JURISPRUDENCE 3 : LA DIFFAMATION

Recours pour excès de pouvoir – Faits reprochés – Absence de preuve – Annulation…

LISTE DES DECISIONS DE JUSTICE

DECISION DE JUSTICE DE LA REPUBLIQUE DE CÔTE D’IVOIRE SUR LA DIFFAMATION

NUMERO :
CIDCSA19920226007

JURIDICTION :
COUR SUPREME

FORMATION :
CHAMBRE ADMINISTRATIVE

DATE :
26 – 02- 1992

NATURE :
ADMINISTRATIVE

TYPE :
RECOURS EN ANNULATION

DEMANDEUR :
RAPHAËL

DEFENDEUR :
Ministère de l’Emploi et de la Fonction Publique

SOLU :

ANNULATION

DECA

DECISION 2191/FP/CD DU 04 FEVRIER 1989

TIT1 :

TEXT :

REPUBLIQUE DE COTE D’IVOIRE

AU NOM DU PEUPLE IVOIRIEN

LA COUR,

Vu sous le n° 90-01 AD, la requête présentée par Monsieur RAPHAËL et enregistrée au Secrétariat Général de la Cour Suprême le 08 janvier 1990, requête tendant à l’annulation pour excès de pouvoir, de la décision n° 2191/FP/CD du 4 février 1989 ;

Vu la loi 78-663 du 5 août 1978 déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour Suprême, notamment en ses articles 73 et 74 ;

Vu le mémoire en défense et les pièces jointes produites par le requérant ;

Vu le mémoire en réponse en date du 7 février 1991, déposé par le Ministre de l’Emploi et de la Fonction Publique ;

Vu le recours administratif exercé le 2 octobre 1989 par le requérant contre la décision attaquée ;

Ouï Monsieur le Conseiller MAO N’GUESSAN, en son rapport ;

Considérant que de l’examen de l’ensemble du dossier, il résulte que le quotidien FRATERNITE a publié le 7 mars 1988, à la page 19, dans la rubrique « Forum » un article intitulé « Il n’est pas facile d’être douanier », article signé des lettres K.G.R. et contenant des affirmations selon lesquelles les hauts cadres de l’Administration des Douanes, ayant pris des intérêts dans les sociétés de transit de la place, dispenseraient celles-ci du paiement total ou partiel des amendes douanières encourues par lesdites sociétés tandis que les cadres subalternes s’emploieraient à soudoyer leurs chefs pour être affectés à des postes dits « juteux » parce qu’offrant des possibilités à leurs occupants de faire des gains illicites ;

Que la Direction Générale engagea deux procédures parallèles :

1°) – Une plainte avec constitution de partie civile devant le Doyen des Juges d’Instruction du chef de diffamation action dirigée contre X et clôturée par une ordonnance de non-lieu du 30 juin 1989 pour non découverte de l’auteur de l’infraction ;

2°) – une enquête administrative, au cours de laquelle l’agent RAPHAËL a été mis en cause par la demoiselle  MONIQUE, Dactylographe bénévole et nièce du chef de service qui affirme que le requérant lui a fait taper le texte publié par le quotidien quelques jours auparavant prétextant qu’il s’agissait d’un document d’archives personnelles, déclarations contre lesquelles RAPHAËL proteste vivement en faisant observer que s’il était l’auteur de l’article, il n’aurait pas sollicité le concours de la nièce de son chef de service et que par ailleurs, plusieurs autres agents portent des noms qui répondent aux initiales K.G.R. ;

Que c’est en cet état que fut prise la décision attaquée.

EN LA FORME :

Considérant que le Ministre de l’Emploi et de la Fonction Publique soulève l’irrecevabilité du recours en soutenant le caractère tardif dudit recours ; Considérant qu’il est constant comme résultant des pièces produites par les parties (ampliations de la décision de révocation, photocopie du cahier de transmission du courrier du Ministre de l’Emploi et de Fonction Publique, acte de notification délivré par le chef de service du Bureau d’Abidjan-Vridi et diverses correspondances) que la décision de la révocation du 4 février 1989 a été adressée pour notification par le Ministre de l’Emploi et de la Fonction Publique à son homologue de l’Economie et des Finances, qui l’a reçue le 15 janvier 1989 ;

Que le requérant n’a reçu effectivement notification de la décision que le 29 septembre 1989.

Que dès lors, son recours formé le 8 janvier 1990 après le recours administratif présenté le 2 octobre 1989 et rejeté le 15 Décembre 1989, est recevable comme ayant été fait dans les formes et délais de la loi ;

AU FOND :

Considérant que l’enquête administrative diligentée dès le 14 mars 1988, soit une semaine après la parution de l’article se fonde essentiellement sur la dénonciation de la demoiselle MONIQUE et les initiales K.G.R ;

Mais, considérant que les accusations de ladite demoiselle doivent être appréciées en tenant compte de ses relations de parenté avec le chef de service, de son silence avant la parution de l’article dans le journal alors qu’elle avait le loisir, en raison du contenu de l’article, de s’ouvrir soit au chef du secrétariat, la dame COULIBALY, soit à son oncle, le sieur GO… ;

Considérant par ailleurs que les seules lettres K.G.R, inscrites au bas de l’article ne suffisent pas à incriminer RAPHAËL alors qu’il n’est pas fondé que ces mêmes lettres peuvent être imputées à d’autres personnes ;

Que l’Administration s’est rendue compte de la fragilité de ses preuves puisque sa plainte en justice en date du 8 avril 1988 a été dirigée contre X alors qu’à cette date, les résultats de l’enquête administrative étaient déjà connus ;

Considérant en définitive que ni l’enquête administrative, ni l’information judiciaire n’ont pu établir la culpabilité de RAPHAËL ;

Qu’en se fondant sur une enquête au résultat incertain pour prononcer la révocation du fonctionnaire RAPHAËL, le Ministre de l’Emploi et de la Fonction Publique n’a pu légalement justifier sa décision ;

DISP

DECIDE :

ARTICLE PREMIER

Le recours en annulation pour excès de pouvoir, formé par Monsieur RAPHAËL est recevable comme ayant été présenté dans les formes et délais de la loi ;

 

ARTICLE 2

La décision n° 2191/FP/CD du 4 février 1989 prise par le Ministre de l’Emploi et de la Fonction Publique et tendant à la révocation de Monsieur RAPHAËL, Mle 165 – C, est annulée.

 

ARTICLE 3

Expédition du présent arrêt sera transmise à Monsieur le Ministre de l’Emploi et de la Fonction Publique.

 

ARTICLE 4

Les dépens sont mis à la charge du Trésor. Ainsi jugé et prononcé par la Cour Suprême, Chambre Administrative, en son audience publique du VINGT SIX FEVRIER MIL NEUF CENT QUATRE VINGT DOUZE. En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le Président, le Rapporteur et le Secrétaire.

PRESIDENT
C.

GREFFIER
NIBE.

COUR SUPREME CHAMBRE ADMINISTRATIVE REJET

Pourvoi N° 90-16

NUM
90-01 AD 1990- 01-08

NOTE

LES FAITS AYANTS SERVI DE FONDEMENT NE SONT CLAIREMENT ETABLITS. LE FONDEMENT DE LA DECISION ETANT FRAGILE ELLE EST ILLEGALE.