M. GEORGES FLOYD (USA)

Il est 19h45 ce 25 mai 2020. C’est Memorial Day, un jour férié qui marque le début des apéros et des barbecues estivaux. A Minneapolis, il fait encore près de 25°.

A l’intérieur de l’épicerie Cup Foods, George Floyd a le sourire.

Il discute avec un employé et éclate de rire. Il passe son bras autour des épaules d’une amie. Rien ne laisse présager que 45 minutes plus tard, il perdra conscience sous le genou de Derek Chauvin et sera déclaré mort dans la foulée.

Au troisième jour du procès de l’ex-policier, mercredi, les 12 jurés ont pu voir des images inédites filmées à l’intérieur de l’épicerie, et ainsi mieux comprendre le déroulé du drame. Une nouvelle fois, ils ont assisté à l’agonie du quadragénaire afro-américain filmée sous tous les angles par les bodycams des policiers. Sauf par celle de Derek Chauvin.

Un drame déclenché par un faux billet

Mercredi, un jeune caissier de l’épicerie, Christopher Martin, était appelé à la barre. Il a raconté avoir remarqué George Floyd et son 1m93. Il a échangé quelques mots avec lui et l’a trouvé « sympathique ». Pour couper l’herbe sous le pied de la défense, le procureur lui a demandé de revenir sur sa déposition, dans laquelle il avait signalé que George Floyd avait l’air « high ». « Il a mis un peu de temps pour trouver ses mots et répondre », détaille le caissier, âgé de 19 ans, reconnaissant qu’il n’avait « aucune difficulté » à le comprendre, et que ce soir-là, de nombreuses personnes avaient fait la fête.

George Floyd achète un paquet de cigarettes qu’il paie avec un billet de 20 dollars puis quitte la boutique. Christopher Martin remarque une « teinte bleutée » suspecte et lève le billet pour le regarder à la lumière. Dans l’épicerie, la règle est stricte : un faux billet encaissé est retenu sur le salaire du caissier. Le jeune homme pense d’abord le mettre sur sa note puis, « après réflexion », se ravise et prévient son manager. Ce dernier lui demande d’aller parler à George Floyd, au volant d’une voiture garée au coin de la rue. Martin s’exécute, puis un deuxième collègue tente sa chance. Mais Floyd refuse de revenir à la boutique. Le manager dit alors à un autre employé d’appeler la police. A la barre, Christopher Martin confie être hanté par son choix : « Si je n’avais pas pris le billet, tout ça aurait pu être évité. »
Une agonie filmée sous tous les angles, sauf celui de Chauvin

Après Christopher Martin, c’est Charles Williams qui témoigne. Ce sexagénaire est l’un des passants qui a assisté à l’interpellation de George Floyd et lui a conseillé de « ne pas résister ». Après avoir revu les images de Floyd appeler sa « mama » (décédée en 2018) avant de perdre conscience, Williams éclate en sanglots – comme presque tous les témoins. « J’ai perdu ma maman (en juin dernier) », explique-t-il.

Ces images de l’interpellation, rendues publiques en août 2020 mais rarement vues en entier par le grand public, les jurés ont dû les endurer pendant plus d’une heure. Ils ont revu la scène d’une vingtaine de minutes sous trois angles filmés par les bodycams des officiers Kueng, Lane et Thao – qui seront jugés en août pour « complicité de meurtre ».

On voit d’abord Thomas Lane sortir son arme moins de 10 secondes après avoir frappé à la portière. George Floyd est agité – un point sur lequel ne manquera pas d’insister la défense, tout comme sur la présence de fentanyl et de méthamphétamine dans son organisme. « Don’t shoot », plaide-t-il, assurant que la police lui a déjà tiré dessus par le passé. « Est-ce que t’as pris quelque chose ? », lui demandent les agents, qui le font d’abord s’asseoir sur le trottoir avant de tenter de le faire rentrer dans leur véhicule de patrouille. Floyd résiste. Il leur explique qu’il est « claustrophobe ». Les policiers ne semblent pas s’en soucier. L’un le pousse par la portière gauche, tandis que le second le tire par la droite. Puis Derek Chauvin, appelé en renfort, arrive.

Inédite, la vidéo filmée par sa caméra dure moins de deux minutes. Chauvin aide son partenaire à sortir George Floyd de la voiture de police par la portière droite. Pendant un bref instant, il attrape Floyd par le cou. Dans l’agitation, sa caméra, fixée par un aimant à sa poitrine, finit sur le pavé. Sur les images, impossible de savoir s’il s’agit d’un accident ou d’un acte volontaire.

La suite, filmée par les caméras de ses collègues, est connue mais pas moins insoutenable. Derek Chauvin immobilise George Floyd, genou contre cou, pendant 9 minutes et 29 secondes. Ses deux collègues appuient sur son dos et ses jambes. Floyd crie « Je ne peux pas respirer » à 27 reprises.

Au cours des deux dernières minutes, il est silencieux, son corps immobile. Les passants supplient les officiers : « Il est inconscient, vérifiez son pouls ! » Une femme pompier en civil s’identifie et offre d’effectuer un massage cardiaque. Les policiers refusent. L’ambulance arrive. Derek Chauvin aide les paramedics à charger George Floyd dans l’ambulance, visage fermé. Les tentatives de réanimation échouent. Time of death : 21h25.

Source : www.20minutes.fr