ARRÊT DU 12 JUILLET 1989 DE LA COUR SUPRÊME, CHAMBRE ADMINISTRATIVE

LA COUR,

Vu sous le N° 88/20 AD, la requête présentée par la Société CI en la personne de son Président Directeur Général. Georges et enregistrée au Secrétariat Général de la Cour Suprême le 10 Août 1988, ladite requête, tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de la décision N° 861/MT/CAB du 12 Juin 1988 par laquelle le Ministre du Travail a maintenu de ses fonctions Marius objet d’une décision de licenciement;

Vu les autres pièces produites et versées au dossier;

Vu la loi N°78-663 du 5 Août 1978 déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour Suprême, notamment en ses articles 73, 74, 75 et 76;

Vu la loi 64-290 du 1er Août 1964 portant Code du Travail et les textes pris pour son application;

Vu la Convention Collective Interprofessionnelle du 20 Juillet 1977, notamment en son article 38;

Vu la décision N°861/MT/CAB du 12 Juin 1988;

Ouï Monsieur le Conseiller Albert en son rapport;

Considérant que par décision N° 244/SAITA/A du 21 Mars 1988 le Directeur du Service Autonome de l’Inspection du Travail d’Abidjan a autorisé la Société CI à procéder au licenciement collectif pour raisons économiques d’une partie du personnel en application de l’article 38 de la Convention Collective Interprofessionnelle;

Que suite au recours hiérarchique dont il a été saisi, le Ministre du Travail a, par décision susvisée N° 861/MT/CAB du 12 Juin 1988, annulé l’autorisation donnée par l’Inspecteur du Travail en ce qui concerne le licenciement de Marius aux motifs que celui-ci a bénéficié d’un programme de formation pour l’emploi assuré par la Société CI et financé en partie par la Gouvernement et qu’il assumait les responsabilités de délégué du personnel pour les cadres et agents de maitrise employés par la Société;

Considérant que la Société CI soutient qu’en se prononçant pour le maintien de Marius pour les motifs évoqués ci-dessus, le Ministre du Travail a fait une interprétation erronée de l’article 38 de la Convention Collective qui est la loi des parties au contrat de travail et que sa décision manquerait ainsi de base légale;

Considérant que l’article 38 de la Convention Collective Interprofessionnelle du 20 Juillet 1977 qui fixe la procédure à suivre en matière de licenciement collectif pour raisons économiques fait obligation à l’employeur;

d’établir l’ordre des Licenciements en tenant compte de critères limitativement énumérés que sont, les qualités professionnelles, l’ancienneté et les charges de famille,

d’obtenir l’autorisation de l’Inspecteur du travail;

Considérant que pour accorder ou refuser l’autorisation, l’Inspecteur du travail, après avoir vérifié la réalité de la diminution de l’activité de l’entreprise, doit se borner à contrôler que la liste qui lui est soumise tient compte des critères énumérés par la Convention Collective;

Que le Ministre du Travail, intervenant sur le recours hiérarchique formé par le travailleur contre l’autorisation donnée par l’Inspecteur du Travail doit à son tour contrôler le respect par l’employeur, dans l’établissement de la liste des travailleurs à licencier, des conditions posées par l’article 38 de la Convention Collective

Qu’il ne saurait, sans excéder ses pouvoirs, exiger, comme il l’a fait en l’espèce, que l’ordre de licenciement tienne compte de la nature de la formation reçue par le travailleur.

Considérant d’ autre part que le licenciement collectif pour raisons économiques des travailleurs délégués du personnel respecte les mêmes conditions fixées par l’article 38 de la Convention Collective Interprofessionnelle;

Que ce texte ne prévoit pas que la seule qualité de délégué du personnel puisse justifier, en cas de licenciement collectif, le maintien en fonction du travailleur;

Considérant qu’ainsi, en décidant d’annuler l’autorisation accordée Par l’Inspecteur du Travail pour des motifs non prévus par la Convention Collective faisant la loi des parties, le Ministre du Travail a excédé ses pouvoirs;

Que sa décision doit être annulée;

SUR LES DEPENS

Considérant que dans les circonstances de la cause il y a lieu de mettre les dépens à la charge du Trésor.

DECIDE

ARTICLE 1er: La requête de la Société CI est déclarée recevable et fondée.

ARTICLE 2: La décision N°861/MT/CA.B du 12 Juin 1988 du Ministre du Travail est annulée.

ARTICLE 3: Les dépens sont mis à la charge du Trésor.

ARTICLE 4: Expédition de la présente décision sera transmise à Monsieur le Ministre du Travail et de l’Ivoirisation des Cadres.

Ainsi jugé et prononcé par la .Cour Suprême, Chambre Administrative, en son audience publique du DOUZE JUILLET MIL NEUF CENT QUATRE VINGT NEUF.

Où étaient présents: MM. ………… Président de la Chambre Administrative, Président; ………………., Conseiller-Rapporteur; ………………….Conseiller; ………………………, Secrétaire.

En foi de quoi, la présente décision a été signée par le Président, le Rapporteur et le Secrétaire.