UN EMPLOYEUR PEUT-IL ROMPRE LE CONTRAT DE TRAVAIL SUITE A L’AVENEMENT DE LA PANDEMIE COVID-19 ?

Pour qu’un employeur puisse rompre le contrat de travail d’un salarié, il faudrait :
  • qu’il prouve que le Covid-19 est un cas de force majeure ;
  • ou procède à un licenciement pour motif économique.
Nous évoquerons la force majeure pour cette première partie.
La détermination de la force majeure est importante parce que, l’article 18.20 de la loi n° 2015-532 du 20 juillet 2015 portant Code du Travail dispose que : « La cessation de l’entreprise, sauf en cas de force majeure, ne dispense pas l’employeur de respecter les règles établies en matière de rupture du contrat de travail… ».
Qu’est-ce que la force majeure ?
La force majeure est définie comme une circonstance exceptionnelle, étrangère à la personne de celui qui l’éprouve et qui a eu pour résultat de l’empêcher d’exécuter les prestations qu’il devait à son créancier.
La force majeure implique donc la réunion des trois éléments suivants :
  • un événement imprévisible : que l’on ne peut prévoir ;
  • un événement irrésistible : auquel l’on ne peut résister ;
  • un événement extérieure à la volonté d’une personne : qui ne dépend pas de la volonté des personnes concernées.
Il y a deux thèses qui s’opposent pour la reconnaissance ou non de la force majeure pour le cas du Covid-19.
Pour certains, le Covid-19 n’est pas un cas de force majeure parce que des décisions ont été rendues dans ce sens.
Ainsi, ils se basent sur une décision de 2008 du Tribunal de Grande Instance de Nancy où le juge a trouvé que l’imprévisibilité de la maladie de dengue n’était pas avérée « en raison du caractère endémo-épidémique de cette maladie dans cette région ».
De même, en 2010, la Cour d’appel de Nancy, CA Nancy du 22 novembre 2010, RG n° 09/00003, a estimé que la maladie de dengue a concerné environ 5% de la population et que le caractère irrésistible n’était pas établi en ce qu’il était « possible de se protéger des piqûres de moustiques par des mesures importantes de protection individuelles ».
Enfin, pour le virus chikungunya, la Cour d’appel de Basse Terre, CA Basse-Terre du 17 décembre 2018, RG n°17/00739 a jugé que : « la présence du virus chikungunya, en dépit de ses caractéristiques […] et de sa prévalence dans l’arc antillais […], cet événement ne comporte pas les caractères de la force majeure au sens des dispositions de l’article 1148 du Code civil. En effet, cette épidémie ne peut être considérée comme ayant un caractère imprévisible et surtout irrésistible puisque dans tous les cas, cette maladie soulagée par des antalgiques est généralement surmontable (les intimés n’ayant pas fait état d’une fragilité médicale particulière) et que l’hôtel pouvait honorer sa prestation durant cette période »
Pour les défenseurs de cette assertion, le Covid-19 ne peut donc être une force majeure justifiant une rupture de contrat.
Pour ceux qui réfutent la position ci-dessus, ils affirment que la Cour d’appel de Nancy s’étant appuyé sur la non gravité de l’épidémie de la dengue pour ne pas admettre la force majeure, le Covid-19 est par contre une pandémie c’est-à-dire une épidémie qui atteint un grand nombre de personnes, dans une zone géographique très étendue.
Une maladie qui a même provoqué en une journée, le vendredi 27 mars 2020, environ 1.000 en Italie.
De plus, il n’existe aucun vaccin pour prévenir le Covid-19 ; Un virus qui mute sans cesse, d’où le caractère imprévisible de cette pandémie.
En Afrique et particulièrement en Côte d’Ivoire par exemple, il n’y a certes pas autant de morts qu’en Italie, en Espagne ou en France… mais un juge de la Cour d’appel d’Aix en Provence, CA Aix-en-Provence du 3 mai 2006, JurisData n°2006-306944, sans attendre la virulence d’une épidémie, a admis le caractère de force majeure lorsqu’un hôtelier et une agence de voyage ont fermé un baby-club parce que deux clients seulement ont eu une gastro-entérite puisqu’ils ne pouvaient pas savoir si la maladie allait toucher d’autres personnes.
Les mesures de non rassemblements, de couvre-feu et autres restrictions empêchant le fonctionnement normal des activités confortent ceux qui estiment que nous sommes en face d’un cas de force majeure.
C’est ainsi que le, le 28 février 2020, le gouvernement français a annoncé que le Covid-19 est un cas de force majeure pour les marchés publics de l’État ; Exonérant de ce fait, de pénalités de retard en cas d’inexécution, les entreprises cocontractantes directement impactées.
Dans tous les cas, l’appréciation du cas de force majeure appartient au juge.