CHAPITRE 5 : DES DISPOSITIONS TESTAMENTAIRES

SECTION 1 :

DES REGLES GENERALES SUR LA FORME DES TESTAMENTS

ARTICLE 51

Toute personne pourra disposer par testament, soit sous le titre de legs, soit sous toute autre dénomination propre à manifester sa volonté.

 

ARTICLE 52

Un testament ne pourra être fait dans le même acte par ceux ou plusieurs personnes, soit au profit d’un tiers, soit à titre de disposition réciproque et mutuelle.

 

ARTICLE 53

Un testament pourra être olographe, ou fait par acte public ou dans la forme mystique.

 

ARTICLE 54

Le testament olographe ne sera point valable, s’il n’est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur ; il n’est assujetti à aucune autre forme.

 

ARTICLE 55

Le testament par acte public est reçu par un notaire.

 

ARTICLE 56

Il est dicté par le testateur. Le notaire l’écrit lui-même ou le fait écrire à la main ou mécaniquement.

Il doit en être donné lecture au testateur et fait du tout mention expresse.

Le testament ainsi établi doit être signé par le testateur et le notaire.

Si le testateur déclare qu’il ne sait ou ne peut signer, il sera fait dans l’acte mention expresse de sa déclaration ainsi que de la cause qui l’empêche de signer.

 

ARTICLE 57

Lorsque le testateur voudra faire un testament mystique, l’enveloppe qui contiendra ses dispositions sera close, cachetée et scel­lée.

Le testateur la présentera ainsi close, cachetée et scellée, au notaire et il déclarera que le contenu de l’enveloppe est son testament. Il devra, en outre, indiquer s’il est signé de lui et écrit par lui ou par un autre, en affirmant dans ce dernier cas qu’il en a personnellement vérifié le libellé.

Il indiquera dans tous les cas le mode d’écriture employé (à la main ou mécanique).

Le notaire dressera, à la main ou mécaniquement, sur l’enveloppe, procès-verbal des déclarations du testateur et portera la date et l’indication du lieu où il a été passé, la description du pli et de l’empreinte du sceau, et mention de l’accomplissement de toutes les formalités ci-dessus.

Cet acte sera signé tant par le testateur que par le notaire.

Si le testateur ne peut signer, il sera fait mention de la déclaration qu’il en aura faite et du motif qu’il en aura donné.

 

ARTICLE 58

Le testament par acte public et le procès-verbal constatant le dépôt d’un testament mystique reçus par un notaire devront être authentifiés, en présence du notaire et du testateur, par le président du tribunal ou le juge de la section de tribunal de la résidence du notaire.

 

ARTICLE 59

Ceux qui ne savent ou ne peuvent lire, ne pourront faire de dispositions dans la forme du testament mystique.

 

ARTICLE 60

Le testament mystique dans lequel n’auront point été observées les formalités légales, et qui sera nul comme tel, vaudra cependant comme testament olographe, si toutes les conditions requises pour sa validité comme testament olographe sont remplies.

 

ARTICLE 61

Un Ivoirien qui se trouvera en pays étranger, pourra faire ses dispositions testamentaires par acte sous signature privée, ainsi qu’il est prescrit en l’article 54, ou par acte authentique, avec les formes usitées dans le lieu où cet acte sera passé.

 

ARTICLE 62

Les testaments faits en pays étranger ne pourront être exécutés sur les biens situés en Côte d’Ivoire, qu’après avoir été enregistrés au bureau de la Conservation foncière du domicile du testateur, s’il en a conservé un, sinon au bureau de son dernier domicile connu en Côte d’Ivoire, et dans le cas où le testament contiendrait des dispositions d’immeubles qui y seraient situés, il devra être, en outre, enregistré au bureau de la situation de ces immeubles, sans qu’il puisse être exigé un double droit.

 

ARTICLE 63

Les formalités auxquelles les divers testaments sont assujettis par les dispositions de la présente section, doivent être observées à peine de nullité.

 

SECTION 2 :

DES LEGS

ARTICLE 64

Les dispositions testamentaires sont ou universelles, ou à titre universel, ou à titre particulier.

PARAGRAPHE 1 :

DU LEGS UNIVERSEL

ARTICLE 65

Le legs universel est la disposition testamentaire par laquelle le testateur donne à une ou plusieurs personnes l’universalité des biens qu’il laissera à son décès.

 

ARTICLE 66

Lorsqu’au décès du testateur il y a des héritiers auxquels une quotité de ses biens est réservée par la loi, ces héritiers sont saisis de plein droit, par sa mort, de tous les biens de la succession ; et le légataire universel est tenu de leur demander la délivrance des biens compris dans le testament.

 

ARTICLE 67

Le légataire universel aura la jouissance des biens compris dans le testament, à compter du jour de la demande formée en justice, ou du jour que la délivrance aura été volontairement consentie.

 

ARTICLE 68

Si le testament a été fait par acte public, lorsqu’au décès du testateur il n’y aura pas d’héritiers auxquels une quotité de ses biens soit réservée par la loi, le légataire universel sera saisi de plein droit par la mort du testateur, sans être tenu de demander la délivrance.

 

ARTICLE 69

Tout testament olographe sera, avant d’être mis à exécution, présenté au président du tribunal de première instance ou au juge de la section de tribunal dans le ressort duquel la succession est ouverte. Ce testament sera ouvert, s’il est cacheté. Le président dressera procès-verbal de la présentation, de l’ouverture et de l’état du testament, dont il ordonnera le dépôt entre les mains du notaire par lui commis.

 

ARTICLE 70

Dans le cas de l’article 68, si le testament est olographe ou mystique, le légataire universel sera tenu de se faire envoyer en possession, par une ordonnance du président, mise au bas d’une requête à laquelle sera joint l’acte de dépôt.

 

ARTICLE 71

Le légataire universel qui sera en concours avec un héritier auquel la loi réserve une quotité des biens, sera tenu des dettes et charges de la succession du testateur, personnellement pour sa part et portion et hypothécairement pour le tout ; et il sera tenu d’acquitter tous les legs, sauf le cas de réduction, ainsi qu’il est expliqué aux articles 21 et 22.

 

PARAGRAPHE 2 :

DU LEGS A TITRE UNIVERSEL

ARTICLE 72

Le legs à titre universel est celui par lequel le testateur lègue une quote-part des biens dont la loi lui permet de disposer, telle qu’une moitié, un tiers, ou tous ses immeubles, ou tout son mobilier, ou une quotité fixe de tous ses immeubles ou de tout son mobilier.

Tout autre legs ne forme qu’une disposition à titre particulier.

 

ARTICLE 73

Les légataires à titre universel seront tenus de demander la délivrance aux héritiers auxquels une quotité des biens est réservée par la loi, à leur défaut, aux légataires universels, et à défaut de ceux-ci, aux héritiers appelés dans l’ordre établi au titre des successions.

 

ARTICLE 74

Le légataire à titre universel sera tenu, comme le légataire universel, des dettes et charges de la succession du testateur, personnellement pour sa part et portion, et hypothécairement pour le tout.

 

ARTICLE 75

Lorsque le testateur n’aura disposé que d’une quotité de la portion disponible, et qu’il l’aura fait à titre universel, ce légataire sera tenu d’acquitter les legs particuliers par contribution avec les héritiers naturels.

 

PARAGRAPHE 3 :

DES LEGS PARTICULIERS

ARTICLE 76

Tout legs pur et simple donnera au légataire, du jour du décès du testateur, un droit à la chose léguée, droit transmissible à ses héritiers ou ayants cause.

Néanmoins le légataire particulier ne pourra se mettre en possession de la chose léguée, ni en prétendre les fruits ou intérêts, qu’à compter du jour de sa demande en délivrance, formée suivant l’ordre établi par l’article 73, ou du jour auquel cette délivrance lui aura été volontairement consentie.

 

ARTICLE 77

Les intérêts ou fruits de la chose léguée courront au profit du légataire, du jour de la demande en délivrance ou de celle-ci lorsqu’elle lui aura été volontairement consentie.

 

ARTICLE 78

Les frais de la demande en délivrance seront à la charge de la succession, sans néanmoins qu’il puisse en résulter de réduction de la réserve légale.

Les droits d’enregistrement seront dus par le légataire.

Le tout, s’il n’en a été autrement ordonné par le testament.

Chaque legs pourra être enregistré séparément, sans que cet enregistrement puisse profiter à aucun autre qu’au légataire ou à ses ayants cause.

 

ARTICLE 79

Les héritiers du testateur, ou autres débiteurs d’un legs, seront personnellement tenus de l’acquitter, chacun au prorata de la part et portion dont ils profiteront dans la succession.

Ils en seront tenus hypothécairement pour le tout, jusqu’à concurrence de la valeur des immeubles de la succession dont ils seront détenteurs.

 

ARTICLE 80

La chose léguée sera délivrée avec les accessoires nécessaires, et dans l’état où elle se trouvera au jour du décès du donateur.

 

ARTICLE 81

Lorsque celui qui a légué la propriété d’un immeuble, l’a ensuite augmentée par des acquisitions, ces acquisitions, fussent-elles contiguës, ne seront pas censées, sans une nouvelle disposition, faire partie du legs.

Il en sera autrement des embellissements, ou des constructions nouvelles faites sur le fonds légué, ou d’un enclos dont le testateur aurait augmenté l’enceinte.

 

ARTICLE 82

Si, avant le testament ou depuis, la chose léguée a été hypothéquée pour une dette de la succession, ou même pour la dette d’un tiers, ou si elle est grevée d’un usufruit, celui qui doit acquitter le legs n’est point tenu de la dégager, à moins qu’il n’ait été chargé de le faire par une disposition expresse du testateur.

 

ARTICLE 83

Lorsque le testateur aura légué la chose d’autrui, le legs sera nul, soit que le testateur ait connu ou non qu’elle ne lui appartenait pas.

*ARTICLE 84

Lorsque le legs sera d’une chose indéterminée, l’héritier ne sera pas obligé de la donner de la meilleure qualité, et il ne pourra l’offrir de la plus mauvaise.

 

ARTICLE 85

Le legs fait au créancier ne sera pas censé en compensation de sa créance, ni le legs au domestique en compensation de ses gages.

 

ARTICLE 86

Le légataire à titre particulier ne sera point tenu des dettes de la succession, sauf la réduction du legs ainsi qu’il est dit ci-dessus, et sauf l’action hypothécaire des créanciers.

 

SECTION 3 :

DES EXECUTEURS TESTAMENTAIRES

ARTICLE 87

Le testateur pourra nommer un ou plusieurs exécuteurs testamentaires.

 

ARTICLE 88

Il pourra leur donner la saisine du tout, ou seulement une partie de son mobilier ; mais elle ne pourra durer au-delà de l’an et jour à compter de son décès.

S’il ne la leur a pas donnée, ils ne pourront l’exiger.

 

ARTICLE 89

L’héritier pourra faire cesser la saisine, en offrant de remettre aux exécuteurs testamentaires somme suffisante pour le paiement des legs mobiliers, ou en justifiant de ce paiement.

 

ARTICLE 90

Celui qui ne peut s’obliger, ne peut pas être exécuteur testamentaire.

 

ARTICLE 91

Le mineur ne pourra être exécuteur testamentaire.

 

ARTICLE 92

Les exécuteurs testamentaires feront apposer les scellés, s’il y a des héritiers mineurs, interdits ou absents.

Ils feront faire, en présence de l’héritier présomptif, ou lui dûment appelé, l’inventaire des biens de la succession.

Ils provoqueront la vente du mobilier, à défaut de deniers suffisants pour acquitter les legs.

Ils veilleront à ce que le testament soit exécuté ; et ils pourront, en cas de contestation sur son exécution, intervenir pour en soutenir la validité.

Ils devront, à l’expiration de l’année du décès du testateur, rendre compte de leur gestion.

 

ARTICLE 93

Les pouvoirs de l’exécuteur testamentaire ne passeront point à ses héritiers.

 

ARTICLE 94

S’il y a plusieurs exécuteurs testamentaires qui aient accepté, un seul pourra agir au défaut des autres ; et ils seront solidairement responsables du compte du mobilier qui leur aura été confié, à moins que le testateur n’ait divisé leurs fonctions et que chacun d’eux ne se soit renfermé dans celle qui lui était attribuée.

 

ARTICLE 95

Les frais faits par l’exécuteur testamentaire pour l’apposition des scellés, l’inventaire, le compte et les autres frais relatifs à ses fonctions seront à la charge de la succession.

 

SECTION 4 :

DE LA REVOCATION DES TESTAMENTS ET DE LEUR CADUCITE

ARTICLE 96

Les testaments ne pourront être révoqués, en tout ou partie, que par un testament postérieur, ou par un acte passé dans la forme prévue à l’article 56 portant déclaration du changement de volonté.

 

ARTICLE 97

Les testaments postérieurs qui ne révoqueront pas d’une manière expresse les précédents, n’annuleront, dans ceux-ci, que celles des dispositions y contenues qui se trouveront incompatibles avec les nouvelles, ou qui seront contraires.

 

ARTICLE 98

La révocation faite dans un testament postérieur aura tout son effet, quoique ce nouvel acte reste sans exécution par l’incapacité du légataire, ou par son refus de recueillir.

 

ARTICLE 99

Toute aliénation, celle même par vente avec faculté de rachat ou par échange, que fera le testateur de tout ou de partie de la chose léguée, emportera la révocation du legs pour tout ce qui a été aliéné, encore que l’aliénation postérieure soit nulle, et que l’objet soit rentré dans la main du testateur.

 

ARTICLE 100

Toute disposition testamentaire sera caduque si celui en faveur de qui elle est faite n’a pas survécu.

 

ARTICLE 101

Toute disposition testamentaire faite sous une condition dépendante d’un événement incertain, et telle que, dans l’intention du testateur, cette disposition ne doive être exécutée qu’autant que l’événement arrivera ou n’arrivera pas, sera caduque, si le légataire décède avant l’accomplissement de la condition.

 

ARTICLE 102

La condition qui, dans l’intention du testateur, ne fait que suspendre l’exécution de la disposition, n’empêchera pas le légataire d’avoir un droit acquis et transmissible à ses héritiers.

 

ARTICLE 103

Le legs sera caduc, si la chose léguée a totalement péri pendant la vie du testateur.

Il en sera de même, si elle a péri depuis sa mort, sans le fait et la faute de l’héritier, quoique celui-ci ait été mis en retard de la délivrer, lorsqu’elle eût également dû périr entre les mains du légataire.

 

ARTICLE 104

La disposition testamentaire sera caduque, lorsque le légataire la répudiera, ou se trouvera incapable de la recueillir.

 

ARTICLE 105

Il y aura lieu à accroissement au profit des légataires, dans le cas où le legs sera fait à plusieurs conjointement.

Le legs sera réputé fait conjointement, lorsqu’il le sera par une seule et même disposition, et que le testateur n’aura pas assigné la part de chacun des colégataires dans la chose léguée

 

ARTICLE 106

Il sera encore réputé fait conjointement, quand une chose qui n’est pas susceptible d’être divisée sans détérioration, aura été donnée par le même acte à plusieurs personnes, même séparément.

 

ARTICLE 107

Les mêmes causes qui autoriseront la demande en révocation de la donation entre vifs, seront admises pour la demande en révocation des dispositions testamentaires.

 

ARTICLE 108

Si cette demande est fondée sur une injure grave faite à la mémoire du testateur, elle doit être intentée dans l’année, à compter du jour du délit.

 

ARTICLE 109

La présente loi sera publiée au Journal officiel de la République de Côte d’Ivoire et exécutée comme loi de l’Etat.

 

Fait à Abidjan, le 7 octobre 1964

Félix HOUPHOUET-BOIGNY