CHAPITRE 4 : LIMITES AUX DROITS DETENUS SUR LES TERRAINS URBAINS

ARTICLE 226

Il peut être porté atteinte au droit de propriété par :

  • l’établissement de servitudes ;
  • l’expropriation pour cause d’utilité publique.

SECTION 1 :

L’ETABLISSEMENT DES SERVITUDES

ARTICLE 227

L’établissement des servitudes se rapportant à l’aménagement, l’exploitation ou l’entretien des fosses hydrauliques, hydroélectriques ou électriques est subordonné à une déclaration préalable d’utilité publique prescrite par décret pris en Conseil des ministres.

ARTICLE 228

Les terrains et bâtiments des propriétés privées sont soumis à toutes les servitudes de survol, de passage, d’implantation, d’appui et de circulation nécessitées par l’aménagement, l’exploitation, l’entretien des réseaux d’assainissement, de drainage et d’évacuation des eaux usées, d’adduction d’eau, d’éclairage public, de lignes, pylônes et dépendances de télécommunication, de dispositifs de protection des voies de communications, ou par l’établissement d’oléoducs ou pipeline.

ARTICLE 229

Lorsqu’il s’agit d’exercer ou d’établir une des servitudes visées aux deux articles précédents sur une propriété non close qui ne fait pas partie des dépendances immédiates d’une habitation et lorsque cette servitude n’est susceptible d’occasionner aucun dommage ni aucun trouble de jouissance, elle pourra être exercée ou établie d’office par les agents assermentés dûment mandatés de l’Administration ou par ses délégataires.

ARTICLE 230

Les servitudes ci-dessus prévues sont permanentes et sont considérées comme des dépendances de l’ouvrage au profit ou en vue duquel elles sont établies.

ARTICLE 231

Toutes les propriétés privées urbaines sont susceptibles d’être assujetties aux servitudes qui peuvent être imposées par un plan d’aménagement et d’extension dont les conditions d’établissement et d’exécution sont fixées par la réglementation sur l’urbanisme et aux servitudes d’hygiène, d’esthétique, d’alignement et de sécurité publique.

ARTICLE 232

Les servitudes énumérées ci-dessus incluent le droit de passer sur le terrain, d’y stationner ou d’y faire tous travaux en vue de l’installation des dispositifs ou de toute autre opération nécessaire à l’aménagement, l’exploitation, l’usage ou l’entretien du domaine public.

ARTICLE 233

En aucun cas elles ne comportent, pour les agents de l’Administration ou les autres personnes déléguées dans ses pouvoirs, le droit d’entrer dans les locaux d’habitation ou d’occuper de façon permanente des propriétés attenantes aux habitations et closes par des murs ou clôtures équivalentes élevées d’au moins un mètre.

ARTICLE 234

Des temporaires, nécessaires à l’exécution de travaux, ouvrages ou aménagements du domaine public, sont créées par décret pris en Conseil des ministres sur proposition du ministre concerné.

ARTICLE 235

Un (1) mois avant le début des travaux, les services concernés sont tenus de donner avis aux riverains par notification individuelle ou par publication dans différents médias de la date de début et de fin des travaux ou le cas échéant, leur durée probable.

S’il s’agit d’une servitude permanente, mention doit en être faite sur l’avis préalable en grands caractères lisibles.

ARTICLE 236

En cas de doute et de contestation sur les limites du domaine public ou l’étendue des servitudes, il est statué sur ces contestations par le ministre chargé de la Construction et de l’Urbanisme.

ARTICLE 237

Dans tous les cas, l’Administration est tenue de remettre en état les propriétés ayant subi la servitude dans le délai maximum de trois (3) mois à compter de la fin des travaux.

SECTION 2 :

L’EXPROPRIATION POUR CAUSE D’UTILITE PUBLIQUE

SOUS-SECTION I :

LES GENERALITES

ARTICLE 238

L’expropriation pour cause d’utilité publique est la procédure par laquelle la puissance publique contraint toute personne physique ou morale à la cession forcée de ses droits de propriété sur un bien immobilier, moyennant une indemnisation juste et préalable.

L’expropriation d’immeuble, en tout ou partie, ou de droits réels immobiliers pour cause d’utilité publique s’opère entre la puissance publique et le propriétaire.

ARTICLE 239

L’expropriation suppose l’existence déclarée et constatée d’une cause d’utilité publique.

L’expropriation pour cause d’utilité publique comprend une phase administrative et une phase judiciaire.

SOUS-SECTION 2 :

LA PHASE ADMINISTRATIVE

ARTICLE 240

L’utilité publique est déclarée après enquête publique par décret pris en Conseil des ministres.

ARTICLE 241

Les opérations intéressant la défense nationale peuvent être déclarées d’utilité publique, sans enquête préalable, par décret pris en Conseil des ministres.

ARTICLE 242

Le décret d’utilité publique désigne les propriétés et zones concernées par l’expropriation. Il précise le délai au cours duquel l’expropriation devra être exécutée.

Ce délai ne peut excéder deux (2) ans.

Toutefois, il peut être porté à trois (3) ans pour les opérations prévues au schéma directeur d’urbanisme et au plan d’urbanisme directeur.

ARTICLE 243

Le décret d’utilité publique doit être publié, sans délai, dans un journal d’annonces légales.

ARTICLE 244

Dès la publication du décret d’utilité publique, les ministres chargés de son exécution établissent, par arrêté conjoint, la liste exhaustive des parcelles ou des droits réels immobiliers à exproprier.

ARTICLE 245

Le décret d’utilité publique et son arrêté sont notifiés, sans délai, par l’autorité administrative compétente, aux propriétaires concernés ainsi qu’aux occupants et usagers notoires.

ARTICLE 246

Dans le délai de deux (2) mois à compter de la réception des notifications, les propriétaires des immeubles faisant l’objet de la procédure d’expropriation doivent transmettre à l’autorité administrative compétente les contrats de bail conclus avec leurs locataires ou, le cas échéant, le nom de leurs locataires, ainsi que les noms de tous les détenteurs de droits réels sur les immeubles en cause et la preuve de l’existence de leurs droits.

ARTICLE 247

Le défaut de communication de ces informations engage la responsabilité du propriétaire, quant au paiement des éventuelles indemnités d’expropriation dues à ces derniers.

ARTICLE 248

A peine de déchéance de ses droits, toute personne concernée est tenue de se faire connaître dans le même délai.

ARTICLE 249

Aucune modification de nature à augmenter la valeur des propriétés à exproprier ne peut être effectuée à partir de la déclaration d’expropriation pour cause d’utilité publique.

ARTICLE 250

Les droits des créanciers régulièrement inscrits sur les immeubles expropriés sont reportés sur les indemnités, compte tenu du rang de préférence qui leur est reconnu par les textes en vigueur.

ARTICLE 251

A l’expiration du délai de deux mois fixé pour l’établissement de la liste des personnes à indemniser, l’expropriant notifie aux intéressés le montant de l’indemnité proposée et les invite à comparaître devant la commission d’expropriation pour parvenir à un accord amiable sur le montant de l’indemnité. Les personnes concernées ont un délai de trois mois pour comparaître devant la commission d’expropriation.

ARTICLE 252

En cas d’accord des parties sur le montant des indemnités, un procès-verbal est immédiatement dressé et signé par le président et chacun des membres de la commission ainsi que par la partie expropriée.

ARTICLE 253

L’indemnité convenue doit être versée à l’exproprié au moment de la signature du protocole d’accord.

ARTICLE 254

Toutefois, pendant un délai de deux mois après notification de la mesure d’expropriation pour cause d’utilité publique, des cessions volontaires en dehors d’une comparution devant la commission d’expropriation, peuvent consenties.
Cette cession doit faire l’objet d’un protocole d’accord entre les parties.

Le protocole d’accord doit être signé par les ministres chargés du dossier ou leurs délégataires et par la personne expropriée.

Le montant de l’indemnité indiqué dans le protocole doit être versé au moment de sa signature.

ARTICLE 255

Aucune cession volontaire n’est acceptée à l’expiration du délai de deux (2) mois fixé pour l’établissement de la liste des expropriés.

ARTICLE 256

Le propriétaire d’un immeuble frappé en partie d’expropriation peut demander à I ‘autorité publique d’acquérir la totalité de l’immeuble par une demande adressée aux ministres chargés du dossier.

ARTICLE 257

Les protocoles d’accord signés dans le cadre de l’expropriation pour cause d’utilité publique ont la valeur d’un acte authentique.

SOUS-SECTION 3 :

LA PHASE JUDICIAIRE

ARTICLE 258

A défaut de cession volontaire ou d’accord amiable constaté par un protocole d’accord ou un procès-verbal, l’indemnité d’expropriation est fixée par le Président du tribunal du lieu de situation des immeubles à exproprier, statuant en matière de référé. Le Président du tribunal est saisi sur simple requête, par la partie la plus diligente.

ARTICLE 259

L’expertise des immeubles en cause doit être ordonnée.

Elle doit être conduite par trois experts agréés, désignés par le juge.

ARTICLE 260

Les experts ont un délai d’une semaine à compter de la signification de leur désignation pour rendre leur rapport au juge.

Leurs frais et honoraires sont dus par l’expropriant.

ARTICLE 261

Le juge rend une ordonnance constatant l’expropriation et fixant l’indemnité.

ARTICLE 262

L’ordonnance d’expropriation ne peut être attaquée que par la voie d’un recours devant le Conseil d’Etat et seulement pour incompétence, excès de pouvoir ou vice de forme.

ARTICLE 263

L’indemnité judiciaire allouée doit couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et les frais causés par l’expropriation.

Elle est fixée d’après la consistance des biens à la date de l’ordonnance, en tenant compte de leur valeur à cette date et, éventuellement, de la plus-value ou de la moins-value qui résulte, pour la partie de l’immeuble non expropriée, de l’exécution de l’ouvrage projeté.

ARTICLE 264

L’indemnité d’expropriation doit être payée à l’exproprié au plus tard les cinq jours qui suivent le prononcé de la décision qui fixe son montant.

ARTICLE 265

Le transfert de propriété des immeubles ou des droits réels immobiliers s’opère par le règlement total de l’indemnité due à l’exproprié.

ARTICLE 266

Une copie originale du protocole d’accord, du procès-verbal ou de l’ordonnance du juge accompagnée du décret et de l’arrêté d’expropriation est transmise à la conservation foncière pour inscription au livre foncier.

ARTICLE 267

Les détenteurs de droits immobiliers sont réputés avoir donné mainlevée de leurs droits, sur production, par l’expropriant, de leur bon pour acquit.

ARTICLE 268

Si l’indemnité n’est pas acquittée au moment de la signature du protocole, du procès-verbal ou du prononcé de la décision du juge, un intérêt au taux légal, court de plein droit au profit de l’exproprié.

ARTICLE 269

Les droits des tiers sont reportés sur l’indemnité.

ARTICLE 270

Il ne peut être donné à l’immeuble exproprié une destination autre que celle prévue par la déclaration d’utilité publique.

ARTICLE 271

En cas de non réalisation des travaux prévus par la déclaration d’utilité publique, l’exproprié a un droit de préemption sur l’immeuble moyennant le remboursement du prix versé.

SECTION 3 :

LA PURGE DES DROITS COUTUMIERS

ARTICLE 272

L’existence de droits coutumiers sur une parcelle ne vaut pas propriété. Ces droits sont personnels à ceux qui les détiennent et ne sont pas cessibles.

ARTICLE 273

Les personnes et les communautés qui, avant l’adoption de la présente loi, bénéficiaient de droits d’usage coutumiers continuent d’en jouir.

ARTICLE 274

L’Etat se réserve le droit de les en priver moyennant le versement d’une juste indemnité conformément à la règlementation en vigueur.

ARTICLE 275

La purge des droits coutumiers est exercée par l’Etat représenté par le ministre chargé de l’Urbanisme, par les collectivités territoriales et par tout autre organisme créé à cet effet.

ARTICLE 276

La procédure de purge des droits coutumiers est subordonnée à l’établissement des droits coutumiers sur une parcelle préalablement délimitée par un géomètre expert inscrit au tableau de l’Ordre des géomètres experts de Côte d’Ivoire.

ARTICLE 277

Les procédures, les modalités et les barèmes de la purge sont déterminés par décret pris en Conseil des ministres.