CHAPITRE III : EFFETS DE LA DECISION D’OUVERTURE A L’EGARD DU DEBITEUR (2015)

SECTION 1 :

ASSISTANCE OU DESSAISISSEMENT DU DEBITEUR

ARTICLE 52

La décision qui prononce le redressement judiciaire emporte, de plein droit, à partir de sa date, et jusqu’à l’homologation du concordat de redressement judiciaire ou la conversion du redressement judiciaire en liquidation des biens, assistance obligatoire du débiteur pour tous les actes concernant l’administration et la disposition de ses biens, sous peine d’inopposabilité de ces actes.

Toutefois, le débiteur peut accomplir valablement, seul, les actes conservatoires et ceux de gestion courante entrant dans l’activité habituelle de l’entreprise, conformément aux usages de la profession, à charge d’en rendre compte au syndic.

Si le débiteur ou les dirigeants de la personne morale refusent de faire un acte nécessaire à la sauvegarde du patrimoine, le syndic y procède sans délai. Il en est ainsi, notamment, lorsqu’il s’agit de prendre des mesures conservatoires ou de procéder au recouvrement des effets et des créances exigibles.

Le syndic doit également procéder sans délai à la vente des objets dispendieux à conserver ou soumis à dépérissement prochain ou à dépréciation imminente, après avoir obtenu une autorisation du juge-commissaire. L’autorisation du juge-commissaire lui est également nécessaire pour mettre en œuvre, tant en demande qu’en défense, toute action mobilière ou immobilière.

Si le syndic refuse son assistance pour accomplir des actes d’administration ou de disposition au débiteur ou aux dirigeants de la personne morale, ceux-ci ou les contrôleurs peuvent l’y contraindre par décision du juge-commissaire obtenue dans les conditions prévues par les articles 40 et 42, alinéas 2 et 3 ci-dessus.

 

ARTICLE 53

La décision qui prononce la liquidation des biens d’une personne morale emporte, de plein droit, dissolution de celle-ci.

Elle emporte, de plein droit, à partir de sa date, et jusqu’à la clôture de la procédure, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens présents et de ceux qu’il peut acquérir à quelque titre que ce soit, sous peine d’inopposabilité de tels actes, sauf s’il s’agit d’actes conservatoires.

Les actes, droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont accomplis ou exercés, pendant toute la durée de la liquidation des biens, par le syndic agissant seul en représentation du débiteur.

Si le syndic refuse d’accomplir un acte ou d’exercer un droit ou une action concernant le patrimoine du débiteur, celui-ci ou les dirigeants de la personne morale ou les contrôleurs s’il en a été nommé, peuvent l’y contraindre par décision du juge-commissaire obtenue dans les conditions prévues par les articles 40 et 42, alinéas 2 et 3 ci-dessus.

 

ARTICLE 54

Dès son entrée en fonction, le syndic est tenu d’accomplir tous actes nécessaires à la conservation des droits du débiteur contre les débiteurs de celui-ci.

Il est tenu, notamment, de requérir au nom de la masse, les inscriptions des sûretés mobilières et immobilières soumises à publicité qui n’ont pas été requises par le débiteur lui-même. Le syndic joint à sa requête un certificat constatant sa nomination.

 

ARTICLE 55

Dans les trois (03) jours de la décision d’ouverture du redressement judiciaire ou de la liquidation des biens, le débiteur doit se présenter au syndic avec ses livres comptables en vue de leur examen et de leur clôture.

Tout tiers détenteur de ces livres est tenu de les remettre au syndic sur sa demande.

Le débiteur ou le tiers détenteur peut se faire représenter s’il justifie de causes d’empêchement reconnues légitimes.

Dans le cas où le bilan ne lui a pas été remis par le débiteur, le syndic dresse, à l’aide des livres, documents comptables et renseignements qu’il se procure, un état de situation.

 

ARTICLE 56

La juridiction compétente, dans la décision prononçant la liquidation des biens, ou le juge- commissaire ultérieurement, peut ordonner que durant toute cette procédure le courrier adressé au débiteur soit remis au syndic. Le débiteur peut assister à la remise du courrier s’il en fait la demande. Tout courrier ayant un caractère personnel lui est immédiatement remis ou restitué.

Dans les mêmes conditions, le syndic peut être autorisé à accéder au courrier électronique du débiteur n’ayant pas un caractère personnel.

Lorsque le débiteur exerce une activité pour laquelle il est soumis au secret professionnel, les dispositions du présent article ne sont pas applicables.

 

ARTICLE 57

A partir de la décision d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens contre une personne morale, les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, à peine de nullité, ne peuvent céder les parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital de la personne morale qui fait l’objet de la procédure qu’avec l’autorisation du juge-commissaire et dans les conditions fixées par lui.

La juridiction compétente prononce l’incessibilité des droits sociaux de toute personne qui s’est immiscée dans la gestion de la personne morale à quelque moment que cette immixtion ait été constatée.

Les titres constatant les droits sociaux sont déposés entre les mains du syndic. A défaut de remise volontaire, le syndic met en demeure les dirigeants de procéder au dépôt entre ses mains. La non-remise de ces titres est constitutive de l’infraction prévue à l’article 233, 6° ci- dessous.

Le syndic fait, le cas échéant, mentionner sur les registres de la personne morale et au Registre du commerce et du crédit mobilier l’incessibilité des droits sociaux des dirigeants.

Le syndic dresse un état des droits sociaux et délivre aux dirigeants un certificat de dépôt ou d’inscription d’incessibilité pour leur permettre de participer aux assemblées de la personne morale.

 

ARTICLE 58

Le syndic assure, sous sa responsabilité, la garde des titres qui lui sont remis par les dirigeants dans les conditions prévues à l’article 57 ci-dessus.

Il ne peut les restituer qu’après homologation du concordat de redressement judiciaire ou après clôture des opérations de liquidation des biens, sauf à les remettre, à tout moment, à qui la justice l’ordonne.

 

ARTICLE 59

Dans la décision d’ouverture du redressement judiciaire ou de la liquidation des biens, ou par une décision ultérieure, la juridiction compétente peut prescrire l’apposition des scellés sur les caisses, coffres, portefeuilles, livres, documents, meubles, effets, magasins et comptoirs du débiteur et, s’il s’agit d’une personne morale comportant des membres indéfiniment responsables, sur les biens de chacun de ces membres. L’apposition des scellés peut également être prescrite sur les biens des dirigeants des personnes morales.

Le greffier adresse, sans délai, avis de la décision au juge-commissaire.

Avant même cette décision, mais uniquement dans le cas de disparition du débiteur ou de détournement de tout ou partie de son actif, le président de la juridiction compétente peut désigner, parmi les membres de celle-ci, soit d’office, soit sur réquisition d’un ou plusieurs créanciers, un juge qui fait apposer les scellés.

Le juge-commissaire ou le juge désigné donne, sans délai, avis de l’apposition des scellés au président de la juridiction qui l’a ordonnée.

 

ARTICLE 60

Si la juridiction compétente a ordonné l’apposition des scellés, le juge-commissaire peut, sur proposition du syndic, le dispenser de faire placer sous scellés ou l’autoriser à en faire extraire :

1°) les objets mobiliers et effets indispensables au débiteur et à sa famille sur l’état qui lui est soumis ;

2°) les objets soumis à dépérissement prochain ou à dépréciation imminente ;

3°) les objets nécessaires à l’activité professionnelle du débiteur ou à son entreprise quand la continuation de l’exploitation est autorisée.

Ces objets sont inventoriés sans délai avec prisée par le syndic, en présence du juge- commissaire qui signe le procès-verbal.

 

ARTICLE 61

Les livres et documents comptables sont extraits des scellés et remis au syndic par le juge- commissaire après que celui-ci les a arrêtés et qu’il a constaté sommairement, dans son procès-verbal, l’état dans lequel il les a trouvés.

Les effets en portefeuille à courte échéance ou susceptibles d’acceptation ou pour lesquels il faut procéder à des actes conservatoires sont extraits des scellés par le juge-commissaire, décrits et remis au syndic pour en faire le recouvrement.

 

ARTICLE 62

Dans les trois (03) jours de leur apposition, le syndic requiert la levée des scellés en vue des opérations d’inventaire.

 

ARTICLE 63

Dès l’ouverture du redressement judiciaire ou de la liquidation des biens, il est procédé par le syndic à l’inventaire des biens du débiteur, ainsi que des sûretés qui les grèvent, lui présent ou dûment appelé par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout moyen laissant trace écrite.

Lorsque le débiteur exerce une profession libérale soumise à un statut réglementé, l’inventaire est dressé en présence d’un représentant de l’ordre professionnel ou l’autorité compétente dont il relève. En aucun cas, l’inventaire ne peut porter atteinte au secret professionnel si le débiteur y est soumis.

Le débiteur remet au syndic la liste de ses créanciers indiquant le montant de leurs créances, leurs noms et adresses, et la liste des contrats en cours. Il l’informe des procédures judiciaires en cours auxquelles il est partie.

En même temps qu’il est procédé à l’inventaire, il est fait récolement des objets mobiliers échappant à l’apposition des scellés ou extraits de ceux-ci.

En redressement judiciaire, lorsque la cession d’un bien est envisagée, il en est fait prisée avant de procéder à la cession. En liquidation des biens, tous les biens font l’objet d’une prisée en même temps que l’inventaire.

Le syndic peut, sur autorisation du juge-commissaire, se faire assister par toute personne qu’il juge utile pour établir l’inventaire et réaliser la prisée des biens.

Les marchandises placées sous sujétion douanière font l’objet, si le syndic en a connaissance, d’une mention spéciale.

Lorsque la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens est ouverte à rencontre d’un débiteur après son décès et qu’il n’a pas été fait inventaire, celui-ci est dressé ou poursuivi en présence des héritiers connus ou dûment appelés par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout moyen laissant trace écrite.

Le ministère public peut assister à l’inventaire.

L’inventaire est dressé en double exemplaire : l’un est immédiatement déposé au greffe de la juridiction compétente, l’autre reste entre les mains du syndic.

En cas de liquidation des biens, une fois l’inventaire terminé, les marchandises, les espèces, les valeurs, les effets de commerce et les titres de créances, les livres et documents, meubles et effets du débiteur sont remis au syndic qui en prend charge au bas de l’inventaire.

L’absence d’inventaire ne fait pas obstacle à l’exercice des actions en revendication ou en restitution.

 

ARTICLE 64

Le débiteur peut obtenir sur l’actif, pour lui et pour sa famille, des secours fixés par le juge- commissaire. Celui-ci prend sa décision après avoir entendu le syndic.

 

ARTICLE 65

En cas de redressement judiciaire, le syndic doit immédiatement requérir le débiteur de souscrire toutes les déclarations lui incombant en matière fiscale, douanière et de sécurité sociale. Il surveille la production de ces déclarations.

En cas de liquidation des biens, le syndic doit immédiatement requérir le débiteur de lui fournir tous les éléments d’information ne résultant pas des livres de commerce, nécessaires à la détermination de tous impôts, droits et cotisations de sécurité sociales dus. Le syndic transmet aux administrations fiscales, douanières et de sécurité sociale les éléments d’information fournis par le débiteur et ceux qu’il a à sa disposition.

Dans l’un et l’autre des cas visés ci-dessus, si le débiteur n’a pas déféré, dans les vingt (20) jours, à la réquisition du syndic, celui-ci constate cette défaillance et en avise le juge- commissaire ; il en informe, dans les dix (10) jours, les administrations fiscales, douanières et de sécurité sociale en leur fournissant les éléments d’information dont il dispose sur les affaires réalisées et sur les salaires payés par le débiteur.

 

ARTICLE 66

Sans préjudice de l’élaboration du bilan économique et social prévu à l’article 119-1 ci-dessous, le syndic, dans un délai de trente (30) jours à compter de son entrée en fonction, remet au juge-commissaire un rapport sommaire sur la situation apparente du débiteur. Le juge-commissaire transmet sans délai le rapport avec ses observations au ministère public.

Si ce rapport ne lui a pas été remis dans le délai prescrit, le juge-commissaire en avise le ministère public en expliquant les causes de ce retard.

Dans le cas où la procédure de redressement ou de liquidation des biens est ouverte à rencontre d’une personne exerçant une profession libérale soumise à un statut réglementé, le rapport est également remis à l’ordre professionnel ou à l’autorité compétente dont le débiteur relève.

SECTION 2 :

ACTES INOPPOSABLES A LA MASSE DES CREANCIERS

ARTICLE 67

La période suspecte commence à compter de la date de la cessation des paiements et prend fin à la date de la décision d’ouverture du redressement judiciaire ou de la liquidation des biens.

 

ARTICLE 68

Sont inopposables de droit à la masse des créanciers s’ils sont faits pendant la période suspecte :

1°) tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière ;

2°) tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excédent notablement celles de l’autre partie ;

3°) tout paiement, quel qu’en soit le mode, de dettes non échues, sauf s’il s’agit du paiement d’un effet de commerce ;

4°) tout paiement de dettes échues, fait autrement qu’en espèces, effet de commerce, virement, prélèvement, carte de paiement ou de crédit ou compensation légale, judiciaire ou conventionnelle de dettes ayant un lien de connexité entre elles ou tout autre mode normal de paiement ou communément admis dans les relations d’affaires du secteur d’activité du débiteur ;

5°) toute sûreté réelle conventionnelle constituée à titre de garantie d’une dette antérieurement contractée, à moins qu’elle ne remplace une sûreté antérieure d’une nature et d’une étendue au moins équivalente ou qu’elle soit consentie en exécution d’une convention antérieure à la cessation des paiements ;

6°) toute inscription provisoire d’hypothèque judiciaire conservatoire ou de nantissement judiciaire conservatoire.

 

ARTICLE 69

Peuvent être déclarés inopposables à la masse des créanciers, s’ils lui ont causé un préjudice :

1°) les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière faits dans les six (06) mois précédant la période suspecte ;

2°) les actes à titre onéreux si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements du débiteur au moment de leur conclusion ;

3°) les paiements volontaires de dettes échues si ceux qui les ont perçus ont eu connaissance de la cessation des paiements du débiteur au moment des paiements.

Par dérogation au 3° du paragraphe 1 du présent article, le paiement fait au porteur diligent d’une lettre de change, d’un billet à ordre ou d’un chèque est opposable à la masse, sauf dans les cas suivants où une action en rapport est possible contre :

1°) le tireur ou le donneur d’ordre en cas de tirage pour compte qui a eu connaissance de la cessation des paiements du tiré soit au moment du tirage, soit au moment du paiement de la lettre de change à lui fait par le tiré ;

2°) le bénéficiaire du billet à ordre qui a eu connaissance de la cessation des paiements du souscripteur, soit au moment de l’endossement de l’effet par lui, soit au moment du paiement à lui fait par le souscripteur ;

3°) le tireur d’un chèque qui a eu connaissance de la cessation des paiements du tiré au moment de l’émission du chèque ;

4°) le bénéficiaire d’un chèque qui a eu connaissance de la cessation des paiements du tireur au moment de l’émission du chèque ;

5°) le bénéficiaire d’un chèque qui a eu connaissance de la cessation des paiements du tiré soit au moment de l’émission, soit au moment du paiement du chèque.

 

ARTICLE 70

L’action en déclaration d’inopposabilité n’est exercée que par le syndic, sans préjudice de l’application de l’article 72, alinéa 2 ci-dessous. Elle relève de la compétence de la juridiction ayant ouvert la procédure de redressement ou de liquidation des biens.

À peine d’irrecevabilité, cette action ne peut être exercée après l’homologation du concordat de redressement judiciaire ni après la clôture de la liquidation des biens.

 

ARTICLE 71

L’inopposabilité profite à la masse.

1 °) La masse est colloquée à la place du créancier dont la sûreté a été déclarée inopposable.

2°) L’acte à titre gratuit déclaré inopposable est privé d’effet s’il n’a pas été exécuté. Dans le cas contraire, le bénéficiaire de la libéralité doit rapporter le bien dont la propriété a été transférée gratuitement.

En cas de sous-aliénation à titre gratuit, le sous-acquéreur, même de bonne foi, est soumis à l’inopposabilité et au rapport du bien ou au paiement de sa valeur, à moins que le bien ait disparu de son patrimoine par suite d’un cas de force majeure.

En cas de sous-aliénation à titre onéreux, le sous-acquéreur n’est soumis au rapport ou au paiement de sa valeur que si, au moment de l’acquisition du bien par lui, il avait connaissance de la cessation des paiements du débiteur.

En tout état de cause, le bénéficiaire principal de l’acte à titre gratuit reste tenu du paiement de la valeur du bien si le sous-acquéreur ne peut ou ne doit pas rapporter le bien.

3°) Le paiement déclaré inopposable doit être rapporté par le créancier qui doit produire au passif du débiteur.

4°) Si le contrat commutatif déséquilibré déclaré inopposable n’a pas été exécuté, il ne peut plus l’être.

S’il a été exécuté, le créancier peut seulement produire au passif du débiteur pour la juste valeur de la prestation qu’il a fournie.

5°) Les actes à titre onéreux déclarés inopposables sont privés d’effets s’ils n’ont pas été exécutés.

S’il s’agit d’une aliénation exécutée, l’acquéreur doit rapporter le bien et produire sa créance au passif du débiteur ; s’il y a eu sous-aliénation à titre gratuit, le sous-acquéreur est tenu de

restituer le bien sans recours contre la masse ; s’il y a eu sous-aliénation à titre onéreux, le sous-acquéreur est tenu de rapporter le bien et de produire sa créance au passif du débiteur si, au moment de l’acquisition du bien par lui, il avait connaissance du caractère inopposable de l’acte de son auteur.

Si le débiteur a reçu tout ou partie de la prestation du cocontractant qui ne peut être restituée en nature, le créancier doit produire sa créance pour la valeur de la prestation fournie.