ARTICLE 5
Le présent titre réglemente les procédures préventives que sont la conciliation et le règlement préventif, destinées à sauvegarder les entreprises en difficulté et à apurer leur passif avant la cessation des paiements, conformément aux dispositions du présent Acte uniforme.
CHAPITRE I :
CONCILIATION (2015)
SECTION 1 :
OUVERTURE DE LA CONCILIATION
ARTICLE 5-1
La conciliation est ouverte aux personnes visées par l’article 1-1 ci-dessus, qui connaissent des difficultés avérées ou prévisibles mais qui ne sont pas encore en état de cessation des paiements.
Elle a pour objectif de trouver un accord amiable avec les principaux créanciers et cocontractants du débiteur, en vue de mettre fin à ses difficultés.
Toute personne qui a connaissance de la conciliation est tenue à la confidentialité.
ARTICLE 5-2
Le président de la juridiction compétente est saisi par une requête du débiteur ou par une requête conjointe de ce dernier avec un ou plusieurs de ses créanciers. Cette demande expose ses difficultés ainsi que les moyens d’y faire face.
La requête est accompagnée des documents suivants, datant de moins de trente (30) jours :
1°) une attestation d’immatriculation, d’inscription ou de déclaration d’activité à un registre ou à un ordre professionnel ou, à défaut, tout autre document de nature à prouver la réalité de l’activité exercée par le débiteur ;
2°) le cas échéant, les états financiers de synthèse comprenant le bilan, le compte de résultat, un tableau financier des ressources et des emplois, l’état annexé et, en tout état de cause, le montant du chiffre d’affaires et des bénéfices ou des pertes des trois derniers exercices ;
3°) un état de la trésorerie et un état chiffré des créances et des dettes avec indication des dates d’échéance ;
4°) un document indiquant le nombre de travailleurs déclarés et immatriculés, à la date de la demande ;
5°) une attestation émanant du débiteur par laquelle il déclare sur l’honneur ne pas être en état de cessation de paiements et précise, en outre, qu’il n’est pas soumis à une procédure de règlement préventif, de redressement judiciaire ou de liquidation des biens qui ne serait pas clôturée ;
6°) si le débiteur propose un conciliateur, un document indiquant les noms, prénoms, qualités et domicile de la personne proposée et une attestation de cette dernière indiquant ses compétences professionnelles ;
7°) le cas échéant, un document indiquant les noms, prénoms et domicile des créanciers qui se joignent à la demande du débiteur et le montant de leurs créances et des éventuelles sûretés dont elles sont assorties.
Ces documents sont datés, signés et certifiés conformes et sincères par le requérant. Dans le cas où l’un des documents visés ci-dessus ne peut être fourni, ou ne peut l’être qu’incomplètement, la requête doit contenir l’indication des motifs de cet empêchement.
ARTICLE 5-3
La procédure de conciliation est ouverte par le président de la juridiction compétente, statuant à huis clos, pour une durée n’excédant pas trois (3) mois mais qu’il peut, par une décision spécialement motivée, proroger d’un mois au plus à la demande du débiteur, après avis écrit du conciliateur. A l’expiration de ces délais, la conciliation prend fin de plein droit et il ne peut être ouvert une nouvelle procédure de conciliation avant expiration d’un délai de trois (3) mois.
La décision ouvrant la conciliation ou rejetant la demande d’ouverture ne fait l’objet d’aucune publicité.
ARTICLE 5-4
Dans la décision d’ouverture, le président de la juridiction compétente désigne un conciliateur.
Le conciliateur doit avoir le plein exercice de ses droits civils, justifier de sa compétence professionnelle et demeurer indépendant et impartial vis-à-vis des parties concernées par la conciliation. En particulier, il ne doit pas avoir perçu, à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, une rémunération ou un paiement de la part du débiteur intéressé, de tout créancier du débiteur ou d’une personne qui en détient le contrôle ou est contrôlée par lui, au cours des vingt-quatre (24) mois précédant la décision d’ouverture. Aucun parent ou allié du débiteur, jusqu’au quatrième degré inclusivement, ne peut être désigné en qualité de conciliateur. Il en va de même pour tout magistrat en fonction ou ayant quitté ses fonctions depuis moins de cinq (5) ans.
Dès qu’il est informé de sa désignation, le conciliateur atteste qu’il remplit, à sa connaissance, les conditions énoncées ci-dessus. A tout moment, durant le déroulement de la conciliation, s’il lui apparaît qu’il ne remplit plus ces conditions, il en informe sans délai le président de la juridiction compétente qui, s’il y a lieu, peut mettre fin à sa mission et nommer un remplaçant.
Les modalités de rémunération du conciliateur sont déterminées par le président de la juridiction avec l’accord du débiteur au jour de l’ouverture de la conciliation. Les critères sur la base desquels elle est arrêtée, son montant maximal chiffré et le montant des provisions sont précisés dans un document signé par le débiteur et le conciliateur et annexé à la décision d’ouverture. Si au cours de sa mission, le conciliateur estime que le montant initialement déterminé est insuffisant, il doit en informer sans délai le président de la juridiction qui fixe les nouvelles conditions avec l’accord du débiteur. A défaut d’accord, il est mis fin à la mission du conciliateur. La rémunération du conciliateur est à la charge du débiteur et fait l’objet d’une ordonnance de taxe.
SECTION 2 :
DEROULEMENT ET ISSUE DE LA CONCILIATION
ARTICLE 5-5
Le conciliateur a pour mission de favoriser la conclusion, entre le débiteur et ses principaux créanciers ainsi que, le cas échéant, ses cocontractants habituels, d’un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise.
Le conciliateur peut, à cette fin, obtenir du débiteur tous renseignements utiles.
ARTICLE 5-6
Le conciliateur rend compte régulièrement, au président de la juridiction compétente, de l’état d’avancement de sa mission et formule toutes observations utiles. S’il a connaissance de la survenance de la cessation des paiements, il en informe sans délai le président de la juridiction compétente.
En cas de survenance de la cessation des paiements, le débiteur en informe sans délai le président de la juridiction compétente.
A tout moment, s’il est informé de la survenance de l’état de cessation des paiements dans les conditions prévues par les deux alinéas précédents ou par tout autre moyen, le président de la juridiction compétente met fin sans délai à la conciliation et à la mission du conciliateur, après avoir entendu le débiteur et le conciliateur.
ARTICLE 5-7
Si le débiteur est mis en demeure ou poursuivi par un créancier appelé à la conciliation pendant la période de recherche de l’accord, telle que définie à l’article 5-3 ci-dessus, le président du tribunal peut, à la demande du débiteur, et après avis du conciliateur, reporter le paiement des sommes dues et ordonner la suspension des poursuites engagées par un créancier. Ces mesures prennent fin de plein droit lorsque la conciliation prend fin et, en tout état de cause, à l’expiration du délai prévu à l’article 5-3, alinéa 1er, ci-dessus. L’ordonnance du président du tribunal prononçant ces mesures est déposée au greffe et ne fait l’objet d’aucune publicité. Elle est communiquée au créancier concerné, sans délai, et elle rappelle l’obligation de confidentialité à laquelle celui-ci est tenu.
ARTICLE 5-8
En cas d’impossibilité de parvenir à un accord, le conciliateur présente sans délai un rapport écrit au président. Celui-ci met fin à sa mission et à la conciliation, après avoir entendu le débiteur.
A tout moment, en l’absence de cessation des paiements, le débiteur peut demander à ce qu’il soit mis fin à la mission du conciliateur et à la conciliation, auquel cas le président de la juridiction compétente y met fin sans délai.
ARTICLE 5-9
La décision mettant fin à la conciliation et à la mission du conciliateur en l’absence d’accord est notifiée au débiteur, au conciliateur ainsi qu’aux créanciers et cocontractants appelés à la conciliation, sans délai. Elle ne fait l’objet d’aucune publicité.
ARTICLE 5-10
A la requête de la partie la plus diligente, l’accord signé peut être :
déposé au rang des minutes d’un notaire ;
ou homologué ou exequaturé par la juridiction ou l’autorité compétente statuant à huis clos ; sans préjudice de l’application de l’article 5-11, l’homologation ou l’exequatur est de droit et ne peut être refusé que si l’accord est contraire à l’ordre public ; le greffier appose la formule exécutoire ; des copies valant titre exécutoire peuvent être délivrées aux parties à l’accord ; la décision d’homologation ou d’exequatur ne fait l’objet d’aucune publicité et ne reprend pas le contenu de l’accord qui reste confidentiel.
La décision homologuant ou exequaturant l’accord n’est pas susceptible de recours. Elle met fin à la conciliation. Le cas échéant, la conciliation prend fin par la signature de l’accord et, en tout état de cause, à l’expiration des délais prévus par l’alinéa 1er de l’article 5-3 ci-dessus.
ARTICLE 5-11
En cas d’ouverture d’une procédure de liquidation des biens postérieurement à la conclusion d’un accord de conciliation homologué ou exéquaturé par la juridiction ou l’autorité compétente, les personnes qui avaient consenti dans l’accord un nouvel apport en trésorerie au débiteur en vue d’assurer la poursuite de l’activité de l’entreprise débitrice et sa pérennité sont payées au titre du privilège selon les rangs prévus par les articles 166 et 167 ci-dessous.
Les personnes qui fournissent un nouveau bien ou service en vue d’assurer la poursuite de l’activité de l’entreprise débitrice et sa pérennité bénéficient du même privilège pour le prix de ce bien ou de ce service.
Cette disposition ne s’applique pas aux apports consentis dans le cadre d’une augmentation du capital social du débiteur.
Les créanciers du débiteur ne peuvent en aucun cas bénéficier de ce privilège pour des créances nées antérieurement à l’ouverture de la conciliation.
Sans préjudice de l’application de l’article 5-10, la juridiction ou l’autorité compétente appelée à statuer sur l’homologation ou l’exequatur vérifie dans ce cas que les conditions ci- dessus sont remplies et que l’octroi de ce privilège ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non parties à l’accord. La décision d’homologation ou d’exequatur de l’accord ne reprend pas le contenu de l’accord, mais elle mentionne ledit privilège et les montants garantis. Elle doit être notifiée par le greffe au ministère public ainsi qu’aux créanciers et cocontractants signataires de l’accord. Elle est publiée dans les conditions prévues par les articles 36 et 37 ci-dessous. La vérification de la publicité est faite par le conciliateur, conformément à l’article 38 ci-dessous.
Par dérogation à l’article 5-10 ci-dessus, la décision d’homologation ou d’exequatur, prise en application du présent article, est susceptible d’opposition par tout intéressé dans les quinze (15) jours de sa publication devant la juridiction compétente. Le cas échéant, un appel peut être formé contre la décision de celle-ci dans les quinze (15) jours de son prononcé.
ARTICLE 5-12
Pendant la durée de son exécution, l’accord interrompt ou interdit toute action en justice et arrête ou interdit toute poursuite individuelle, tant sur les meubles que les immeubles du débiteur, dans le but d’obtenir le paiement des créances qui en font l’objet. L’accord interrompt, pour la même durée, les délais impartis aux créanciers parties à l’accord à peine de déchéance ou de résolution des droits afférents aux créances mentionnées par l’accord.
Les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie et les coobligés peuvent se prévaloir des dispositions de l’accord.
ARTICLE 5-13
La juridiction ou l’autorité compétente ayant connu de la conciliation est seule compétente pour connaître de toute inexécution de l’accord et pour en prononcer la résolution. Elle est saisie par l’une des parties à l’accord.
Si la résolution est prononcée, les créanciers recouvrent l’intégralité de leurs créances, déduction faite des sommes perçues.
ARTICLE 5-14
L’ouverture d’une procédure de règlement préventif, de redressement judiciaire ou de liquidation des biens met fin de plein droit à la conciliation et, le cas échéant, à l’accord.
Dans ce cas, les créanciers recouvrent l’intégralité de leurs créances, déduction faite des sommes perçues.