HAMILTON NAKI SCIENTIFIQUE – SUD-AFRICAIN

Hamilton Naki était un Sud-Africain d‘exception que le cinéma de Hidden Heart de 2008 a surnommé « le chirurgien clandestin » étant donné qu’il était totalement méconnu en raison de l’apartheid.

Pourtant, son histoire est l’une des plus marquantes du XXe siècle, « celle d’un jardinier devenu l’un des plus grands chirurgiens cardiaques au monde, un pionnier de la greffe du coeur ».

Hamilton Naki est né en 1926 à Ngcangane, petit village très pauvre dans le Cap Oriental de l’Afrique du Sud.

Ses parents ne pouvant assurer son instruction, il a quitté l’école très tôt et, malgré la ségrégation raciale institutionnalisée, il s’est rendu en ville en auto-stop dans l’espoir de décrocher un boulot.

C’est à l’Université médicale de Cape Town, en 1954, qu’il est engagé comme jardinier du campus, entretenant notamment les courts de tennis et les pelouses. Il était loin de se douter à l’époque que ce milieu universitaire changerait sa destinée. Une fois son travail accompli, il repartait dans l’anonymat vers sa mansarde, sans eau courante et sans électricité, dans un ghetto des environs. Il allait et venait entre ces deux sphères, sachant qu’il apportait néanmoins sa part dans ce quotidien qu’il traversait.

L’Université disposait d’un laboratoire expérimental pour médecine animale et, un jour, le chef vétérinaire a demandé la collaboration du jardinier Hamilton Naki.

Son rôle était alors d’empoigner adéquatement une girafe durant sa dissection. Tout naturellement, il a participé à toutes les étapes de l’opération avec une dextérité manuelle remarquable.

C’était le début de son apprentissage du prélèvement d’organes chez les animaux. Cette expérience a été maintes fois répétée de sorte que, sans les avoir étudiées, Hamilton Naki connaissait désormais les méthodes tout autant que les spécialistes blancs… Comme il le disait lui-même : « Il apprenait en volant avec ses yeux ». Ce qui lui a valu un salaire de technicien senior, un droit de recherche en laboratoire, tout en étant toujours inscrit comme jardinier au registre de l’Université !

Qu’à cela ne tienne, « être discret ne veut pas dire ne pas produire d’effet ».

A preuve, la réputation de Hamilton Naki a influencé le chirurgien-professeur des transplantations cardiaques humaines, le jeune docteur Christiaan Barnard.

Lui-même, silencieusement antiapartheid, a choisi Hamilton Naki comme premier assistant.

Le 3 décembre 1967, personne n’a su que c’était Hamilton Naki qui avait prélevé, sur une adolescente morte des suites d’un accident, le premier coeur qui allait être greffé à un malade ce jour là.

Personne n’a su non plus « que ce sont ses mains noires qui ont aidé à transplanter le coeur de la donneuse ». Ce jour là, comme à son habitude, il est retourné chez lui incognito, avec la certitude toutefois que sa compétence venait de sauver une vie humaine.

Le même jour, une meute de journalistes et de photographes a envahi l’hôpital pour couvrir cette première historique. Le chef de la cardio-thoracique s’est livré aux entrevues et est instantanément devenu une célébrité mondiale alors que Hamilton Naki, lui, restait dans l’ombre.

Et si, par mégarde, Hamilton Naki apparaissait sur une photo avec masque et sarrau, le directeur général certifiait subito qu’il s’occupait de l’entretien ménager. Briller dans l’ombre, c’est reconnaître son talent sans pour autant l’exhiber publiquement, voilà le parti qu’a alors pris Hamilton Naki, le « chirurgien clandestin ».

Tout comme Martin Luther King, Nelson Mandela et Rosa Parks, pour ne nommer que ces défenseurs noirs connus, Hamilton Naki subissait les mêmes injustices outrageantes, dans l’espoir que tout aurait un jour une fin. Le régime de l’apartheid a été aboli en 1990.

Plusieurs années se sont écoulées et, un jour, l’illustre Christiaan Barnard a reconnu publiquement la valeur de Hamilton Naki dans son équipe, ajoutant même que « M. Naki était plus habile techniquement que lui-même ».

A la suite à cette déclaration, le chirurgien clandestin a été récipiendaire d’une décoration de reconnaissance par l’Université du Cap, et a même reçu un diplôme « Honoris Causa » de la faculté de médecine.

Hamilton Naki est par la suite devenu enseignant universitaire et a transmis ses techniques les plus fines aux futurs médecins.

Aujourd’hui, plusieurs d’entre eux pratiquent ou enseignent aux quatre coins du monde. Leurs souvenirs sont unanimes : il faisait partie de ces hommes remarquables que l’humanité accueille rarement, quelqu’un de spécial et l’un des rares vrais gentlemen du monde ». Au cours de ses 40 ans de carrière, c’est avec chaleur, courage et ténacité que Hamilton Naki s’est dévoué au sein de l’Université du Cap.

Le seuil de la retraite ne lui a pas paru brutal, malgré une pension mensuelle de 275 Dollars ou 146 mille 177 Francs CFA, celle offerte aux jardiniers de la majorité silencieuse.

Le « chirurgien clandestin » est décédé en 2005, à l’âge de 78 ans, dans une indifférence totale : aucun avis dans les colonnes chronologiques des journaux.

Un seul message d’espoir datant de 2003 lui aura survécu : « J’aimerais dire aux jeunes étudiants qu’eux aussi ont l’opportunité de réaliser leurs rêves ».

Source : www.urbaneus.com