisme du Président cubain  Fidel Castro qui donne son propre système, le  Socialisme algérien. 
 
Il s’autogère par de grands programmes de réforme agraire et nationalise les moyens de production.
 
Le 20 octobre 1962, après un séjour aux Etats-Unis d’Amérique, le Président Ahmed Ben Bella est reçu à Cuba, par le Président cubain Fidel Castro et le révolutionnaire Ernesto Guevara dit le Ché avec lesquels il entretient des relations amicales.
 
Il apprécie le Ché pour sa simplicité et son combat acharné contre les impérialistes et déclare se sentir bien à ses côtés.
 
Aujourd’hui, il existe en Algérie, le Boulevard Che Guevara, situé dans le centre d’Alger.
 
En 1963, lorsqu’il dote son pays de sa première Constitution et accorde la primauté au FLN sur l’Assemblée constituante, le Président de cette Assemblée Ferhat Abbas démissionne. 
 
Le Président Ahmed Ben Bella place ses hommes et nomme le Colonel Houari Boumedine Vice-président du Conseil.
 
Le Président algérien fait hisser le drapeau de l’Algérie à l’Organisation des  Nations-Unies en la faisant entrer à l’ONU le 8 octobre 1962 par la résolution  1754 (XVII), adoptée par l’Assemblée générale à sa 1146ème séance plénière,  trois mois après la proclamation de l’indépendance de l’Algérie.
 
La politique intérieure n’est pas réjouissante car, la production agricole baisse avec la ruée des paysans dans les villes et cette situation créée plus de 2.500.000  chômeurs.
  
Le 4 juillet 1963, au premier anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, le Ché est présent parmi les invités de marque et dans un stade de football, plus de  20.000 personnes hurlent le nom du Ché.
 
Le Ché demeure en Algérie pendant trois semaines.
 
Mohamed Khider, un membre du Groupe des 9 qui s’oppose au Président Ahmed Ben Bella est assassiné en Espagne le  4 janvier 1967 et Krim Belkacem, un autre membre de ce groupe est retrouvé étranglé avec sa cravate, le 18 octobre 1970, dans une chambre d’hôtel de Francfort, en Allemagne.
 
Le 22 février 1965, le Ché effectue un second voyage en Algérie pour prendre part au Séminaire Economique de Solidarité Afro-Asiatique qui organise le combat des  Non-alignés  dans lequel le Président Ahmed Ben Bella s’est engagé et le Ché conclut le Séminaire en disant : « Peu de scènes sont aussi symboliques qu’Alger, l’une des capitales de la liberté les plus héroïques, pour une telle déclaration. Que l’admirable peuple algérien, trempé comme peu de peuples l’ont été dans les souffrances de l’indépendance, sous la direction de son parti, nous inspire dans cette lutte sans quartiers contre l’impérialisme yankee. »
 
Les Non-alignés veulent inventer autre chose que le système mondial et le Président Ahmed Ben Bella explique cette démarche : « Très vite, j’ai pris conscience que nous étions confrontés à un problème plus large que la libération du pays : le système mondial. Lorsque j’étais Président de la République algérienne, je me suis  immédiatement rendu compte que nous avions récupéré un hymne, un drapeau. Rien d’autre. Tout ce qui concernait le développement du pays était bloqué. Le système capitaliste fixait les prix. A Chicago, le prix du blé, à Londres le prix du café, etc. Le système déterminait et détermine toujours les prix. Je n’étais pas le seul à tenter d’agir contre ce système qui nous corsetait, nous étranglait. Notre cause était la même que celle de l’Indien Nehru, de l’Egyptien Nasser, du Brésilien Goulart, de l’Indonésien Sukarno. Nous avions libéré nos pays du colonialisme, mais nous restions pieds et poings liés par le système. Notre idée commune visait à construire un autre projet : après la libération de nos territoires et face au système mondial, nous étions tous d’accord pour inventer quelque chose de neuf au sein du  mouvement des non-alignés.  Ce système mondial ne date pas d’hier. On pourrait le dater de 1492. Pour nous, Arabes, cette date est essentielle. C’est l’année où Grenade a été prise par Isabelle la Catholique. On peut penser ce qu’on veut de la présence des Arabes en Espagne durant huit siècles. Certes, ils n’étaient pas chez eux, mais pendant cette période les hommes se sont acceptés,  les religions ont cohabité. Puis vint l’Inquisition et la mise en place, déjà, d’un nouvel ordre. Ne croyez pas que je m’égare. Il faut toujours revenir à l’histoire. Après les indépendances, nous avons décidé, avec Nasser et d’autres compagnons, d’organiser un congrès à Alger en 1965, le Congrès afro-asiatique. Que recherchions-nous ? Créer un autre système mondial, face aux systèmes capitaliste et soviétique. Nous étions soixante chefs d’Etat et dirigeants politiques qui voulions négocier avec l’Occident. Nous préconisions le dialogue, celui que l’on appelle aujourd’hui  » Nord-Sud « . Ce dialogue, en ce début de XXIe siècle, n’existe toujours pas. »
 
Le Président algérien poursuit la lutte contre l’impérialisme et pendant son règne, il fait de l’Algérie, la terre d’accueil des indépendantistes  du monde qu’il n’hésite pas à aider, Nelson Mandela pour l’Afrique du Sud ; Eduardo Mondlane et Samora Machel  pour le Mozambique ; Ernest Ouandié et Félix-Roland Moumié pour le Cameroun ; Amilcar Cabral pour la Guinée Bissau…
 
Le responsable des relations extérieures de l’ANC, Johnny Makatini a affirmé qu’en 1960, Nelson Mandela  était en Algérie pour une formation militaire bien avant le déclenchement de la lutte armée contre le régime d’apartheid de l’Afrique du Sud.
 
Nelson Mandela  et le représentant permanent de l’ANC en Algérie, Robert Reisha avaient été reçus par le Commandant  Kaïd Ahmed qui se trouvait sous les ordres du chef d’Etat-major algérien Boumediene.
 
Cette rencontre s’était faite dans le plus grand des secrets puisque le Bureau of State Security (Boss) du régime d’apartheid de l’Afrique du Sud suivait à la trace tous les membres de l’ANC qu’ils qualifiaient de terroristes et de criminels.
 
Pour ce faire, les identités de Mandela et Reisha avaient été dissimulées et les autorités algériennes avaient intégré leurs noms à ceux de la délégation de la Conférence des organisations nationales des colonies portugaises en mission chez l’ALN.
 
Nelson Mandela et Robert Reisha avaient été confiés à Chérif Belkacem et tous les deux s’étaient rendus en zone opérationnelle aux frontières algéro-marocaines pour voir les tirs d’artillerie des français sur les indépendantistes algériens.
 
Les visiteurs se sont ensuite rendus au camp d’instruction de Zghenghen dans le Rif selon le site web www.legrandsoir.info, Ahmed Ben Bella justifie son hospitalité  légendaire et dit à la journaliste suisse, Silvia Cattori en 2006 : « …Tout de suite après  l’indépendance, je me suis associé à tous ceux qui, dans le monde, se battaient eux aussi pour libérer leur pays. Il y a donc eu cette phase de la lutte de libération nationale à laquelle j’ai participé de façon totale. En Tunisie, au Maroc, au Vietnam, l’Algérie était devenue un peu la mère des luttes de libération ; les soutenir était donc pour nous une tâche sacrée. Quand quelqu’un venait nous demander de l’aide, c’était sacré. On ne réfléchissait même pas. On les aidait, alors même que nous n’avions que peu de moyens ; on leur offrait des armes, un peu d’argent et, le cas échéant, des hommes… »
 
L’Algérie est baptisée La Mecque des mouvements de libération et Amilcar Cabral de la Guinée Bissau dit : « Les chrétiens vont au Vatican, les musulmans à la Mecque et les révolutionnaires à Alger.» 
 
Mohammed Harbi, un combattant du FLN informe le Président Ahmed Ben Bella des rumeurs de coup d’Etat mais il ne l’écoute pas et choisit de se couper de ses soutiens au sein des amis politiques de Mohammed Harbi.
 
Son obsession d’autogestion l’emmène à se rapprocher encore plus des syndicalistes favorables à son idéologie.
 
De plus, il envisage mettre fin aux fonctions du ministre des Affaires étrangères Abdelaziz Bouteflika, un proche du ministre de la Défense Boumedine.
 
Mohammed Harbi le lui déconseille mais le 28 mai 1965, le Président Ahmed Ben Bella limoge le ministre Abdelaziz Bouteflika.
 
Une vingtaine de jours après le limogeage  du ministre Abdelaziz Bouteflika, le Président Ahmed Ben Bella est victime d’un coup d’Etat dans la nuit du 18 au 19 juin 1965.
 
Coup d’Etat commandité par son ministre de la Défense,  le Colonel Houari Boumedine, son compagnon de trente trois ans de lutte acharnée pour l’indépendance de l’Algérie.
 
Le Colonel Houari Boumedine est soutenu par le ministre Abdelaziz Bouteflika.
 
Arrêté, l’ex-Président Ahmed Ben Bella est gardé au secret pendant huit mois et  transféré au château Holden, dans le Mitidja. Il reste prisonnier pendant douze ans sous la surveillance des caméras et des micros de sécurité militaire. 
 
Le nouveau Président fait interdire les visites à l’ex-Président algérien mais quelques années après, il autorise sa mère, presque centenaire à lui rendre visite.
 
Elle est humiliée en attendant de voir son fils. 
 
Détenu dans une résidence d’Etat à Bouira, au sud-ouest d’Alger, la  journaliste Zohra Sellami, hostile à l’ex-Président algérien au départ, finit par tomber amoureuse de lui.
 
Zohra Sellami, algérienne originaire de M’sila est journaliste à l’hebdo Révolution africaine, organe central du Front de libération nationale (FLN) qui s’est spécialisée dans les mouvements révolutionnaires africains, en particulier, le Frelimo du Mozambique où elle s’est rendue à plusieurs reprises et le PAIGC d’Amilcar Cabral de la Guinée Bissau et du Cap-Vert. 
 
Par l’intermédiaire d’un militaire de la Sécurité, la journaliste reçoit une demande en mariage d’Ahmed Ben Bella et elle l’accepte sachant qu’elle liera sa vie à celle d’un condamné à perpétuité.
 
L’ex-Président Ahmed Ben Bella et Zohra Sellami  se marient en 1972. Ils  adoptent trois enfants, deux filles et un garçon handicapé.
 
Lorsque le Président Houari Boumedine qui qualifiait son coup d’Etat de Redressement révolutionnaire  meurt en 1978, l’ex-Président Ahmed Ben Bella et sa famille sont transférés en 1979 dans une résidence surveillée dans le sud de l’Algérie, à M’sila.
 
Le 30 octobre 1980, le nouveau Président de l’Algérie, Chadli Bendjedid  libère  l’ex-Président Ahmed Ben Bella et lui accorde  une pension annuelle de 12 000 dinars ou 2.328.370 FCFA et une villa à Alger-Bologhine mais Ahmed Ben Bella préfère s’exiler. 
 
Il s’installe en Suisse à Pregny-Chambésy en 1980 avec sa famille où, avec un compagnon de combat exilé comme lui, Hocine Aït Ahmed, ils créent en 1982 le Mouvement pour la démocratie en Algérie (MDA). 
 
En septembre 1990, il met fin à son exil et rentre en Algérie. 
 
La même année de son arrivée en Algérie, son Parti politique, le Mouvement pour la démocratie en Algérie (MDA) est légalisé.
 
Le 29 juin 1992, un membre du Groupe des 9,  Mohamed Boudiaf est assassiné en Algérie pendant une Conférence des Cadres à Annaba, une ville située à 152 km au nord-est de Constantin et quatrième ville d’Algérie.
 
Rabah Bitat, membre du Groupe des 9 meurt aussi le 10 avril 2000 à Paris. Il avait été condamné à la prison à vie en 1955 mais a été libéré en 1962 avec le cessez-le-feu.
 
La guerre d’Algérie a fait  plus de 600.000 morts.
 
Le 10 juin 1997, le MDA de l’ex-Président Ahmed Ben Bella est dissous par le Tribunal d’Alger.
 
En 2007, il est nommé Président du  groupe des  Sages de l’Union africaine et il dit : « Je suis le président de cette commission des Sages, même si je n’ai pas été sage toute ma vie. ». 
 
Il devient, membre  du Comité de parrainage du Tribunal Russell sur la  Palestine en 2009.
 
Le 24 mars 2010, à 67 ans, Zohra Sellami Ben Bella décède dans un hôpital parisien et est inhumée en présence  des autorités importantes de l’Algérie et d’autres pays.
 
Le 11 avril 2012, soit deux années après la mort de sa femme Zohra, l’ex-Président Ahmed Ben Bella décède paisiblement à son domicile. Le Président de l’Algérie Abdelaziz Bouteflika décrète huit jours de deuil national en hommage au premier Président de l’Algérie, Ahmed Ben Bella. 
 
Et, étaient présents pour  conduire l’ex-Président Ahmed Ben Bella à sa dernière demeure au carré des Martyrs du grand cimetière Al-Alia d’Alger le 13 avril 2012, le Président algérien Abdelaziz Bouteflika, le Président tunisien Moncef Marzouki,  le Premier ministre marocain Abdelilah Benkirane, le Président mauritanien Moulay Oulad Mohamed El Aghdas, le Président sahraoui du Front Polisario Mohamed Abdelaziz, l’ancien Président algérien Chadli Bendjedid et bien d’autres personnalités et anonymes.
 
Le Premier ministre marocain, Abdelilah Benkirane lui rend hommage en déclarant : «  Ahmed Ben Bella a été un symbole de la lutte contre le colonialisme »

 

PAROLE FORTE DU LEADER AHMED BEN BELLA :

« Nous sommes sortis d’un système de colonialisme  direct
en 
échange de  quelque chose qui paraît meilleur, mais qui ne l’est pas. »

 
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DISCOURS DU FLN TENU DANS LA NUIT
DU 31 OCTOBRE 1954 AU 1ER NOVEMBRE 1954
 
 
Peuple algérien, 
 
Militants de la cause nationale, 
 
A vous qui êtes appelés à nous juger (le premier d’une façon générale, les seconds tout particulièrement), notre souci en diffusant la présente proclamation est de vous éclairer sur les raisons profondes qui nous ont poussés à agir en vous exposant notre programme, le sens de notre action, le bien-fondé de nos vues dont le but demeure l’indépendance nationale dans le cadre nord-africain. 
 
Notre désir aussi est de vous éviter la confusion que pourraient entretenir l’impérialisme et ses agents administratifs et autres politicailleurs véreux. 
 
Nous considérons avant tout qu’après des décades de lutte, le mouvement national a atteint sa phase de réalisation. En effet, le but d’un mouvement révolutionnaire étant de créer toutes les conditions d’une action libératrice, nous estimons que, sous ses aspects internes, le peuple est uni derrière le mot d’ordre d’indépendance et d’action et, sous les aspects extérieurs, le climat de détente est favorable pour le règlement des problèmes mineurs, dont le nôtre, avec surtout l’appui diplomatique de nos frères arabo-musulmans. 
 
Les évènements du Maroc et de Tunisie sont à ces sujets significatifs et marquent profondément le processus de la lutte de libération de l’Afrique du Nord. (Noter dans ce domaine que nous avons depuis fort longtemps été les précurseurs de l’unité dans l’action, malheureusement jamais réalisée entre les trois pays). 
 
Aujourd’hui, les uns et les autres sont engagés résolument dans cette voie, et nous, relégués à l’arrière, nous subissons le sort de ceux qui sont dépassés. 
 
C’est ainsi que notre mouvement national, terrassé par des années d’immobilisme et de routine, mal orienté, privé du soutien indispensable de l’opinion populaire, dépassé par les évènements, se désagrège progressivement à la grande satisfaction du colonialisme qui croit avoir remporté la plus grande victoire de sa lutte contre l’avant-garde algérienne. 
 
L’HEURE EST GRAVE !
 
Devant cette situation qui risque de devenir irréparable, une équipe de jeunes responsables et militants conscients, ralliant autour d’elle la majorités des éléments encore sains et décidés, a jugé le moment venu de sortir le mouvement national de l’impasse où l’ont acculé les luttes de personnes et d’influence, pour le lancer aux côtés des frères Marocains et Tunisiens dans la véritable lutte révolutionnaire. 
 
Nous tenons à cet effet à préciser que nous sommes indépendants des deux clans qui se disputent le pouvoir. Plaçant l’intérêt national au-dessus de toutes les considérations mesquines et erronées de personnes et prestige, conformément aux principes révolutionnaires, notre action est dirigée uniquement contre le colonialisme, seul ennemi et aveugle, qui s’est toujours refusé à accorder la moindre liberté par des moyens de lutte pacifique. 
 
Ce sont là, nous pensons, des raisons suffisantes qui font que notre mouvement de rénovation se présente sous l’étiquette de FRONT DE LIBERATION NATIONALE, se dégageant ainsi de toutes les compromissions possibles et offrant la possibilité à tous les patriotes Algériens de toutes les couches sociales, de tous les partis et mouvements purement Algériens, de s’intégrer dans la lutte de libération sans aucune autre considération. Pour préciser, nous retraçons ci-après, les grandes lignes de notre programme politique : 
 
BUT : L’Indépendance nationale par : La restauration de l’état Algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques. Le respect de toutes les libertés fondamentales sans distinction de races et de confessions. 
 
OBJECTIFS INTERIEURS : Assainissement politique par la remise du mouvement national révolutionnaire dans sa véritable voie et par l’anéantissement de tous les vestiges de corruption et de réformisme, cause de notre régression actuelle. 
 
Rassemblement et organisation de toutes les énergies saines du peuple Algérien pour la liquidation du système colonial. 
 
OBJECTIFS EXTERIEURS : Internationalisation du problème Algérien. Réalisation de l’Unité nord-africaine dans le cadre naturel Arabo-musulman. Dans le cadre de la charte des Nations unies, affirmation de notre sympathie à l’égard de toutes nations qui appuieraient notre action libératrice. 
 
MOYENS DE LUTTE : Conformément aux principes révolutionnaires et comptes tenu des situations intérieure et extérieure, la continuation de la lutte par tous les moyens jusqu’à la réalisation de notre but. Pour parvenir à ces fins, le Front de libération nationale aura deux tâches essentielles à mener de front et simultanément : une action intérieure tant sur le plan politique que sur le plan de l’action propre, et une action extérieure en vue de faire du problème Algérien une réalité pour le monde entier avec l’appui de tous nos alliés naturels. C’est là une tâche écrasante qui nécessite la mobilisation de toutes les énergies et toutes les ressources nationales. 
 
Il est vrai, la lutte sera longue mais l’issue est certaine. En dernier lieu, afin d’éviter les fausses interprétations et les faux-fuyants, pour prouver notre désir de paix, limiter les pertes en vies humains et les effusions de sang, nous avançons une plate-forme honorable de discussion aux autorités Françaises si ces dernières sont animées de bonne foi et reconnaissent une fois pour toutes aux peuples qu’elles subjuguent le droit de disposer d’eux-mêmes. 
 
La reconnaissance de la nationalité Algérienne par une déclaration officielle abrogeant les édits, décrets et lois faisant de l’Algérie une terre Française en déni de l’histoire, de la géographie, de la langue, de la religion et des mœurs du peuple Algérien. 
 
L’ouverture des négociations avec les porte-parole autorisés du peuple algérien sur les bases de la reconnaissance de la souveraineté algérienne, une et indivisible. 
 
La création d’un climat de confiance par la libération de tous les détenus politiques, la levée de toutes les mesures d’exception et l’arrêt de toute poursuite contre les forces combattantes. 
 
EN CONTREPARTIE : Les intérêts Français, culturels et économiques, honnêtement acquis, seront respectés ainsi que les personnes et les familles. Tous les français désirant rester en Algérie auront le choix entre leur nationalité et seront de ce fait considérés comme étrangers vis-à-vis des lois en vigueur ou opteront pour la nationalité Algérienne et, dans ce cas, seront considérés comme tels en droits et en devoirs. Les liens entre la France et l’Algérie seront définis et feront l’objet d’un accord entre les deux puissances sur la base de l’égalité et du respect de chacun. 
 
Algérien ! Nous t’invitons à méditer notre charte ci-dessus. 
 
Ton devoir est de t’y associer pour sauver notre pays et lui rendre sa liberté ; le Front de libération nationale est ton front, sa victoire est la tienne. 
 
Quant à nous, résolus à poursuivre la lutte, sûrs de tes sentiments anti-impérialistes, nous donnons le meilleur  à nous-mêmes à la patrie. 
 
Le Secrétariat national.
 
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ENTRETIEN AVEC AHMED BEN BELLA PARU DANS « SANS FRONTIERE »,
SEMAINE
DU 26 MARS AU 1ER AVRIL 1982
 
 
SANS FRONTIERE : La première question fait un peu retour à l’histoire. Il y a 20 ans, les Accords d’Evian étaient signés. Mais il semble que cela a correspondu du côté Algérien, à des divisions entre le G.P.R.A. et l’Etat Major de l’A.L.N.
 
BEN BELLA : Oui, il y avait effectivement un problème au sein de la révolution algérienne. C’est un peu le divorce entre le GPRA d’une part, et l’Armée de Libération Nationale qui était aux frontières d’autre part, mais aussi la moitié des wilayas qui étaient à l’intérieur puisque trois wilayas intérieures sur six, se sont désolidarisées avec l’Armée des frontières. Il y avait eu cassure, depuis un an et demi un malaise était perçu. Il avait pris toute son ampleur lors d’un incident : le bombardement de l’ALN en Tunisie et la capture de l’aviateur français qui avait bombardé nos positions. Son avion avait été descendu par notre DCA et le gouvernement tunisien avait jugé utile de récupérer cet aviateur estimant que l’incident s’était produit en territoire tunisien, le problème relevait de sa souveraineté nationale et donc que c’était un acte de souveraineté de réclamer cet aviateur. L’Etat major de l’Armée estimait qu’il était venu bombarder des troupes algériennes et qu’il avait été arrêté dans un combat contre les troupes algériennes. L’Armée se disait prête à le libérer à condition qu’il y ait échange de prisonniers, puisqu’il était prisonnier de l’ALN donc du  gouvernement algérien, le GPRA. Or le GPRA avait purement et simplement endossé la thèse tunisienne et donc il y a eu une brisure.
 
Il faut comprendre, que c’est un peu la goutte qui a fait déborder le vase. Il y avait un long contentieux qui s’était créé entre d’une part ce qu’on peut appeler les 
« politiques » et d’autre part, les militaires, et jusqu’à ce moment donc la cassure avait été consommée. Il est vrai que les dirigeants de l’ALN s’étaient montrés réticents relativement à la signature de ces accords d’Evian.
 
SANS FRONTIERE : Et à propos du Sahara aussi ?
 
BEN BELLA : Non pour l’affaire du Sahara, il n’y avait aucun problème, la France reconnaissait après avoir essayé de substituer et d’annexer le Sahara, dans les accords d’Evian l’unité du territoire algérien. Le problème ne se posait donc plus entre d’une part le GPRA et l’armée d’autre part. Le problème du Sahara avait été purement et simplement résolu du fait de la reconnaissance par le gouvernement français du bien-fondé de la thèse du FLN. En tout cas il n’existait pas entre l’armée et le GPRA. Il avait été vidé de son contenu, la France ayant reconnu la thèse du GPRA.
 
SANS FRONTIERE : Messali Hadj réapparait aujourd’hui. Vous venez même de préfacer le livre relatant ses mémoires qui vient de sortir.
 
BEN BELLA : Oui j’ai préfacé ses mémoires tout en pesant parfaitement mon geste, je l’ai fait volontairement, parce que j’estimais que le moment était venu de jeter un regard lucide sur notre histoire.
 
Notre révolution comme toute révolution draine dans son cours des hauts et des bas, et parfois des déchirures qui sont graves, le moment est venu de réparer notre tissu politique. Comment ? En jetant un regard… En ce qui concerne Messali Hadj, je suis bien placé pour le connaître, j’ai vécu près de lui, j’ai partagé des responsabilités dans un comité central avec lui. Je connais très bien le cours de la révolution algérienne, j’étais un de ceux qui ont fait le premier novembre, j’estime que le moment est venu de rendre à cet homme l’hommage qui lui est dû. Cet homme fût le père du mouvement national. Il a été le seul ici en 1926, alors qu’il était un vendeur de quatre saisons, de parler d’indépendance, alors que c’était un crime de lèse-majesté, pas seulement pour les français mais aussi pour les Algériens
 
De 1926 à 1954, il n’a pas cessé de réclamer l’indépendance alors que d’autres, c’est à dire tous les autres, ont pu s’accommoder des thèses françaises en essayant de créer des points de vue à soutenir les thèses françaises.
 
Nous nous sommes séparés en 1954, cruellement avec lui. Moi-même, je l’ai combattu, mais je me défends d’oublier que pendant 28 ans, cet homme a été le seul à défendre cette idée. Et le connaissant de très près, lui qui est un révolutionnaire, alors que d’autres ne l’étaient pas, il s’est peut-être fourvoyé. D’autres étaient des réformistes, qui malheureusement tiennent le haut du pavé. J’ai eu mal de voir que des gens qui ont combattu le premier novembre, tiennent le haut du pavé maintenant, contrôlent des secteurs importants de la vie politique du pays, alors qu’un homme qui pendant 28 ans n’a jamais changé, qui a eu une attitude admirable devant les tribunaux français, dort dans un coin perdu à Tlemcen, comme un lépreux.
 
SANS FRONTIERE : Pensez-vous qu’il soit souhaitable qu’à l’occasion du 20e anniversaire, il soit réhabilité officiellement en Algérie et que son corps repose au carré des « Chouhada » (martyrs) ?
 
BEN BELLA : Moi je pense que c’est un « chahid » comme tous les autres. Je le souhaiterais et pas seulement pour Messali Hadj. Même les morts du F.F.S. et tous les autres qui se sont battus sincèrement sont des chouhadas » pour nous. Et là je ne fais que reprendre à mon compte un héritage qui est ancien. Nos anciens califes ont eu cette attitude. Ils ont eu les mêmes problèmes. Ils se sont déchirés, mais ils ont toujours reconnu que tous ceux qui se sont battus sont des « chahid ». L’Imam Ali, je l’ai cité dans ma préface, lors de la bataille du jmel (chameau) qui est restée célèbre dans l’histoire de l’Islam, a fait la prière dans les deux camps. Et lorsque ses partisans ont dit « hier nous les combattions et aujourd’hui tu fais prière pour eux ». Il a dit : « Oui je fais la prière pour eux. Tous ceux qui étaient sincères sont des chouhadas ». Je souhaiterais pour ma part, qu’on refasse notre tissu politique et social, que notre mémoire ne soit pas blessée, que nous reconstituions petit à petit cette mémoire, et que toute reconstruction est à ce prix, parce qu’on ne reconstruit pas sur l’injustice, on ne reconstruit pas sur une falsification aussi dangereuse pour notre pays. Je ne suis pas messaliste, j’ai combattu cet homme mais je dois dire qu’il a été grand, très grand, très longtemps tout seul à avancer, à défendre la cause, parce qu’il a été pendant toute cette phase le seul à la défendre.
 
Nous somme tous, ceux qui ont fait le premier novembre, tous des fils de son parti, et non pas par exemple de l’UDMA ou du parti communiste ou des Oulémas et que nous ne devons pas oublier  28 ans d’histoire.
 
Le moment est venu de moraliser notre révolution et de rendre à chacun son dû. Cet homme a assumé des responsabilités dans certaines perversions etc… il ne faut pas oublier ce qu’il a été avant c’est un homme immense. Le moment est venu pour qu’il soit enterré dans le carré des chouhadas.
 
SANS FRONTIERE : Donc 20 ans après, il faut tirer un trait pour la réconciliation des Algériens. Pendant longtemps, être messaliste était égal à traître.
 
BEN BELLA : La majorité des militants MNA étaient de grands militants. Ils nous ont combattus. Ce qu’il faut maintenant malheureusement déplorer, c’est que nous n’avons pas trouvé une forme de combat telle que celle des Palestiniens par exemple. Eux combattent par exemple dans un front, où il y a dix, onze organisations, et j’estime qu’ils ont adopté des méthodes infiniment supérieures à celles que nous avions utilisées pendant notre guerre de libération. Nous nous sommes combattus aveuglément, et cela n’a pas été finalement pour l’intérêt du pays, parce que de très bons militants sont morts malheureusement lors de ces luttes fratricides, et aujourd’hui nous en aurions eu énormément besoin. Nous avons eu des pertes inouïes de la part des français. Mais nous nous sommes fait très mal nous aussi, malheureusement, nous sentons maintenant un vide absolument  effrayant dans le pays, parce que nous avons perdu ces militants. Il faut dire, nous n’avions pas su trouver des méthodes d’action de sorte que nous puissions créer un front avec des courants d’opinions différents ; prendre le fusil face à  l’ennemi, mais en nous entendant sur un programme minimum. Cela aurait été au contraire une garantie pour l’après-indépendance, pour la démocratisation de la vie politique ; tout cela a été un goulot d’étranglement et maintenant, nous le sentons très fort. Mais il est clair maintenant qu’il convient de moraliser notre révolution.
 
Une révolution est grande lorsqu’elle reconnaît certaines de ses erreurs, lorsqu’elle jette un regard tranquille sur les déchirures qui se sont produites. Par exemple, l’affaire de « Mellouza », je pense que cela grandirait la révolution de dire que nous nous sommes trompés, nous avons dit c’est pas nous, c’est les Français, etc… et jusqu’à présent, nous soutenons cette thèse.
 
SANS FRONTIERE : Pouvez-vous rappeler l’affaire Mellouza ?
 
BEN BELLA : L’affaire « Mellouza » est une affaire entre le F.L.N. et le M.N.A., un point c’est tout. Ce n’est pas une affaire qui a été montée par le gouvernement français, c’est absolument faux. C’est une des affaires malheureuses de notre lutte, cette lutte fratricide où des responsables locaux vont très loin parfois, prennent des initiatives qui sont dangereuses, qui nous blessent très longtemps. L’affaire Mellouza, est cette blessure, par exemple. C’est un exemple vraiment significatif de ces aberrations, de ces glissades dangereuses que nous avons fait, lors de la lutte de libération. Nous n’avons jamais voulu reconnaître qu’un chef local a été trop loin, qu’il a fait un acte regrettable. Aujourd’hui, je suis allé moi-même. Je me rappelle lorsque j’étais à [Mellouza], à ce douar. Ce sont des gens qui vivent comme des pestiférés, aujourd’hui encore, même le sous-préfet et le préfet ne veulent pas aller leur rendre visite. Ils étaient M.N.A. J’ai dit à l’Imam, la révolution passera un jour et elle érigera un mur pour dire nous nous sommes trompés. Cela nous grandira. Il  faut que nous fassions cela pour l’histoire, pour ces gens qui sont là, parce qu’un jour nous avons commis une grave injustice envers eux. Quel champ d’honneur ?
 
SANS FRONTIERE : Monsieur le Président, il est un autre personnage oublié de la révolution algérienne, Abane Ramdane. Jusque-là, nous n’avons eu que des informations du côté français. Pouvez-vous, dire quels étaient les débats idéologiques de l’époque et les responsabilités politiques des uns et des autres.
 
BEN BELLA : C’est vrai que l’histoire algérienne de l’époque n’est pas encore écrite mais c’est la faute des dirigeants actuels. Les dirigeants ne veulent pas qu’elle soit écrite, parce qu’elle dérange tout simplement, parce que pour certains, c’est un véritable acte d’accusation. L’histoire chez nous est oblitérée, complètement bloquée parce que les dirigeants ne veulent pas qu’elle soit écrite, sinon par récupération, et pour l’écrire, selon le fait du prince. L’histoire ne s’écrit pas comme  ça. L’histoire s’écrit toujours, un jour ou l’autre, elle dit toujours son dernier mot, et nul ne peut ruser avec l’histoire. Cette histoire s’écrira donc, je ne me fais aucun souci. De toutes façons à l’heure actuelle, il ne peut s’agir que de témoignages, puisque les acteurs sont encore là, ils ne peuvent prétendre à l’objectivité. Il faut seulement souhaiter que les acteurs écrivent de plus en plus.
 
Pour ce qui concerne Abane, il y a des rues qui portent son nom dans toute l’Algérie, mais il faut dire que là aussi, c’est une mystification. Car Abane a été liquidé par la direction du G.P.R.A. J’étais en prison lorsqu’Abane a été liquidé. Alors, quels étaient les problèmes de l’époque ? Les problèmes qui étaient agités étaient que le civil devait prendre le pas sur le militaire, que le F.L.N. dirige la révolution. Abane a eu même des démêlés avec moi, je dois dire.
 
Et là, je dois le répéter, sur le plan des procédés qui ont été utilisés pour la liquidation d’Abane, je condamne totalement ce procédé parce qu’il est ignoble, et qu’il entache la révolution algérienne. Il a été appelé sous prétexte qu’il était invité par le Roi du Maroc, et là il a été arrêté par les dirigeants (de la révolution algérienne N.D.L.R.) et étranglé par des lacets, comme un simple… C’est absolument abominable, sans procès, ni rien. Un procès cela voulait dire un accord tacite entre les dirigeants. Je dois dire pour être objectif, pour ne pas avoir l’air de charger les gens, que personnellement, je n’étais pas d’accord avec Abane, j’estime même qu’il a été à l’origine d’une des plus grandes confusions de la révolution algérienne. Abane était un dirigeant absolument remarquable mais il n’était pas à la hauteur des besoins idéologiques. C’est lui qui lors du congrès de la Soummam a permis que des gens qui étaient contre le premier novembre 54, s’introduisent dans les organismes dirigeants. L’association des « Oulémas » par exemple, Cheikh Kheireddine et Madani par exemple, nous ont combattus pendant un an et demi. Nous avons même été obligés de liquider le courant des UDMA.  Le neveu de Ferhat  Abbas, nous l’avons liquidé pour que Ferhat Abbas se taise. Et bien Ferhat Abbas a été propulsé avec Boumendjel, et avec Francis, ainsi que toute une équipe, ainsi que le courant centraliste qui était opposé à Messali. Je crois que ce courant était dangereux. Entre les deux, mon choix aurait été fait, j’étais pour le courant messaliste. Tant que j’avais l’espoir que Messali viendrait avec nous pour faire la révolution. Or ils se sont trouvés en masse au sein des organismes dirigeants et c’est justement eux qui sont allés faire la paix avec les français.
 
Il n’y a pas besoin de citer des noms. Cela est dû essentiellement à Ahane. Parce qu’Abane n’a jamais fait partie de l’OS parce qu’il n’a jamais participé à un comité central et il n’a trouvé rien de mieux à faire ; parce qu’il trouvait un vide inouï, que de faire venir la racaille je dis bien la racaille, politique, je n’ai pas d’autres mots à dire, tous les réformistes. Voilà pour moi la faute d’Abane ?
 
Je lui reproche aussi un style, je ne veux pas dire fasciste, mais tout ceux qui étaient autour de lui sont insultés à longueur de temps. Krim Belkacem pour moi porte une responsabilité dans ce qui s’est passé en Algérie. Krim était traité comme un petit larbin, alors que Krim n’est pas un larbin. Par peur de lui, par réaction, par peur  d’être liquidé un jour, finalement, ils se sont entendus pour le liquider (Abane) de la façon dont on sait qu’il a été liquidé, d’une façon ignoble. Voilà ce que j’ai à dire en ce qui concerne Abane. Donc Abane a été liquidé vraiment, avec des méthodes qui déshonorent la révolution algérienne. Je n’hésite pas à le dire. Lorsque j’ai appris cela en prison, je dois dire que cela ne m’a pas étonné, et c’est des aimées après, que j’ai appris comment il avait été liquidé. Mais je dois dire qu’Abane porte une grande responsabilité dans la perversion qui s’est installée dans la révolution dès 1956 pour finalement déboucher sur la situation que nous connaissons aujourd’hui. C’est une longue histoire.
 
Ce qu’il faut souhaiter, c’est que tous se mettent à écrire. C’est une nécessité, un devoir pour tous les acteurs de la révolution algérienne. Djounouds de la Willaya III commandée par Amirouche faisant la prière dans le maquis.
 
SANS FRONTIERE : Comment explique-t-on le silence qui existe jusqu’à maintenant ? Or beaucoup de gens commencent à disparaître comme Boussouf sans rien laisser d’écrit.
 
BEN BELLA : Je ne pense pas que Boussouf ait écrit. Boussouf a été la dimension sale de la révolution algérienne. Boussouf c’est les liquidations, les dossiers, le Beria de la révolution. S’il n’a rien écrit, c’est qu’il n’a rien à dire, au contraire, on avait beaucoup de choses à dire contre lui. Je regrette de parler d’un mort, mais c’est la vérité. En tous les cas il a terminé comme un milliardaire, il avait 800 ou 400 milliards, je ne sais pas combien. Il a fini comme un milliardaire pourri d’argent.
 
SANS FRONTIERE : En 1965, vous êtes déposé. Est-ce que cela vous a surpris ? Quelques années plus tard, qu’est-ce que vous en retirez ?
 
BEN BELLA : Bien sûr, j’ai toujours pensé que je pouvais être démis de mes fonctions. Avant le coup d’état de 1965, il ne se passait pas cinq mois sans qu’il n’y ait de tentative de coup d’état. Toutes les contradictions de la révolution algérienne se trouvaient réunies après l’indépendance. Nous étions tout simplement menacés de « congolisation ».
 
Les problèmes de Wilaya, les purges, les problèmes immenses de la révolution algérienne qui s’étaient accumulés se sont trouvés soudain posés, au moment le plus mauvais, au moment où l’Algérie était blessé, où son économie était par terre.
 
Nous ne disposions pas de huit milliards pour vivre six mois. A ce moment, tous les problèmes se sont posés notamment celui des wilayas qui ont dû vivre repliées sur elles-mêmes, selon leurs propres moyens. Cela s’est traduit par une situation dangereuse. Nous étions réellement menacés d’une congolisation. Il y a eu tout de suite la wilaya III puis la wilaya IV, qui se sont rebellées et rappelez-vous l’affaire de Tizi Ouzou, conjuguée avec celle de Tindouf. Ensuite Moussa et Boudiaf ont tenté de remettre cela avec Hassani. J’ai vécu en permanence dans une situation de menace de coups d’état. Mon expérience m’a appris qu’il faut rester calme dans ce genre de situation, sinon il faut régler cela par des moyens expéditifs. Pour moi le pouvoir  n’était pas une fin en soi. J’ai essayé de faire l’économie du sang, j’ai estimé que mon pays avait payé un lourd tribut de sang ; il fallait régler le problème entre les révolutionnaires non pas avec des mitraillettes mais par la discussion, l’échange d’idées, par le choix de programmes.
 
J’ai refusé le choix du sang, sinon j’aurais pu rester au pouvoir, j’aurais eu un pouvoir pareil à ceux qu’on voit dans le Tiers-Monde. Le pouvoir n’a jamais été une fin en soi, j’ai voulu créer, apporter une dimension nouvelle, j’ai voulu que nous ayons une autre approche de nos problèmes par le dialogue. J’ai longtemps dialogué avec tout le monde.
 
Nous avons réglé la plupart des problèmes. La révolution algérienne, on peut le dire, a fait l’économie du sang. La plupart de ceux qui se sont rebellés contre le pouvoir sont finalement encore en vie. Ce n’était pas nouveau pour moi d’autant  que nous allions tenir une conférence afro-asiatique où nous devions discuter de la  création d’un nouvel ordre mondial différent deux jours avant le coup d’état, je ne pensais pas que des hommes allaient frapper avec des armes que nous leur avions donné pour d’autres combats, et qu’ils les retournent aussi vite, parce que nous ne partageons pas les mêmes idées, la même approche des problèmes.
 
SANS FRONTIERE : Vous restez quand-même un éventuel recours en Algérie. D’après les propos que vous venez de tenir, il semble que Ben Bella et le pouvoir c’est fini. Un nouveau Ben Bella apparaît.
 
BEN BELLA : Non, il n’y a pas de nouveau Ben Bella, c’est le même Ben Bella qui continue. Il n’y a pas eu de discussion entre le pouvoir et moi. Il n’y en a pas eu. Ceux que je voyais c’était des policiers. Je n’ai eu à faire qu’à des policiers. Il y a eu des débats policiers. Je n’ai pas eu de négociations avec ce gouvernement et je ne pouvais pas de toute façon accepter de revenir à la présidence avec la situation qui existe dans notre pays car je serais devenu un cadavre. C’est une situation mauvaise pour nous, je ne peux pas revenir sans la discussion d’un programme, sans la discussion aussi du problème des hommes qui réaliseraient ce programme, parce qu’il n’y a pas de programme qui ne soit pas lié au problème des hommes, or je ne vois pas des hommes avec lesquels je puisse travailler tout simplement. J’ai dit que la révolution agraire s’était finalement traduite par l’assassinat de l’agriculture.
 
J’ai dit que le choix d’une industrie lourde s’était traduite par une déperdition de notre potentialité extraordinaire que cette industrie lourde avait perverti le pays et qu’il y avait une mutation absolument pénible vers les villes et que c’était une industrie de la quincaillerie puisque les 90 % de sociétés sont déficitaires… J’ai dit aussi que la révolution culturelle avec la corruption qui existe est un leurre. On ne peut pas parler de révolution culturelle avec le volume de cette corruption qui existe de bas en haut de l’échelle. Nous sommes pourris de bas-en-haut, la corruption est massive. Nous baignons dans une corruption totale.
 
SANS FRONTIERE : Mr le Président, nous allons passer au second thème, l’Islam. Vous êtes actuellement président de la Commission Islamique des droits de l’homme. Je crois que nos lecteurs ne la connaissent pas. Pouvez-vous nous la présenter…
 
La commission islamique des droits de l’homme est une commission issue du conseil islamique européen. Il y a un conseil islamique qui se tient en Europe et à son initiative, il y a eu la déclaration universelle des droits de l’homme qui a été lue ici à Paris. C’est su la base de cette déclaration que l’idée d’une commission des droits de l’homme est née, car nous estimons que des problèmes du Tiers-Monde est justement le respect de l’homme, de ses libertés fondamentales. Partout il fallait commencer par cela, car le développement sans le respect des libertés démocratiques, des libertés fondamentales était un non sens. Ceux sont les mouvements politiques islamiques qui ont décidé de cette commission et qui m’ont demandé de la présider. J’ai réfléchi et accepté car convaincu que c’était là une action absolument fondamentale.
 
SANS FRONTIERE : En Occident, on associe facilement Islam et fanatisme. On ne cout pas que pour des millions de gens, ici ou ailleurs, il s’agit d’une foi, d’une croyance aussi légitime.
 
BEN BELLA : C’est une des aberrations que l’on constate à travers les médias occidentaux. L’Islam est caractérisé par une qualité que d’autres philosophies n’ont pas développé autant : la tolérance. Dès l’origine. Jamais aucune religion n’a vécu avec d’autres minorités aussi bien. Prenons l’exemple des Juifs qui ont toujours vécu avec nous. Lorsque les Musulmans étaient en Espagne, les deux tiers de la population juive étaient en Espagne, et avec la reconquista, donc l’inquisition plus tard, les juifs ne sont pas allés en Europe, mais chez nous en Afrique du Nord et en Turquie jusqu’au 18e siècle où la Turquie agonisait, devenait « l’homme malade » de l’occident. Les Juifs ne sont allés en Occident en masse qu’à partir du 18è siècle  et notamment en Autriche pour nous donner les Freud, les Jung qui sont des petits fils d’Andalous. Je ne dis pas que chez les musulmans, il n’y a pas de racisme. Tout le monde porte un peu de racisme, c’est la chose la mieux partagée, mais le dossier de l’Islam est le moins lourd. Je lance un défi à quiconque de me prouver le contraire.
 
On compulse l’histoire depuis 1948, il existe un fait : Israël, qui ne nous oppose pas aux Juifs, mais à un monde, à une culture occidentale. Avec les Juifs arabes, il y aurait moins de problèmes. C’est donc un problème de culture. Pour partir de ce magma politique, pour décréter que l’Islam est aveugle, non. L’Islam maintenant apparaît « fanatique » car il a une force extraordinaire pour refuser le modèle de développement occidental, qui est aussi un développement culturel, civilisationnel.
 
Notre jeunesse refuse d’abord ça. Elle refuse de consommer, de baver devant ce modèle de gadgets.
 
Elle refuse un modèle qui liquide l’agriculture, nos traditions. Nous avons d’autres sensibilités, d’autres valeurs. L’Islam n’est pas fanatique. Il y a des expressions qui sont dangereuses, condamnables. Mais à long terme, il y aura une expression homogène, tout cela sera digéré en direction d’un Islam progressiste, qui respecte les Juifs, les autres, les chrétiens, sinon il n’y a pas d’Islam.
 
Interview jumelée Radio-Soleil Ménilmontant/Sans Frontière.