DECISION DE JUSTICE INTEGRALE : AFFAIRE DAME NJ CONTRE SON BEAU-FRERE NV

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE D’ABIDJAN-PLATEAU
JUGEMENT N° 459 DU 21 JUILLET 2016

Le TRIBUNAL,

Vu les pièces du dossier ;

Vu les conclusions écrites du Ministère Public du 22 juillet 2014;

Ouï les parties en leurs demandes, fins et conclusions ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

EXPOSE DU LITIGE

Attendu que suivant exploit en date du 28 janvier 2014, JN a fait assigner NV par devant le Tribunal civil de ce siège pour s’entendre :

Condamner celui-ci au paiement des sommes de 109 248 508 Francs CFA au titre des sommes détournées, et 30 000 000 Francs CFA à titre de dommages intérêts ;

Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir;

Condamner le défendeur aux entiers dépens de l’instance ;

Au niveau de son action JN expose que, suite au décès de NVT le 04/01/2006, père de son enfant mineur NJVB, elle a délégué l’exercice de la puissance paternelle dudit enfant à NV, frère du défunt en vue d’une meilleure éducation ;

Toutefois, elle fait savoir que, suite à l’abandon dudit enfant à Abidjan par son tuteur pendant la crise postélectorales, elle a sollicité et obtenu du juge des tutelles la rétractation de la délégation volontaire de la puissance paternelle ;

Elle indique que c’est alors qu’elle a découvert que diverses sommes d’argent ont été virées du compte bancaire de l’enfant mineure vers des comptes appartenant au tuteur, NV, sans que ce dernier ne rende compte de sa gestion, et ce, en dépit d’une ordonnance du Juge des tutelles lui enjoignant de le faire ;

La demanderesse soutient que ces sommes, dont le total s’élève à 109 248 508 FCFA, ont été ainsi détournées, de sorte à provoquer l’appauvrissement de l’enfant mineure ;

Partant, elle sollicite la condamnation de NV au remboursement pure et simple des sommes détournées ;

Par ailleurs, la dame JN soutient que, conformément à l’article 90 de la loi sur la minorité, le tuteur doit administrer les biens de l’enfant mineur en bon père de famille, et répondre s’il y a lieu, des dommages intérêts pouvant résulter d’une mauvaise gestion ;

Aussi, s’appuyant sur les dispositions de l’article 1142 du code civil, elle sollicite la condamnation du défendeur au paiement de la somme de 30.000.000 FCFA à titre de dommages intérêts, à l’effet d’indemniser le préjudice moral et financier causé par les agissements de ce dernier ;

La demanderesse sollicite également que NV soit condamné au paiement des intérêts de droit qui ont couru depuis le 09/08/2007, date à laquelle les détournements ont débuté ;

En réplique, NV soutient que les sommes déboursées par lui l’ont été en vue de pourvoir à l’entretien de l’enfant mineur ;

Pour lui, La demanderesse ne prouve pas lesdites sommes d’argent appartenant à l’enfant mineur ont été par lui utilisées à d’autres fins ;

De sorte que selon lui, ces graves accusations sans fondement lui causent un préjudice moral, et sollicite en conséquence, la condamnation de la défenderesse à lui payer la somme de un franc symbolique à titre de dommages intérêts ;

Concluant, le ministère public a requis de condamner NV à restituer à dame JN pour le compte de son fils mineur, les sommes par lui dépensées au titre des exercices 2006 à 2011 ;

Pour le surplus de la demande principale ainsi que de celle reconventionnelle, il a conclu à leur mal fondé ;

DES MOTIFS

Le défendeur ayant conclu, il y a lieu de statuer contradictoirement ;

AU FOND

SUR LA DEMANDE PRINCIPALE

Sur le bien fondé de la demande en remboursement

En droit positif, l’action de « in rem verso » est admis, lorsque le patrimoine d’une personne s’est enrichi corrélativement à l’appauvrissement d’une autre sans que cela ne soit justifié par une cause légitime ;

Dans le cas d’espèce, il est constant que le délégataire de la puissance paternelle en la personne de NV doit restituer tout ce qu’il a reçu de son pupille, dans le cadre de la gestion de son patrimoine, déduction faite des sommes qu’il a eu à engager dans les dépenses nécessaires à l’entretien et à l’éducation du mineur ;

En effet, il n’est contesté par aucune des parties, ainsi qu’il résulte du procès-verbal de mise en état que le délégataire a reçu la somme de 24.229.308 FCFA pour le compte de l’enfant mineur dont il avait la charge ;

Après reddition de compte, et en prenant en considération une somme forfaitaire de 1.000.000 FCFA par an pour l’entretien de l’enfant, et 1.000.000 FCFA pour la scolarité de celui-ci, et ce sur une période de cinq ans, il y a lieu de dire que lesdits frais s’élèvent à la somme de 10.000.000 FCFA ;

Partant, le défendeur est donc redevable du solde qui s’élève à la somme de 14.229.308fcfa ;

Aussi pour rétablir l’équilibre ainsi rompu entre les parties en cause, à due concurrence, convient-il de condamner NV au remboursement de cette somme d’argent au profit de la dame JN ;

Sur le bien fondé de la demande en paiement de dommages et intérêts

La mise en œuvre de la responsabilité civile, suppose que soient établie de manière cumulative, un fait générateur, un dommage et un lien de causalité ;

Toutefois en l’espèce, il n’est pas rapporté une faute commise par NV, autant que c’est la présente reddition de compte qui fait naître l’obligation de restitution ;

Aussi, en l’absence de faute, il y a lieu de rejeter la présente demande en dommages et intérêts;

Sur le bien fondé de la demande en paiement des intérêts

Il résulte des dispositions de l’article 1153 du code civil que, dans les obligations qui se bornent au paiement d’une somme d’argent, les dommages et intérêts résultant du retard dans l’exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts fixés par la loi ;

Toutefois en l’espèce, la mission du délégataire de la puissance paternelle ayant pris fin par décision du juge des tutelles le 11 juillet 2011, il y a lieu de faire courir les intérêts des sommes d’argent à devoir pour compter de cette date ;

Sur l’exécution provisoire

Il résulte des dispositions de l’article 146 du code de procédure civile que l’exécution provisoire peut être ordonnée dans tous les cas présentant un caractère d’extrême urgence ;

En l’espèce, le caractère alimentaire des sommes à rembourser présentent un caractère extrêmement urgent, ce d’autant qu’elles doivent servir à pourvoir aux besoins d’un enfant mineur ;

Il y a donc lieu dans ces conditions de d’ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;

SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNENLLE AUX FINS DE DOMMAGES INTERETS POUR PROCEDUREABUSIVE

La mise en œuvre de la responsabilité civile, suppose que soient établie de manière cumulative, un fait générateur, un dommage et un lien de causalité ;

Toutefois en l’espèce, la reddition de compte sollicitée par la demanderesse entre dans l’ordre normal des choses, alors surtout qu’à l’issue de celle-ci, ladite demanderesse a triomphé ;

De sorte qu’il ne peut lui être reproché d’avoir commis une faute ;

Il convient donc de rejeter la demande comme dépourvue de tout fondement ;

Il y a il résulte des précédents développements que en l’absence de la preuve d’une faute, d’autant que la demande en reddition de compte entre dans l’ordre normal des choses ;

Il y a lieu de débouter le défendeur de sa demande reconventionnelle ;

SUR LES DEPENS

Succombant, il incombe à NV de supporter les dépens ;

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par décision contradictoire, en matière civile et en premier ressort ;

Sur la demande principale

Déclare JN partiellement fondée en son action en remboursement et en paiement de dommages intérêts ;

Condamne NV à lui payer pour le compte de son enfant mineur, et ce après reddition de compte, la somme de quatorze millions deux cent vingt neuf milles trois cent huit francs (14 229 308 FCFA) à titre d’enrichissement sans cause ;

Dit que les intérêts de cette somme d’argent courent à compter du 11 juillet 2011 ;

Vu l’extrême urgence, ordonne l’exécution provisoire de la décision ;

La déboute du surplus de sa demande ;

Sur la demande reconventionnelle de NV :

L’y dit mal fondé

L’en déboute ;

Met les dépens à sa charge;

PRESIDENT : M. A. COULIBALY