AFFAIRE DU COURRIER DE LYON

Le 8 Floréal an IV (27 avril 1796), la malle-poste à destination de Lyon transporte la solde des soldats de Bonaparte en guerre en Italie : plus de 7 millions de livres en assignats. Partie de Paris elle doit atteindre sa destination en une cinquantaine d’heures.

Depuis la sortie de Montgeron, l’ancienne route royale (notre RN6) est en ligne droite jusqu’à Melun où, au soir, l’on commence à s’inquiéter du retard du Courrier de Lyon. Un employé du relais, prend donc la route pour aller à son devant.

L’ATTAQUE DE LA MALLE-POSTE

Arrivé au pont de Pouilly, à Vert-Saint-Denis, il découvre la malle-poste abandonnée et les cadavres mutilés du convoyeur et du postillon. Il décide de poursuivre sur Lieusaint d’où l’on préviendra la maréchaussée. Ainsi débute l’une des affaires les plus célèbres de la criminologie française.

LA DECOUVERTE DES CADAVRES

Rapidement l’enquête commence au relais de poste de Montgeron où deux servantes avaient remarqué la veille 4 hommes semblant attendre quelque chose. On retrouve également assez vite le loueur des chevaux utilisés par les bandits et notamment on identifie un certain Courriol et 3 complices : Durochat, Rossi et Vidal.

Ce Courriol avait déjeuné quelques jours plus tôt avec les sieurs Guesnot et Lesurques (ce dernier, jeune rentier ayant fait fortune à Douais dans la vente des biens nationaux). Un temps soupçonné, Guesnot est le 12 floréal à la préfecture de police pour récupérer ses papiers ; il se fait accompagner par son ami Lesurques. Le nœud de l’histoire est qu’au même moment les servantes de l’auberge de Montgeron attendent d’être interrogées, or elles croient reconnaître dans Lesurques l’un des bandits.

LESURQUES ET GUESNOT

Dans la salle d’attente de la préfecture de police, les servantes de l’auberge de Montgeron croient reconnaître Lesurques comme l’un des bandits.

Celui-ci est immédiatement arrêté malgré ses dénégations. Lors du procès qui suit, l’alibi de Lesurques tombe lorsque l’on constate qu’il repose sur un recueil comptable falsifié (celui d’un ami bijoutier).

Etienne Courriol, David Bernard (complice chargé des chevaux) et Joseph Lesurques sont condamnés à mort le 5 août 1796 et exécutés le 30 octobre de la même année (le procureur du procès est le célèbre gastronome Brillat-Savarin, futur auteur de la « physiologie du goût »). Avant de monter sur l’échafaud, Courriol dénonce ses complices notamment un certain Dubosq et innocente Lesurques.

LES ADIEUX DE LESURQUES A SA FAMILLE

Au fur et à mesure des arrestations ultérieures Durochat (passager de la malle-poste) est décapité le 5 août 1797, Vidal le 21 décembre 1799 enfin Dubosq le 24 décembre 1800.

EN ROUTE VERS L’ECHAFAUD

Ce dernier, se déclare étranger à l’affaire mais des témoins lui reconnaissent une certaine ressemblance avec Lesurques. Alors méprise ? Fragilité du témoignage humain ? Le cas de Lesurques devient un symbole de l’erreur judiciaire…(*)

(*) On n’hésitera cependant pas à douter de sa totale innocence. Deux contre-enquêtes au moment des faits, le considère comme coupable. Des témoins, même après l’arrestation de Dubosq, maintiennent leurs déclarations. Lesurques fréquentait certains des bandits, le faux alibi etc.

D’aucuns pensent, qu’à défaut d’avoir participé lui-même à l’attaque, Lesurques en aurait pu en être l’initiateur et/ou le financier…

RELAIS DE POSTE DE MONTGERON

Le batiment existe toujours face au « Cyrano ». L’entrée du relais sur la grande rue de Montgeron est désormais « la ferme de Chalandray ». L’auberge est remplacée par un restaurant asiatique.

JOSEPH LESURQUES

Joseph Lesurques est né en 1763. Deux cent ans avant l’affaire d’Outreau, l’affaire dite du Courrier de Lyon est l’une des plus célèbres erreurs judiciaires de la fin du XVIIIe. C’est tout un enchaînement de coïncidences malheureuses qui vaudront au malheureux Lesurques d’être condamné à mort et guillotiné.

En avril 1796, la malle-poste de Lyon transportant le courrier, des lettres de change et du numéraire destiné à l’armée d’Italie, est attaquée par un groupe de brigands à cheval prés de Lieusaint en Seine et Marne. L’employé de la Poste et les postillons sont sauvagement massacrés et dépouillés.

Presque immédiatement, trois individus sont identifiés comme étant les auteurs de ce carnage : David Bernard, Etienne Courriol et Joseph Lesurques.

Plusieurs témoins les reconnaissent formellement. J. Lesurques proteste de son innocence, peine perdue, les témoins sont formels, il était bien là. Malgré ses dénégations et ses protestations d’innocence, Il est condamné avec les autres accusés à la peine de mort. Malgré les déclarations de ses coaccusés l’innocentant, il est exécuté avec eux le 3 octobre 1796.

Bien plus tard, un certain Dubosc, ressemblant étrangement à J. Lesurques est arrêté, ce qui explique que les témoins avait été trompé. Dubosc avoue son crime, il est à son tour jugé, condamné à mort et exécuté. A son sujet, on raconte un grave incident de procédure touchant au secret professionnel.

Dans un premier temps, Dubosc avoue à son avocat son forfait, mais, sous le sceau su secret, ce dernier se trouve aux prises avec une crise de conscience : doit-il violer le secret et innocenter Lesurques ou ne rien révéler et le conduire à la mort ? Quoi qu’il en soit, il s’en ouvre à son bâtonnier.

Ce dernier fait ce qu’il n’aurait jamais du faire. Ce qui devait rester secret se répandit comme une traînée de poudre, jusqu’aux oreilles des autorités judiciaires qui poursuivent…. L’avocat ! Pour violation du secret professionnel. Résultat, ce fut l’avocat qui fut condamné en premier avant Dubosc qui passe alors des aveux complets.

Avec Lesurques et Dubosc, on a un condamné et exécuté de trop. La famille Lesurques demande alors la révision du procès de Joseph. C’est le bâtonnier de Paris, un certain Jules Favre qui est chargé de cette procédure. Demandée par Virginie, la fille de Joseph Lesurques, la réhabilitation tant souhaitée ne lui est pas accordée.

C’est finalement l’opinion populaire qui rendit justice à J. Lesurques et le réhabilita de facto en en faisant de sa condamnation l’exemple de l’erreur judiciaire.

Sur son cénotaphe, on peut lire :

Il fut victime de la plus déplorables des erreurs humaine

Après la mort de son épouse, leurs enfants firent rajouter cette inscription :

Martyrs tous deux sur la terre

tous deux réunis sont réunis au ciel.

Joseph Lesurques fut inhumé au cimetière Sainte Catherine (aujourd’hui disparu) prés du cimetière de Clamart. Un cénotaphe lui est consacré au Père Lachaise.

La peine de mort n’a été abolie dans notre pays (France) que le 17 septembre 1981.

L’affaire du courrier de Lyon a donné lieu à la création d’un arrêté en décembre 1868 concernant le bénéfice du doute et la réhabilitation des condamnés finalement reconnus innocents après leur mort, ce dont n’a pu bénéficier Lesurques malgré toutes les procédures menées par sa famille.

Sources : www.valdyerres.com et www.appl-lachaise.net