SAISIE IMMOBILIERE – AUDIENCE DE CONSTATATION – EPOUX EN INSTANCE DE DIVORCE – DETTE CONTRACTEE PAR L’EPOUX SANS LE CONSENTEMENT DE L’EPOUSE ALORS QUE LE JUGEMENT DE DIVORCE N’ETAIT PAS ENCORE DEVENU DEFINITIF – PRET OPPOSABLE A L’EPOUSE(NON) – CONTINUATION DE LA PROCEDURE SUR LA COMMUNAUTE DES BIENS, A CONCURRENCE DE LA SOMME CORRESPONDANT AUX DETTES CONTRACTEES ENTIEREMENT (OUI)
La COUR,
Vu les mémoires produits ;
Vu les conclusions écrites du Ministère Public en date du 05 juin 2003 ;
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION TIRE DU DEFAUT DE BASE LEGALE RESULTANT DE L’ABSENCE OU DE L’INSUFFISANCE DES MOTIFS
Attendu qu’aux termes de l’article 142 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Administrative, tout jugement doit contenir. « les motifs, en fait et en droit, précédés d’un résumé des prétentions des parties.» ;
Que selon les dispositions de l’article 176 du même Code, « les règles éditées pour la procédure devant les Tribunaux de Première Instance sont applicables aux instances d’Appel, tant devant la Cour que devant le Conseiller chargé de la mise en état. »
Vu lesdits textes ;
Attendu selon les énonciations de l’arrêt infirmatif attaqué (Cour d’Appel d’Abidjan, arrêt, n° 650 du 05 avril 1996) et les prétentions des parties, que par acte Notarié en date des
05 et 10 juillet 1972 ;
La banque S…, a consenti aux époux C une ouverture de crédit d’un montant 13 000 000 de francs, garantie par une hypothèque de 1er rang pris sur un terrain bâti dune superficie de
3 683 M² appartenant aux débiteurs, formant le lot n° X en X, et objet du titre foncier n° X de la circonscription foncière de Bingerville ;
Que par un second Acte Notarié en date des 02 et 19 Août 1977, la même banque a consenti une deuxième ouverture de crédit d’un montant de 15 000 000 de francs aux mêmes époux, également garantie par hypothèque de 3e rang sur le même immeuble ;
Qu’enfin, par un troisième Acte Notarié en date des 18 et 25 novembre 1982, une autre ouverture de crédit leur a été accordée, d’un montant de 15 000 000 de francs garantie par une autre hypothèque de 4e rang sur le même immeuble ;
Qu’aux motifs que les débiteurs précités n’avaient pas respectés leurs engagements malgré plusieurs réclamations, et qu’ils étaient redevables de la somme de 33 684 993 Francs, la banque S…, a par exploit d’Huissier en date du 18 novembre 1993, fait commandement aux époux C d’avoir à lui payer ladite somme, outre les intérêts, frais et accessoire ;
Que les sus-nommés ne s’étant pas exécutés, elle a entrepris une procédure de saisie- immobilière mais qu’à l’audience des contestations, la dame C a sollicité la nullité de la procédure et la mainlevée de la saisie, aux motifs que le Tribunal Civil de Soubré, par jugement n°20 du 09 juillet 1980, avait prononcé le divorce entre les époux et ordonné le partage de la communauté ayant existé entre eux, de sorte que le prêt consenti les 18 et 25 novembre 1982 par la banque S… sans son autorisation ne lui était pas opposable, son époux ne pouvant à lui seul disposer des bien indivis ;
Attendu que par jugement n° 46 du 24 janvier 1994, le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, déclarant recevables et bien fondés les dires aux fins de contestations présentés par la dame C, a annulé la procédure de saisie-immobilière et ordonné la mainlevée du commandement ;
Que sur appel de la SGBCI, la Cour d’Appel d’Abidjan, par l’arrêt précité, a infirmé cette décision et dit que la SGBCI est créancière de la communauté formée par les époux C ou de l’indivision résultant du divorce de ces derniers, et ordonné la continuation de la procédure de saisie immobilière ;
Attendu qu’il lui est fait grief d’avoir, en statuant ainsi, manqué de donner une base légale à sa décision, par absence ou insuffisance des motifs, en ce quelle a considéré que du fait du divorce, les époux C étaient en indivision, la communauté n’étant pas encore dissoute et que, de ce fait, la banque S… est créancière de cette indivision, alors que, selon le moyen, elle ne s’est pas expliquée sur le motif pour lequel la dette contractée après le divorce et sans le consentement de l’épouse était une dette de l’indivision qui lui était opposable ;
Attendu en effet, que la Cour d’Appel qui a relevé que la deuxième convention portant également affectation hypothécaire a été conclue en 1982, c’est-à-dire postérieurement au jugement de divorce, na pas précisé en quoi elle était opposable à la dame Y.A ;
Qu’en statuant ainsi elle a manqué de donner une base légale à sa décision, par insuffisance des motifs, que le moyen étant fondé, il y a lieu de casser et annuler l’arrêt attaqué et d’évoquer à nouveau la procédure, conformément aux dispositions de l’article 28 de la loi n° 97-243 du 25 avril 1997 ;
SUR L’EVOCATION
Attendu qu’il est acquis aux débat que par jugement n° 20 du 09 juillet 1980, le Tribunal Civil de Soubré a prononcé le divorce d’entre les époux C aux torts exclusifs de la femme, dame YA, a confié la garde des enfants au père et ordonné le partage de la communauté ayant existé entre les époux ;
Que sur appel de CF, par exploit d’Huissier en date du 24 mai 1993, la Cour d’Appel de Bouaké par arrêt n° 153 du 30 juillet 1996, a confirmé ledit jugement ;
Que cela signifie qu’à la date de l’ouverture du 3e crédit, c’est-à-dire les 18 et 25 novembre 1982, le jugement de divorce n’était pas encore devenu définitif ; que toutefois, il est constant, d’après les éléments produits au dossier, que cette 3ème convention est intervenue en l’absence et sans le consentement de la dame C, alors qu’aux termes de la loi n° 64-373 du 07 octobre 1964, le mari ne peut « aliéner ou grever les droits réels, les immeubles fonds de commerce ou exploitation dépendant de la communauté, sans le concours de l’épouse » ;
Qu’il en résulte donc que la procédure de saisie immobilière sur la communauté des ex-époux et opposable à la dame C née YA est limitée à la somme de 28 000 000 de Francs, correspondant au montant des dettes contractées par les époux en 1972 et en 1977 ;
Qu’il y a lieu d’ordonner la continuation de ladite procédure à concurrence de la somme sus-indiquée ;
PAR CES MOTIFS :
Casse et annule, en toutes ses dispositions l’arrêt n° 659 du 05 avril 1996 de la Cour d’Appel d’Abidjan ;
Statuant à nouveau par évocation conformément aux dispositions, l’article 28 de la loi n° 97-243 du 25 avril 1977 déclare inopposable à la dame C. épouse Y.A. le prêt contracté par C.F. les 18 et 25 novembre 1982 d’un montant de 15 000 000 de francs, comportant affectation hypothécaire ;
Ordonne la continuation de la procédure de saisie immobilière sur la communauté des biens ayant existé entre les époux C, mais à concurrence de la somme de 28 000 000 (Vingt Huit Millions) de francs ;
Ordonne la transcription du présent arrêt sur les registres du greffe de la Cour d’Appel d’Abidjan en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
PRESIDENT : M. BAMBA L.