DECRET N° 96-203 DU 7 MARS 1996 RELATIF A LA DUREE DU TRAVAIL

L’HORAIRE COLLECTIF DE TRAVAIL

ARTICLE PREMIER

Sous réserve des règles relatives aux équivalences, à la récupération des heures collectivement perdues, aux heures supplémentaires, aux dérogations permanentes ou temporaires prévues aux articles 13 et 14, la durée hebdomadaire du travail, ne peut excéder :

  • quarante (40) heures, par semaine, pour les entreprises non agricoles ;
  • quarante huit (48) heures, par semaine, pour les exploitations, établissements, entreprises agricoles et assimilés, dans la limite de deux mille quatre cents (2400) heures par an.

ARTICLE 2

En raison du caractère discontinu ou intermittent de tout ou partie du personnel de l’entreprise impliquant notamment des périodes creuses au poste du travail, une durée hebdomadaire de présence plus longue que celle prévue à l’article premier, pourra être admise en équivalence, à l’une ou l’autre des durées hebdomadaires prévues à l’article premier, pour le personnel concerné.

 

ARTICLE 3

Les durées hebdomadaires plus longues, admissibles en équivalence, sont délimitées comme suit :

  • entre quarante (40) heures et quarante-quatre (44) heures au maximum pour les entreprises non agricoles ;
  • entre quarante-huit (48) heures et cinquante deux (52) heures au maximum pour les exploitations, établissements, entreprises agricoles et assimilés. Toute heure effectuée au-delà de la durée de présence admise en équivalence et selon le cas, sera considérée comme heure supplémentaire et rémunérée comme telle ;
  • cinquante six (56) heures pour le personnel domestique et le personnel de gardiennage.

 

ARTICLE 4

Les organisations professionnelles d’employeurs et de travailleurs déterminent, par voie de convention collective, d’accord d’établissement ou par tout autre moyen, les branches, secteurs d’activité, les professions ou les métiers pouvant recourir aux équivalences, dans les limites prescrites à l’article 3 ainsi que les modalités particulières d’application de ces équivalences.

A défaut de convention collective, d’accord d’établissement ou de tout autre moyen mentionné à l’alinéa premier, seules les équivalences prévues à l’article 3 sont applicables.

 

ARTICLE 5

Sous réserve des incidences découlant des équivalences, l’employeur détermine l’horaire journalier de travail applicable dans l’exploitation, l’établissement ou l’entreprise, selon l’un des modes de répartition ci-après :

1°) limitation du travail effectif à raison de huit heures par jour, pendant cinq (5) jours ouvrables de la semaine ;

2°) limitation du travail effectif à raison de six heures quarante minutes par jour ouvrable de la semaine ;

3°) répartition inégale entre les jours ouvrables des quarante heures par semaine, avec un maximum de huit (8) heures par jour.

 

ARTICLE 6

La durée hebdomadaire et l’horaire journalier de travail doivent être inscrits, dans le règlement intérieur de l’entreprise, de l’établissement ou de l’exploitation. Dans tous les cas, ils doivent être affichés à un endroit accessible à tous les travailleurs.

 

ARTICLE 7

Les entreprises appliquant le régime des équivalences sont tenues d’en informer l’inspecteur du Travail et des Lois sociales et d’en faire la justification par la remise à cette autorité, des documents appropriés, tels que, ceux mentionnés à l’article 4.

 

ARTICLE 8

Les entreprises appliquant le régime des équivalences peuvent procéder à la récupération des heures de travail collectivement perdues et effectuer des heures supplémentaires dans les conditions prévues au présent décret.

 

ARTICLE 9

L’organisation du travail par roulement est autorisée.

Le travail par roulement est celui dans lequel un travailleur ou une équipe formée de plusieurs travailleurs, succède immédiatement à un autre travailleur ou à ceux formant l’équipe, au (x) même (x) poste (s) de travail et pour le même temps de travail.

 

ARTICLE 10

Le service de quart, par roulement, de jour et de nuit, dimanches et jours fériés éventuellement compris, peut être effectué dans les entreprises qui assurent une production ou un service nécessitant leur fonctionnement sans interruption, jour et nuit.

Dans ce cas, le travail de chaque équipe est organisé en continu, sauf interruption pour le temps de pause fixé par l’employeur ou d’accord parties.

La durée journalière du travail d’un travailleur ou d’une équipe, ne peut excéder huit (8) heures, y compris la période de pause d’une demi-heure au moins, prise en une ou plusieurs fois.

 

ARTICLE 11

La méthode de travail de l’entreprise, de l’établissement ou de l’exploitation peut être organisée, selon un système de rotation du personnel, sous la forme de cycle de travail, dont la durée dépasse la semaine.

Dans ce cas, seules sont considérées, comme heures supplémentaires, les heures qui dépassent la durée moyenne du travail calculée sur la période du cycle complet, qui ne peut excéder quarante-deux (42) heures.

 

ARTICLE 12

L’employeur et le travailleur peuvent convenir par écrit, d’un horaire journalier individualisé, distinct de l’horaire journalier collectif, notamment dans le cadre du travail à temps partiel, réglementé par des dispositions particulières prévues notamment au présent décret.

 

ARTICLE 13

L’employeur peut, sans autorisation préalable de l’inspecteur du Travail et des Lois sociales, procéder à des dérogations permanentes ou temporaires à la durée journalière du travail dans les cas et aux conditions déterminées au présent décret.

 

ARTICLE 14

Les dérogations permanentes à la durée journalière du travail sont admises pour tenir compte :

a) de la nature des travaux et des activités préparatoires ou complémentaires à ceux ne pouvant être exécutés pendant l’horaire collectif du travail de l’exploitation, de l’établissement ou de l’entreprise ;

b) des travaux dont il est difficile de limiter la durée.

 

ARTICLE 15

Les dérogations permanentes, à la durée journalière de travail s’appliquent au personnel affecté aux travaux et activités tels que ceux indiqués ci-après :

1°) le travail des mécaniciens, des électriciens, des chauffeurs employés au service de la force motrice, de l’éclairage, du chauffage et du matériel de levage ;

2°) le travail des ouvriers et employés occupés, d’une façon courante ou exceptionnelle, pendant l’arrêt de la production, à l’entretien et au nettoyage des machines, fours, métiers et tous autres appareils que la connexité des travaux ne permettrait pas de mettre isolément au repos, pendant la marche générale de l’établissement, à la condition que ces travaux ne puissent être exécutés pendant les heures normales ;

3°) le travail de chef d’équipe ou d’ouvrier spécialiste dont la présence est indispensable pour coordonner le travail de deux équipes qui se succèdent ;

4°) le travail du personnel de maîtrise pour la préparation des travaux exécutés par l’établissement ;

5°) le travail du personnel occupé exclusivement à des opérations de surveillance, service d’incendie, sans que la durée du travail hebdomadaire ne puisse excéder pour ce personnel :

  • quarante quatre (44) heures équivalant à quarante heures de travail effectif, dans les entreprises non agricoles, quelle que soit leur activité ;
  • cinquante deux (52) heures équivalant à quarante-huit heures de travail effectif dans les exploitations, établissements, entreprises agricoles et assimilés.

6°) le travail du personnel occupé à la traction sur une voie reliant l’établissement au réseau de chemin de fer ;

7°) le travail des conducteurs d’automobiles, les livreurs magasiniers, basculeurs, préposés au pesage des wagons et camions ;

8°) le travail des préposés au service médical et autres institutions créés en faveur des travailleurs de l’établissement et de leurs familles ;

9°) les pointeurs de personnels, garçons de bureau et agents similaires, le personnel occupé au nettoyage des locaux ;

10°) les travailleurs affectés à tous autres travaux et activités de nature discontinue ou intermittente.

 

ARTICLE 16

A l’exception du cas visé au point 5, pour le personnel énuméré au précédent article, la dérogation à la durée journalière de travail ne peut entraîner une prolongation de celle-ci de plus de deux (2) heures, rémunérées au taux normal.

Au-delà, les heures accomplies seront décomptées et rémunérées comme heures supplémentaires, dans la limite fixée à l’article 26 du présent décret.

 

ARTICLE 17

Dans les exploitations, établissements ou entreprises agricoles, outre les personnels énumérés à l’article 15 auxquels s’applique la prolongation prévue à l’article 16, la durée journalière du travail pourra être majorée, d’une (1) heure par jour, avant et après le retour à l’exploitation, pour les travailleurs chargés de l’entretien, de la préparation du matériel, des soins et de la nourriture donnés aux animaux.

Au-delà d’une (1) heure par jour, le temps sera compté comme heures supplémentaires et majorées.

 

ARTICLE 18

Des dérogations temporaires à la durée journalière de travail sont admises :

a) pour la récupération des heures de travail collectivement perdues, imputables à des causes accidentelles ou de force majeure, tels que la pénurie de matières premières, le manque de moyens de transport, les intempéries, le chômage des jours fériés, les sinistres, les baisses normales de travail à certaines époques de l’année ;

b) pour les travaux urgents et exceptionnels tels que :

  • le travail de chef d’équipe ou d’ouvrier spécialiste dont la présence est indispensable à la marche d’un atelier ou au fonctionnement d’une équipe, dans le cas d’absence inattendue de son remplaçant ;
  • le travail des ouvriers spécialement employés à des opérations qui techniquement, ne peuvent être arrêtées à volonté, lorsqu’elles n’ont pu être terminées dans les délais réglementaires par suite de leur nature ou de circonstance exceptionnelle ;
  • les travaux exécutés pour assurer le chargement ou le déchargement des wagons, bateaux, avions ou camions, dans le cas où cette dérogation serait nécessaire et suffisante pour permettre l’achèvement desdits travaux.

Toutefois l’employeur devra privilégier le recrutement du personnel temporaire ou occasionnel.

 

ARTICLE 19

La récupération des heures de travail collectivement perdues pourra s’effectuer par une prolongation de la durée journalière de travail.

Cette prolongation n’est soumise à aucune autorisation.

L’employeur doit simplement informer l’inspecteur du Travail et des Lois sociales, de la nature, de la cause et de la date de l’interruption collective de travail, du nombre d’heures de travail perdues, des modifications qu’il se propose d’apporter temporairement, à l’horaire journalier, en vue de récupérer les heures perdues, ainsi que de l’effectif de son personnel auquel s’applique cette modification.

Le nombre d’heures de récupération ne peut, en aucun cas, être supérieur au nombre d’heures perdues.

 

ARTICLE 20

Dans l’application de la prolongation de la durée journalière de travail, pour la récupération des heures de travail collectivement perdues, l’employeur ne peut dépasser, deux (2) heures par jour, en sus de la durée journalière habituellement applicable au personnel.

 

ARTICLE 21

Les heures de travail collectivement perdues, par suite de grève ou de look out ne sont pas susceptibles de récupération.

 

ARTICLE 22

Dans l’établissement où le régime de travail comporte normalement un jour ou une demi-journée de repos, le personnel pourra être occupé ce jour ou cette demi-journée de repos, lorsqu’une autre journée aura été chômée, en raison d’une fête légale, réglementaire ou conventionnelle.

 

ARTICLE 23

La durée journalière de travail, pourra, à titre temporaire, être prolongée au-delà de la durée normale applicable à l’entreprise, à l’établissement ou à l’exploitation, pour des travaux urgents et exceptionnels dont l’exécution immédiate est nécessaire, pour prévenir la perte inévitable d’un produit ou des accidents imminents survenus, soit au matériel, soit aux installations, soit aux bâtiments de l’entreprise.

Les heures effectuées à ce titre seront rémunérées au tarif normal.

 

ARTICLE 24

La durée journalière de travail pourra, à titre temporaire, être prolongée au-delà de la durée normale applicable à l’entreprise, à l’établissement ou à l’exploitation, en cas de surcroît extraordinaire de travail en vue de maintenir ou d’augmenter la production.

Les heures de travail effectuées, dans ce cas, seront considérées comme heures supplémentaires et donneront lieu aux majorations de salaire prévues par les Conventions collectives ou les accords d’établissement.

A défaut, les majorations de salaire applicables aux heures supplémentaires sont fixées par arrêté du ministre chargé du Travail. Ces majorations ne peuvent être inférieures aux taux ci-après :

  • 15 % de majoration pour les heures effectuées de la 41e à la 46e heure ;
  • 50 % de majoration pour les heures effectuées au-delà de la 46e heure ;
  • 75 % de majoration pour les heures effectuées de nuit ;
  • 75 % de majoration pour les heures effectuées de jour, les dimanches et jours fériés ;
  • 100 % de majoration pour les heures effectuées de nuit, les dimanches et jours fériés.

 

ARTICLE 25

Le travailleur est libre d’effectuer ou de ne pas effectuer des heures supplémentaires.

Aucun travailleur ne peut être licencié pour refus d’effectuer des heures supplémentaires.

Tout licenciement de travailleur fondé sur ce seul motif est nul et de nul effet.

 

ARTICLE 26

En raison d’impératifs de sécurité pour l’entreprise de sécurité et de santé pour les travailleurs, le nombre d’heures supplémentaires est limité à quinze (15) heures au maximum par semaine et par travailleur, pour les entreprises non agricoles comme pour les entreprises agricoles, sans que la durée journalière de travail effectif puisse être prolongée de plus de trois (3) heures au maximum par jour.

En outre le nombre d’heures supplémentaires ne peut excéder soixante quinze (75) heures par travailleur et par an.

 

ARTICLE 27

Est nul et de nul effet, en ce qui concerne les ouvriers, les employés et les agents de maîtrise, toute clause d’un contrat de travail, fixant le salaire de façon forfaitaire quel que soit le nombre d’heures supplémentaires effectuées au cours de la semaine.

 

ARTICLE 28

L’employeur ne peut débaucher, pour manque de travail, dans un délai d’un (1) mois succédant à une période d’heures supplémentaires, le personnel qui aura exécuté ces heures supplémentaires, pendant la période considérée.

Cette disposition ne s’applique pas aux ouvriers et employés embauchés temporairement pour faire face à un surcroît extraordinaire de travail.

 

ARTICLE 29

Aucune autorisation, ni formalité particulière n’est requise pour le recours aux prolongations de la durée journalière de travail visées aux articles 14, 15, 17, 23 et 24 du présent décret.

 

L’HORAIRE INDIVIDUALISE DE TRAVAIL

ARTICLE 30

Dans les branches d’activité où l’organisation du travail le permet, l’employeur a la faculté de déroger à l’horaire collectif en introduisant un système d’horaire individualisé de travail, dans les conditions déterminées au présent décret,

 

ARTICLE 31

Le système d’horaire individualisé de travail fixe un temps de travail obligatoire pour tout le personnel (plages fixes) et des plages mobiles durant lesquelles les travailleurs peuvent exécuter leurs tâches avant et après le temps de travail obligatoire.

 

ARTICLE 32

L’employeur qui envisage un système d’horaire individualisé de travail doit requérir l’avis favorable des délégués du personnel et en informer l’inspecteur du Travail et des Lois sociales.

Si l’établissement ne compte pas de délégués du personnel, l’employeur doit consulter ses travailleurs, obtenir, le cas échéant, leur accord écrit et en transmettre copie à l’inspecteur du Travail.

L’employeur doit, s’il y a lieu, afficher dans les locaux de travail, le système d’horaire individualisé pratiqué.

 

ARTICLE 33

L’introduction de l’horaire individualisé ne doit pas avoir pour conséquence de modifier la durée hebdomadaire du travail.

Les heures effectuées pendant la plage mobile ne sont ni des heures supplémentaires ni des heures complémentaires selon le type de contrat.

 

ARTICLE 34

Le système d’horaire individualisé peut prévoir les reports d’heures d’une semaine sur l’autre pendant les plages mobiles sans que ces heures soient considérées comme des heures supplémentaires.

Ces reports d’heures décidés par le travailleur ne peuvent toutefois excéder trois (3) heures par semaine ou un total de dix heures par mois, sauf accord dérogatoire élargissant les possibilités de report.

 

ARTICLE 35

Constituent des contraventions de la troisième classe les infractions aux dispositions du présent décret.

 

ARTICLE 36

Le ministre, de l’Emploi, de la Fonction publique et de la Prévoyance sociale est chargé de l’exécution du présent décret qui sera publié au Journal officiel de la République de Côte d’Ivoire.

Fait à Abidjan, le 7 mars 1996

Henri Konan BEDIE