CHAPITRE 2 : INFRACTIONS CONTRE LA SÛRETE DE L’ETAT ET LA DEFENSE NATIONALE (2019)

SECTION 1 :

TRAHISON ET ESPIONNAGE

ARTICLE 145

Est coupable de trahison et puni de l’emprisonnement à vie ou de la détention militaire à vie, tout ivoirien, tout militaire au service de la Côte d’Ivoire, qui :

1°) porte les armes contre la Côte d’Ivoire ;

2°) entretient des intelligences avec une puissance étrangère, en vue de l’engager à entreprendre des hostilités contre la Côte d’Ivoire, ou lui en fournit les moyens soit en facilitant la pénétration des forces étrangères sur le territoire ivoirien, soit en ébranlant la fidélité des Forces armées, soit de toute autre manière ;

3°) livre à une puissance étrangère ou à ses agents soit des troupes ivoiriennes, soit des territoires, villes, ouvrages, postes, magasins, matériels, munitions, navires, bâtiments ou appareils de navigation aérienne ou de locomotion ferroviaire, appartenant à la Côte d’Ivoire ou affecté à sa défense ,

4°) en vue de nuire à la défense nationale, détruit ou détériore un navire. un appareil de navigation aérienne ou de locomotion ferroviaire, un matériel, une fourniture, une construction ou une installation quelconque, ou qui dans le même but, y apporte soit avant soit après leur achèvement, des malfaçons de nature à les endommager, les empêcher de fonctionner normalement ou à provoquer un accident.

 

ARTICLE 146

Est coupable de trahison et puni de l’emprisonnement à vie ou de la détention militaire à vie, tout ivoirien, tout militaire au service de la Côte d’Ivoire, qui en temps de guerre :

1°) provoque des militaires à passer au service d’une puissance étrangère ou leur en facilite les moyens ;

2°) fait des enrôlements pour une puissance étrangère ;

3°) entretient des intelligences avec une puissance étrangère ou avec un agent en vue de favoriser les entreprises de cette puissance étrangère contre la Côte d’Ivoire ;

4°) entrave la circulation de moyens ou matériels militaires ;

5°) participe sciemment à une entreprise de démoralisation des Forces armées ou de la nation ayant pour objet de nuire à la défense nationale.

 

ARTICLE 147

Est coupable de trahison et puni de l’emprisonnement à vie, tout ivoirien qui, en vue de favoriser une puissance étrangère se procure, livre, détruit ou laisse détruire sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit, un renseignement, objet, document ou procédé qui doit être tenu secret dans l’intérêt de la défense nationale.

 

ARTICLE 148

Est coupable d’espionnage et puni de l’emprisonnement à vie, tout étranger ou apatride qui commet l’un des actes prévus par les articles 145-2°) ; 3°) et 4°), 146 et 147.

La provocation à ou l’offre de commettre un des crimes visés à la présente section est punie comme le crime lui-même.

 

SECTION 2 :

ATTEINTE A LA DEFENSE NATIONALE

ARTICLE 149

Quiconque rassemble, dans l’intention de les livrer à une puissance des renseignements, objets, ou procédés dont la réunion et l’exploitation sont de nature à nuire à la défense nationale, est puni de l’emprisonnement à vie.

 

ARTICLE 150

Est puni d’un emprisonnement de cinq à vingt ans tout gardien, tout dépositaire par fonction ou par qualité, d’un renseignement, objet, document ou procédé qui doit être tenu secret dans l’intérêt de la défense nationale ou dont la connaissance peut conduire à la découverte d’un secret de la défense nationale qui sans intention de trahison ou d’espionnage:

1°) le détruit, le soustrait, le laisse détruire ou soustraire, le reproduit ou le laisse reproduire

2°) le porte ou le laisse porter à la connaissance d’une personne non qualifiée ou du public.

Si le gardien ou le dépositaire a agi par maladresse, imprudence, inattention ou inobservation des règlements, la peine est l’emprisonnement de cinq à dix ans.

 

ARTICLE 151

Est puni d’un emprisonnement de cinq à vingt ans, quiconque, sans intention de trahison ou d’espionnage et alors qu’il n’en était ni le gardien ni le dépositaire :

1°) s’assure la possession d’un renseignement, objet, document ou procédé tenu secret dans l’intérêt de la défense nationale ou dont la connaissance peut conduire à la découverte d’un secret de la défense nationale ;

2°) commet l’une des infractions prévues par le premier alinéa de l’article précédent.

 

ARTICLE 152

Est puni d’un emprisonnement de cinq à vingt ans quiconque, sciemment et sans autorisation préalable de l’autorité compétente, livre ou communique à une personne agissant pour le compte d’une puissance ou d’une entreprise étrangère soit une invention intéressant la défense nationale, soit des renseignements, études ou procédés de fabrication se rapportant à une invention de ce genre ou à une application industrielle intéressant la défense nationale.

 

ARTICLE 153

Est puni d’un emprisonnement d’un à cinq ans, quiconque, sans intention de trahison ou d’espionnage, porte à la connaissance d’une personne non qualifiée ou du public une information non rendue publique par l’autorité compétente et dont la divulgation est manifestement de nature à nuire à la défense nationale.

 

ARTICLE 154

Est puni d’un emprisonnement de cinq à vingt ans quiconque :

1°) s’introduit sous un déguisement ou un faux nom, ou en dissimulant sa qualité ou sa nationalité, dans un ouvrage ou poste, dans les travaux, camps ou cantonnements d’une armée, dans un bâtiment de guerre ou un bâtiment de commerce employé pour la défense nationale, dans un appareil de navigation aérienne ou de locomotion ferroviaire ou dans un véhicule militaire armé, dans un établissement militaire ou maritime de toute nature, ou dans un établissement ou chantier intéressant la défense nationale ;

2°) même sans se déguiser, ou sans dissimuler son nom, sa qualité ou sa nationalité, organise d’une manière occulte un moyen quelconque de correspondance ou de transmission à distance de nature à nuire à la défense nationale ;

3°) survole volontairement le territoire ivoirien au moyen d’un aéronef étranger sans y être autorisé par une convention diplomatique ou par l’Autorité ivoirienne ;

4°) dans une zone d’interdiction fixée par l’Autorité militaire, exécute sans l’autorisation de celle-ci, des dessins, photographies, levés ou opérations topographiques à l’intérieur ou autour des places, ouvrages, postes ou établissements intéressant la défense nationale

5°) séjourne au mépris d’une interdiction, dans un rayon déterminé autour des ouvrages énumérés au paragraphe précédent ;

6°) communique à une personne non qualifiée ou rend public des renseignements relatifs soit aux mesures prises pour découvrir et arrêter les auteurs et les complices de crimes ou délits définis aux sections 1 et 2 du présent chapitre soit à la marche des poursuites et de l’instruction, soit aux débats couverts par le huis clos devant les juridictions de jugement.

Toutefois, en temps de paix, les infractions prévues aux 3e, 4e, 5e et 6e paragraphes de l’alinéa 1 du présent article sont punis d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 500.000 à 5.000.000 de francs.

 

ARTICLE 155

Est puni d’un emprisonnement de cinq à vingt ans quiconque :

1°) par des actes hostiles non approuvés par le Gouvernement, expose la Côte d’Ivoire à une déclaration de guerre ou à des représailles ;

2°) par des actes non approuvés par le Gouvernement, expose des ivoiriens à subir des représailles ;

3°) entretient, avec les agents dune puissance étrangère des intelligences de nature à nuire à la situation militaire ou diplomatique de la Côte d’Ivoire ou à ses intérêts économiques essentiels.

 

ARTICLE 156

Est puni d’un emprisonnement de cinq à vingt ans quiconque, en temps de guerre, directement ou par intermédiaire, et au mépris des prohibitions édictées, fait des actes de commerce ou entretient une correspondance ou des relations avec des sujets ou agents d’une puissance ennemie.

 

ARTICLE 157

Est puni d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 300.000 à 3.000.000 de francs quiconque, en temps de guerre, accomplit sciemment un acte de nature à nuire à la défense nationale, non prévu ni réprimé par un autre texte.

 

ARTICLE 158

Est puni d’un emprisonnement de cinq à vingt ans quiconque, en temps de paix, en vue de nuire à la défense nationale, entrave la circulation de moyens ou de matériels militaires, ou par quelque moyen que ce soit, provoque, facilite ou organise une action violente ou concertée, destinée aux mêmes fins.

 

ARTICLE 159

Est puni d’un emprisonnement de cinq à vingt ans quiconque, en temps de paix, participe en connaissance de cause à une entreprise de démoralisation des Forces armées ayant pour objet de nuire à la défense nationale.

 

ARTICLE 160

Est puni d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 300.000 à 3.000.000 de francs quiconque, en temps de paix sur le territoire de la République et clandestinement, enrôle ou instruit en vue de leur enrôlement, des personnes appelées à porter les armes pour le compte ou sur le territoire d’une puissance étrangère.

 

ARTICLE 161

La tentative des délits prévus par la présente section est punissable.

Les dispositions de la présente section sont applicables aux auteurs des mêmes actes commis au préjudice des puissances étrangères désignées par décret pris en Conseil des ministres.

 

SECTION 3 :

ATTENTAT, COMPLOT ET AUTRES INFRACTIONS CONTRE L’AUTORITE
DE L’ETAT ET L’INTEGRITE DU TERRITOIRE NATIONAL

ARTICLE 162

Constitue un attentat le fait de commettre un ou plusieurs actes de violence de nature à mettre en péril les institutions de la République, notamment le fait :

1°) de détruire ou de changer le régime constitutionnel ;

2°) d’inciter les citoyens ou habitants à s’armer contre l’autorité de l’Etat ou à s’armer les uns contre les autres ;

3°) de porter atteinte à l’intégrité du territoire national ;

4°) d’organiser le massacre et la dévastation.

L’attentat est puni de l’emprisonnement à vie.

 

ARTICLE 163

Constitue un complot la résolution arrêtée entre plusieurs personnes de commettre un attentat lorsque cette résolution est concrétisée par un ou plusieurs actes matériels commis ou commencés pour en préparer l’exécution.

Le complot est puni d’un emprisonnement de cinq à vingt ans.

Si le complot n’est pas suivi d’un acte commis ou commencé pour en préparer l’exécution, la peine est l’emprisonnement de cinq à dix ans et une amende de 500.000 à 5.000.000 de francs.

 

ARTICLE 164

Est puni de l’emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 100.000 à 1.000.000 de francs, quiconque fait une proposition non agréée de former un complot pour commettre l’un des crimes prévus par l’article précédent.

Le juge peut, en outre, à titre complémentaire, priver le condamné de tout ou partie des droits visés à l’article 68.

ARTICLE 165

Est puni d’un emprisonnement d’un à dix ans et d’une amende de 200.000 à 2.000.000 de francs, quiconque, hors les cas prévus aux deux articles précédents, entreprend par quelque moyen que ce soit de porter atteinte à l’intégrité du territoire national.

Lorsque l’infraction est commise ou tentée avec usage d’armes, la peine est celle de l’emprisonnement à vie.

Est considéré comme arme, outre les armes à feu et les objets considérés comme armes par les textes en vigueur, tout objet, instrument, outil ou ustensile tranchant, perçant ou contondant, de poing ou de jet. Les ciseaux, couteaux de poche et les cannes simples ne sont réputés armes que s’il en est fait usage pour tuer, blesser, frapper ou menacer.

 

ARTICLE 166

Quiconque lève ou fait lever des troupes armées, engage ou enrôle, fait engager ou enrôler des soldats ou leur fournit des armes ou munitions, sans ordre ou autorisation du pouvoir légitime, est puni de l’emprisonnement à vie.

 

ARTICLE 167

Quiconque, sans droit ou motif légitime, prend un commandement militaire quelconque ou qui, contre l’ordre du Gouvernement, retient un tel commandement, est puni de l’emprisonnement à vie.

Les commandants qui tiennent leur armée ou troupe rassemblée après que le licenciement ou la séparation en a été ordonné sont punis de la même peine.

 

ARTICLE 168

Quiconque pouvant disposer de la force publique, en requiert ou ordonne, en fait requérir ou ordonner notion ou l’emploi pour empêcher l’exécution des lois sur le recrutement militaire ou sur la mobilisation, est puni de l’emprisonnement de cinq à vingt ans.

Si cette réquisition ou cet ordre est suivi d’effet, le coupable est puni de l’emprisonnement à vie.

 

SECTION 4 :

LE CRIME D’AGRESSION

ARTICLE 169

Constitue un crime d’agression, la planification, la préparation, le lancement ou l’exécution par une personne effectivement en mesure de contrôler ou de diriger l’action politique ou militaire d’un État, d’un acte d’agression qui, par sa nature, sa gravité et son ampleur, constitue une violation manifeste de la Charte des Nations unies.

Le crime d’agression est puni de l’emprisonnement ou de la détention militaire à vie.

Les dispositions des articles 143 et 144 sont applicables.

 

ARTICLE 170

Constitue un acte d’agression au sens de l’article précédent, l’emploi par un État de la force armée contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre Etat, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations unies. Qu’il y ait ou non déclaration de guerre, les actes suivants sont des actes d’agression :

1°) l’invasion ou l’attaque par les forces armées d’un État du territoire d’un autre État ou l’occupation militaire, même temporaire, résultant d’une telle invasion ou d’une telle attaque, ou l’annexion par la force de la totalité ou d’une partie du territoire d’un autre Etat;

2°) le bombardement par les forces armées d’un Etat du territoire d’un autre Etat, ou l’utilisation d’une arme quelconque par un Etat contre le territoire d’un autre État ;

3°) le blocus des ports ou des côtes d’un Etat par les forces armées d’un autre Etat ;

4°) l’attaque par les forces armées d’un Etat des forces terrestres, maritimes ou aériennes, ou des flottes aériennes et maritimes d’un autre Etat ;

5°) l’emploi des forces armées d’un Etat qui se trouvent dans le territoire d’un autre Etat avec l’agrément de celui-ci en violation de l’accord pertinent, ou la prolongation de la présence de ces forces sur ce territoire après l’échéance de l’accord pertinent ;

6°) le fait pour un Etat de permettre que son territoire, qu’il a mis à la disposition d’un autre Etat, serve à la commission par cet autre Etat d’un acte d’agression contre un Etat tiers.

7°) l’envoi par un Etat ou au nom d’un Etat de bandes, groupes, troupes irrégulières ou mercenaires armés qui exécutent contre un autre Etat des actes assimilables à ceux de forces armées d’une gravité égale à celle des actes énumérés ci-dessus, ou qui apportent un concours substantiel à de tels actes.

 

SECTION 5 :

PARTICIPATION A UNE ACTIVITE MERCENAIRE

ARTICLE 171

Est puni d’un emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende de 1.000.000 à 5.000.000 de francs :

1°) toute personne, spécialement recrutée pour combattre dans un conflit armé et qui n’est ni ressortissante d’un Etat partie audit conflit armé, ni membre des forces armées de cet Etat, ni n’a été envoyée en mission par un Etat autre que l’un de ceux parties au conflit en tant que membre des forces armées dudit Etat, qui prend ou tente de prendre une part directe aux hostilités en vue d’obtenir un avantage personnel ;

2°) toute personne, spécialement recrutée pour prendre part à un acte concerté de violence visant à renverser les institutions ou porter atteinte à l’intégrité territoriale d’un Etat et qui n’est ni ressortissante de l’Etat contre lequel cet acte est dirigé, ni membre des forces armées dudit Etat, ni n’a été envoyée en mission par un Etat, qui prend ou tente de prendre part à un tel acte en vue d’obtenir un avantage personnel.

 

ARTICLE 172

Est puni d’un emprisonnement de cinq à vingt ans et d’une amende de 5.000.000 à 10.000.000, quiconque dirige ou organise un groupement ayant pour objet le recrutement, l’emploi, la rémunération, l’équipement ou l’instruction militaire d’une personne définie à l’article précédent.

 

ARTICLE 173

En cas de condamnation pour les infractions prévues par la présente section, le juge prononce la privation des droits et l’interdiction de paraître en certains lieux ou I ‘interdiction du territoire de la République prévues par les articles 71 et 72, 80 à 83.

Le juge prononce en outre la confiscation des biens ayant servi à commettre les infractions prévues à la présente section.