CHAPITRE 3 : DE L’EFFET DES OBLIGATIONS

SECTION 1 :

DISPOSITIONS GENERALES

ARTICLE 1134

Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi.

 

ARTICLE 1135

Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature.

 

SECTION 2 :

DE L’OBLIGATION DE DONNER

ARTICLE 1136

L’obligation de donner emporte celle de livrer la chose et de la conserver jusqu’à la livraison, à peine de dommages et intérêts envers le créancier.

 

ARTICLE 1137

L’obligation de veiller à la conservation de la chose, soit que la convention n’ait pour objet que l’utilité de l’une des parties, soit qu’elle ait pour objet leur utilité commune, soumet celui qui en est chargé à y apporter tous les soins d’un bon père de famille.

Cette obligation est plus ou moins étendue relativement à certains contrats, dont les effets, à cet égard, sont expliqués sous les titres qui les concernent.

 

ARTICLE 1138

L’obligation de livrer la chose est parfaite par le seul consentement des parties contractantes.

Elle rend le créancier propriétaire et met la chose à ses risques dès l’instant où elle a dû être livrée, encore que la tradition n’en ait point été faite, à moins que le débiteur ne soit en demeure de la livrer auquel cas la chose reste aux risques de ce dernier.

 

ARTICLE 1139

Le débiteur est constitué en demeure, soit par une sommation ou par autre acte équivalent, soit par l’effet de la convention, lorsqu’elle porte que, sans qu’il soit besoin d’acte et par la seule échéance du terme, le débiteur sera en demeure.

 

ARTICLE 1140

Les effets de l’obligation de donner ou de livrer un immeuble sont réglés au titre De la vente et au titre Des privilèges et hypothèques.

 

ARTICLE 1141

Si la chose qu’on s’est obligé de donner ou de livrer à deux personnes successivement, est purement mobilière, celle des deux qui en a été mise en possession réelle est préférée et en demeure propriétaire, encore que son titre soit postérieur en date, pourvu toutefois que la possession soit de bonne foi.

 

SECTION 3 :

DE L’OBLIGATION DE FAIRE OU DE NE PAS FAIRE

ARTICLE 1142

Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d’inexécution de la part du débiteur.

 

ARTICLE 1143

Néanmoins le créancier a le droit de demander que ce qui aurait été fait par contravention à l’engagement soit détruit ; et il peut se faire autoriser à le détruire aux dépens du débiteur, sans préjudice des dommages et intérêts, s’il y a lieu.

 

ARTICLE 1144

Le créancier peut aussi, en cas d’inexécution, être autorisé à faire exécuter lui-même l’obligation aux dépens du débiteur.

 

ARTICLE 1145

Si l’obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient doit des dommages et intérêts par le seul fait de la contravention.

SECTION 4 :

DES DOMMAGES ET INTERÊTS
RESULTANT DE L’INEXECUTION DE L’OBLIGATION

ARTICLE 1146

Les dommages et intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation, excepté néanmoins lorsque la chose que le débiteur s’était obligé de donner ou de faire ne pouvait être donnée ou faite que dans un certain temps qu’il a laissé passer.

 

ARTICLE 1147

Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au payement de dommages et intérêts , soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

 

ARTICLE 1148

Il n’y a lieu à aucun dommages et intérêts lorsque, par suite d’une force majeure ou d’un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé ou a fait ce qui lui était interdit.

 

ARTICLE 1149

Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après.

 

ARTICLE 1150

Le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lorsque ce n’est point par son dol que l’obligation n’est point exécutée.

 

ARTICLE 1151

Dans le cas même où l’inexécution de la convention résulte du dol du débiteur, les dommages et intérêts ne doivent comprendre, à l’égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution de la convention.

 

ARTICLE 1152

Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.

 

ARTICLE 1153

Dans les obligations qui se bornent au payement d’une certaine somme, les dommages et intérêts résultant du retard dans l’exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts fixés par la loi ; sauf les règles particulières au commerce et au caution­nement.

Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte.

Ils ne sont dus que du jour de la demande, excepté dans les cas où la loi les fait courir de plein droit.

 

ARTICLE 1154

Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière.

 

ARTICLE 1155

Néanmoins les revenus échus, tels que fermages, loyers, arrérages de rentes perpétuelles ou viagères, produisent intérêt du jour de la demande ou de la convention.

La même règle s’applique aux restitutions de fruits, et aux intérêts payés par un tiers aux créanciers en acquit du débiteur.

SECTION 5 :

DE L’INTERPRETATION DES CONVENTIONS

ARTICLE 1156

On doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes.

 

ARTICLE 1157

Lorsqu’une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l’entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n’en pourrait produire aucun.

 

ARTICLE 1158

Les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans le sens qui convient le plus à la matière du contrat.

 

ARTICLE 1159

Ce qui est ambigu s’interprète par ce qui est d’usage dans le pays où le contrat est passé.

 

ARTICLE 1160

On doit suppléer dans le contrat les clauses qui y sont d’usage, quoiqu’elles n’y soient pas exprimées.

 

ARTICLE 1161

Toutes les clauses des conventions s’interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l’acte entier.

 

ARTICLE 1162

Dans le doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé, et en faveur de celui qui a contracté l’obligation.

 

ARTICLE 1163

Quelque généraux que soient les termes dans lesquels une convention est conçue, elle ne comprend que les choses sur lesquelles il paraît que les parties se sont proposé de contracter.

 

ARTICLE 1164

Lorsque dans un contrat on a exprimé un cas pour l’explication de l’obligation, on n’est pas censé avoir voulu par là restreindre l’étendue que l’engagement reçoit de droit aux cas non exprimés.

 

SECTION 6 :

DE L’EFFET DES CONVENTIONS A L’EGARD DES TIERS

ARTICLE 1165

Les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article 1121.

 

ARTICLE 1166

Néanmoins les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l’exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne.

 

ARTICLE 1167

Ils peuvent aussi, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits.

Ils doivent néanmoins, quant à leurs droits énoncés au titre Des successions et au titre Du contrat de mariage et des droits respectifs des époux, se conformer aux règles qui y sont prescrites.