La conjointe ou le conjoint qui abandonne le domicile conjugal pour s’installer ailleurs sans décision de justice court-elle (il) un risque ?

Oui.

Abandonner sa famille ou le domicile conjugal sans décision de justice pourrait être utilisé par l’autre conjoint comme un abandon de domicile et causé un préjudice au conjoint qui a abandonné le domicile.

En effet, l’abandon de domicile est l’une des quatre causes de divorce et donne tord, même si c’est pour des raisons légitimes. C’est en ce sens qu’il est dit « Dura lex, sed lex » ou « La loi est dure mais c’est la loi ».

La personne qui a abandonné le domicile conjugal peut perdre la garde des enfants ou être condamné à payer des dommages et intérêts.

Il ne faudrait pas également tomber dans le piège où l’autre donne son accord pour s’installer ailleurs et fait venir un Commissaire de justice (Huissier de justice) pour constater l’abandon du domicile conjugal.

Le mieux à faire, pour moi, en cas de difficultés graves comme des sévices corporelles, nécessitant le départ du foyer, il est sage de se rendre au Tribunal, au bureau du juge des affaires matrimoniales afin d’obtenir des informations utiles et la démarche correcte à suivre.

Ci-dessous, une décision de justice où l’un des conjoints accuse l’autre d’avoir abandonné le domicile conjugal bien que le conjoint qui accuse a un comportement blâmable.

 

JUGEMENT CIVIL N° 51 DU 22 MAI 1996
DE LA SECTION DU TRIBUNAL DE BOUAFLE LE TRIBUNAL

(…)

(L’EPOUX DONNE SES RAISONS)

Attendu qu’à l’appui de sa demande en divorce et de la requête y afférente, Monsieur AA expose qu’il a contracté mariage avec Mme AJ par devant l’Officier de l’état civil de la Mairie de Bouaflé le 30/07/1992 ;

Que six enfants sont issus de leur union ; Qu’il fait valoir que son épouse quitte le domicile conjugal sans sa permission ;

Que le 17 mai 1995, alors qu’il se trouvait en mission, son épouse a abandonné le domicile conjugal en laissant seuls 4 de leurs enfants ;

Qu’il verse au dossier un constat d’abandon de domicile conjugal dressé à cet effet par Maître B. ;

Qu’il fait observer que son épouse en abandonnant ainsi le foyer conjugal a failli à son devoir d’assistance, d’entretien et d’éducation ;

Qu’il estime que tous ces faits rendent intolérable le maintien du lien conjugal ;

(L’EPOUSE DONNE SES RAISONS)

Attendu que pour sa part, Dame AJ, soutient que son époux n’a de cesse exercer des sévices sur sa personne ;

Qu’elle fait valoir que son mari a introduit une concubine sans son consentement au domicile conjugal, que cette dernière y est restée pendant deux années ;

Qu’a l’issue de fréquentes disputes, son époux a trouvé une maison pour sa concubine qui se trouve être sa cousine;

Qu’elle souligne que son époux ne pourvoit plus convenablement aux charges du ménage ;

Qu’elle rejette le grief évoqué par son époux selon lequel elle a abandonné le domicile conjugal ;

Qu’elle fait remarquer que son époux a un enfant adultérin de sexe masculin nommé AT ayant pour mère une certaine SO…. ;

Qu’à sa grande surprise, elle a constaté qu’elle est la mère de cet enfant qui porte son nom sans son consentement préalable ;

Qu’elle sollicite à son tour, le prononcé du divorce d’entre eux à son profit, la somme de 50.000 francs à titre de pension alimentaire mensuelle pour elle-même, celle de 20.000 francs par mois par enfant dont elle aura la garde et la somme de 5.000.000 de francs à titre de dommages-intérêts.

(CONCLUSION DES DEUX VERSIONS)

SUR LA DEMANDE DE MONSIEUR AA

Attendu que M. AA reproche à son épouse l’abandon du domicile conjugal ;

Attendu que pour étayer ce grief évoqué par l’époux contre dame AJ, AA produit au dossier un constat d’abandon de domicile conjugal établi le 22 mai 1995 par Maître B…., Huissier de Justice Bouaflé ;

Attendu que le Tribunal a été saisi préalablement d’une requête formulée par Dame AJ aux fins de paiement de pension alimentaire ;

Qu’eu égard à l’atmosphère qui prévalait au domicile conjugal Dame AJ, avant de se rendre aux funérailles au village, a sollicité et obtenu l’autorisation du Président du Tribunal ;

Que Monsieur AA qui savait que son épouse était partie aux funérailles, sans la sommer de regagner le domicile conjugal, de mauvaise foi, cherche à évoquer le grief d’abandon de domicile conjugal pour obtenir le divorce à son profit ;

Que dans ces conditions, il échet de déclarer nul et de nul effet le procès-verbal de constat d’abandon de domicile conjugal et de débouter en conséquence Monsieur AA de sa demande en divorce ;

SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DE DAME AJ

Attendu que Dame AJ soutient que son époux entretient une amante à qui il loue une maison ;

Attendu que cette allégation est corroborée notamment par l’enquête sociale en date du 1er /03/96 ; Qu’il en ressort que l’époux vit en union libre avec une maîtresse de surcroît cousine à l’épouse ;

Attendu qu’il résulte de la même enquête sociale que l’époux ne pourvoit pas convenablement aux charges du ménage laissant les enfants dans un délabrement total ;

Attendu que les sévices répétés de la part de l’époux dont dame AJ est victime sont étayés par la production d’un procès-verbal n° 44 du 12/05/1996 établi par le Commissariat de Police de Bouaflé celle-ci pour violence et voie de fait.

Attendu qu’en définitive, aucune faute ne peut être retenue contre Mme AJ ;

Que les griefs d’adultère, d’excès ou de sévices et d’injures graves invoqués par elle contre l’époux sont justifiés et de nature à rendre intolérable le maintien du lien conjugal, Qu’en conséquence, il y a lieu de prononcer le divorce au profit de l’épouse ;

SUR LA GARDE DES ENFANTS

Attendu que 6 enfants sont nés du mariage à savoir AAP, 5 ans, AAC, 7 ans, AAJ, 9 ans, AAB, 12 ans, AAH, 14 ans, AO , 17 ans ; Que le jugement de non-conciliation du 14/12/1995 avait confié la garde provisoire des enfants au père à l’exception de AAP ;

Attendu que conformément à l’article 21 de la loi n° 64-376 du 7 octobre 1964, la garde des enfants revient de droit à l’époux qui obtient le divorce.

Toutefois, ainsi que le sous entend le même article, lorsque l’intérêt des enfants l’exige, le Juge peut ordonner de les confier tous, ou de confier quelques-uns d’entre eux aux soins de l’autre époux ;

Attendu qu’en l’espèce, pour être conforme aux conclusions de l’enquête sociale ordonnée, il convient de laisser à la mère, qui va obtenir le divorce à son profit, la garde de AAP le plus jeune des enfants, et celle des 5 autres enfants au père qui bien que le divorce soit prononcé à ses torts exclusifs, a plus de possibilités financières que la mère, en raison de sa profession ;

Qu’il n’a été nulle part allégué que le climat moral dans lequel vivent les 5 autres enfants ait, à un moment quelconque, paru malsain, la mère ne réclamant d’ailleurs pas l’attribution de leur garde à son profit ;

SUR LES DROITS DE VISITE

Attendu que quelles que soient les modalités d’attribution de la garde des enfants, les parents conservent respectivement le droit de surveiller leur entretien et leur éducation ;

Attendu que le divorce ne doit pas avoir pour effet de supprimer les relations de l’enfant avec celui de ses parents qui n’en a pas la garde ;

Qu’en conséquence il convient d’accorder aux 2 parents un large droit de visite à l’égard des enfants échappant à leur garde ;

SUR LE PAIEMENT DE PENSION ALIMENTAIRE

Attendu que pour subvenir aux frais de leurs entretiens et d’éducation de AAP dont la garde se trouve confiée à la mère, il échet de déclarer AA tenu de verser à cette dernière qui n’exerce aucun métier une pension alimentaire mensuelle de 25.000 francs pour elle-même et pour l’entretien dudit enfant dont elle a la garde ;

SUR LES DOMMAGES-INTERÊTS

Attendu que dame AJ sollicite la somme de 5.000.000 de francs à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive des liens matrimoniaux ;

Attendu que le divorce ayant été prononcé à son profit, compte tenu des charges et du revenu mensuel de l’époux, il y a lieu d’allouer la somme de 500.000 francs à l’épouse à titre de dommages-intérêts

SUR LES DEPENS

Attendu qu’AA succombe, qu’il doit supporter les dépens ;

SUR L’EXECUTION PROVISOIRE

Attendu qu’enfin l’exécution provisoire est de droit pour toutes les mesures prescrites dans l’intérêt des enfants et relatives à la garde, à la pension alimentaire et au droit de visite ;

Qu’il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire relativement à ces mesures, en application de l’article 145 du Code de procédure civile ;

(DÉCISION DU JUGE)

DISP

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort ;

Dit AA, mal fondé et le déboute de sa demande de divorce ;

Dit par contre Dame AJ bien fondée, en sa demande reconventionnelle en divorce et en dommages intérêts ; Prononce le divorce de M. AA d’avec Mme AJ aux torts exclusifs du mari ;

Confie la garde des enfants à leur père à l’exception de AAP qui sera confié à sa mère ;

Dit que les époux ont un large droit de visite à l’égard des enfants qui échappent à leur garde ;

Condamne le mari à payer la somme de 25.000 F à titre de pension alimentaire pour la femme et l’enfant dont elle a la garde.

Condamne le mari à payer la femme la somme de 500.000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Dit que mention du jugement de divorce sera faite tant en marge de l’acte de mariage n° 26 du 30/07/1992 du centre de Bouaflé qu’en marge des actes de naissance de l’époux, acte n° 858 du 04/11/59 centre de Dabou, de l’épouse acte de naissance n° 505 du 10/12/1985 du Centre de Dabou. Désigne le Greffier-Notaire aux fins de liquider la communauté ayant pu exister entre les époux ;

Ordonne l’exécution provisoire relativement à la garde, à la pension, et au droit de visite ;

Condamne AA aux dépens ;

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus. Et ont signé le Président et le Greffier en Chef.

PRESIDENT

BROU J.

GREFFIER

TANO K.