FELA ANIKULAPO KUTI (NIGERIAN)

Fela Anikulapo Kuti, connu aussi simplement sous le nom de Fela, est un chanteur, saxophoniste, chef d’orchestre et homme politique nigérian. Il est né en 1938 à Abeokuta (Nigeria) et mort du sida le août 2 1997 à Lagos (Nigeria).

Fondateur de l’organisation République de Kalakuta (en) au Nigeria, il est considéré comme l’inventeur de lafrobeat, fusion des éléments afro-américains du funk, du jazz, de la musique d’Afrique occidentale, de la musique traditionnelle nigériane et des rythmes yorubas.
Présentation

Dans un Nigéria à peine sorti de la guerre du Biafra, propulsé en quelques mois au rang des plus grand exportateurs de pétrole, Fela Kuti figurait comme un artiste engagé contre la corruption, la dictature et le pouvoir des multinationales dans son pays. Populaire auprès des laissés-pour-compte des ghettos de Lagos, le Black Président se sert de la musique comme dune arme pour brosser un sombre tableau des murs socio-politiques. Ses morceaux, qui durent en moyenne un quart d’heure sont accompagnées de paroles en pidgin l’anglais du petit peuple contre la dictature militaire, la corruption qui gangrène les élites et décrivent aussi la misère de la rue. Au-delà de ces tableaux sombres, Fela Kuti suggère aussi aux Africains de conquérir leur liberté par un retour aux sources qui leur rendra leur identité et leur vérité.

Fela Kuti allie le jazz et la soul aux rythmes locaux, le ju-ju et le highlife qui donnent naissance à lafrobeat. Sa popularité sétend bientôt au-delà même des frontières du pays. Mais très vite, il va s’attirer les foudres du pouvoir militaire qui supporte très mal ses satires. Après la sortie de son album antimilitariste Zombie (1976), sa propriété baptisée Kalakuta Republic (en) est entièrement rasée dans un raid militaire au cours de laquelle sa mère âgée de 78 ans est défenestrée. Elle succombera quelques mois plus tard des suites de ses blessures. Fela Kuti est plusieurs fois jeté en prison et torturé [1].

Biographie

Abeokuta

Fela Kuti de son vrai nom Fela Hildegart Ransome est issu dune famille bourgeoise yoruba et grandit dans un univers familial engagé entre son père, le pasteur Ransome-Kuti, qui linitie très tôt au piano, et sa mère Funmilayo Ransome-Kuti, nationaliste activiste, qui influence son militantisme.Il devient célèbre dans sa ville.
Koola Lobitos

1958 : Fela s’envole pour Londres pour des études. Mais au lieu d’étudier la médecine comme ses deux frères l’avaient fait avant lui, il choisit la musique. Au Trinity College of Music, il fait ses premières armes sur scène. Très influencé par le jazz, il forme un groupe avec des amis nigérians et antillais, le Koola Lobitos. Dans des cafés, le groupe reprend quelques classiques de jazz en y ajoutant une pincée de highlife, alors en vogue en Afrique. C’est alors qu’il rencontre une jeune métisse nigériano-américaine, Remilekun Taylor avec qui il se marie et avec qui il aura un enfant : Femi Kuti. Rentrés au Nigeria en 1963, le diplôme en poche, Fela Kuti a du mal à trouver sa voie entre un boulot de producteur et sa carrière de musicien qui ne décolle pas. C’est finalement en 1969, lors dune tournée aux États-Unis que le déclic se produit : il rencontre Sandra Smith, une militante noire des Black Panthers qui lui expose les idées de Malcolm X. De retour au pays, l(homme n’est plus le même.

Il commence par changer le nom de son groupe de Koola Lobitos pour Africa 70. Il décide d’imposer un rythme moins jazz et plus proche des rythmes africains : lafrobeat est né.

Africa 70

Désormais Fela ne chante plus en yoruba, mais en pidgin, de manière à être accessible à une bonne partie du public africain. Il se convertit à l’animisme et prend le patronyme d’Anikulapo celui qui porte la mort dans sa gibecière Kuti qui ne peut être tué par la main de l’homme. Ses concerts sont ponctués de discours enflammés sous une impressionnante orchestration rythmique assurée par de puissantes percussions, des cuivres envoûtants, très souvent ponctuée de grandes envolées au saxophone. Bien que censuré par les médias d’État, il collectionne les succès en même temps que grandit sa popularité.
La « Kalakuta Republic »

Le 30 avril 1974, il est arrêté pour détention de cannabis et détournement de mineures[2]. Il s’isole alors dans une véritable forteresse nommée Kalakuta où il continue de composer[2].

Alors que le pays connaît un véritable boom pétrolier, une fracture sociale s’amorce entre, d’un côté l’élite corrompue, et de l’autre la grande majorité d’anciens paysans qui, attirés par le mirage pétrolier ont déserté leurs champs pour tenter leur chance à Lagos. La musique de Fela est le cri de cur de ces millions d’exclus.

À nouveau arrêté pour son penchant narcotique, il ingurgite l’objet du délit, avant de se faire battre jusqu’à la libération de celui-ci par les voies naturelles. L’épisode donnera son nom à l’un de ses plus fameux morceaux, Expensive Shit[2].

Janvier 1977 : Festival mondial des arts nègres à Lagos. Non seulement Fela boycotte la rencontre, mais il organise aussi une série de concerts gratuits qui attirent l’attention sur lui. Les journalistes et les artistes présents dans la capitale nigériane n’ont de mots que pour ce rebelle qui critique ouvertement lestablishment corrompu. Aussitôt les articles et les reportages sur l’homme affluent des médias américains et européens. Pour le conseil militaire que dirige le général Obasanjo, Fela Kuti est un agitateur.

Quelques jours après la fin du festival, un régiment entier de militaires prend d’assaut la Kalakuta Republic. L’action judiciaire qu’il engage contre les autorités se solde par un non-lieu, le coup étant imputé à « des soldats inconnus au bataillon ». Fela Kuti décrira cet événement dans Unknown soldier le soldat inconnu.

Harcelé par la police, il doit sexiler au Ghana. Il en est chassé l’année suivante pour avoir soutenu une violente manifestation d’étudiants qui ont trouvé en : « Zombie, oh zombie » leur cri de ralliement contre la junte du dictateur ghanéen. De retour au pays, il épouse les vingt-sept femmes de son groupe et se remarie avec sa première épouse dans une cérémonie vaudou dirigée par un prêtre ifa.

Les tournées qui le mènent un peu partout en Afrique, en Europe, aux États-Unis, rencontrent partout un accueil triomphal et lui confèrent une notoriété mondiale.

Le MOP

1979 voit le retour d’un gouvernement civil au Nigeria. Il fonde alors son parti, le Movement of the People (MOP) et se déclare candidat aux élections de 1983. Mais le chemin vers la présidence est enrayé lorsqu’en 1981, les autorités l’enferment pour possession de cannabis et interdisent dans la foulée son parti et sa branche culturelle, les YAP Young African Pioneers. Il réplique en sortant Army Arrangement qui met en lumière un scandale financier impliquant la junte au pouvoir. Alors qu’il s’apprête à se rendre à New York où il doit enregistrer son nouvel album, il est de nouveau arrêté à l’aéroport de Lagos pour exportation illégale de devises qui le conduira cinq ans en prison. Le juge avouera plus tard avoir subi des pressions gouvernementales. La pression économique des bailleurs de fonds, la mobilisation générale des artistes qui organisent des concerts de soutien en Europe, le renversement de la dictature du général Buhari aboutissent finalement sur sa libération en 1986.

Il entre alors dans une semi-retraite que seuls quelques concerts dans sa boîte privée, le Shrine et la sortie de Beasts of no nation, viennent troubler. Underground System (1993) est le dernier album original publié du vivant de Fela[2]. Il laisse le devant de la scène à son fils aîné et digne successeur, Femi Kuti. Le rebelle flamboyant semble avoir perdu sa verve contestataire. Même au plus fort de la dictature du général Abacha, l’emprisonnement de son frère, Beko Ransome Kuti, président de la Ligue Nigériane des Droits de l’Homme, le laisse sans réaction. L’homme se bat depuis des mois contre le Sida, la maladie affecte d’autant plus gravement son corps que les nombreux sévices subis en prison l’ont affaibli.

Il s’éteint finalement le 2 août 1997. Malgré les tensions entre les gouvernements militaires successifs et l’artiste, les autorités militaires avouent avoir perdu « l’un des hommes les plus valeureux de l’histoire du pays » et décrètent quatre jours de deuil national. Le 12 août, près d’un million de Lagossiens sortent massivement dans la rue pour le célébrer[3].

Conformément à son testament, Fela est inhumé à son domicile de Gbemisola, Ikeja à côté de la tombe de sa mère, Funmilayo Ransome Kuti.

Postérité

Fela Kuti est resté un artiste très populaire au Nigeria. Un exemple de cette popularité est l’organisation d’une série d’événement appelés Felebration, qui chaque année, le jour anniversaire de sa naissance rendent hommage à l’artiste.

En janvier 2012, le nom de Fela Kuti a été invoquée plusieurs fois durant les grèves nationales qui ont secoué le pays pour protester contre la hausse des prix du carburant.

Comme pour réparer les erreurs de l’Histoire, le gouvernement de l’État de Lagos a octroyé 40 millions de nairas (environ 200 000 euros) pour que la famille de Fela Kuti puisse créer un musée en son honneur près de sa sépulture.

Bernard Lavilliers le cite dans sa chanson Noir et Blanc, qui évoque les artistes victimes des dictatures (album Voleur de feu).
Discographie
Albums studio
1969 : Fela Ransome Kuti and His Koola Lobitos

Signature Tune
It’s Highlife Time
Lagos Baby
Omuti
Ololufe
Araba’s Delight
Wa Dele
Lai Se
Mi O Mo
Obinrin Le
Omo Ejo

1970 : Fela Fela Fela

My Lady’s Frustration
Viva Nigeria
Obe (Stew)
Ako
Witchcraft
Wayo
Lover
Funky Horn
Eko
This Is Sad

1970 : Fela’s London Scene

J’ehin-J’ehin
Egbe Mi O
Who’re You
Buy Africa
Fight to Finish

1971 : Why Black Man Dey Suffer

Why Black Man Dey Suffer
Ikoyi Mentality versus Mushin Mentality

1971 : Na Poi

Na Poi (part 1)
Na Poi (part 2)
You No Go Die Unless You Wan Die

1971 : Open & Close

Open and Close
Swegbe and Pako
Gbagada Gbagada Gbogodo Gbogodo

1972 : Shakara

Shakara Oloje
Lady

1972 : Roforofo Fight

Roforofo Fight
Trouble Sleep Yanga Wake Am
Question Jam Answer
Go Slow

1973 : Afrodisiac

Alu Jon Jonki Jon
Chop and Quench
Eko Ile
Je’n Wi Temi

1973 : Gentleman

Gentleman
Fefe Naa Efe
Igbe (Na Shit)

1974 : Alagbon Close

Alagbon Close
I No Get Eye for Back

1975 : He Miss Road

He Miss Road
Monday Morning in Lagos
He No Possible

1975 : Expensive Shit

Expensive Shit
Water No Get Enemy

1975 : Noise for Vendor Mouth

Noise for Vendor Mouth
Mattress

1975 : Everything Scatter

Everything Scatter
Who No Know Go Know

1975 : Confusion

Confusion

1976 : Kalakuta Show

Kalakuta Show
Don’t Meke Garnan Garnan

1976 : No Bread

No Bread (No Buredi)
Unnecessary Begging

1976 : Ikoyi Blindness

Ikoyi Blindness
Gba Mi Leti Ki N’dolowo

1976 : Yellow Fever

Yellow Fever
Na Poi 75

1976 : Upside Down
Avec Sandra Smith au chant.

Upside Down
Go Slow (nouvelle version)

1976 : Before I Jump Like Monkey Give Me Banana

Monkey Banana
Sense Wiseness

1976 : Excuse O

Excuse-O
Mr Grammatology-Lisationalism Is the Boss

1976 : Zombie

Zombie
Mr Follow Follow

1977 : J.J.D. – Live!! at Kalakuta Republic

J.J.D. (Johnny Just Drop)

1977 : Sorrow, Tears and Blood

Sorrow, Tears and Blood
Colonial Mentality

1977 : Opposite People

Opposite People
Equalisation of Trouser and Pant

1977 : Fear Not For Man

Fear Not For Man
Palm-Wine Sound

1978 : Shuffering and Shmiling

Shuffering and Shmiling

1979 : Stalemate

Stalemate
African Message (Don’t Worry About My Mouth-O)

1979 : No Agreement

No Agreement
Dog Eat Dog

1979 : Unknown Soldier

Unknown Soldier

1979 : V.I.P. (Vagabonds in Power)

V.I.P. (Vagabonds in Power)

1979 : I.T.T. (International Thief Thief)

I.T.T. (International Thief Thief)

1980 : Authority Stealing

Authority Stealing

1980 : Music of Many Colours
Avec Roy Ayers au vibraphone.

Africa – Center of the World
Blacks Got To Be Free

1981 : Coffin for Head of State

Coffin for Head of State

1981 : Original Sufferhead

Original Sufferhead
Power Show

1983 : Perambulator

Perambulator
Frustration

1985 : Army Arrangement

Army Arrangement
Crosse Examination
Government Chicken Boy

1986 : Teacher Don’t Teach Me Nonsense

Teacher Don’t Teach Me Nonsense
Look and Laugh

1986 : I Go Shout Plenty

I Go Shout Plenty
Why Black Man Dey Suffer (version 1977)

1989 : Beasts of No Nation

Beasts of No Nation
Just Like That

1990 : O.D.O.O. (Overtake Don Overtake Overtake)

Overtake Don Overtake Overtake

1990 : Confusion Break Bones

Confusion Break Bones

1992 : Underground System

Underground System
Pansa Pansa

Albums en public
1971 : Fela with Ginger Baker Live!
Enregistré en public au studio EMI d’Abbey Road, Londres.

Let’s Start
Black Man’s Cry
Ye Ye De Smell
Egbe Mi O (Carry Me, I Want to Die)

1984 : Live in Amsterdam – Music Is the Weapon
Enregistré au Paradiso Club d’Amsterdam, le 28 novembre 1983.

Movement of the People Political Statement Number I
Gimme Shit I Give You Shit
Custom Check Point

2012 : Live in Detroit 1986
Enregistré au Fox Theatre de Detroit (Michigan), le 7 novembre 1986.

Just Like That
Confusion Break Bones
Teacher Don’t Teach Me Nonsense
Beast of No Nation

Collaborations

1971 : Stratavarious de Ginger Baker
1975 : Jealousy de Tony Allen & The Africa 70
1977 : Progress de Tony Allen & The Africa 70
1988 : Oduduwa de Oluko Imo
1990 : Proud de Michael Rose

Compilations

2002 : The Best of the Black President (Barclay/MCA Records[5]/Wrasse Records (2002)[6]/Knitting Factory (2009)

Vidéographie

1978 : Concert filmé en Allemagne (Festival de Jazz de Berlin)[7].
1981 : Fela in concert (concert filmé à Paris, le 30 juin 1980, 57 min).
1982 : Fela : Musique au poing[8] de Stéphane Tchal-Gadjieff et Jean-Jacques Flori (documentaire, 53 min, France).
1984 : Fela Live at Glastonbury Festival 1984 (concert filmé au Royaume-Uni, 70 min).
2006 : Fela: Fresh from Africa d’Edward Jaheed Ashley (documentaire, 90 min, États-Unis).
2006 : Suffering and Smiling de Dan Ollman (documentaire, 60 min, États-Unis/Nigéria).

Source : www.radioswissclassic.ch