Le Nigéria, situé en Afrique de l’ouest, est un Etat fédéral de trente six (36) Etats qui compte 170 millions d’habitants. Il est l’Etat le plus peuplé d’Afrique et occupe la 7ème place sur le plan mondial. Chaque Etat au Nigéria est gouverné par des administrateurs militaires et l’échelon inférieur, hormis les chefs traditionnels, est celui des « gouvernements locaux » dirigés par des « Chairmen ».
La capitale du Nigéria est Abuja.
Cet Etat compte 250 ethnies dont les principales sont les Haoussas, les Yorubas et les Ibos ou Igbos.
Les Haoussas majoritaires au Nigéria, sont musulmans pour la plupart et installés au Nord du Nigéria. Les Yorubas sont composés de musulmans et de chrétiens et l’on les localise à l’Ouest et au Sud-ouest du Nigéria. Quant aux Ibos, ils vivent à l’Est et au Sud-est et certains sont chrétiens et d’autres animistes.
Le conflit au Nigéria est né, en grande partie, de l’inégalité créée par les colons.
En effet, pendant la colonisation, pour mieux exploiter les richesses de cette colonie, les britanniques favorisent les Ibos en choisissant leur zone pour installer des mines de charbons, des réserves et d’importantes infrastructures, oubliant sciemment d’en faire autant dans les autres localités.
Egalement, ils confient la majorité des postes de l’Administration aux Ibos qui, avec les Haoussas, se partagent le pouvoir, excluant les Yorubas des affaires du pays.
En 1952, Abubakar Tafawa Balewa, d’ethnie Haoussa est nommé ministre des Travaux Publics et devient Premier Ministre du Nigeria en 1957.
Le 1er octobre 1960, lorsque le Nigéria arrache son indépendance des mains des britanniques, Abubakar Tafawa Balewa conserve son poste de Premier ministre et dirige le gouvernement de coalition qui regroupe les partis significatifs du Nord et ceux de l’Est du Nigéria.
Le 27 décembre 1960, la France entreprend son 3ème essai nucléaire au Sahara algérien, dans la localité de Reggane et les autorités nigérianes critiquent l’acte et expulse Raymond Offroy, l’ambassadeur de France au Nigéria et interdisent les avions et navires français de se poser sur le sol nigérian.
Le Général de Gaulle se met en colère.
Le 1er octobre 1963, le Nigéria passe du statut de colonie à celui de République fédérale du Nigéria. Benjamin Nnamdi Azikiwe, d’ethnie Ibo, devient le Président de la nouvelle République et Abubakar Tafawa Balewa, Premier ministre.
Lors des élections de 1965, deux (2) camps s’opposent : le parti politique Haoussa, « Nigerian National Alliance » ou « NNA » et les conservateurs Yorubas d’une part et le parti Ibo, l’United Progressive Grand Alliance (UPGA) et les Yorubas progressistes d’autre part.
La victoire est rmportée par le parti Haoussa avec en tête le Président Benjamin Nnamdi Azikiwe et les conservateurs Yorubas.
La partie adverse dénonce des cas de fraudes massives mais le Président Benjamin Nnamdi Azikiwe demeure au pouvoir et reconduit Samuel Akintola, un Premier ministre régional.
Un parti d’opposition portant l nom de « Groupe action » tuent et pillent toutes les personns ceux ne supportent pas le régime en place. Le pouvoir fédéral est lui accusé de favoriser les Yorubas.
Le 15 janvier 1966, des officiers junior d’ethnie Ibo, principalement du Sud-est s’insurgent contre les autorités nigériannes alors que le Président est en visite à l’Etranger.
Abubakar Tafawa Balewa est kidnappé et assassiné et son corps est découvert, six (6) jours après, en bordure d’une route, non loin de Lagos.
Sont également assassinés, Akintola, Ahmadu Bello et des figures importantes du régime.
Le Major général Johnson Aguiyi-Ironsi, d’ethnie Ibo et Commandant de l’Opération des Nations Unies au Congo (ONUC) de janvier à juin 1964, est nommé Président du Nigéria.
Le nouveau Président met fin au modèle fédératif du Nigéria et concentre l’ensemble des pouvoirs à Lagos mais la réforme provoque une révolte générale.
Plus de 30.000 Ibos sont massacrés au Nord du Nigéria.
Le 29 juillet 1966, à peine six (6) mois après le coup d’Etat, le Général Johnson Aguiyi-Ironsi, unique Président Ibo du Nigéria est tué.
La junte militaire, composée en grande partie de musulmans, place le Général Yakubu Gowon, d’ethnie Haoussa mais chrétien à la tête du Nigéria.
Le Général tente de ramener le calme au Nigéria par la réconciliation des différentes ethnies quand, dans le Nord du pays majoritairement Haoussa, des Ibos sont tués une fois encore.
Le Président du Nigéria décide de procéder à des modifications administratives pour contenter les Haoussas. Il confisque les biens des Ibos, en particulier le pétrole, basés dans le Delta de l’Est et exploités par les compagnies britanniques Shell et Bristish Petroleum (BP). Il fait passer les régions de quatre (4) à douze (12) et celle occupée par les Ibos est divisée en trois (3) régions dans le but de réduire le pouvoir des Ibos.
Odumegwu Emeka Ojukwu, d’ethnie Ibo, né en 1933 est le fils d’un très riche commerçant et licencié d’histoire contemporaine à Oxford et de l’école militaire d’Eaton Hall, il dénonce cette injustice du gouvernement central.
Gouverneur militaire de la région de l’Est, le Colonel Odumegwu Emeka Ojukwu rejette, en 1967, le nouveau découpage administratif et refuse de reconnaître l’autorité du gouvernement central.
La tension est telle que beaucoup craignent une guerre civile entre musulmans et chrétiens au Nigéria.
La même année, une médiation ghanéenne est entreprise et un accord, « Accord d’Aburi » est proposé aux protagonistes. Cet accord instaure douze (12) Etats en remplacement des différentes régions.
Le Président du Nigéria Yakubu Gowon fait un autre découpage qui n’arrange pas les Ibos et le Colonel Odumegwu Emeka Ojukwu dit « NON ».
Le Colonel Odumegwu Emeka Ojukwu réquisitionne les ressources pétrolières de la région de l’Est pour aider les Ibos déplacés venus du Nord du Nigéria du fait des persécutions des Haoussas.
La communauté Ibo réalisé que les quantités importantes de pétrole découvertes dans leur région profite au Nord et à l’Ouest à leur détriment et le 26 mai 1967, le Conseil consultatif de la région de l’Est prend la résolution de ne plus faire partie de la fédération et impose la sécession.
Le 30 mai 1967, le Colonel Odumegwu Emeka Ojukwu proclame l’indépendance de la région du Biafra avec pour capitale Enugu. Il devient le Président du nouvel Etat de Biafra et nomme Benjamin Nnamdi Azikiwe Premier ministre.
Avec les 10 millions de barils de pétrole produit par an par cette région, l’Etat fédéral n’accepte pas la sécession et pour la maintenir dans la fédération, il déclare l’état d’urgence et mène des actions policières qui se soldent par un échec.
Les deux (2) Etats sollicitent l’aide de la France mais celle-ci décide officiellement de les mettre sous embargo.
Officieusement, le Général de Gaulle qui n’avait pas digéré l’attitude du Nigéria lors de son essai nucléaire de 1960, se met du côté de l’Etat du Biafra pour que le Nigéria soit morcelé et devienne moins puissante.
Il dira à son conseiller en affaires africaines, Jacques Foccart, qu’il souhaite le « morcellement du pays (Nigéria) afin d’affaiblir la zone d’influence britannique. »
De plus, le ministre des Armées de France, Pierre Messmer confesse : « Je ne pardonnais pas (au Nigéria) son attitude après nos tirs nucléaires à Reggane. Ça permettait [le soutien au Biafra] de lui faire payer! Il avait été à la fois provoquant et ridicule. Provoquant, en essayant de soulever les gouvernements africains contre les tirs nucléaires français. Et ridicule en disant : « Nous, Nigéria, nous aurons la bombe atomique. » Ce sont des propos grotesques. Je ne leur ai pas pardonné ».
Ainsi, pour contourner l’embargo sur les armes imposé aux deux (2) parties, le Général de Gaulle procède à l’armement de l’Etat de Biafra sous le couvert de l’aide humanitaire apportée à ce peuple.
Le site web, www.abidjantalk.com, relate comme suit cette manœuvre : « Dès le début du conflit, un avion de bombardement B26 a été fourni par l’armée française » et « illégalement acheminé à Enugu, capitale du Biafra, par un équipage français » (communiqué de l’ambassade des USA à Lagos, cité par Le Monde du 17/07/67)….Selon la radio nigériane, une convention – dont les photocopies seront distribuées aux correspondants de presse étrangère – avait été signée entre un représentant biafrais, M. Francis Chuchuka Nwokedi, et deux délégués de la Banque Rothschild de Paris. Aux termes de cet accord, cette dernière recevrait les droits exclusifs d’extraction de différents minerais solides, liquides et gazeux, contre versement immédiat de 6 millions de livres ».
Le blog « souslarbreapalabre.ivoire-blog.com » écrit : « Les opérations vers le Biafra sont coordonnées par l’ambassadeur de France au Gabon Maurice Delauney, avec à ses côtés Jean-Claude Bouillet, directeur de la compagnie aérienne Transgabon et responsable local du SDECE , en lien avec le correspondant de Foccart à Abidjan, Jean Mauricheau-Beaupré, ancien membre du Sdece. Les premières livraisons de munition et d’un bombardier B26 ont lieu en juillet 1967 et sont signalées par l’ambassade des Etats-Unis à Lagos. Maurice Robert est alors chef des opérations du SDECE en Afrique. A partir d’août 1968, ce sont des dizaines de tonnes par jour d’armes et de munitions qui sont acheminées au Biafra par des mercenaires et des hommes du SDECE. On trouve parmi ces mercenaires Bob Denard, le colonel Roger Faulques, Rolf Steiner, ou encore le colonel Fournier. »
Le Président Félix Houphouët-Boigny de la Côte d’Ivoire et le Président Albert-Bernard Bongo du Gabon soutiennent la sécession pour réduire l’influence du géant nigérian.
Egalement, les autorités de l’Afrique du Sud et de la Rhodésie appelée aujourd’hui, Zimbabwe apportent leur aide au Colonel Odumegwu Emeka Ojukwu.
Haïti et quatre (4) autres Etats africains reconnaissent le nouvel Etat de Biafra, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Tanzanie et la Zambie.
Contrairement à ces Etats, le site www.fonds-baulin.org mentionne que le Président Diori Hamani du Niger était opposé à la sécession du Nigeria et, en avril 1968, lors de la réunion, à Monrovia, du Comité Consultatif de l’OUA, il dit : « Nous avons demandé et obtenu, dit-il, du gouvernement de Lagos, d’importantes concessions qui peuvent être considérées comme des nouveautés : nous avons en particulier obtenu qu’il ne pose plus la renonciation à la sécession comme préalable à toute négociation et au cessez-le-feu… Malheureusement, nous n’avons pas trouvé une égale disposition auprès des représentants du colonel Ojukwu …Aux puissances, aux hommes et aux organisations qui soutiennent la rébellion pour des « raisons humanitaires » et leur rappelle que si tel est l’objectif réel, le mieux serait de « faire arrêter la guerre, et non d’exciter les gens à se battre ».
Le Président Ahmadou Babatoura Ahidjo du Cameroun dit au téléphone au Président Diori Hamani du Niger : « Ce sera la plus grande erreur politique de la carrière d’Houphouët ».
Les compagnies Shell, BP et American Overseas déclarent qu’elles verseront leurs dus à l’Etat de Biafra.
Quant à la Russie et le Royaume-Uni, ils apportent leur soutien au Président du Nigéria Yakubu Gowon en lui livrant des armes et les Etats-Unis d’Amérique, bien que soutenant les autorités du Nigéria, refusent de leur livrer des armes.
L’armée du Nigéria fait des incursions à Biafra et l’armée du Biafra pénètre aussi au Nigéria le 6 juillet 1967.
Trois (3) mois après le début des hostilités, la capitale du Biafra tombe en octobre 1967 entre les mais de l’armée adverse ; Ceci, malgré l’apport de la légion du 4ème commando brigade dirigée par Rolf Steiner, naturalisé biafrais et d’origine allemande qui avait permis de détruire l’aviation nigérienne dans le secteur du Nord.
Décriant, l’écrivain et Prix Nobel Wole Soyinka tente de passer sur le territoire du Biafra pour dénoncer les abus du pouvoir nigérian et pour obliger les belligérants à trouver une issue pacifique au conflit ;
Accusé de défendre la cause des biafrais, Wole Soyinka est arrêté par les autorités du Nigéria et emprisonné pendant plus de deux (2) ans et en prison, il écrit un recueil de poèmes : « Poems from Prison » ou « A shuttle in the Crypt » et, en 1972, il raconte son expérience carcérale dans le livre « The Man Died : Prison Notes ».
Le 24 mai 1968, le Port Harcourt tombe et le Biafra se trouve privé définitivement de l’accès à l’océan Atlantique et son étouffement par le gouvernement central débute.
En 1968, les images d’enfants et de personnes affamées et malades du fait du blocus terrestre et maritime de l’Etat fédéral sur l’espace occupé par les biafrais, fait le tour du monde.
L’appel au secours du Biafra, qui accuse l’Etat du Nigéria de génocide sur le peuple Ibo, provoque un sursaut de sympathie dans le monde et médicaments et vivres arrivent de partout.
Mettant en cause, certains Etats qui profitent de l’aide humanitaire pour faire livrer des armes à l’Etat du Biafra, l’armée nigériane abat un avion du Comité international de la Croix-Rouge en plein vol.
En décembre 1969, l’armée nigériane mène quatre (4) offensives de 120 000 hommes dans les derniers bastions de l’Etat du Biafra.
Le 11 janvier 1970, le Président de l’Etat du Biafra, le colonel Odumegwu Emeka Ojukwu prend la fuite et se réfugie en Côte d’Ivoire où il y restera pendant treize (13) ans.
Le député Philip Effiong règle les détails de la capitulation et le 12 janvier 1970, le cessez-le-feu est signé sans conditions.
Le 15 janvier 1970, l’Etat du Biafra est rayé de la carte et réintégré au Nigéria.
La guerre du Biafra a provoqué la mort de plus d’un million de personnes due à la faim, les épidémies et la soif.
Le Président du Niger, Diori Hamani, qui s’était opposé à la sécession du Biafra est remercié, suivant le site www.fonds-baulin.org, par le Général Usman Faruk, gouverneur militaire de l’Etat du Nord-Ouest qui recevait le chef d’Etat nigérien, le 28 février 1970 en ces termes : « Je suis sûr d’exprimer la pensée de tous dans ce pays en disant que le rôle joué par le Président de la République du Niger pendant la crise du Nigéria sera toujours rappelé, même par les générations à venir. Le gouvernement de la République du Niger et son peuple ont prouvé sans l’ombre d’un doute qu’ils étaient vraiment nos amis. Nous n’oublierons jamais leur soutien inappréciable… Ce soutien n’a pas peu contribué, à la capitulation finale du régime sécessionniste. »
En 1974, le Président du Niger, Diori Hamani est renversé par un coup d’Etat formaté par Seyni Kountché.
La femme du Président Diori Hamani, Aïchatou Diori est assassinée pendant le coup de force.
En 1982, le colonel Odumegwu Emeka Ojukwu est gracié par le Président Shehu Shagari et il rentre au Nigéria et s’installe dans l’Etat d’Enugu.
En 2003, le Colonel Odumegwu Emeka Ojukwu se présente à l’élection présidentielle avec son parti politique, All progressive grand alliance et continue de dénoncer les conditions dans lesquelles vivent les 15 millions d’Ibos.
Le combat du colonel n’a pas été vain puisqu’il a inspiré d’autres groupes ethniques, tel les Ijaw, deuxième ethnie de la région du Delta après les Ibos. Ils se battent aujourd’hui pour faire prévaloir leurs droits et permettre la reconnaissance du Sud-est.
Pour d’autres, le colonel Odumegwu Emeka Ojukwu est l’homme par qui le premier drame humanitaire après la période coloniale est arrivé.
Le 26 novembre 2011, le Colonel Odumegwu Emeka Ojukwu, le héros du peuple Ibo, décède dans un hôpital de Londres et sa dépouille rapatriée au Nigéria reçoit les honneurs militaires.
Etaient présents aux honneurs militaires réservés à la dépouille du Colonel, le jeudi 1er mars 2012, le vice-président nigérian, Namadi Sambo, l’ex-dirigeant ghanéen Jerry Rawlings, des gouverneurs, des ministres, la veuve du colonel Odumegwu Emeka Ojukwu, l’écrivain Wole Soyinka et plus de 2.500 personnes.
Son cercueil recouvert du drapeau nigérian blanc a reçu les honneurs militaires et vingt-et-un (21) coups de canon ont salué son arrivée. Il a été inhumé dans sa ville natale, Enugu en présence du Président nigérian, Goodluck Jonathan.