AFFAIRE KLAUS BARBIE

Klaus Barbie est né le 25 octobre 1913 à Bad Godesberg, petite ville de la Vallée du Rhin, près de Bonn (Allemagne).

En 1934, il devient chef de patrouille aux Jeunesses hitlériennes. C’est en septembre 1935 qu’il est recruté par le service de renseignements du Parti national-socialiste.

Sa « formation » de SS Mann durera deux ans, à Bernau, une école près de Berlin.

En mai 1937, à 23 ans, Barbie adhère au parti nazi. En 1940, il est envoyé à La Haye, où son rôle consiste à arrêter les juifs et les réfugiés politiques allemands installés aux Pays-Bas.

En 1942, il se rend à Dijon, puis à Lyon, où il dirige, avec vingt-cinq officiers sous ses ordres, un service de la police nazie compétente pour une région qui comprend Lyon, mais aussi le Jura, les Hautes-Alpes et jusqu’à Grenoble. Sa section est chargée de la  » lutte anticommuniste, antisabotage et antijuive ».

En septembre 1944, l’armée allemande quitte Lyon en emportant ou en brûlant derrière elle la quasi-totalité des documents.

Barbie est blessé dans sa fuite.

Il parviendra tout de même à gagner Baden-Baden, où il se fait soigner. Après la guerre, il entame une nouvelle vie, s’occupe de trafic et de marché noir, dirige un cabaret à Munich sous un faux nom.

En 1950, la France formule à nouveau une demande d’extradition.

Barbie doit « témoigner » au procès de René Hardy, accusé d’avoir « donné » Jean Moulin (la victime la plus connue de Barbie, chef du Conseil national de la Résistance, dénoncé et arrêté le 21 juin 1943, au cours d’une réunion à Caluire, dans la banlieue lyonnaise).

En vain. C’est avec le concours américain qu’il gagne la Bolivie. Il obtient la nationalité bolivienne, sous le nom de Klaus Altmann, le 3 octobre 1957.

Christian Riss, juge d’instruction au tribunal de grande instance de Lyon, délivre le 5 novembre 1982 un mandat d’arrêt contre Barbie-Altmann.

Le 5 février 1983, il est livré à la justice française et conduit à la prison de Montluc, à Lyon, réaménagée par Robert Badinter, alors ministre de la Justice. Cette prison même où il avait sévi. Comme la prison de Montluc n’offre pas toutes les garanties de sécurité, le détenu sera transféré à la prison Saint-Joseph, au centre de Lyon, où il attendra son procès.

Sur les conseils de sa fille Ute Messner, Klaus Barbie choisit pour avocat Jacques Vergès.
Débuté le 11 mai 1987, le procès de Klaus Barbie devant la cour d’assises du Rhône va bientôt s’achever. A partir d’aujourd’hui, 1er juillet, la parole est à la défense avec la plaidoirie de l’avocat de la défense Maître Jacques Vergès.

Klaus Barbie, surnommé le boucher de Lyon, a dirigé de 1942 à 1944 pour la police nazie le service de la répression des crimes et délits politiques. Plusieurs de ses crimes de guerre sont prescrits et il a déjà été condamné à la peine de mort en 1952 et 1954 par la justice française.

Mais à Lyon il est jugé pour crime contre l’humanité, notamment dans trois affaires: la rafle des bureaux de l’Union générale des israélites de France, le 9 février 1943, situés à Lyon, rue Ste Catherine, au cours de laquelle 86 personnes sont arrêtées et déportées

La rafle des enfants d’Izieu, le 6 avril 1944, 41 enfants et 5 adultes sont déportés.

Enfin le dernier convoi, le 11 août 1944, qui emmena, à 15 jours de la libération de Lyon, 600 personnes, essentiellement des juifs et des résistants, vers Auschwitz.

A la demande du garde des sceaux Robert Badinter, ce procès est pour la première fois enregistré en intégralité en vidéo.

Cette captation a été rendue possible par la loi du 11 juillet 1985. L’INA filme donc en intégralité le procès, sous la surveillance d’un magistrat.

Le président Cérini commence la séance en demandent si l’accusé va comparaître.

Comme depuis le début du procès Klaus Barbie refuse de comparaître.

Au début du procès il avait expliqué cette décision ainsi : Je suis détenu ici de façon illégale, j’ai été victime d’un enlèvement, l’affaire est actuellement examinée par la Cour Suprême bolivienne. Je suis citoyen bolivien. Je n’ai donc plus l’intention de paraître devant ce tribunal et je vous demanderai de bien vouloir me faire reconduire à la prison Saint-Joseph.

Je me remets à mon avocat malgré le climat de vengeance et de lynchage entretenu par la presse française »

« LE NAZI N’AIME PAS LA LUMIERE »

Procès Barbie, 3e semaine. 25 mai 1987.

La troisième semaine du procès commence par l’audition de l’académicien André Frossard, qui explique à la Cour comment, dans la « baraque aux juifs » du fort Montluc où il fut détenu, il a compris ce qu’était le crime contre l’humanité.

C’est pourquoi, depuis le début du procès, son avocat Jacques Vergès fait, en quelque sorte office de substitut de l’accusé.

Pour ce procès il y a plus de :

  • 40 avocats,
  • 39 pour les parties civiles,
  • 3 pour l’accusé.

Une centaine de témoins et de parties civiles, qui sont au nombre de 149, ont été où vont être appelés à la barre ;

Il y a 9 jurés 4 femmes et 5 hommes d’une moyenne d’âge de 39 ans et deux mois.

La lecture des chefs d’accusation au début du procès a pris, à elle seule, 2 jours et le procès dure depuis 48 jours.

La salle des pas a été transformée en tribunal pour pouvoir accueillir tout le monde.

Ouverture procès Barbie

La plaidoirie débute, Jacques Vergès revient sur le concept de crimes contre l’humanité et défend la présence des peuples africains à ce procès car ils sont « héros et victimes » de la guerre.

En effet depuis le début du procès Jacques Vergès a décidé d’adopter une stratégie de déviation. Il préfère parler des crimes de la France en Algérie, en Afrique et parler de la France collaboratrice.

C’est pourquoi il a choisi de travailler avec deux autres avocats, Maître Nabil Bouaita avocat algérien, et Maître Jean-Martin Mbemba avocat congolais à qui il passe maintenant la parole.

Il choisit de revenir sur le concept de crimes contre l’humanité en évoquant deux cas en Afrique.

Il évoque notamment la construction du chemin de fer Congo-Océan, construit sous l’administration coloniale française entre 1921 et 1934, il a causé près de 20 000 morts pour sa construction.

L’avocat émet l’hypothèse de l’influence du colonialisme sur le nazisme « ce traitement là a pu, je ne sais jusqu’à quel degré, inspirer ceux qui ont triomphé en Allemagne dans les années 1933 » « est ce que ceux qui ont perpétré les pratiques coloniales n’ont pas inspiré l’idéologie nazie ? »

La séance est suspendue pendant 20 minutes à 15h48. Au retour, c’est maître Bouaita qui prend la parole.

Comme son collègue il fait le parallèle entre les massacres de la seconde guerre mondiale et d’autres perpétrés dans le monde entier depuis des années. « Il faudrait recommencer ce procès en s’assurant de la présence même forcée de tous les despotes, de tous les dictateurs sanglants qui ont saigné l’humanité ». »Ce n’est que dans ses conditions que nous pourrons avoir une justice sans haine ».

Maitre Zaoui, avocat de l’accusation, demande la suspension de la séance pour pouvoir répondre. « Il est intolérable d’entendre parler des faits certes graves, pour dire Israël est aussi coupable que les nazis. » Plusieurs avocats de l’accusation réagissent aux propos des avocats de la défense.

D’autres à l’image de Maître Ugo Ianucci défende la « libre expression » de la défense, à ses risques et périls ».

Maître Vergès reprend la parole. Avec ferveur il s’oppose à cette demande de suspension de séance, arguant qu’il n’a fait que revenir sur des documents connus de tous, et a donné une interprétation. Ce qui à ses yeux ne justifie la suspension de séance. La cour n’accède pas à la demande de l’accusation et laisse la parole à la défense.

Jacques Vergès, lui même résistant pendant la seconde guerre mondiale, est connu notamment pour ses positions anticolonialistes. Il a été militant FLN et a notamment défendu Djamila Bouhired, célèbre militante pour l’indépendance de l’Algérie.

L’avocat a pour habitude de mettre en place des stratégies de défense de rupture.

Jacques Vergès  » Je défends Barbie « 

L’avocat remet en cause les conditions du procès « Ce procès organisé 45 ans après les faits qu’il examine, enfreint le droit ordinaire depuis 4 ans il s’organise dans un tumulte médiatique organisé (…) mais aucune grande voix ne le déclare légitime » « On rabaisse la justice en vengeance (…) ce procès heurte le droit, offense la vérité et blesse la France ».

Le procès de Klaus Barbie, annoncé depuis plusieurs années est aussi un grand raoult médiatique. Plus de 900 journalistes et 15 chaînes de télévision sont présentes pour suivre le procès.

La séance est suspendue. Elle reprendra demain.

2 juillet 1987, 13h36 reprise de la plaidoirie de la défense. Klaus Barbie refuse toujours de comparaître

« Ce procès viole la constitution de la France » souligne Jacques Verges. En effet Klaus Barbie n’a pas été extradé, c’est le gouvernement Bolivien qui l’a remis à la France en février 1983, alors qu’une procédure d’extradition était pourtant lancée. La procédure mise en place ne correspond donc pas à la loi d’extradition Pour accélérer la procédure la France aurait notamment livré de nombreuses armes au gouvernement bolivien.

KLAUS BARBIE : LA CAVALE

A l’issue de son procès, Klaus Barbie a été condamné le 4 juillet 1987 pour crimes de guerre et crime contre l’humanité. La Cour d’assises de Lyon jugeait les actes qu’il avait commis sur le sol français entre 1942 et 1944.

Maître Jacques Verges en vient maintenant aux chefs d’accusation qui pèsent sur Klaus Barbie et en premier lieu la rafle du 9 février 1943

Il met en cause des traitres chez les israélites de France qui aurait aidé à monter le piège de la Gestapo. « La communauté juive de l’époque a eu ses traîtres comme tant de peuple ont eu les leur dans des circonstances troubles »

Le 9 février 1943 la Gestapo. 86 personnes sont arrêtées ce jour là au 12 rue Sainte -Catherine à Lyon siège de l’Union générale des israélites de France. Ils sont ensuite internés au Camp de Drancy.

Jacques Vergès met en cause l’absence d’informations qui existe sur ce jour là et ce qui s’est passé ce 9 février.

Il défend l’idée que ce silence cache la vérité. Il évoque alors la présence parmi les victimes de Simon Badinter, père de Robert Badinter, le ministre de la justice. Une présence qui pourrait notamment expliquer une certaine omerta.

L’avocat de la défense en vient désormais à l’affaire du dernier convoi. Il s’emporte « L’accusation saît que Barbie était absent des lieux et de ce train du 11 août 44. Toute recherche sérieuse conduirait à en établir la preuve, alors on ne cherche pas sérieusement »

Le 11 août 1944, 600 personnes, majoritairement de la prison de Montluc doivent être transférés dans les camps français. Mais à l’été 44, les alliés et la résistance gagne du terrain. Le convoi devient donc finalement un convoi de déportation, les détenus sont envoyés vers les camps de Natzweiler-Struthof, de Ravensbrück et de Birkenau.

Jacques Vergès dénonce l’incohérence du chef d’accusation, en 54 Klaus Barbie était déjà attaqué sur cet épisode mais à l’époque pour crimes de guerre « Quand on l’a poursuivi en 54, on l’a poursuivi sur la base de l’ordonnance du Général de Gaulle, qui ne parle que de crimes de guerre. Et on ne pouvait pas en 44 le poursuivre pour crimes contre l’humanité car cette notion n’existait pas en droit français. Mais 40 ans après on le peut ».

L’audience est suspendue elle reprendra demain à 9heures.

Le procureur demande à ce que Klaus Barbie soit obligé à comparaître par la force au moment où il lui sera demandé s’il a une déclaration à faire et qu’il reste à la disposition de la cour jusqu’au délibéré. Le président accède à cette demande après une délibération.

Maitre Vergès prend la parole pour en venir au drame d’Izieu. L’avocat souligne que le nom de Barbie n’apparaît pas dans les documents concernant cette affaire.

En 1943, des enfants juifs de l’Hérault se réfugient dans la commune d’Izieu dans l’Ain. La colonie des enfants d’Izieu sont hébergés et cachés par Sabine et Miron Zlatin. Le 6 avril 1944, la Gestapo arrêtent les 44 enfants et 7 adultes qui les encadrent. Envoyés au camp de Drancy, ils sont ensuite emmenés à Auschwitz-Birkenau où ils sont immédiatement gazés.

Le télétex qui accuse Klaus Barbie dans ce drame est un faux « un photomontage » pour l’avocat de la défense. Il demande donc son retrait du dossier et une authentification du document: « Si on accepte cette version, c’est qu’il ne règne pas un ordre très grand au centre de documentation juive contemporaine », « Nous sommes obligés de constater que ce document est un faux, tant qu’on n’aura pas prouvé le contraire ».

Maître Jacques Vergès achève donc sa plaidoirie, les juges et les jurés se retirent. Place maintenant à la délibération pour les 9 jurés après 52 jours de procès et 190 heures de débat.

Source : www. storify.com