CHAPITRE 5 : LES INFRACTIONS CONTRE LES DEVOIRS DE LEUR FONCTION COMMISES PAR LES FONCTIONNAIRES

ARTICLE 223

Est considéré comme fonctionnaire, pour l’application du présent chapitre, tout magistrat, fonctionnaire de l’Etat, officier public ou ministériel, agent, préposé ou commis soit de l’Etat ou de toute autre personne morale de droit public, soit d’un officier public ou ministériel, tout officier ou sous-officier public des Forces armées, tout militaire de la Gendarmerie et d’une façon générale, toute personne chargée même occasionnellement d’un service ou d’une mission de service public, agissant dans l’exercice à l’occasion de ses fonctions.

 

SECTION 1 :

COALITION DE FONCTIONNAIRES

ARTICLE 224

Sont punis de six mois à trois ans d’emprisonnement les fonctionnaires qui concertent et délibèrent entre eux :

1°) des mesures contraires aux lois ou aux règlements légalement pris ;

2°) des mesures contre l’exécution ou contre les ordres du Gouvernement ;

3°) des mesures, notamment des démissions collectives ayant pour objet d’empêcher ou de suspendre soit l’exécution d’un service public, soit l’Administration de la Justice ;

4°) si ce concert a lieu entre autorités civiles et militaires, les coupables sont condamnés à l’emprisonnement de deux à cinq ans.

 

SECTION 2 :

DETOURNEMENT ET SOUSTRACTION DE DENIERS ET TITRES PUBLICS

ARTICLE 225

Tout fonctionnaire qui détourne ou dissipe, en tout ou partie des deniers publics ou privés, effets ou titres en tenant lieu, qui sont entre ses mains en vertu de ses fonctions, est puni d’un emprisonnement de cinq ans à dix ans et d’une amende de 300.000 à 3.000.000 de francs.

Les poursuites engagées en application du présent article, doivent obligatoirement faire l’objet d’une instruction préparatoire. Le juge d’instruction, après avoir procédé aux formalités de première comparution, doit, si l’inculpation est maintenue, ordonner le séquestre des biens de l’inculpé.

 

ARTICLE 226

Est présumé avoir détourné ou dissipé les deniers, effets ou titres remis entre ses mains, celui qui se trouve dans l’impossibilité de les représenter ou de justifier qu’il en a fait un usage conforme à leur destination.

Pour faire tomber cette présomption, il lui appartient de prouver que l’impossibilité dans laquelle il se trouve, soit de représenter lesdits deniers, effets ou titres, soit de justifier qu’il en a fait un usage conforme à leur destination, n’a pas une origine frauduleuse, ou, si cette origine est frauduleuse, qu’elle ne lui est pas imputable.

 

ARTICLE 227

Les dispositions des articles 117, 118 et 133 du présent Code ne sont pas applicables aux délits prévus par les articles 225 et 226 ci-dessus.

La tentative de ces délits est punissable.

 

ARTICLE 228

Les peines prévues l’article 225 sont applicables à tout fonctionnaire qui détruit, supprime, soustrait ou détourne les actes et titres dont il est dépositaire en cette qualité, ou qui lui ont été remis ou communiqués en raison de ses fonctions.

Constitue un acte ou titre au sens du présent article, toute pièce qui présente un intérêt suffisant pour que sa perte cause à quiconque un préjudice pécuniaire ou moral.

 

SECTION 3 :

CONCUSSION

ARTICLE 229

Est puni d’un emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende de 300.000 à 3.000.000 de francs le fonctionnaire qui reçoit, exige ou ordonne de percevoir pour droits, taxes, contributions ou deniers, pour salaires ou traitements, ce qu’il savait ne pas être dû ou excéder ce qui était dû.

 

ARTICLE 230

Est puni des peines prévues à l’article précédent, tout fonctionnaire qui de mauvaise foi :

1°) ordonne des contributions directes ou indirectes autres que celles autorisées par la loi, qui en établit les rôles, ou en fait le recouvrement ;

2°) sous une forme quelconque et pour quelque motif que ce soit, sans autorisation de la loi, accorde des exonérations ou franchises de droits, impôts ou taxes publics, ou effectue gratuitement ou à un prix inférieur à celui prescrit, la délivrance de produits des établissements de l’Etat.

Le bénéficiaire de mauvaise foi est puni comme complice.

Dans tous les cas prévus au présent article, la tentative est punissable.

Les dispositions des articles 117, 118 et 133 du présent Code ne sont pas applicables aux délits prévus par le présent article.

 

SECTION 4 :

AVANTAGE ILLEGITIME

ARTICLE 231

Est puni d’un emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 200.000 à 2.000.000 de francs, tout fonctionnaire qui, soit directement, soit indirectement, prend ou reçoit quelque intérêt que ce soit :

1°) dans les actes, adjudications ou régies dont il avait, au temps de l’acte, en tout ou partie, la surveillance, le contrôle ou l’administration ;

2°) dans les entreprises privées, les sociétés d’Economie mixte ou à la participation financière de l’Etat, soumises à sa surveillance ou à son contrôle ;

3°) dans les marchés ou contrats passés au nom de l’Etat, avec l’une des entreprises visées au paragraphe précédent ;

4°) dans une affaire dont il était chargé d’ordonnancer le paiement ou de faire la liquidation.

Les dispositions du présent article sont applicables aux anciens fonctionnaires qui, dans les cinq ans à compter de la cessation de leurs fonctions, par suite de démission, destitution, congé, mise à la retraite ou en disponibilité ou pour toute autre cause, prennent un intérêt quelconque dans les actes, opérations ou entreprises susvisées, soumis précédemment à leur surveillance, à leur contrôle, à leur administration ou dont ils assuraient le paiement ou la liquidation.

Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables lorsque les biens sont acquis à l’auteur, par dévolution héréditaire.

Les dirigeants des entreprises, régies ou sociétés, sont considérés comme complices.

 

ARTICLE 232

Est puni d’un emprisonnement de deux à dix ans et d’une amende de 200.000 à 2.000.000 de francs, tout fonctionnaire qui, pour lui-même ou pour un tiers sollicite, agrée ou reçoit des offres, promesses dons ou présents :

1°) pour faire, s’abstenir de faire ou ajourner un acte de ses fonctions, juste ou non, mais non sujet à salaire. L’emprisonnement est de un à trois ans et l’amende de 50.000 à 500.000 francs, si l’acte n’entrait pas dans les attributions de la personne, corrompue, mais était cependant facilité par sa fonction ;

2°) pour faire obtenir ou tenter de faire obtenir des décorations, médailles, distinctions, récompenses, places, fonctions, emplois ou décisions favorables accordés par l’autorité publique, des marchés, entreprises ou autres bénéfices résultant de traités conclus avec l’autorité publique ou un organisme placé sous le contrôle de l’autorité publique abusant ainsi de l’influence réelle ou supposée que lui donne sa qualité ou son mandat.

 

ARTICLE 233

Est puni d’un emprisonnement de trois mois à un an, tout fonctionnaire qui sollicite ou accepte une rétribution en espèces ou en nature pour lui-même ou pour un tiers, en rémunération d’un acte de sa fonction déjà accompli.

 

ARTICLE 234

Quiconque, pour obtenir, soit l’accomplissement, l’exécution ou l’ajournement d’un acte, soit une des faveurs ou avantages prévus à l’article 233, use de voies de fait ou menaces, de promesses, offres, dons ou présents ou cède à des sollicitations tendant à la corruption, même s’il n’en a pas pris l’initiative, est puni des même, peines que celles prévues contre la personne convaincue de corruption, que la contrainte ou la corruption ait ou non produit son effet.

Est puni des peines prévues à l’article 233 celui qui use de dons ou présents ou cède aux sollicitations tentant à rémunérer un acte déjà accompli par l’une des personnes visées à l’article 232.

 

ARTICLE 235

Dans le cas où la corruption ou le trafic d’influence a pour objet un fait criminel, la peine attachée à ce fait est appliquée aux coupables.

 

SECTION 5 :

ABUS D’AUTORITE

ARTICLE 236

Tout fonctionnaire qui, agissant en cette qualité, s’est introduit dans le domicile d’une personne contre le gré de celle-ci, hors les cas prévus par la loi ou sans les formalités qu’elle a prescrites, est puni d’un emprisonnement de six jours à un an et d’une amende de 50.000 à 500.000 francs.

 

ARTICLE 237

Est puni d’une amende de 30.000 à 300.000 francs, tout juge qui, même en cas de silence ou d’obscurité de la loi, s’abstient de statuer et qui, après réquisition d’une partie, persévère en son déni de Justice.

L’exercice de toute fonction publique peut, en outre, lui est interdit pendant cinq ans.

 

ARTICLE 238

Lorsqu’un fonctionnaire sans motif légitime, use ou fait user de violence envers les personnes dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, il est puni selon la nature et la gravité de ces violences et la peine est élevée suivant la règle posée par l’article 109.

 

ARTICLE 239

Tout fonctionnaire qui requiert ou ordonne, fait requérir ou ordonner l’action ou l’emploi de la force publique, contre l’exécution d’une loi ou contre la perception d’une contribution légale, ou contre l’exécution soit d’une ordonnance ou d’un mandat de justice, soit de tout autre ordre de l’autorité légitime, est puni d’un emprisonnement de deux à dix ans.

Si cette réquisition ou cet ordre est suivi d’effet, la peine est portée au maximum.

 

ARTICLE 240

Si par suite des ordres ou réquisitions, il est commis d’autres infractions punissables de peines plus fortes que celles prévue par l’article 239, ces peines plus fortes sont appliquées aux fonctionnaires coupables d’avoir donné ces ordres ou pris ces réquisitions.

 

ARTICLE 241

Tout fonctionnaire qui, après avoir été informé officiellement de la cessation de ses fonctions ou de son mandat, continue, néanmoins à les exercer, est puni d’un emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 20.000 à 200.000 francs.

 

ARTICLE 242

Dans tous cas visés au présent chapitre, le juge peut à titre complémentaire priver le condamné de tout ou partie des droits visés à l’article 66 et prononcer à son égard interdiction de séjour prévue à l’article 80.