ARRÊT DU 22 AVRIL 1999 DE LA COUR SUPRÊME, CHAMBRE JUDICIAIRE

Contrat de travail – Modification – Refus du salarié – Rupture – Rupture réputée à la charge de l’employeur – Abus – Conséquences

En remplaçant aussitôt par d’autres personnes, les employés invités à cesser de travailler, l’employeur a commis un abus dans le congédiement, les constatations faites par la cour ayant décrit une précipitation blâmable de sa part.

Ainsi loin de violer l’article 16 de la Convention collective, la cour d’appel en a fait une exacte application.

LA C O U R,

Vu le mémoire ;

Sur le premier moyen de cassation tiré de la violation de la loi pris en sa première branche relative à la violation de l’article 16 de la Convention Interprofessionnelle

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué (Cour d’Appel de Bouaké 22 Octobre 1997) que pour harmoniser les contrats de travail qu’elle conclut habituellement avec ses partenaires, avec ceux qu’elle établit avec ses employés mis ensuite à la disposition desdits partenaires, la Société E., a proposé à ses employés la modification du terme de leur contrat de travail initial en durée indéterminée; que A. et autres, qui ont refusé la modification proposée, ont été remplis de leurs droits de rupture et remplacés par d’autres personnes recrutées aussitôt par la Société E.;

Que le Tribunal du Travail, saisi par ces travailleurs pour déclarer leur licenciement abusif et condamner leur ex-employeur à leur payer diverses sommes d’argent à titre de reliquat de salaire, de réajustement de salaire, de dommages-intérêts pour licenciement abusif et de dommages-intérêts pour non immatriculation à la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale dite C.N.P.S, a fait droit à cette dernière demande exclusivement en condamnant la société à payer à chacun des travailleurs licenciés la somme de 150 000 Francs et les a déboutés du surplus de leur demande ;

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 16 de la Convention Collective Interprofessionnelle en ce qu’il a infirmé le jugement et déclaré abusif le licenciement des ex-employés de la société E. suscités alors que selon le pourvoi, si ledit article prévoit que la rupture du contrat est à la charge de la société E., il ne permet pas d’affirmer que le licenciement est abusif ;

Mais attendu que si la rupture du contrat de travail consécutive au refus du travailleur d’accepter toute modification du contrat de travail devant entraîner pour lui une diminution de ses avantages, est réputée à la charge de l’employeur qui entend maintenir cette modification, cette rupture ne constitue pas en elle-même un abus de droit ; qu’il appartient toujours à la juridiction saisie de préciser si les causes et les circonstances de la modification sont ou non sans motif légitime ;

Que la Cour d’Appel, qui relève que les ex-employés ont exercé à la société E. de manière continue pendant plus de 6 années, pour certains et 3 années pour d’autres et retient que “l’abus du congédiement provient effectivement de ce que l’employeur a, malgré ces circonstances, invité les ex-employés à cesser de travailler et les a remplacés aussitôt par d’autres personnes” a, loin de violer le texte susvisé, par ses constatations qui décrivent une précipitation blâmable de l’employeur, caractérisé suffisamment l’abus et fait une exacte application du texte susvisé ; d’où il suit que le moyen n’est pas fondé en cette branche ;

SUR LA DEUXIEME BRANCHE DU MOYEN

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir commis une erreur dans l’application de l’article 3 du Code de Prévoyance Sociale, en estimant que les employés licenciés n’ont pas été immatriculés à la C.N.P.S. et que les cotisations prélevées sur leurs salaires n’ont pas été reversées à la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale, alors, selon le pourvoi, que la société E. les a immatriculés et a reversé régulièrement lesdites cotisations à la C.N.P.S ;

Mais attendu que les juges d’Appel qui relèvent “ qu’il résulte des pièces versées au dossier que les employés licenciés n’ont pas été immatriculés à la C.N.P.S conformément aux prescriptions de l’article 3 du Code de Prévoyance Sociale ” ont par ces constatations souveraines brisant les affirmations du demandeur, loin de méconnaître le texte visé, fait une application exacte dudit article ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

SUR LE DEUXlEME MOYEN

Attendu qu’il est enfin reproché à l’arrêt attaqué de manquer de base légale en ce qu’il a condamné le demandeur au pourvoi à payer diverses sommes d’argent à ses ex-employés sans indiquer à quoi correspondent ces sommes ;

Mais attendu que la Cour d’Appel, qui retient que le licenciement des employés de la société E. est abusif et, en tirant les conséquences, a condamné l’employeur à leur payer les sommes qu’elle a fixées, compte tenu du montant de leurs salaires, de leur ancienneté et de l’emploi occupé par ceux-ci a, par ces éléments desquelles se déduisent aisément que ces sommes ont été allouées à titre de dommages-intérêts, donné une base légale à sa décision, d’où il suit que ce moyen n’est pas non plus fondé ;

LE PRESIDENT