LES MESURES DE PROTECTION DES VICTIMES DE VIOLENCES DOMESTIQUES…

(LOI N° 2021-894 DU 21 DECEMBRE 2021 RELATIVE AUX MESURES DE PROTECTION DES VICTIMES DE VIOLENCES DOMESTIQUES, DE VIOL ET DE VIOLENCES SEXUELLES AUTRES QUE DOMESTIQUES)

ARTICLE 1

Au sens de la présente loi constituent des violences domestiques, tous les actes de violence qui surviennent :

1°) au sein de la famille ou du foyer, commis par l’un de ses membres à l’encontre d’un autre membre, ou de toute autre personne vivant dans la même maison que l’agresseur, qu’il soit lié ou ait été lié ou non à la victime par des liens de parenté, par le sang ou par alliance ;

2°) entre des anciens ou actuels conjoints ou concubins ou personnes entretenant ou ayant entretenu une relation de fait, indépendamment du fait que l’auteur de l’infraction partage ou ait partagé le même domicile que la victime.

 

ARTICLE 2

En cas de violences domestiques mettant en danger l’une des personnes mentionnées à l’article précédent, le président du tribunal peut délivrer, en urgence, une ordonnance de protection à la victime.

 

ARTICLE 3

.L’ordonnance de protection peut être obtenue sur requête présentée par toute personne intéressée ou par le Procureur de la République. Celui-ci est tenu d’agir d’office dès qu’il a connaissance du danger que font courir à la victime, les violences exercées comme il est dit à l’article précédent.

Lorsque la requête n’émane pas du Procureur de la République, avis lui en est donné par le président du tribunal saisi.

 

ARTICLE 4

L’ordonnance de protection est délivrée par le président du tribunal territorialement compétent, saisi par requête.

Le tribunal territorialement compétent est celui du domicile réel ou élu du défendeur et, en l’absence de domicile, celui de sa résidence.

Outre le tribunal du domicile du défendeur, est également compétent celui du domicile ou de la résidence du demandeur.

La délivrance de l’ordonnance de protection n’est pas subordonnée à l’existence d’une plainte pénale préalable ou à la production d’un certificat médical.

 

ARTICLE 5

L’ordonnance de protection est délivrée par le Président du tribunal, dans les vingt-quatre (24) heures de sa saisine, s’il estime, au vu des éléments produits devant lui, qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou l’autre partenaire, un autre membre de la famille ou de la même maison, ou un ou plusieurs enfants sont exposés.

Dans ce cas, le président du tribunal peut ordonner toutes mesures propres à sauvegarder les droits et intérêts de la victime de violences ou de la personne exposée à un danger.

 

ARTICLE 6

Le président du tribunal peut, après audition des parties, rétracter les ordonnances qu’il a rendues conformément aux dispositions de l’article 5, notamment lorsqu’elles portent atteinte aux droits des tiers.

Dès la réception de la demande en rétractation de l’ordonnance de protection, le président du tribunal convoque, par tous moyens laissant trace écrite, pour une audience, la partie demanderesse et la partie défenderesse. Les parties peuvent être assistées de leurs avocats.

L’audience se tient en chambre du Conseil. Le juge peut, d’office ou à la demande de l’une des parties, entendre séparément les parties et les témoins.

L’ordonnance qui statue sur la demande en rétractation, est rendue comme en matière de référés.

 

ARTICLE 7

Après avoir recueilli les observations des parties, le président du tribunal peut :

1°) interdire à la partie défenderesse de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées dans l’ordonnance, ainsi que d’entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit;

2°) interdire à la partie défenderesse de se rendre dans certains lieux spécialement indiqués dans lesquels se trouve de façon habituelle la partie demanderesse ;

3°) interdire à la partie défenderesse de détenir ou de porter une arme et, le cas échéant, lui ordonner de remettre au service de police ou de gendarmerie qu’il désigne, les armes dont elle est détentrice en vue de leur dépôt au greffe ;

4°) ordonner la résidence séparée des époux; la jouissance du logement conjugal est attribuée, sauf ordonnance spécialement motivée justifiée par des circonstances particulières, au conjoint qui n’est pas l’auteur des violences ; les dépenses occasionnées par la résidence séparée peuvent être mises à la charge du conjoint violent ;

5°) se prononcer sur le logement commun de concubins ; la jouissance du logement commun est attribuée, sauf ordonnance spécialement motivée justifiée par des circonstances particulières, au concubin qui n’est pas l’auteur des violences. Les dépenses occasionnées par la résidence séparée peuvent être mises à la charge du concubin violent ;

6°) se prononcer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et sur les modalités du droit de visite et d’hébergement, ainsi que, le cas échéant, sur la contribution aux charges du mariage pour les couples mariés et sur la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants; le droit de visite peut être limité à un espace de rencontre désigné ou s’exercer en présence d’une tierce personne de confiance ;

7°) autoriser la partie demanderesse à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile, pour les besoins de la vie courante, chez son avocat ou au parquet.

Lorsque le président du tribunal délivre une ordonnance de protection portant sur l’une ou l’autre des mesures ci-dessus mentionnées, il en informe, sans délai, le Procureur de la République, auquel il signale également les violences susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants.

ARTICLE 8

Les mesures mentionnées à l’article 6 sont prises pour une durée déterminée par le président du tribunal et prennent effet à compter de la notification de l’ordonnance. Elles peuvent être prolongées au-delà de la durée impartie si, dans l’intervalle, une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée ou si le juge compétent a été saisi d’une requête relative à l’exercice de l’autorité parentale.

Le président du tribunal peut, à tout moment, à la demande du ministère public ou de l’une des parties, ou après avoir fait procéder à toute mesure d’instruction utile, et, après avoir invité chacune d’entre elles à s’exprimer, supprimer ou modifier tout ou partie des mesures énoncées dans l’ordonnance de protection ou en décider de nouvelles.

 

ARTICLE 9

L’ordonnance du président du tribunal est exécutoire sur minute et avant enregistrement. Elle peut faire l’objet d’appel devant le premier président de la Cour d’appel dans un délai de dix (10) jours, à compter de son prononcé.

L’appel contre l’ordonnance de protection n’est pas suspensif.

 

ARTICLE 10

Une ordonnance de protection peut également être délivrée en urgence, par le président du tribunal :

  • à une personne menacée d’une union matrimoniale forcée, de nature civile, coutumière ou religieuse, dans les conditions fixées à l’article 5;
  • à une personne victime de viol ou de toute autre violence sexuelle dans son lieu d’habitation ;
  • à une personne dont l’enfant mineur est victime de viol ou de toute autre violence sexuelle, physique ou morale dans son lieu d’habitation.

 

ARTICLE 11

En cas de violences domestiques, de viol ou de violences sexuelles autres que domestiques, quel que soit le lieu de commission, l’officier de police judiciaire, dès la réception de la plainte ou de la dénonciation, et après en avoir informé le Procureur de la République, procède immédiatement à 1 ‘audition de la victime ainsi qu’au recueil de toutes les preuves permettant d’éclairer les faits et les circonstances de leur commission.

L’officier de police judiciaire fait également procéder à l’identification de la personne mise en cause, à son audition et à la vérification de ses antécédents judiciaires.

S’il l’estime nécessaire, l’officier de police judiciaire peut directement requérir un médecin pour examiner la victime et lui prodiguer les soins urgents que nécessite son état de santé.

L’examen médical, sur réquisition de l’officier de police judiciaire, est de droit si la victime ou un membre de sa famille en fait la demande.

 

ARTICLE 12

Dans les cas mentionnés à l’alinéa 1 de l’article précédent, la mise en mouvement de l’action publique n’est pas subordonnée à la production, par la victime, d’un certificat médical.

Lorsqu’aucun certificat médical n’est produit au soutien d’une plainte, d’une dénonciation ou d’un procès-verbal d’enquête pour violences domestiques, viol ou violences sexuelles autres que domestiques, le Procureur de la République fait procéder aux constatations d’ordre technique, scientifique ou médical nécessaires, par réquisition adressée à toute personne qualifiée.

En cas de contestation, les constatations du certificat médical sont soumises, sur réquisition, à l’avis de toute personne qualifiée inscrite sur la liste nationale des experts, arrêtée chaque année par le ministre de la Justice, sur proposition des Cours d’appel.

Le juge d’instruction compétent, lorsqu’il est saisi, peut également soit d’office, soit à la demande du ministère public, soit à la demande des parties, ordonner une expertise aux fins de production du certificat médical.

 

ARTICLE 13

Dans le cadre de la mise en œuvre de la présente loi, la victime qui en fait la demande, bénéficie de droit de l’assistance judiciaire.

Les frais liés aux réquisitions prévues dans la présente loi, sont imputés sur les frais de justice criminelle, correctionnelle et de simple police.

 

ARTICLE 14

Quiconque, faisant l’objet d’une obligation ou d’une interdiction imposée par une ordonnance de protection, ne se conforme pas à cette obligation ou interdiction, est puni d’un emprisonnement de trois mois à douze mois et d’une amende de 50 000 à 500 000 francs.

 

ARTICLE 15

La présente loi sera publiée au Journal officiel de la République de Côte d’Ivoire et exécutée comme loi de l’Etat.

Fait à Abidjan, le 21 décembre 2021