ARTICLE 5
CRIMES RELEVANT DE LA COMPÉTENCE DE LA COUR
La compétence de la Cour est limitée aux crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale. En vertu du présent Statut, la Cour a compétence à l’égard des crimes suivants :
a) Le crime de génocide;
b) Les crimes contre l’humanité;
c) Les crimes de guerre;
d) Le crime d’agression.
La Cour exercera sa compétence à l’égard du crime d’agression quand une disposition aura été adoptée conformément aux articles 121 et 123, qui définira ce crime et fixera les conditions de l’exercice de la compétence de la Cour à son égard. Cette disposition devra être compatible avec les dispositions pertinentes de la Charte des Nations Unies.
ARTICLE 6
CRIME DE GENOCIDE
Aux fins du présent Statut, on entend par crime de génocide l’un des actes ci-après commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe;
b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.
ARTICLE 7
CRIMES CONTRE L’HUMANITE
Aux fins du présent Statut, on entend par crime contre l’humanité l’un des actes ci-après commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile et en connaissance de cette attaque :
a) Meurtre;
b) Extermination;
c) Réduction en esclavage;
d) Déportation ou transfert forcé de population;
e) Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international;
f) Torture;
g) Viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée et toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable;
h) Persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sus du paragraphe 3, ou en fonction d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la compétence de la Cour;
i) Disparitions forcées;
j) Apartheid;
k) Autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale.
Aux fins du paragraphe 1 :
a) Par attaque lancée contre une population civile, on entend le comportement qui consiste à multiplier les actes visés au paragraphe 1 à l’encontre d’une population civile quelconque, en application ou dans la poursuite de la politique d’un État ou d’une organisation ayant pour but une telle attaque;
b) Par extermination, on entend notamment le fait d’imposer intentionnellement des conditions de vie, telles que la privation d’accès à la nourriture et aux médicaments, calculées pour entraîner la destruction d’une partie de la population;
c) Par réduction en esclavage, on entend le fait d’exercer sur une personne l’un ou l’ensemble des pouvoirs liés au droit de propriété, y compris dans le cadre de la traite des être humains, en particulier des femmes et des enfants à des fins d’exploitation sexuelle;
d) Par déportation ou transfert forcé de population, on entend le fait de déplacer des personnes, en les expulsant ou par d’autres moyens coercitifs, de la région où elles se trouvent légalement, sans motifs admis en droit international;
e) Par torture, on entend le fait d’infliger intentionnellement une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, à une personne se trouvant sous sa garde ou sous son contrôle; l’acception de ce terme ne s’étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légales, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles;
f) Par grossesse forcée, on entend la détention illégale d’une femme mise enceinte de force, dans l’intention de modifier la composition ethnique d’une population ou de commettre d’autres violations graves du droit international. Cette définition ne peut en aucune manière s’interpréter comme ayant une incidence sur les lois nationales relatives à l’interruption de grossesse;
g) Par persécution, on entend le déni intentionnel et grave de droits fondamentaux en violation du droit international, pour des motifs liés à l’identité du groupe ou de la collectivité qui en fait l’objet;
h) Par apartheid, on entend des actes inhumains analogues à ceux que vise le paragraphe 1, commis dans le cadre d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux et dans l’intention de maintenir ce régime;
i) Par disparitions forcées, on entend les cas où des personnes sont arrêtées, détenues ou enlevées par un État ou une organisation politique ou avec l’autorisation, l’appui ou l’assentiment de cet État ou de cette organisation, qui refuse ensuite d’admettre que ces personnes sont privées de liberté ou de révéler le sort qui leur est réservé ou l’endroit où elles se trouvent, dans l’intention de les soustraire à la protection de la loi pendant une période prolongée.
Aux fins du présent Statut, le terme sexe s’entend de l’un et l’autre sexes, masculin et féminin, suivant le contexte de la société. Il n’implique aucun autre sens.
ARTICLE 8
CRIMES DE GUERRE
La Cour a compétence à l’égard des crimes de guerre, en particulier lorsque ces crimes s’inscrivent dans un plan ou une politique ou lorsqu’ils font partie d’une série de crimes analogues commis sur une grande échelle.
Aux fins du Statut, on entend par crimes de guerre :
a) Les infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949, à savoir les actes ci-après lorsqu’ils visent des personnes ou des biens protégés par les dispositions des Conventions de Genève :
i) L’homicide intentionnel;
ii) La torture ou les traitements inhumains, y compris les expériences biologiques;
iii) Le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter gravement atteinte à l’intégrité physique ou à la santé;
iv) La destruction et l’appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire;
v) Le fait de contraindre un prisonnier de guerre ou une personne protégée à servir dans les forces d’une puissance ennemie;
vi) Le fait de priver intentionnellement un prisonnier de guerre ou toute autre personne protégée de son droit d’être jugé régulièrement et impartialement;
vii) Les déportations ou transferts illégaux ou les détentions illégales;
viii) Les prises d’otages;
b) Les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux dans le cadre établi du droit international, à savoir les actes ci-après :
i) Le fait de lancer des attaques délibérées contre la population civile en général ou contre des civils qui ne prennent pas directement part aux hostilités;
ii) Le fait de lancer des attaques délibérées contre des biens civils qui ne sont pas des objectifs militaires;
iii) Le fait de lancer des attaques délibérées contre le personnel, les installations, le matériel, les unités ou les véhicules employés dans le cadre d’une mission d’aide humanitaire ou de maintien de la paix conformément à la Charte des Nations Unies, pour autant qu’ils aient droit à la protection que le droit international des conflits armés garantit aux civils et aux biens de caractère civil;
iv) Le fait de lancer une attaque délibérée en sachant qu’elle causera incidemment des pertes en vies humaines et des blessures parmi la population civile, des dommages aux biens de caractère civil ou des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel qui seraient manifestement excessifs par rapport à l’ensemble de l’avantage militaire concret et direct attendu;
v) Le fait d’attaquer ou de bombarder, par quelque moyen que ce soit, des villes, villages, habitations ou bâtiments qui ne sont pas défendus et qui ne sont pas des objectifs militaires;
vi) Le fait de tuer ou de blesser un combattant qui, ayant déposé les armes ou n’ayant plus de moyens de se défendre, s’est rendu à discrétion;
vii) Le fait d’utiliser le pavillon parlementaire, le drapeau ou les insignes militaires et l’uniforme de l’ennemi ou de l’Organisation des Nations Unies, ainsi que les signes distinctifs prévus par les Conventions de Genève, et, ce faisant, de causer la perte de vies humaines ou des blessures graves;
viii) Le transfert, direct ou indirect, par une puissance occupante d’une partie de sa population civile, dans le territoire qu’elle occupe, ou la déportation ou le transfert à l’intérieur ou hors du territoire occupé de la totalité ou d’une partie de la population de ce territoire;
ix) Le fait de lancer des attaques délibérées contre des bâtiments consacrés à la religion, à l’enseignement, à l’art, à la science ou à l’action caritative, des monuments historiques, des hôpitaux et des lieux où des malades ou des blessés sont rassemblés, pour autant que ces bâtiments ne soient pas alors utilisés à des fins militaires;
x) Le fait de soumettre des personnes d’une partie adverse tombées en son pouvoir à des mutilations ou à des expériences médicales ou scientifiques quelles qu’elles soient qui ne sont ni motivées par un traitement médical ni effectuées dans l’intérêt de ces personnes, et qui entraînent la mort de celles-ci ou mettent sérieusement en danger leur santé;
xi) Le fait de tuer ou de blesser par traîtrise des individus appartenant à la nation ou à l’armée ennemie;
xii) Le fait de déclarer qu’il ne sera pas fait de quartier;
xiii) Le fait de détruire ou de saisir les biens de l’ennemi, sauf dans les cas où ces destructions ou saisies seraient impérieusement commandées par les nécessités de la guerre;
xiv) Le fait de déclarer éteints, suspendus ou non recevables en justice les droits et actions des nationaux de la partie adverse;
xv) Le fait pour un belligérant de contraindre les nationaux de la partie adverse à prendre part aux opérations de guerre dirigées contre leur pays, même s’ils étaient au service de ce belligérant avant le commencement de la guerre;
xvi) Le pillage d’une ville ou d’une localité, même prise d’assaut;
xvii) Le fait d’utiliser du poison ou des armes empoisonnées;
xviii) Le fait d’utiliser des gaz asphyxiants, toxiques ou assimilés et tous liquides, matières ou engins analogues;
xix) Le fait d’utiliser des balles qui se dilatent ou s’aplatissent facilement dans le corps humain, telles que des balles dont l’enveloppe dure ne recouvre pas entièrement le centre ou est percée d’entailles;
xx) Le fait d’employer les armes, projectiles, matériels et méthodes de combat de nature à causer des maux superflus ou des souffrances inutiles ou à agir sans discrimination en violation du droit international des conflits armés, à condition que ces moyens fassent l’objet d’une interdiction générale et qu’ils soient inscrits dans une annexe au présent Statut, par voie d’amendement adopté selon les dispositions des articles 121 et 123;
xxi) Les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants;
xxii) Le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, la stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle constituant une infraction grave aux Conventions de Genève;
xxiii) Le fait d’utiliser la présence d’un civil ou d’une autre personne protégée pour éviter que certains points, zones ou forces militaires ne soient la cible d’opérations militaires;
xxiv) Le fait de lancer des attaques délibérées contre les bâtiments, le matériel, les unités et les moyens de transport sanitaires, et le personnel utilisant, conformément au droit international, les signes distinctifs prévus par les Conventions de Genève;
xxv) Le fait d’affamer délibérément des civils, comme méthode de guerre, en les privant de biens indispensables à leur survie, notamment en empêchant intentionnellement l’arrivée des secours prévus par les Conventions de Genève;
xxvi) Le fait de procéder à la conscription ou à l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans dans les forces armées nationales ou de les faire participer activement à des hostilités;
c) En cas de conflit armé ne présentant pas un caractère international, les violations graves de l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève du 12 août 1949, à savoir les actes ci-après commis à l’encontre de personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, y compris les membres de forces armées qui ont déposé les armes et les personnes qui ont été mises hors de combat par maladie, blessure, détention ou par toute autre cause :
i) Les atteintes à la vie et à l’intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels et la torture;
ii) Les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants;
iii) Les prises d’otages;
iv) Les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement préalable, rendu par un tribunal régulièrement constitué, assorti des garanties judiciaires généralement reconnues comme indispensables;
d) L’alinéa c) du paragraphe 2 s’applique aux conflits armés ne présentant pas un caractère international et ne s’applique donc pas aux situations de troubles ou tensions internes telles que les émeutes, les actes de violence sporadiques ou isolés et les actes de nature similaire;
e) Les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés ne présentant pas un caractère international, dans le cadre établi du droit international, à savoir les actes ci-après :
i) Le fait de lancer des attaques délibérées contre la population civile en général ou contre des civils qui ne prennent pas directement part aux hostilités;
ii) Le fait de lancer des attaques délibérées contre les bâtiments, le matériel, les unités et les moyens de transport sanitaires, et le personnel utilisant, conformément au droit international, les signes distinctifs prévus par les Conventions de Genève;
iii) Le fait de lancer des attaques délibérées contre le personnel, les installations, le matériel, les unités ou les véhicules employés dans le cadre d’une mission d’aide humanitaire ou de maintien de la paix conformément à la Charte des Nations Unies, pour autant qu’ils aient droit à la protection que le droit des conflits armés garantit aux civils et aux biens de caractère civil;
iv) Le fait de lancer des attaques délibérées contre des bâtiments consacrés à la religion, à l’enseignement, à l’art, à la science ou à l’action caritative, des monuments historiques, des hôpitaux et des lieux où des malades et des blessés sont rassemblés, pour autant que ces bâtiments ne soient pas alors utilisés à des fins militaires;
v) Le pillage d’une ville ou d’une localité, même prise d’assaut;
vi) Le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, telle que définie à l’article 7, paragraphe 2, alinéa f), la stérilisation forcée, ou toute autre forme de violence sexuelle constituant une infraction grave aux Conventions de Genève;
vii) Le fait de procéder à la conscription ou à l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans dans les forces armées ou de les faire participer activement à des hostilités;
viii) Le fait d’ordonner le déplacement de la population civile pour des raisons ayant trait au conflit, sauf dans les cas où la sécurité des civils ou des impératifs militaires l’exigent;
ix) Le fait de tuer ou de blesser par traîtrise un adversaire combattant;
x) Le fait de déclarer qu’il ne sera pas fait de quartier;
xi) Le fait de soumettre des personnes d’une autre partie au conflit tombées en son pouvoir à des mutilations ou à des expériences médicales ou scientifiques quelles qu’elles soient qui ne sont ni motivées par un traitement médical, ni effectuées dans l’intérêt de ces personnes, et qui entraînent la mort de celles-ci ou mettent sérieusement en danger leur santé;
xii) Le fait de détruire ou de saisir les biens d’un adversaire, sauf si ces destructions ou saisies sont impérieusement commandées par les nécessités du conflit;
f) L’alinéa e) du paragraphe 2 s’applique aux conflits armés ne présentant pas un caractère international et ne s’applique donc pas aux situations de tensions internes et de troubles intérieurs comme les émeutes, les actes isolés et sporadiques de violence et autres actes analogues. Il s’applique aux conflits armés qui opposent de manière prolongée sur le territoire d’un État les autorités du gouvernement de cet État et des groupes armés organisés ou des groupes armés organisés entre eux ;
3. Rien dans le paragraphe 2, alinéas c) et d) n’affecte la responsabilité d’un gouvernement de maintenir ou rétablir l’ordre public dans l’État ou de défendre l’unité et l’intégrité territoriale de l’État par tous les moyens légitimes.
ARTICLE 9
ELEMENTS CONSTITUTIFS DES CRIMES
1. Les éléments constitutifs des crimes aident la Cour à interpréter et appliquer les articles 6, 7 et 8 du présent Statut. Ils doivent être approuvés à la majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée des États Parties.
2. Des amendements aux éléments constitutifs des crimes peuvent être proposés par :
a) Un État Partie;
b) Les juges, statuant à la majorité absolue;
c) Le Procureur.
Les amendements doivent être adoptés à la majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée des États Parties.
3. Les éléments constitutifs des crimes et les amendements s’y rapportant sont conformes au présent Statut.
ARTICLE 10
Aucune disposition du présent chapitre ne doit être interprétée comme limitant ou affectant de quelque manière que ce soit les règles du droit international existantes ou en formation qui visent d’autres fins que le présent Statut.
ARTICLE 11
COMPÉTENCE RATIONE TEMPORIS
1. La Cour n’a compétence qu’à l’égard des crimes relevant de sa compétence commis après l’entrée en vigueur du présent Statut.
2. Si un État devient Partie au présent Statut après l’entrée en vigueur de celui-ci, la Cour ne peut exercer sa compétence qu’à l’égard des crimes commis après l’entrée en vigueur du Statut pour cet État, sauf si ledit État fait la déclaration prévue à l’article 12, paragraphe 3.
ARTICLE 12
1. Un État qui devient Partie au Statut reconnaît par là même la compétence de la Cour à l’égard des crimes visés à l’article 5.
2. Dans les cas visés à l’article 13, paragraphes a) ou c), la Cour peut exercer sa compétence si l’un des États suivants ou les deux sont Parties au présent Statut ou ont reconnu la compétence de la Cour conformément au paragraphe 3 :
a) L’État sur le territoire duquel le comportement en cause s’est produit ou, si le crime a été commis à bord d’un navire ou d’un aéronef, l’État du pavillon ou l’État d’immatriculation;
b) L’État dont la personne accusée du crime est un national.
3. Si la reconnaissance de la compétence de la Cour par un État qui n’est pas Partie au présent Statut est nécessaire aux fins du paragraphe 2, cet État peut, par déclaration déposée auprès du Greffier, consentir à ce que la Cour exerce sa compétence à l’égard du crime dont il s’agit. L’État ayant reconnu la compétence de la Cour coopère avec celle-ci sans retard et sans exception conformément au chapitre IX.
ARTICLE 13
EXERCICE DE LA COMPETENCE
La Cour peut exercer sa compétence à l’égard des crimes visés à l’article 5, conformément aux dispositions du présent Statut :
a) Si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est déférée au Procureur par un État Partie, comme prévu à l’article 14;
b) Si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est déférée au Procureur par le Conseil de sécurité agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies; ou
c) Si le Procureur a ouvert une enquête sur un ou plusieurs de ces crimes en vertu de l’article 15.
ARTICLE 14
RENVOI D’UNE SITUATION PAR UN ÉTAT PARTIE
1. Tout État Partie peut déférer au Procureur une situation dans laquelle un ou plusieurs des crimes relevant de la compétence de la Cour paraissent avoir été commis, et prier le Procureur d’enquêter sur cette situation en vue de déterminer si une ou plusieurs personnes particulières doivent être accusées de ces crimes.
2. L’État qui procède au renvoi indique autant que possible les circonstances de l’affaire et produit les pièces à l’appui dont il dispose.
ARTICLE 15
LE PROCUREUR
1. Le Procureur peut ouvrir une enquête de sa propre initiative au vu de renseignements concernant des crimes relevant de la compétence de la Cour.
2. Le Procureur vérifie le sérieux des renseignements reçus. À cette fin, il peut rechercher des renseignements supplémentaires auprès d’États, d’organes de l’Organisation des Nations Unies, d’organisations intergouvernementales et non gouvernementales, ou d’autres sources dignes de foi qu’il juge appropriées, et recueillir des dépositions écrites ou orales au siège de la Cour.
3. S’il conclut qu’il y a de bonnes raisons d’ouvrir une enquête, le Procureur présente à la Chambre préliminaire une demande d’autorisation en ce sens, accompagnée des éléments justificatifs recueillis. Les victimes peuvent adresser des représentations à la Chambre préliminaire, conformément au Règlement de procédure et de preuve.
4. Si elle estime, après examen de la demande et des éléments justificatifs qui l’accompagnent, que l’ouverture d’une enquête se justifie et que l’affaire semble relever de la compétence de la Cour, la Chambre préliminaire donne son autorisation, sans préjudice des décisions que la Cour prendra ultérieurement en matière de compétence et de recevabilité.
5. Une réponse négative de la Chambre préliminaire n’empêche pas le Procureur de présenter par la suite une nouvelle demande en se fondant sur des faits ou des éléments de preuve nouveaux ayant trait à la même situation.
6. Si, après l’examen préliminaire visé aux paragraphes 1 et 2, le Procureur conclut que les renseignements qui lui ont été soumis ne justifient pas l’ouverture d’une enquête, il en avise ceux qui les lui ont fournis. Il ne lui est pas pour autant interdit d’examiner, à la lumière de faits ou d’éléments de preuve nouveaux, les autres renseignements qui pourraient lui être communiqués au sujet de la même affaire.
ARTICLE 16
SURSIS À ENQUÊTER OU À POURSUIVRE
Aucune enquête ni aucunes poursuites ne peuvent être engagées ni menées en vertu du présent Statut pendant les douze mois qui suivent la date à laquelle le Conseil de sécurité a fait une demande en ce sens à la Cour dans une résolution adoptée en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies; la demande peut être renouvelée par le Conseil dans les mêmes conditions.
ARTICLE 17
QUESTIONS RELATIVES A LA RECEVABILITE
1. Eu égard au dixième alinéa du préambule et à l’article premier du présent Statut, une affaire est jugée irrecevable par la Cour lorsque :
a) L’affaire fait l’objet d’une enquête ou de poursuites de la part d’un État ayant compétence en l’espèce, à moins que cet État n’ait pas la volonté ou soit dans l’incapacité de mener véritablement à bien l’enquête ou les poursuites;
b) L’affaire a fait l’objet d’une enquête de la part d’un État ayant compétence en l’espèce et que cet État a décidé de ne pas poursuivre la personne concernée, à moins que cette décision ne soit l’effet du manque de volonté ou de l’incapacité de l’État de mener véritablement à bien des poursuites;
c) La personne concernée a déjà été jugée pour le comportement faisant l’objet de la plainte, et qu’elle ne peut être jugée par la Cour en vertu de l’article 20, paragraphe 3;
d) L’affaire n’est pas suffisamment grave pour que la Cour y donne suite.
2. Pour déterminer s’il y a manque de volonté de l’État dans un cas d’espèce, la Cour considère l’existence, eu égard aux garanties judiciaires reconnues par le droit international, de l’une ou de plusieurs des circonstances suivantes :
a) La procédure a été ou est engagée ou la décision de l’État a été prise dans le dessein de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale pour les crimes relevant de la compétence de la Cour visés à l’article 5;
b) La procédure a subi un retard injustifié qui, dans les circonstances, dément l’intention de traduire en justice la personne concernée;
c) La procédure n’a pas été ou n’est pas menée de manière indépendante ou impartiale mais d’une manière qui, dans les circonstances, dément l’intention de traduire en justice la personne concernée.
3. Pour déterminer s’il y a incapacité de l’État dans un cas d’espèce, la Cour considère si l’État n’est pas en mesure, en raison de l’effondrement de la totalité ou d’une partie substantielle de son propre appareil judiciaire ou de l’indisponibilité de celui-ci, de se saisir de l’accusé, de réunir les éléments de preuve et les témoignages nécessaires ou de mener autrement à bien la procédure.
ARTICLE 18
DECISION PRELIMINAIRE SUR LA RECEVABILITE
1. Lorsqu’une situation est déférée à la Cour comme le prévoit l’article 13, alinéa a), et que le Procureur a déterminé qu’il y a de bonnes raisons d’ouvrir une enquête, ou lorsque le Procureur a ouvert une enquête au titre des articles 13, paragraphe c), et 15, le Procureur le notifie à tous les États Parties et aux États qui, selon les renseignements disponibles, auraient normalement compétence à l’égard des crimes dont il s’agit. Il peut le faire à titre confidentiel et, quand il juge que cela est nécessaire pour protéger des personnes, prévenir la destruction d’éléments de preuve ou empêcher la fuite de personnes, il restreint l’étendue des renseignements qu’il communique aux États.
2. Dans le mois qui suit la réception de cette notification, un État peut informer la Cour qu’il ouvre ou a ouvert une enquête sur ses nationaux ou d’autres personnes placées sous sa juridiction pour des actes criminels qui pourraient être constitutifs des crimes visés à l’article 5 et qui ont un rapport avec les renseignements notifiés aux États. Si l’État le lui demande, le Procureur lui défère le soin de l’enquête, à moins que la Chambre préliminaire ne l’autorise, sur sa demande, à faire enquête lui-même.
3. Ce sursis à enquêter peut être réexaminé par le Procureur six mois après avoir été décidé, ou à tout moment si le manque de volonté ou l’incapacité de l’État de mener véritablement à bien l’enquête modifie sensiblement les circonstances.
4. L’État intéressé ou le Procureur peut relever appel devant la Chambre d’appel de la décision de la Chambre préliminaire, comme le prévoit l’article 82, paragraphe 2. Cet appel peut être examiné selon une procédure accélérée.
5. Lorsqu’il sursoit à enquêter comme prévu au paragraphe 2, le Procureur peut demander à l’État concerné de lui rendre régulièrement compte des progrès de son enquête et, le cas échéant, des poursuites engagées par la suite. Les États Parties répondent à ces demandes sans retard injustifié.
6. En attendant la décision de la Chambre préliminaire, ou à tout moment après avoir décidé de surseoir à son enquête comme le prévoit le présent article, le Procureur peut, à titre exceptionnel, demander à la Chambre préliminaire l’autorisation de prendre les mesures d’enquête nécessaires pour préserver des éléments de preuve dans le cas où l’occasion de recueillir des éléments de preuve importants ne se représentera pas ou s’il y a un risque appréciable que ces éléments de preuve ne soient plus disponibles par la suite.
7. L’État qui a contesté une décision de la Chambre préliminaire en vertu du présent article peut contester la recevabilité d’une affaire au regard de l’article 19 en invoquant des faits nouveaux ou un changement de circonstances importants.
ARTICLE 19
CONTESTATION DE LA COMPETENCE DE
LA COUR OU DE LA RECEVABILITE D’UNE AFFAIRE
1. La Cour s’assure qu’elle est compétente pour connaître de l’affaire portée devant elle. Elle peut d’office se prononcer sur la recevabilité de l’affaire conformément à l’article 17.
2. Peuvent contester la recevabilité de l’affaire pour les motifs indiqués à l’article 17 ou contester la compétence de la Cour :
a) L’accusé ou la personne à l’encontre de laquelle a été délivré un mandat d’arrêt ou une citation à comparaître en vertu de l’article 58;
b) L’État qui est compétent à l’égard du crime considéré du fait qu’il mène ou a mené une enquête, ou qu’il exerce ou a exercé des poursuites en l’espèce; ou
c) L’État qui doit avoir reconnu la compétence de la Cour selon l’article 12.
3. Le Procureur peut demander à la Cour de se prononcer sur une question de compétence ou de recevabilité. Dans les procédures portant sur la compétence ou la recevabilité, ceux qui ont déféré une situation en application de l’article 13, ainsi que les victimes, peuvent également soumettre des observations à la Cour.
4. La recevabilité d’une affaire ou la compétence de la Cour ne peut être contestée qu’une fois par les personnes ou les États visés au paragraphe 2. L’exception doit être soulevée avant l’ouverture ou à l’ouverture du procès. Dans des circonstances exceptionnelles, la Cour permet qu’une exception soit soulevée plus d’une fois ou à une phase ultérieure du procès. Les exceptions d’irrecevabilité soulevées à l’ouverture du procès, ou par la suite avec l’autorisation de la Cour, ne peuvent être fondées que sur les dispositions de l’article 1, paragraphe 1, alinéa c).
5. Les États visés au paragraphe 2, alinéas b) et c), soulèvent leur exception le plus tôt possible.
6. Avant la confirmation des charges, les exceptions d’irrecevabilité ou d’incompétence sont renvoyées à la Chambre préliminaire. Après la confirmation des charges, elles sont renvoyées à la Chambre de première instance. Il peut être fait appel des décisions de la Chambre d’appel portant sur la compétence ou la recevabilité conformément à l’article 82.
7. Si l’exception est soulevée par l’État visé au paragraphe 2, alinéas b) ou c), le Procureur sursoit à enquêter jusqu’à ce que la Cour ait pris la décision prévue à l’article 17.
8. En attendant qu’elle statue, le Procureur peut demander à la Cour l’autorisation :
a) De prendre les mesures d’enquête visées à l’article 18, paragraphe 6;
b) De recueillir la déposition ou le témoignage d’un témoin ou de mener à bien les opérations de rassemblement et d’examen des éléments de preuve commencées avant que l’exception ait été soulevée;
c) D’empêcher, en coopération avec les États concernés, la fuite des personnes contre lesquelles le Procureur a déjà requis un mandat d’arrêt conformément à l’article 58.
9. Le fait qu’une exception est soulevée est sans effet sur la validité des mesures prises par le Procureur et des ordonnances et mandats délivrés par la Cour avant que l’exception ait été soulevée.
10. Quand la Cour a jugé une affaire irrecevable au regard de l’article 17, le Procureur peut lui demander de reconsidérer sa décision s’il est certain que des faits nouvellement apparus infirment les raisons pour lesquelles l’affaire avait été jugée irrecevable.
11.Si, eu égard à l’article 17, le Procureur sursoit à enquêter, il peut demander à l’État intéressé de l’informer du déroulement de la procédure. Ces renseignements sont tenus confidentiels si l’État le demande. Si le Procureur décide par la suite d’ouvrir une enquête, il notifie sa décision à l’État dont la procédure était à l’origine du sursis.
ARTICLE 20
NON BIS IN IDEM
1. Sauf disposition contraire du présent Statut, nul ne peut être jugé par la Cour pour des actes constitutifs de crimes pour lesquels il a déjà été condamné ou acquitté par elle.
2. Nul ne peut être jugé par une autre juridiction pour un crime visé à l’article 5 pour lequel il a déjà été condamné ou acquitté par la Cour.
3. Quiconque a été jugé par une autre juridiction pour un comportement tombant aussi sous le coup des articles 6, 7 ou 8 ne peut être jugé par la Cour que si la procédure devant l’autre juridiction :
a) Avait pour but de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale pour des crimes relevant de la compétence de la Cour; ou
b) N’a pas été au demeurant menée de manière indépendante ou impartiale, dans le respect des garanties prévues par le droit international, mais d’une manière qui, dans les circonstances, démentait l’intention de traduire l’intéressé en justice.
ARTICLE 21
DROIT APPLICABLE
1. La Cour applique :
a) En premier lieu, le présent Statut et le Règlement de procédure et de preuve;
b) En second lieu, selon qu’il convient, les traités applicables et les principes et règles du droit international, y compris les principes établis du droit international des conflits armés;
c) À défaut, les principes généraux du droit dégagés par la Cour à partir des lois nationales représentant les différents systèmes juridiques du monde, y compris, selon qu’il convient, les lois nationales des États sous la juridiction desquels tomberait normalement le crime, si ces principes ne sont pas incompatibles avec le présent Statut ni avec le droit international et les règles et normes internationales reconnues.
2. La Cour peut appliquer les principes et règles de droit tels qu’elle les a interprétés dans ses décisions antérieures.
3. L’application et l’interprétation du droit prévues au présent article doivent être compatibles avec les droits de l’homme internationalement reconnus et exemptes de toute discrimination fondée sur des considérations telles que l’appartenance à l’un ou l’autre sexe tel que défini à l’article 7, paragraphe 3, l’âge, la race, la couleur, la langue, la religion ou la conviction, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale, ethnique ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre qualité.