Dans l’ADN de la famille Michel, notaires et avocats, on trouve le droit et les valeurs de justice.
Né le 2 juillet 1943, Pierre Michel, élevé dans un milieu bourgeois de la région messine, embrasse presque sans surprise la carrière de magistrat en 1974.
Dans ces années 1970, Marseille est une plaque tournante du trafic international de drogue. La French Connection importe de la morphine d’Orient, la transforme dans des laboratoires clandestins puis l’exporte aux Etats-Unis.
Le juge Michel va s’attaquer à cette mafia et son cortège de règlements de comptes sanglants.
Avec des méthodes inédites. « Il n’hésitait pas à placer en détention les compagnes de certains trafiquants, estimant qu’elles étaient des maillons de la chaîne.
Il a même envoyé une femme enceinte de huit mois aux Baumettes », cite le journaliste Eric Pelletier, coauteur d’un ouvrage sur le juge Michel.
COMME UNE CROISADE
Pierre Michel était un magistrat ultra-répressif, sans états d’âme, avec un engagement personnel très fort, ajoute Eric Pelletier. « Il a mené ce combat comme une croisade », confirme l’ex-magistrat Etienne Ceccaldi.
Marqué par la déchéance des toxicomanes, le juge Michel mène une lutte implacable contre les marchands de mort. Et ses méthodes, parfois limites, payent. Il démantèle des labos, fait arrêter plus de 70 trafiquants.
Sa lutte acharnée contre les narco-trafiquants est sanctionné, le 21 octobre 1981 à 12 h 49, par son exécution à 38 ans par le milieu marseillais avec trois balles de 11.43.
Cet assassinat provoque une onde de choc dans le pays. Deux jours plus tard, le juge Michel devait auditionner un voyou lié au parrain Gaëtan Zampa. Un caïd que le juge, contrairement à une scène de « la French », n’a jamais rencontré.
Par la voix de son avocat, Zampa dément tout lien avec l’assassinat.
Deux truands seront arrêtés puis relâchés faute de preuves. « Zampa a su avant les flics qui a tué le juge Michel », soutient Eric Pelletier.
Cinq ans après les faits, l’enquête rebondit en Suisse.
Un « chimiste » repenti balance.
Le tireur, François Checchi, le pilote, Charles Altiéri, les commanditaires, François Girard et Homère Filippi, membres de la French, seront lourdement condamnés en 1988.
Les deux premiers ont été libérés sous conditions ces dernières semaines, provoquant l’indignation de la veuve et des deux filles du juge Michel.
Filipi n’a jamais été retrouvé.
Zampa, lui, s’est pendu dans sa cellule des Baumettes en 1984.
Cette affaire, c’est celle d’un meurtre exécuté sur ordonnance, un meurtre prémédité, un meurtre odieux pour la république : celui d’un magistrat garant de la justice, pilier de l’état.
Cinq ans seulement après la mort du Juge François Renaud, lui aussi lâchement assassiné à Lyon, la justice était de nouveau la victime de ceux qui violent la loi. Il faut dire qu’en ces temps-là à Marseille, les truands, qui rendent parfois service aux politiciens, tiennent le haut du pavé.
Les voyous, les bandits et les gros bonnets de la drogue se croient intouchables! Cette époque c’est celle des héritiers de la French Connection et autres barrons de « la blanche » qui faisaient des rues de Marseille, le lieu-dit de toutes les combines.
Venu de Metz, Pierre Michel n’appréciait pas ce folklore provençal.
Et pendant 7 ans, alors devenu juge d’instruction, il va leur mener une guerre sur leur terre, avec ses méthodes à lui.
Celle d’un juge qui n’avait peur de rien, pas même de la mort.
Parrains locaux débusqués et arrêtés, trafics arrêtés et laboratoires démantelés. Il montrait chaque jour que ses méthodes de juge n’avaient rien à envier, dans leur efficacité, à celle des bandits.
Pour le juge Michel aussi incoercible qu’incorruptible, peu importait la manière, seul l’idéal de justice devait l’emporter. Mais à force de bousculer le milieu, le juge va se créer une kyrielle d’ennemis qui vont tous avoir une bonne raison de vouloir sa mort.
Alors qui a donc donné l’ordre de l’assassiner ?
Comment l’enquête a-t-elle abouti à la condamnation de plusieurs « personnalités » du milieu Marseillais ?
Et surtout a-t-on arrêté les bons coupables ?
Sources : www.franceinter.fr et www.leparisien.fr