MAÎTRE MOUSSA SANOUSSI, AVOCAT INSCRIT AU BARREAU DU NIGER

INESI : Pouvez-vous vous présenter ?

Maître Moussa Sanoussi (MMS) : Je me nomme Moussa Sanoussi. Je suis né au Niger où j’ai fréquenté le prytanée militaire de Niamey jusqu’en 2009. Après avoir obtenu un Bac littéraire série A4 au cours de la même année, j’ai intégré la faculté de droit d’Aix-en-Provence.

Comme tout nouvel étudiant, le début a été laborieux. Le système éducatif était différent de ce à quoi j’étais habitué. Néanmoins, je m’étais rapidement adapté à mon nouvel environnement en obtenant très vite d’excellents résultats grâce à un travail acharné.

Au cours de la troisième année et surtout du Master I, j’ai développé une appétence pour le droit des sociétés et le droit fiscal. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de poursuivre une double formation : le Master II « Ingénierie des sociétés » et le Diplôme de Juriste Conseil d’Entreprise (DJCE) au cours de l’année 2013-2014.

L’année d’après, j’ai décidé de passer l’examen d’entrée à l’école d’Avocats de Paris que j’ai réussi en fin 2015.

Comme tout élève-avocat, ma formation a duré dix-huit mois, pendant lesquels, j’ai effectué un Master en droit (Master of Laws ou LLM) au sein de l’université de Bond en Australie.

Pour résumer, je suis diplômé d’un Master II « Ingénierie des sociétés » et du DJCE de l’université d’Aix-en-Provence, du Master en droit de l’université de Bond en Australie et du Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat de l’école des Barreaux de Paris.

INESI : En tant qu’avocat quel est le domaine de votre activité et pourquoi avez-vous choisi cette pratique ?

MMS : Titulaire du Master II « Ingénierie des Sociétés » et du DJCE de l’université d’Aix-Marseille, je me suis intéressé tout au long de mon parcours universitaire et professionnel aux problématiques touchant au droit des affaires en général et, en particulier, aux questions relatives au droit des sociétés, aux fusions et acquisitions ou encore aux marchés de capitaux.

J’ai ensuite effectué mes stages au sein notamment de l’équipe juridique de Corporate Finance de BNP Paribas et de l’équipe « fusions et acquisitions » du cabinet Freshfields Bruckhaus Deringer. Ces expériences m’ont permis d’appréhender les enjeux juridiques et financiers lors d’opérations financières de fusions et acquisitions. Mon objectif était clair à l’issue de ces expériences : exercer en tant qu’avocat spécialisé en fusions-acquisitions dans un cabinet à dimension internationale.

Au-delà de l’aspect technique du droit, j’ai toujours été passionné par l’idée de conseiller les entreprises ayant des projets en Afrique. A ce titre, le cabinet CMS Francis Lefebvre, doté d’une expertise de premier plan s’agissant de la réalisation d’importants projets sur le continent africain, était assurément le cadre idéal afin de mettre en pratique mes connaissances, de les enrichir et de les perfectionner.

Je suis aujourd’hui avocat en France spécialisé dans le domaine « fusions et acquisitions » orienté vers l’Afrique.

INESI : Pouvez-vous nous dire un mot sur le droit OHADA et l’impact de ce droit en Afrique et/ou au Niger ?

MMS : L’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) est une organisation d’intégration régionale dont l’objectif annoncé est de faire face à l’insécurité juridique et judiciaire identifiée comme cause majeure de défiance des investisseurs dans les 17 pays de l’OHADA dont le Niger.

L’initiative était louable et constitue une avancée majeure notamment en droit des sociétés par rapport à certaines organisations régionales telle que l’Union Européenne. Par exemple, l’unification du droit des sociétés est beaucoup plus avancée en droit OHADA qu’en droit de l’Union Européenne.

Même s’il reste encore des progrès à réaliser, nous pouvons d’ores et déjà affirmer que la mise en place du droit OHADA a contribué à faire de l’Afrique, de manière générale, et le Niger de manière particulière, un paysage d’investissement beaucoup plus attractif.

INESI : Nous comprenons que vous n’avez jamais eu de formation universitaire en droit OHADA ou en droit nigérien, pourtant vous avez commencé votre exercice dans ce domaine. Avez-vous rencontré des difficultés ? Et de manière générale quelles sont les freins que vous avez rencontrés dans le cadre de votre exercice ?

MMS : Tout à fait. J’ai effectué mes études universitaires en France à Aix-en-Provence. La formation était basée essentiellement sur le droit international et le droit français. Je n’ai jamais eu la chance d’étudier le droit nigérien ou le droit des sociétés OHADA auparavant.

Toutefois, le droit OHADA est similaire au droit français et la plupart des rédacteurs des traités OHADA sont des juristes et experts en droit français. Je n’ai donc pas eu de souci majeur de ce point de vue.

En revanche, j’ai rencontré quelques problèmes liés notamment à l’absence de doctrine et de jurisprudence en droit OHADA. Il existe certes des traités qui posent les jalons du droit OHADA. Mais il y a très peu de littérature juridique précisant les modalités d’application ou les méthodes d’interprétation des textes OHADA.

INESI : Dans vos propos, vous avez indiqué exercer votre métier dans le domaine de fusions-acquisitions, pourriez-vous revenir sur la notion de fusions-acquisitions ? Quel est l’intérêt juridique de ce mécanisme et le rencontre-t-on souvent au Niger ou plus généralement en Afrique ?

MMS : Les fusions-acquisitions aussi appelées « M&A » pour « Mergers and Acquisition » est un ensemble d’opérations de rapprochement d’entreprises. Ces mécanismes sont des techniques d’ingénierie juridique et financière dont l’intérêt est de permettre aux entreprises de se développer et d’accroitre leur marche. Par exemple, une banque française peut avoir intérêt à acquérir une autre banque en Afrique afin de développer son activité ou de renforcer davantage sa position sur le marché en Afrique si elle possède déjà une banque sur le continent.

Ces sont des opérations sur lesquelles travaillent de nombreux conseils juridiques, fiscaux, comptables et financiers. En tant qu’avocats, nous sommes chargés de l’aspect juridique de ces opérations pouvant aller de l’audit juridique de la société jusqu’à la réalisation complète de l’opération.

INESI : Pensez-vous que le marché ou le domaine de « Corporate » ou de fusions-acquisitions est un domaine d’avenir en Afrique ou au Niger ? Si oui qu’est-ce que vous pouvez dire aux jeunes africains qui veulent travailler dans le domaine ?

MMS : Etant donné que l’économie dans ces pays est en partie informelle, il est très difficile de parler d’un vrai marché pour les fusions-acquisitions. A cela vous ajoutez le fait que la plupart de ces entreprises sont des PME et n’ont pas les capacités financières, juridiques et techniques pour réaliser des opérations de fusions et acquisitions.

Néanmoins, je suis très optimiste pour l’avenir, car l’Afrique restera encore dans les années à venir un continent avec une croissance positive.

J’ai envie de dire à mes frères africains et nigériens que le marché de conseil juridique en France et notamment le marché de fusions-acquisitions est un marché d’avenir. Il y a un réel besoin d’experts juridiques et financiers en Afrique. Tout le monde peut donc trouver son compte.

INESI : Est-il possible de conseiller juridiquement des sociétés africaines alors même que vous exercez à Paris ? Avez-vous des contacts avec des confrères locaux ou nigériens ?

MMS : Le cas de mon cabinet est assez différent. D’une part, nous disposons de bureaux à Casablanca et à Alger et, d’autre part, nous disposons de ressources de grande qualité à Paris s’agissant de la documentation juridique africaine. Malgré cela, il me semble impératif d’être en contact avec des confrères locaux, ne se serait-ce que, pour l’accomplissement sur place des formalités d’enregistrement. A cet égard, notre cabinet est en contact avec des avocats nigériens. Pour l’instant, je n’ai pas eu encore la chance de travailler avec eux.

INESI : Quels sont les conseils que vous préconiserez à un jeune étudiant en droit qui veut devenir avocat ?

MMS : Pour un étudiant qui souhaite devenir avocat, il doit avoir cette culture d’excellence, celle qui pousse à donner le maximum de soi-même. Autrement dit, il faut avoir envie de réussir et de s’améliorer quotidiennement en droit, mais aussi dans d’autres matières comme l’anglais, la finance ou la psychologie.

Par ailleurs, il faut être organisé et méthodique. Ce sont aussi des formules et secrets qui ne sont pas propres à la profession d’avocat.

Enfin, je conseille aux étudiants d’effectuer des stages dans des structures qui leur permettront de traiter un nombre maximum d’opérations et/dossiers car l’expérience est, à mon avis, le seul moyen pour atteindre l’excellence surtout dans le domaine des fusions et acquisitions.

INESI : Avez-vous des projets pour Niger ?

MMS : À court terme, je dirais plutôt aucun. Je suis encore un jeune avocat et je compte consacrer ce temps pour apprendre le métier et surtout acquérir une réelle expertise en droit des sociétés. Je souhaiterais être un spécialiste reconnu en la matière aussi bien en France qu’à l’étranger.

À long terme, j’envisage de créer et développer des entreprises au Niger. De par ma profession, je peux ouvrir un cabinet à cheval entre la France et le Niger.

Sur le plan social, mon rêve est d’aider les personnes les plus démunies afin d’apporter ma pierre à l’édifice. Je songe également à faire venir des associations humanitaires au Niger grâce au réseau que je développerai ultérieurement.

Source : www.inesi-niger.org

Interview réalisée le 4 décembre 2018