Intellectuel et humaniste sénégalais, Cheikh Anta Diop fut l’homme de l’intégrité morale et du refus des compromissions.
Il est né le Thieytou au Sénégal le 29 décembre 1923.
Dans un contexte de marginalisation accélérée du continent, ses travaux, qui marquèrent le retour de la conscience historique de l’Afrique, appellent à la permanence du combat contre les racismes sous toutes leurs formes.
Le jeune Cheikh Anta Diop « risque par la mauvaise disposition de son professeur, M. Boyaud, de tripler sa troisième, ce qui motiverait sans aucun doute son renvoi du lycée. M. Boyaud est un singulier professeur, dont j’ai eu l’occasion, dès ses débuts au lycée, de signaler l’attitude hostile à notre race aux autorités. Ses théories sur la race, qui font de lui un disciple de Gobineau, sont des plus pernicieuses et font que le fossé se creuse chaque jour davantage entre le Blanc et le Noir… »
Cette lettre, rédigée en août 1941 par un des responsables administratifs du lycée Van Vollenhoven de Dakar, est adressée à l’inspecteur général de l’enseignement en Afrique occidentale française (AOF).
Le Sénégal n’existe pas encore, et le climat qui règne alors dans les milieux de l’enseignement comme dans ceux de la recherche universitaire est fortement teinté de colonialisme et de racisme anti-noir.
Anthropologues et historiens africanistes, égyptologues traditionalistes, pour la plupart français et occidentaux, semblent encore pétris de terribles préjugés : l’infériorité de la race noire, le prélogisme de la mentalité primitive, l’exclusion du monde africain noir de l’histoire universelle… Cheikh Anta Diop va prendre le contre-pied théorique de ce milieu solidement établi dans l’enceinte même de l’université française.
D’abord par la présentation de sa thèse, qui sera refusée, ensuite par la publication de Nations nègres et culture en 1954.
Le livre sonne comme un coup de tonnerre dans le ciel tranquille de l’establishment intellectuel : l’auteur y fait la démonstration que la civilisation de l’Egypte ancienne était négro-africaine, justifiant les objectifs de sa recherche en ces termes : « L’explication de l’origine d’une civilisation africaine n’est logique et acceptable, n’est sérieuse, objective et scientifique, que si l’on aboutit, par un biais quelconque, à ce Blanc mythique dont on ne se soucie point de justifier l’arrivée et l’installation dans ces régions. On comprend (…)
Cheikh Anta Diop est mort à Dakar le 7 février 1986.
Ses oeuvres :
1°) Nations nègres et culture : de l’antiquité nègre égyptienne aux problèmes culturels de l’Afrique noire d’aujourd’hui, 1954 ;
2°) l’unité culturelle de l’Afrique noire, 1959 ;
3°) l’antiquité africaine par l’image ;
4°) l’Afrique noire précoloniale. Étude comparée des systèmes politiques et sociaux de l’Europe et de l’Afrique noire de l’Antiquité à la formation des États modernes;
5°) les fondements culturels, techniques et industriels d’un futur État fédéral d’Afrique noire, 1960 ;
6°) Antériorité des civilisations nègres : mythe ou vérité historique ? 1967 ;
7°) Parenté génétique de l’égyptien pharaonique et des langues négro-africaines, 1977 ;
8°) Civilisation ou barbarie, 1981 ;
9° Nouvelles recherches sur l’égyptien ancien et les langues africaines modernes, Présence africaine, Paris, 1988. Ouvrage posthume.
Source : www.monde-diplomatique.fr / par Fabrice Hervieu Wané, janvier 1998