M. NICOLAS SARKOZY (FRANCE)

L’ancien Président (NICOLAS SARKOZY) a été condamné ce lundi 1er mars (2021) pour corruption et trafic d’influence à trois ans de prison dont un ferme. Une première historique dans la Ve République. L’ex chef de l’Etat va faire appel de sa condamnation.

Jusqu’au bout Nicolas Sarkozy, son avocat et ami Me Thierry Herzog et l’ancien juge près la Cour de Cassation Gilbert Azibert ont espéré obtenir la relaxe dans l’affaire des écoutes dite « Paul Bismuth ».

Las ! La 32e chambre correctionnelle de Paris a suivi en partie les réquisitions du Parquet national financier (PNF) : l’ancien chef de l’État est devenu hier le premier ancien président de la Ve République condamné à de la prison ferme.

Il écope d’un an ferme pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire et deux ans avec sursis. Ses coprévenus ont été condamnés à la même peine, Me Herzog étant par ailleurs frappé d’une interdiction d’exercer la profession d’avocat pour cinq ans. MM.Herzog et Aziber ont en outre été reconnus coupables de violation du secret professionnel. Tous les trois ont interjeté appel de leur condamnation ouvrant la voie à un procès en appel qui s’ajoutera, pour Nicolas Sarkozy, à d’autre échéance judiciaire: le procès de l’affaire Bygmalion prévu le 17 mars et le dossier du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007.
« Preuve du pacte de corruption »

Hier après-midi, les trois prévenus, qui ont écouté la décision du tribunal dans un silence de cathédrale, ont été sonnés par sa teneur, tout comme tout ce que compte de barons la Sarkozie, qui voyait en l’ancien Président un potentiel recours de la droite pour la présidentielle de 2022.

C’est que la lecture des peines par la présidente du tribunal, Christine Mée, a été aussi implacable que les réquisitions du PNF le 8 décembre dernier. « La preuve du pacte de corruption ressort d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants résultant des liens très étroits d’amitié noués entre les protagonistes, des relations d’affaires renforçant ces liens, M. Thierry Herzog étant l’avocat de M. Nicolas Sarkozy, des intérêts communs tendant vers un même but, celui d’obtenir une décision favorable aux intérêts de M. Nicolas Sarkozy, et des écoutes téléphoniques démontrant les actes accomplis et la contrepartie proposée », lit la présidente Mée.

« Les faits dont s’est rendu coupable M. Nicolas Sarkozy sont d’une particulière gravité ayant été commis par un ancien président de la République qui a été le garant de l’indépendance de la justice. […] Il s’est servi de son statut d’ancien président de la République et des relations politiques et diplomatiques qu’il a tissées alors qu’il était en exercice pour gratifier un magistrat ayant servi son intérêt personnel. Au surplus, M. Nicolas Sarkozy a la qualité d’avocat et était donc parfaitement informé des obligations déontologiques de cette profession. La gravité des infractions commises ayant lourdement porté atteinte à la confiance publique et la personnalité de leur auteur rendent le prononcé d’une peine ferme indispensable et toute autre sanction pénale manifestement inadéquate », expose la présidente avant de détailler les condamnations infligées aux trois prévenus.
La droite dénonce un « acharnement »

À droite, les réactions ont été immédiates, reprenant la vieille antienne de l’acharnement des juges contre l’ancien Président. « Soutien indéfectible à Nicolas Sarkozy. La sévérité de la peine retenue est absolument disproportionnée et révélatrice de l’acharnement judiciaire d’une institution déjà très contestée. Toute la lumière devra être faite sur les méthodes et l’indépendance du PNF » a estimé le président du parti Les Républicains, Christian Jacob.

« Une condamnation extrêmement dure dans un dossier particulièrement faible. Petit rappel: il y a un droit à la présomption d’innocence tant que les voies de recours n’ont pas été purgées », soulignait le sénateur LR Bruno Retailleau. « Le tribunal de Paris a rendu son jugement sur l’affaire Azibert. Je souhaite à Nicolas Sarkozy de pouvoir faire entendre sa vérité en appel. Et je lui réaffirme mon respect et mon affection dans cette épreuve », assurait la présidente LR d’Île-de-France Valérue Pécresse quand l’épouse de Nicolas Sarkozy Carla Bruni postait sur son compte Instagram une photo de son couple assortie du commentaire « Quel acharnement insensé mon amour Nicolas Sarkozy…. le combat continue, la vérité fera jour. #injustice. »

À gauche et dans la majorité, les réactions étaient peu nombreuses, mais le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a déclaré : « Nicolas Sarkozy a évidemment tout mon soutien amical. »

L’affaire Bismuth

C’est dans le cadre de l’affaire du financement libyen de sa campagne de 2007 que Nicolas Sarkozy avait été placé sur écoute en 2013. Les juges découvrent alors, début 2014, qu’il utilise une ligne téléphonique secrète, ouverte sous l’alias de «Paul Bismuth», pour communiquer avec son avocat Thierry Herzog. 19 sur 21 de leurs conversations retranscrites prouvent selon les juges qu’un «pacte de corruption» a été conclu entre Nicolas Sarkozy, son avocat et Gilbert Azibert.

Les juges ont estimé que l’ex-président s’était rendu coupable de corruption, en promettant d’appuyer la candidature de M. Azibert pour un poste de prestige à Monaco, en échange «d’informations privilégiées et confidentielles», voire d’une influence sur un pourvoi en cassation qu’il avait formé. Nicolas Sarkozy voulait alors faire annuler la saisie de ses agendas présidentiels après avoir obtenu un non-lieu dans l’affaire Bettencourt. Gilbert Azibert, avocat général dans une chambre civile, n’intervenait pas directement dans ce dossier mais il a selon le tribunal «accepté, moyennant une récompense, d’exercer une influence ou de laisser penser qu’il pouvait exercer une influence» sur les magistrats amenés à se prononcer sur le pourvoi.

Lors du procès qui s’est achevé le 10 décembre, la défense avait plaidé la relaxe, Nicolas Sarkozy dénonçant dans les médias un acharnement et assurant «Je ne suis pas un pourri et ce qui m’est infligé est un scandale».

Source : www.ladepeche.fr