ARTICLE 60
OBLIGATION DE DECLARATION DES OPERATIONS SUSPECTES
Les personnes assujetties sont tenues de déclarer immédiatement à la CENTIF, dans les conditions fixées par la présente ordonnance et selon un modèle de déclaration fixé par arrêté du ministre chargé des Finances, les sommes inscrites dans leurs livres, les opérations ou les tentatives d’opérations portant sur des sommes dont elles soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction de blanchiment de capitaux, de financement du terrorisme ou de la prolifération des armes de destruction massive ou d’une infraction sous-jacente.
Par dérogation à l’alinéa précédent, les personnes assujetties déclarent à la CENTIF, les sommes ou opérations dont elles soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une fraude fiscale, lorsqu’il y a présence d’au moins un critère défini par la règlementation en vigueur.
A l’issue de la mise en œuvre des mesures préventives renforcées prévues au premier alinéa de l’article 21, les personnes assujetties effectuent, le cas échéant, la déclaration prévue à l’alinéa premier du présent article.
Les personnes assujetties sont tenues de déclarer à la CENTIF, toute opération pour laquelle l’identité du donneur d’ordre ou du effectif ou du constituant d’un fonds fiduciaire ou de tout autre instrument de gestion d’un patrimoine d’affectation reste douteuse en dépit des diligences effectuées conformément aux dispositions du titre 1.
Toute information de nature à infirmer, conforter ou modifier les éléments contenus dans la déclaration de soupçon est portée, sans délai, à la connaissance de la CENTIF.
ARTICLE 61
MODALITES PARTICULIERES DE DECLARATION D’OPERATION
Les personnes assujetties s’abstiennent d’effectuer toute opération sur des fonds en leur possession dont elles soupçonnent qu’ils sont liés au blanchiment de capitaux, au financement du terrorisme ou de la prolifération des armes de destruction massive jusqu’à ce qu’elles fassent la déclaration de soupçon. Elles ne peuvent alors procéder à la réalisation de l’opération que si les conditions prévues à l’alinéa 3 de l’article 65 sont réunies.
Lorsqu’une opération devant faire l’objet d’une déclaration de soupçon a déjà été réalisée, soit parce qu’il a été impossible de surseoir à son exécution, soit que son report aurait pu faire obstacle à des investigations portant sur une opération suspectée de blanchiment de capitaux, de financement du terrorisme ou de la prolifération des armes de destruction massive, soit qu’il est apparu postérieurement à sa réalisation qu’elle était soumise à cette déclaration, la personne assujettie en informe, sans délai, la CENTIF.
ARTICLE 62
EXTENSION DE L’OBLIGATION DE DECLARATION DE SOUPÇON
Les autorités compétentes peuvent, à travers des textes d’application, étendre l’obligation de déclaration visée à l’alinéa premier de l’article 60, aux opérations pour compte propre ou pour compte de tiers effectuées par les institutions financières avec des personnes physiques ou morales, y compris leurs filiales ou établissements, domiciliées, enregistrées ou établies dans l’ensemble des Etats ou territoires dont les insuffisances de la législation ou les pratiques font obstacle à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et de la prolifération des armes de destruction massive. Ces textes d’application fixent les modalités et le montant minimum des opérations soumises à déclaration.
ARTICLE 63
CONFIDENTIALITE DE LA DECLARATION DE SOUPÇON
La déclaration de soupçon est confidentielle.
Il est interdit, sous peine de sanctions prévues par les dispositions de la présente ordonnance, aux personnes assujetties, de porter à la connaissance du propriétaire des sommes ou de l’auteur de l’une des opérations induisant une déclaration de soupçon ou à des tiers, autres que les autorités de contrôle, de supervision et d’enquêtes ainsi que les ordres professionnels, l’existence et le contenu d’une déclaration faite auprès de la CENTIF et de donner des informations sur les suites qui ont été réservées à ladite fait pour les personnes visées aux points 26.d) et 26.e) de l’article 2 de s’efforcer de dissuader leur client de prendre part à une activité au sens de l’alinéa précédent.
Les dirigeants et préposés des institutions financières sont autorisés à révéler à l’autorité judiciaire, ou aux officiers de police judiciaire agissant sur délégation, que des informations ont été transmises à la CENTIF, en application des dispositions de l’article 60. Dans ce cas, l’autorité judiciaire ou les officiers de police judiciaire peuvent demander confirmation à la CENTIF de l’existence de ladite déclaration.
La déclaration de soupçon n’est accessible à l’autorité judiciaire que sur réquisition auprès de la CENTIF et dans les seuls cas où cette déclaration est nécessaire à la mise en œuvre de la responsabilité des personnes assujetties, de leurs dirigeants et préposés et lorsque l’enquête judiciaire fait apparaître qu’ils peuvent être impliqués dans le mécanisme de blanchiment de capitaux, de financement du terrorisme ou de la prolifération des armes de destruction massive qu’ils ont révélé.
ARTICLE 64
TRANSMISSION ET TRAITEMENT DES
DECLARATIONS DE SOUPÇON PAR LA CENTIF
Les déclarations de soupçon sont effectuées selon les conditions et modalités fixées par le ministre chargé des Finances.
Les déclarations précisent, notamment suivant le cas :
a) si l’opération suspecte a déjà été exécutée ou est en cours d’exécution ;
b) le délai dans lequel l’opération suspecte doit être exécutée.
La CENTIF accuse réception de toute déclaration de soupçon, sauf si l’entité déclarante a indiqué expressément ne pas vouloir en être destinataire. Elle traite et analyse immédiatement les informations recueillies et adresse, le cas échéant, des demandes de renseignements complémentaires au déclarant, à d’autres assujettis, à d’autres CRF ainsi qu’à toute autorité compétente.
Lorsque ses investigations mettent en évidence des faits susceptibles de relever du blanchiment du produit d’une activité criminelle ou du financement du terrorisme ou de la prolifération des armes de destruction massive, la CENTIF saisit le procureur de la République.
ARTICLE 65
OPPOSITION A L’EXECUTION D’UNE OPERATION
AYANT FAIT L’OBJET D’UNE DECLARATION DE SOUPÇON
Lorsque les circonstances l’exigent, la CENTIF peut, sur la base d’informations graves, concordantes et fiables en sa possession, faire opposition à l’exécution de l’opération ayant fait l’objet d’une déclaration de soupçon avant l’expiration du délai d’exécution mentionné par le déclarant. Cette opposition est notifiée à ce dernier par écrit et fait obstacle à l’exécution de l’opération pendant une durée qui ne peut excéder quatre (4) jours.
L’autorité judiciaire compétente peut, sur requête de la CENTIF, par ordonnance rendue au pied de ladite requête, proroger le délai d’opposition sans que ce délai ne dépasse vingt-quatre (24) heures ou ordonner le séquestre provisoire des fonds, comptes ou titres concernés par la déclaration de soupçon.
A défaut d’opposition ou si, au terme du délai de quatre (4) jours visé à l’alinéa premier du présent article, aucune décision de l’autorité judiciaire compétente n’est parvenue à l’auteur de la déclaration, l’opération qui a fait l’objet de déclaration de soupçon peut être exécutée.
A défaut de poursuite judiciaire contre le donneur d’ordre dans un délai de quinze (15) jours, à compter de la date de l’ordonnance de séquestre provisoire, celle-ci devient caduque.
ARTICLE 66
SUITES DONNEES AUX DECLARATIONS DE SOUPÇON
Lorsque les opérations mettent en évidence des faits susceptibles de constituer: une infraction de BC/FT/FP, la CENTIF transmet un rapport sur ces faits au procureur de la République qui saisit immédiatement le juge d’instruction.
Ce rapport est accompagné de toutes pièces utiles, à l’ exception de la déclaration de soupçon.
L’identité du préposé à la déclaration ne doit pas figurer dans ledit rapport qui fait foi jusqu’à preuve du contraire.
La CENTIF avise, en temps opportun, l’assujetti déclarant des conclusions de ses investigations.
ARTICLE 67
EXEMPTION DE RESPONSABILITE DU FAIT
DES DECLARATIONS DE SOUPÇON EFFECTUEES DE BONNE FOI
Les personnes assujetties ou leurs dirigeants et préposés qui, de bonne foi, ont transmis des informations ou effectué toute déclaration, conformément aux dispositions de la présente ordonnance sont exempts de toutes sanctions pour violation du secret professionnel.
Aucune action en responsabilité civile ou pénale ne peut être intentée, ni aucune sanction professionnelle prononcée contre les personnes ou les dirigeants, préposés et employés des personnes assujetties ayant agi dans les mêmes conditions que celles prévues à l’alinéa premier du présent article, même si des décisions de justice rendues sur la base des déclarations visées dans ledit alinéa n’ont donné lieu à aucune condamnation.
En outre, aucune action en responsabilité civile ou pénale ne peut être intentée contre les personnes visées à l’alinéa précédent en raison des dommages matériels ou moraux qui pourraient résulter du blocage d’une opération en vertu des dispositions de l’article 65.
Les dispositions du présent article s’appliquent de plein droit, même si la preuve du caractère délictueux des faits à l’origine de la déclaration de soupçon n’est pas rapportée ou si ces faits ont été amnistiés ou ont entraîné une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement.
ARTICLE 68
EXEMPTION DE RESPONSABILITE DU FAIT
DE L’EXECUTION DE CERTAINES OPERATIONS
Lorsqu’une opération suspecte a été exécutée, et sauf cas de collusion frauduleuse avec les auteurs de BC/FT/FP, les personnes assujetties ainsi que leurs dirigeants, préposés ou employés sont dégagés de toute responsabilité et aucune poursuite pénale du chef de blanchiment de capitaux, de financement du terrorisme ou de la prolifération des armes de destruction massive ne peut être engagée à leur encontre, si la déclaration de soupçon a été faite conformément aux dispositions de la présente ordonnance.
Il en est de même lorsque l’une des personnes assujetties a effectué une opération, à la demande des services d’enquêtes agissant dans les conditions prévues par les dispositions de la présente ordonnance.
ARTICLE 69
RESPONSABILITE DE L’ETAT DU FAIT DES DECLARATIONS
DE SOUPÇON EFFECTUEES DE BONNE FOI OU DE
L’EXECUTION DE CERTAINES OPERATIONS
La responsabilité pour tout dommage causé aux personnes et découlant directement d’une déclaration de soupçon faite de bonne foi, qui s’est néanmoins avérée inexacte, incombe à l’Etat.
La responsabilité de l’Etat est mise enjeu, lorsqu’une personne assujettie a effectué une opération à la demande des autorités judiciaires, des agents de l’État chargés de la détection et de la répression des infractions liées au blanchiment de capitaux, au financement du terrorisme ou de la prolifération des armes de destruction massive, agissant dans le cadre d’un mandat judiciaire ou de la CENTIF.