CHAPITRE II : RECONNAISSANCE ET EFFETS DES PROCEDURES COLLECTIVES OUVERTES HORS DE L’ESPACE OHADA (2015)

SECTION 3 :

RECONNAISSANCE DE LA PROCEDURE
COLLECTIVE ETRANGERE ET MESURES DISPONIBLES

ARTICLE 256-14

Un représentant étranger peut demander à la juridiction compétente au sens des articles 3,3-1 et 3-2 ci-dessus de reconnaitre la procédure collective étrangère dans le cadre de laquelle il a été désigné représentant.

Une demande de reconnaissance doit être accompagnée des documents suivants :

1°) une copie certifiée conforme de la décision d’ouverture de la procédure collective étrangère et de désignation du représentant étranger;

2°) un certificat de la juridiction étrangère attestant de l’ouverture de la procédure collective étrangère et la désignation du représentant étranger ;

3°) en l’absence des pièces visées aux numéros 1°) et 2°) du présent article, toute autre preuve de l’ouverture de la procédure collective étrangère et de la désignation du représentant étranger susceptible d’être acceptée par la juridiction compétente au sens des articles 3, 3-1 et 3-2 ci-dessus.

La demande de reconnaissance est également accompagnée d’une déclaration identifiant toutes les procédures collectives étrangères concernant le débiteur qui sont connues par le représentant étranger.

Tous les documents fournis à l’appui de la demande de reconnaissance du présent article doivent être rédigés ou traduits dans la ou dans une langue officielle de l’État partie concerné.

 

ARTICLE 256-15

Nonobstant toute disposition du présent chapitre, la juridiction compétente saisie d’une demande de reconnaissance d’une procédure collective étrangère peut prendre en compte les présomptions énoncées au présent article.

En particulier, si la copie certifiée conforme de la décision ou le certificat visés à l’article 256- 14 indiquent que la procédure étrangère est une procédure collective étrangère, telle que définie à l’article 1-3 ci-dessus, et que le représentant de ladite procédure est un représentant étranger, tel que défini à l’article 1-3, la juridiction compétente peut présumer qu’il en est ainsi.

La juridiction compétente est également habilitée à présumer que les documents soumis à l’appui de la demande de reconnaissance de la procédure collective étrangère sont authentiques, qu’ils aient ou non été certifiés.

Sauf preuve contraire, dans le cas d’une personne morale, le siège statutaire, ou, dans le cas d’un particulier, la résidence habituelle, du débiteur est présumé être le centre de ses intérêts principaux.

 

ARTICLE 256-16

Sous réserve des dispositions de l’article 256-5 ci-dessous, une procédure collective étrangère est reconnue si :

  • elle est une procédure collective étrangère, telle que définie à l’article 1-3 ;
  • le représentant demandant la reconnaissance est un représentant étranger, tel que défini à l’article 1-3 ;
  • la demande satisfait aux exigences de l’alinéa 2 de l’article 256-14 ;
  • la demande a été soumise à la juridiction compétente visée à l’article 256-3.

La procédure collective étrangère est reconnue :

  • en tant que procédure collective étrangère principale si elle a lieu dans l’État étranger où le débiteur a le centre de ses intérêts principaux ;
  • en tant que procédure collective étrangère non principale si le débiteur a un établissement, tel que défini à l’article 1-3 ci-dessus, dans l’État étranger.

La décision relative à une demande de reconnaissance d’une procédure collective étrangère est rendue dans un bref délai.

Les dispositions des articles 256-13 à 256-17 n’empêchent pas la modification ou la cessation de la reconnaissance de la procédure collective étrangère s’il apparaît que les motifs de la reconnaissance étaient totalement ou partiellement absents ou qu’ils ont cessé d’exister.

 

ARTICLE 256-17

A compter de la date de la présentation de la demande de reconnaissance de la procédure collective étrangère, le représentant étranger informe, sans délai, la juridiction compétente :

  • de toute modification substantielle du statut de la procédure collective étrangère reconnue ou du statut de la nomination du représentant étranger ;
  • de toute autre procédure collective étrangère concernant le débiteur qui a été portée à sa connaissance.

 

ARTICLE 256-18

Entre la date de la présentation d’une demande de reconnaissance de la procédure collective étrangère devant la juridiction compétente et celle du prononcé de la décision de reconnaissance, lorsqu’il est urgent de prendre des mesures pour protéger les biens du débiteur ou les intérêts des créanciers, la juridiction compétente peut, à la demande du représentant étranger, prendre les mesures provisoires suivantes :

  • interdire ou suspendre les mesures d’exécution à rencontre des biens du débiteur, y compris toute mesure d’exécution extrajudiciaire;
  • confier l’administration ou la réalisation de tout ou partie des biens du débiteur situés sur le territoire de la juridiction compétente au représentant étranger ou à un syndic désigné par celle-ci, afin de protéger et préserver la valeur de ces biens lorsque, de par leur nature ou en raison d’autres circonstances, ils sont périssables, susceptibles de se dévaluer ou autrement menacés ;
  • accorder toutes mesures visées aux numéros 3°, 4° et 7° du premier alinéa de l’article 256-20 ci-dessous.

À moins qu’elles ne soient prorogées en application du numéro 6° du premier alinéa de l’article 256-20 ci-dessous, les mesures accordées conformément au présent article cessent dès qu’il est statué sur la demande de reconnaissance de la procédure collective étrangère.

La juridiction compétente peut refuser d’accorder les mesures visées au présent article si elles risquent d’entraver l’administration de la procédure collective étrangère principale.

 

ARTICLE 256-19

Dès la date de la décision de reconnaissance d’une procédure collective étrangère principale :

1°) l’ouverture des actions, des procédures ou des voies d’exécution individuelles judiciaires et extrajudiciaires visant les biens, les droits ou les obligations du débiteur est interdite et la poursuite desdites actions, procédures et voies d’exécution est suspendue ;

2°) les mesures d’exécution judiciaires et extrajudiciaires contre les biens du débiteur sont interdites ou suspendues ;

3°) le droit de transférer les biens du débiteur, de constituer des sûretés sur ces biens ou d’en disposer autrement est suspendu.

La portée et la modification ou la cessation des mesures d’interdiction et de suspension visées à l’alinéa premier du présent article sont subordonnées à toute autre disposition prévue par le présent Acte uniforme.

Les dispositions du numéro 1°) du premier alinéa du présent article n’affectent pas le droit d’engager des actions, des procédures ou des voies d’exécution individuelles judiciaires et extrajudiciaires dans la mesure où cela est nécessaire pour préserver une créance contre le débiteur.

Le premier alinéa du présent article n’affecte pas le droit de demander l’ouverture d’une procédure collective en application du présent Acte uniforme ou le droit de produire des créances dans une telle procédure.

 

ARTICLE 256-20

Lorsqu’il est nécessaire de protéger les biens du débiteur ou les intérêts des créanciers, la juridiction compétente peut, dès la date de la décision de reconnaissance d’une procédure collective étrangère, principale ou non principale, accorder, à la demande du représentant étranger, toute mesure appropriée, notamment :

1°) interdire les actions, les procédures, les voies d’exécution et les poursuites individuelles judiciaires et extrajudiciaires concernant les biens, les droits ou les obligations du débiteur ou suspendre lesdites actions, procédures, voies d’exécution et poursuites dans la mesure où cette interdiction ou suspension n’est pas intervenue en application du numéro 1°) du premier alinéa de l’article 256-19 ci-dessus ;

2°) interdire ou suspendre les mesures d’exécution judiciaires et extrajudiciaires contre les biens du débiteur, si cette interdiction ou suspension n’est pas intervenue en application du numéro 2°) du premier alinéa de l’article 256-19 ci-dessus ;

3°) suspendre le droit de transférer les biens du débiteur, de constituer des sûretés sur ces biens ou d’en disposer autrement dans la mesure où ce droit n’a pas été suspendu en application du numéro 3°) du premier alinéa de l’article 256-19 ci-dessus ;

4°) faire interroger des témoins, recueillir des preuves ou fournir des renseignements concernant les biens, les affaires, les droits ou les obligations du débiteur ;

5°) confier l’administration ou la réalisation de tout ou partie des biens du débiteur, situés sur le territoire de la juridiction compétente, au représentant étranger ou à toute autre personne nommée par ladite juridiction ;

6°) proroger les mesures accordées en application du premier alinéa de l’article 256-18 ci- dessus ;

7°) accorder toute autre mesure que pourrait prendre le syndic en application du présent Acte uniforme.

Dès la date de la décision de reconnaissance d’une procédure collective étrangère, principale ou non principale, la juridiction compétente peut, à la demande du représentant étranger, confier la distribution de tout ou partie des biens du débiteur situés sur le territoire de la juridiction compétente au représentant étranger, ou à un syndic nommé par elle, si elle estime que les intérêts des créanciers résidant sur son territoire sont suffisamment protégés.

Lorsqu’elle accorde une mesure en application du présent article au représentant étranger d’une procédure collective étrangère non principale, la juridiction compétente doit s’assurer que la mesure accordée se rapporte à des biens qui, en application du présent Acte uniforme, devraient être administrés dans la procédure collective étrangère non principale, ou que la mesure a trait à des renseignements requis dans cette procédure.

 

ARTICLE 256-21

Lorsqu’elle accorde ou refuse toute mesure conformément à l’article 256-18 ou à l’article 256- 20 ci-dessus, ou lorsqu’elle modifie ou fait cesser les mesures accordées en application de l’alinéa 3 du présent article, la juridiction compétente doit s’assurer que les intérêts des créanciers et des autres personnes intéressées, y compris le débiteur, sont suffisamment protégés.

La juridiction compétente peut subordonner aux conditions qu’elle juge appropriées toute mesure accordée conformément aux articles 256-18 ou 256-20 ci-dessus.

La juridiction compétente, statuant à la demande du représentant étranger ou de toute personne physique ou morale lésée par toute mesure accordée en application des articles 256- 18 ou 256-20, ou statuant d’office, peut modifier ou faire cesser ladite mesure.

 

ARTICLE 256-22

Dès la date de la décision de reconnaissance d’une procédure collective étrangère, le représentant étranger a capacité pour engager toutes les actions en inopposabilités prévues par les articles 67 et suivants ci-dessus.

Lorsque la procédure collective étrangère est une procédure collective étrangère non principale, la juridiction compétente doit s’assurer que l’action se rapporte à des biens qui, en application du présent Acte uniforme, devraient être administrés dans cette procédure.

 

ARTICLE 256-23

Dès la date de la décision de reconnaissance d’une procédure collective étrangère, le représentant étranger peut, si les conditions prévues par le présent Acte uniforme sont réunies, intervenir dans toute procédure collective à laquelle le débiteur est partie.

 

SECTION 4 :

COOPERATION AVEC LES TRIBUNAUX
ETRANGERS ET LES REPRESENTANTS ETRANGERS

ARTICLE 256-24

La juridiction compétente coopère dans la mesure du possible avec les juridictions étrangères ou les représentants étrangers, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un syndic.

La juridiction compétente est habilitée à communiquer directement avec les juridictions étrangères ou les représentants étrangers, ou à leur demander directement des informations ou une assistance.

 

ARTICLE 256-25

Dans l’exercice de ses fonctions et sous réserve du contrôle de la juridiction compétente, le syndic coopère dans la mesure du possible avec les juridictions étrangères ou les représentants étrangers.

Il est également habilité à communiquer directement avec les juridictions étrangères ou les représentants étrangers.

 

ARTICLE 256-26

La coopération visée aux articles 256-24 et 256-25 ci-dessus peut être assurée par tout moyen approprié, notamment :

  • la nomination d’une personne ou d’un organe chargé d’agir suivant les instructions de la juridiction compétente ;
  • la communication d’informations par tout moyen jugé approprié par la juridiction compétente ;
  • la coordination de l’administration et de la surveillance des biens et des affaires du débiteur ;
  • l’approbation ou l’application par tout tribunal des accords concernant la coordination des procédures collectives ;
  • la coordination des procédures collectives concurrentes concernant le même débiteur.

SECTION 5 :

PROCEDURES COLLECTIVES CONCURRENTES

ARTICLE 256-27

Après la reconnaissance d’une procédure collective étrangère principale, une procédure collective ne peut être ouverte en application du présent Acte uniforme dans l’État partie où la procédure collective étrangère a été reconnue que si le débiteur dispose de biens dans ledit Etat partie.

Les effets de la procédure collective ouverte en application du présent Acte uniforme sont limités aux biens du débiteur qui sont situés dans cet État et, dans la mesure nécessaire, pour donner effet aux mesures de coopération et de coordination visées aux articles 256-24 à 256- 26 ci-dessus, aux autres biens du débiteur qui, en application du présent Acte uniforme, devraient être administrés dans le cadre de cette procédure.

ARTICLE 256-28

Lorsqu’une procédure collective étrangère et une procédure collective ouverte en application du présent Acte uniforme ont lieu concurremment à l’encontre du même débiteur, la juridiction compétente s’efforce d’assurer la coopération et la coordination, visées aux articles 256-24 à 256-26 ci-dessus, conformément aux conditions suivantes :

1°) Lorsque la procédure collective ouverte dans un Etat partie est en cours au moment où est introduite la demande de reconnaissance de la procédure collective étrangère :

  • toute mesure prise en application des articles 256-18 ou 256-20 ci-dessus doit être conforme à la procédure collective ouverte dans F Etat partie en application du présent Acte uniforme ;
  • si la procédure collective étrangère est reconnue par la juridiction compétente en tant que procédure collective étrangère principale, l’article 256-19 ci-dessus ne s’applique pas ;

2°) Lorsque la procédure collective est ouverte dans un État partie après la reconnaissance de la procédure collective étrangère ou après l’introduction de la demande de reconnaissance de ladite procédure :

  • toute mesure prise en application des articles 256-18 ou 256-20 ci-dessus est réexaminée par la juridiction compétente et modifiée ou levée si elle n’est pas conforme à la procédure collective ouverte par ladite juridiction en application du présent Acte uniforme ;
  • si la procédure collective étrangère est une procédure collective étrangère principale, les mesures d’interdiction et de suspension visées au premier alinéa de l’article 256-19 ci-dessus sont modifiées ou levées conformément à l’alinéa 2 de l’article 256-19 si elles ne sont pas conformes à la procédure collective ouverte par la juridiction compétente

3°) Lorsqu’elle octroie, proroge ou modifie une mesure accordée au représentant étranger d’une procédure collective étrangère non principale, la juridiction compétente doit s’assurer que la mesure porte sur des biens qui, en application du présent Acte uniforme, devraient être administrés dans la procédure collective étrangère non principale, ou que la mesure a trait à des renseignements requis dans le cadre de cette procédure.

 

ARTICLE 256-29

Lorsque plusieurs procédures collectives étrangères ont été ouvertes à l’encontre du même débiteur, la juridiction compétente s’efforce d’assurer la coopération et la coordination visées aux articles 256-24 à 256-26 ci-dessus conformément aux conditions suivantes :

1°) toute mesure accordée en application des articles 256-18 ou 256-20 ci-dessus au représentant étranger d’une procédure collective étrangère non principale après la reconnaissance d’une procédure collective étrangère principale doit être conforme à la procédure collective étrangère principale ;

2°) si une procédure collective étrangère principale est reconnue après la reconnaissance d’une procédure collective étrangère non principale ou après l’introduction d’une demande de reconnaissance d’une telle procédure collective, toute mesure prise en application des articles 256-18 ou 256-20 ci-dessus est réexaminée par la juridiction compétente et modifiée ou levée, si elle n’est pas conforme à la procédure collective étrangère principale ;

3°) si, après la reconnaissance d’une procédure collective étrangère non principale, une autre procédure collective étrangère non principale est reconnue, la juridiction compétente accorde, modifie ou fait cesser les mesures accordées, dans le but de faciliter la coordination des procédures collectives concurrentes.

 

ARTICLE 256-30

Sauf preuve contraire, la reconnaissance d’une procédure collective étrangère principale atteste, aux fins de l’ouverture d’une procédure collective de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, en application du présent Acte uniforme, que le débiteur est en état de cessation des paiements.

 

ARTICLE 256-31

Sans préjudice des droits des titulaires de créances assorties de sûretés ou des droits réels, un créancier ayant obtenu satisfaction partielle en ce qui concerne sa créance, dans une procédure collective ouverte conformément à une loi relative à l’insolvabilité ou des procédures collectives dans un État étranger, ne peut être payé pour la même créance dans une procédure collective concernant le même débiteur ouverte en application du présent Acte uniforme tant que le paiement accordé aux autres créanciers de même rang est proportionnellement inférieur au paiement que ledit créancier a déjà obtenu par une juridiction étrangère.