CHAPITRE 1 : LES SÛRETES MARITIMES

SECTION 1 :

LES DISPOSITIONS COMMUNES

ARTICLE 208

Les hypothèques et privilèges maritimes sont des sûretés conférant à un créancier les droits réels suivants :

  • le droit de suite sur le navire en quelques mains qu’il passe ;
  • nonobstant tout changement de propriété, d’immatriculation ou de pavillon. En vertu de ce droit de suite, le créancier peut procéder à la saisie conservatoire du navire dans les conditions prévues par les dispositions de la présente loi. Le créancier privilégié peut également, en vertu des dispositions de la présente loi, procéder à la saisie-exécution du navire à condition que le débiteur en soit le propriétaire. Le même droit peut être exercé par le créancier hypothécaire sur le navire hypothéqué, que le débiteur en soit ou non propriétaire ;
  • le droit d’être payé par préférence à tout autre créancier sur le produit de la vente du navire pour garantir le principal, les frais et intérêts au même rang.

ARTICLE 209

Les sûretés maritimes priment sur toutes sûretés.

Les privilèges maritimes prennent rang avant les hypothèques maritimes, quelle que soit la date de leur inscription.

ARTICLE 210

Les dispositions du présent chapitre s’appliquent aux navires, aux plates-formes de forage, aux engins de navigation intérieure et de plaisance.

SECTION 2 :

LES HYPOTHEQUES MARITIMES

ARTICLE 211

L’hypothèque maritime est une sûreté conventionnelle inscrite dans un registre spécial tenu par le conservateur d’hypothèques qui relève de l’administration des finances.

L’hypothèque maritime ne peut être consentie sur les navires les engins de navigation intérieure et les navires ou engins de plaisance appartenant à des collectivités locales ou à des organismes ou entreprises publics de l’Etat de Côte d’Ivoire.

ARTICLE 212

Les hypothèques et autres sûretés conventionnelles de même nature, inscrites à l’étranger sur des navires, sont valables et produisent effet à condition :

  • que ces hypothèques et autres sûretés conventionnelles aient été constituées et inscrites dans un registre conformément aux lois de l’Etat où le navire est immatriculé ;
  • que ce registre et tous actes qui doivent être remis à l’autorité maritime administrative conformément aux lois de l’Etat où le navire est immatriculé, soient accessibles au public et que la délivrance d’extraits du registre et de copies de ces actes soient exigibles de l’autorité maritime administrative moyennant le paiement d’une taxe dont le montant est fixé par la loi de finances ;
  • que le registre ou l’un des actes visés au tiret 2 précité, indique à tout le moins le nom et l’adresse du titulaire de la sûreté ou le fait que celle-ci ait été constituée au porteur, le montant maximal garanti, si cela est exigé par les lois de l’Etat d’immatriculation ou si ce montant est expressément indiqué dans l’acte portant création de l’hypothèque ou autres sûretés, ainsi que la date et les autres mentions qui en déterminent le rang.

Les dispositions du présent article sont applicables sous réserve que les lois de l’Etat où les hypothèques et autres sûretés conventionnelles ont été inscrites, rendent valables et font produire effet, dans les conditions précitées, aux hypothèques inscrites en Côte d’Ivoire par l’autorité maritime administrative.

ARTICLE 213

Sous réserve de l’application des dispositions de l’article 212, les hypothèques et autres sûretés conventionnelles de même nature, constituées avant l’ivoirisation d’un navire, sont valables et produisent effet à condition :

  • d’avoir été constituées et inscrites dans un registre, conformément à la loi de l’Etat où le navire est immatriculé
  • d’être portées à la connaissance de l’acquéreur avant l’acte de transfert de la propriété du navire
    de faire l’objet d’une inscription par l’autorité maritime lors de l’ivoirisation du navire. Lorsque ces conditions sont remplies, les hypothèques gardent le rang d’inscription qu’elles avaient avant que le navire ait acquis la nationalité ivoirienne.

ARTICLE 214

L’hypothèque maritime est constituée par acte authentique. Elle ne peut être constituée que par le propriétaire du navire ou par un mandataire muni d’un mandat spécial à cet effet.

Les dispositions du présent article sont prescrites à peine de nullité.

ARTICLE 215

L’hypothèque doit être inscrite par l’autorité maritime administrative, par mention sur le registre d’immatriculation des navires. Elle est effectuée à la demande du requérant qui présente deux copies certifiées par un officier public conformes à l’original de l’acte constitutif de l’hypothèque.

ARTICLE 216

L’autorité maritime administrative mentionne sur le registre d’immatriculation des navires :

  • la date de l’acte constitutif de l’hypothèque ;
  • les noms, prénoms, professions et domiciles des parties ;
  • la date et la nature du titre ;
  • le montant de la créance pour laquelle l’hypothèque a été constituée ainsi que les conventions relatives aux intérêts et aux remboursements ;
  • le nom et la désignation du navire hypothéqué, la date de l’acte d’ivoirisation ou de la déclaration de mise en construction.

ARTICLE 217

Après avoir procédé à l’inscription de l’hypothèque, le conservateur des privilèges et hypothèques maritimes restitue au requérant une des copies certifiées conformes à l’original de l’acte constitutif de l’hypothèque. Il certifie au bas de cette copie avoir procédé à l’inscription de l’hypothèque et indique la date et les références de cette inscription. La seconde copie certifiée conforme est transmise au greffe du tribunal du lieu de constitution de l’hypothèque.

Tout navire grevé d’une ou de plusieurs hypothèques doit obligatoirement avoir, dans les documents de bord, un état des inscriptions hypothécaires mis à jour à la date de son départ d’un port ivoirien.

ARTICLE 218

L’hypothèque maritime est rendue publique par son inscription sur le registre d’immatriculation des navires par l’autorité maritime administrative. Le registre d’immatriculation est accessible au public.

Le ministre chargé des Affaires maritimes fixe les conditions de fonctionnement du service de conservation des hypothèques maritimes et les modalités de constitution et de conservation de ces hypothèques.

ARTICLE 219

L’hypothèque maritime consentie sur un navire ou une part indivise du navire s’étend, sauf convention contraire, au corps du bâtiment et à tous les accessoires, machines, agrès et apparaux.

Lorsque l’hypothèque porte sur un navire en construction, elle s’étend aux matériaux, machines et appareils se trouvant dans l’enceinte du chantier du constructeur et qui sont distinctement identifiés comme étant destinés à être incorporés au navire en construction.

ARTICLE 220

L’hypothèque maritime ne porte pas sur le fret, les approvisionnements, les soutes et tous biens consommables se trouvant à bord du navire.

Les équipements, installations ou appareils à bord du navire hypothéqué, appartenant à des tiers, et qui ont été loués par le propriétaire du navire ne font pas partie de l’assiette de l’hypothèque.

ARTICLE 221

L’autorité maritime administrative est tenue de délivrer, à toute personne qui le demande, un état des hypothèques grevant le navire ou un certificat attestant qu’aucune hypothèque ne grève le navire moyennant le paiement d’une taxe dont le montant est fixé par la loi de finances.

ARTICLE 222

La radiation des inscriptions hypothécaires est effectuée soit avec le consentement des parties, reçu devant notaire, soit en vertu d’une décision de justice passée en force de chose jugée.

ARTICLE 223

Les hypothèques maritimes prennent rang dans l’ordre de leur inscription au registre d’immatriculation des navires, après les privilèges maritimes.

ARTICLE 224

Les hypothèques inscrites le même jour viennent en concurrence quelle que soit la différence des heures de leurs inscriptions respectives.

ARTICLE 225

Les droits et taxes à percevoir, à l’occasion de la constitution des hypothèques maritimes, sont fixés par la loi de finances.

ARTICLE 226

Une hypothèque maritime constituée sur un navire sous pavillon ivoirien ou pour une part ou un quirat d’un tel navire, peut être transférée à toute personne en vertu d’un document de transfert.

Sur présentation du document de transfert visé à l’alinéa précédent, l’autorité maritime administrative est tenue d’inscrire le transfert de l’hypothèque maritime dans le registre d’immatriculation des navires, en mentionnant le nom du bénéficiaire du transfert comme créancier hypothécaire ainsi que la date de l’inscription du transfert en cause.

Le ministre chargé des Affaires maritimes fixe par arrêté, les conditions dans lesquelles un document de transfert peut être établi ainsi que les mentions devant figurer dans ce document.

ARTICLE 227

Si un navire immatriculé en Côte d’Ivoire est autorisé à battre temporairement pavillon d’un autre Etat, il reste soumis aux dispositions de la présente loi relatives aux hypothèques.

Dans ce cas, une mention est portée dans le registre d’immatriculation des navires, indiquant le nom de l’Etat dont le navire est autorisé à battre temporairement pavillon.

ARTICLE 228

L’autorité maritime administrative ne peut autoriser un navire immatriculé en Côte d’Ivoire à battre pavillon d’un autre Etat à moins que la totalité des hypothèques grevant ce navire n’ait été préalablement purgée ou que les titulaires de la totalité de ces hypothèques n’aient donné leur consentement par acte authentique.

ARTICLE 229

Tout acte ou toute opération, ayant pour but d’entraîner irrégulièrement ou frauduleusement la perte de la nationalité ivoirienne d’un navire grevé d’une ou de plusieurs hypothèques maritimes, est nul et de nul effet.

ARTICLE 230

En cas de perte du navire hypothéqué ou en cas d’avarie grave le rendant innavigable, les créanciers hypothécaires peuvent exercer leurs droits sur les indemnités ou les sommes subrogées au navire et à ses accessoires.

Sont subrogés au navire et à ses accessoires :

  • les indemnités dues au propriétaire à raison des dommages matériels subis par le navire hypothéqué ;
  • les sommes dues au propriétaire pour contribution aux avaries communes subies par le navire hypothéqué ;
  • les indemnités dues au propriétaire du navire hypothéqué pour assistance prêtée ou le sauvetage effectué depuis l’inscription de l’hypothèque, dans la mesure où elles représentent la perte ou l’avarie du navire hypothéqué ;
  • les indemnités d’assurance sur le corps du navire.

ARTICLE 231

Si, au moment de la vente forcée, le navire est en possession d’un chantier de construction navale ou de réparation de navires qui, en vertu des dispositions de la présente loi, jouit d’un droit de rétention, le chantier de construction navale ou de réparation de navires doit abandonner la possession du navire à l’acheteur, mais il est habilité à obtenir le règlement de sa créance sur le produit de la vente.

ARTICLE 232

Les frais et les dépenses provoqués par la saisie conservatoire ou par les mesures d’exécution et par la vente qui les a suivis sont payés conformément aux dispositions du chapitre 2 ci-après relatives à la saisie des navires.

ARTICLE 233

Si l’hypothèque ne grève qu’une partie du navire, le créancier ne peut saisir et faire vendre que la partie du navire sur laquelle porte son hypothèque. Toutefois, si plus de la moitié des parts ou des quirats du navire sont hypothéqués, le créancier peut, après saisie, le faire vendre en totalité à charge d’appeler à la vente les copropriétaires.

ARTICLE 234

Dans tous les cas de copropriété, les hypothèques consenties durant l’indivision, par un ou plusieurs copropriétaires, sur une portion du navire continuent de subsister après le partage ou la vente.

Toutefois, si la vente s’est faite en justice, le droit des créanciers n’ayant hypothèque que sur une portion du navire sera limité au droit de préférence sur la partie du prix afférente à l’intérêt hypothéqué.

SECTION 3 :

LES PRIVILEGES MARITIMES

ARTICLE 235

Chacune des créances suivantes sur le propriétaire, l’armateur gérant ou l’exploitant du navire est garantie par un privilège sur le navire, dans l’ordre de priorité ci-après :

  • les frais et dépensés provoqués par la saisie-conservatoire ou saisie exécution du navire. Ces frais et dépenses comprennent notamment les frais de justice, les frais de garde et de conservation du navire, les frais d’entretien de l’équipage ;
  • les créances pour toutes sommes dues au capitaine, aux officiers et autres membres du personnel de bord en vertu de leur engagement à bord du navire, y compris les frais de rapatriement et de cotisations d’assurance sociale payables pour leur compte ;
  • les frais engagés par l’autorité maritime administrative, aux fins de sécurité de la navigation ou de protection du milieu marin, à l’effet d’enlever un navire échoué ou coulé ;
  • les rémunérations dues pour assistance et sauvetage et la contribution aux avaries communes ;
  • les créances du chef de mort ou de lésions corporelles survenues, sur terre ou sur l’eau, en relation directe avec l’exploitation du navire ;
  • les créances du chef des droits de port et de canal ainsi que les frais de pilotage ;
  • les créances délictuelles ou quasi délictuelles en raison de pertes ou de dommages matériels causés par l’exploitation du navire, autres que ceux occasionnés à la cargaison, aux conteneurs et aux effets personnels des passagers transportés à bord du navire ;
  • la créance du constructeur ou du réparateur du navire.

ARTICLE 236

Les privilèges de même rang viennent en concours entre eux au marc le franc.

Les privilèges maritimes garantissant les créances pour assistance et sauvetage du navire prennent rang entre eux dans l’ordre inverse de celui où sont nées les créances garanties privilèges. Ces créances sont considérées comme nées, à la date à laquelle chacune des opérations d’assistance et de sauvetage est achevée.

ARTICLE 237

Aucun privilège maritime ne grève le navire pour sûreté des créances visées aux tirets 5 et 7 de l’article 235 qui proviennent ou résultent :

  • de dommages découlant du transport maritime d’hydrocarbures ou autres substances dangereuses ou nocives;
  • des propriétés radioactives ou d’une combinaison des propriétés radioactives avec des propriétés toxiques, explosives ou autres propriétés dangereuses d’un combustible nucléaire ou de produits ou déchets radioactifs.

ARTICLE 238

La cession d’une créance garantie par un privilège maritime ou la subrogation dans les droits du titulaire d’une telle créance comporte simultanément la transmission du privilège.

Les créanciers titulaires de privilèges maritimes ne peuvent être subrogés au propriétaire du navire pour ce qui est des indemnités dues à celui-ci en vertu d’un contrat d’assurance ou de subvention publique.

ARTICLE 239

Les privilèges maritimes s’éteignent à l’expiration d’un délai d’un (1) an qui court :

  • pour les privilèges garantissant toutes sommes dues au capitaine, aux officiers et autres membres du personnel de bord en vertu de leur engagement bord du navire, y compris les frais de rapatriement et de cotisations d’assurance sociale payables pour leur compte, à compter du jour où congé est donné à l’ayant droit ;
  • pour les privilèges garantissant les rémunérations d’assistance et de sauvetage, à partir de la date de la fin de l’intervention ;
  • pour les privilèges garantissant les créances du chef de mort ou de lésions corporelles survenus, sur terre ou dans les eaux, en relation directe avec l’exploitation du navire, à compter du jour du décès ou de la lésion ;
  • pour les autres privilèges, à compter de la naissance de la créance.

ARTICLE 240

La prescription des privilèges n’est susceptible d’interruption qu’en cas de saisie conservatoire, de saisie exécution du navire ou de toute autre action en justice.

ARTICLE 241

Les privilèges maritimes sont éteints indépendamment des modes d’extinction des obligations :

  • par la vente forcée du navire, prononcée pour infraction aux lois et règlements de police, de sûreté ou de douane;
  • par la vente forcée du navire, à la suite d’une action judiciaire ;
  • en cas de transfert volontaire de la propriété, trois (3) mois après la publication de l’acte entraînant transfert de propriété.