ARTICLE 1
La présente loi a pour objet de déterminer le régime juridique du gel des avoirs illicites, conformément aux dispositions de l’ordonnance no 2013-660 du 20 septembre 2013 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption et les infractions assimilées.
ARTICLE 2
Constituent des avoirs illicites au sens de la présente loi, tous biens corporels ou incorporels, meubles ou immeubles ainsi que tous actes juridiques ou documents attestant de la propriété de ces biens ou des droits y relatifs, acquis ou suspectés d’avoir été acquis au moyen d’actes de corruption ou d’infractions assimilées.
ARTICLE 3
Le Président de la Haute Autorité pour la Bonne gouvernance peut ordonner, par décision administrative, le gel des avoirs illicites des personnes soupçonnées d’avoir participé à des actes de corruption ou à des infractions assimilées.
ARTICLE 4
Le Président de la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance informe le procureur de la République de sa décision dans les vingt-quatre (24) heures.
ARTICLE 5
Le procureur de la République informé de la décision du Président de la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance, saisit par requête, dans un délai de quarante-huit (48) heures, le président du tribunal aux fins d’homologation de la mesure de gel des avoirs illicites.
En tout état de cause, la décision d’homologation de la mesure de gel doit intervenir dans le délai de cinq (5) jours à compter de la décision du Président de la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance.
La décision d’homologation est notifiée, par le procureur de la République, dans un délai de quarante-huit (48) heures, à la personne concernée. Elle peut faire l’objet de recours devant la Cour d’ Appel, dans un délai de quinze (15) jours. Le recours ne suspend pas l’exécution de la décision d’homologation du gel.
ARTICLE 6
La décision ordonnant le gel doit préciser les avoirs illicites concernés par la mesure.
Pendant la durée du gel, les avoirs illicites sont rendus indisponibles, à l’exception des biens déclarés insaisissables par la loi.
ARTICLE 7
La gestion des avoirs illicites objet de la mesure de gel peut être confiée à l’organe chargé du recouvrement et de la gestion des avoirs illicites.
Les avoirs illicites objet de la mesure de gel peuvent également être confiés à la garde ou à la gestion, soit du propriétaire desdits biens soit d’un tiers.
ARTICLE 8
Les fonds ou autres ressources financières dus en vertu de contrats, accords ou obligations conclus ou nés antérieurement à l’entrée en vigueur de la décision de gel des avoirs sont prélevés sur les comptes gelés sur autorisation du président de la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance.
Les fruits produits par les fonds, instruments et ressources précités ainsi que les intérêts échus sont versés sur lesdits comptes.
ARTICLE 9
Lorsque la mesure de gel porte sur des fonds et autres ressources financières, le président de la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance peut autoriser, dans les conditions qu’il juge appropriées, la personne qui en fait l’objet, sur sa demande, à disposer mensuellement d’une somme d’argent, qu’il fixe. Cette somme est destinée à couvrir, dans la limite des disponibilités, pour une personne physique, des frais courants du foyer familial ou, pour une personne morale, des frais lui permettant de poursuivre une activité compatible avec les exigences de l’ordre public.
Ladite somme peut aussi couvrir des frais d’assistance juridique ou des frais exceptionnels. En tout état de cause, les frais doivent être préalablement justifiés.
Le président de la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance peut également, dans les conditions qu’il juge appropriées, autoriser la personne qui a fait l’objet d’une mesure de gel, sur sa demande, à vendre ou à céder des biens, sous réserve que le produit tiré de cette vente ou de cette cession soit lui-même gelé.
ARTICLE 10
Le président de la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance notifie sa décision à la personne qui a fait l’objet d’une mesure de gel, dans un délai de quinze (15) jours, à compter de la réception des demandes prévues à l’article précédent.
L’absence de notification au demandeur d’une décision dans le délai prévu à l’alinéa 1 du présent article, à compter de la réception de la demande, vaut décision de rejet.
ARTICLE 11
Les institutions financières qui reçoivent de l’étranger, un ordre de virement de fonds ou d’instruments financiers d’une personne faisant l’objet d’une mesure de gel au profit d’un client, autre qu’une institution financière, suspendent l’exécution de cet ordre et informent, sans délai, le président de la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance.
Les fonds ou instruments dont l’ordre de virement a été suspendu sont gelés, sauf si le président de la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance autorise le virement.
ARTICLE 12
Le président de la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance peut autoriser le paiement ou la restitution des fonds, instruments financiers ou autres ressources économiques faisant l’objet d’une mesure de gel, à une personne non visée par une telle mesure qui lui en fait la demande, si cette personne est titulaire sur ces fonds, instruments financiers ou autres ressources économiques d’un droit acquis avant la mesure de gel ou si une décision juridictionnelle devenue définitive lui accorde un tel droit, à la suite d’une procédure juridictionnelle engagée avant que cette mesure ait été prononcée.
ARTICLE 13
Le juge d’instruction ou la juridiction de jugement saisis par le procureur de la République suite à l’enquête effectuée conformément aux dispositions de l’article 37 de l’ordonnance no 2013-661 du 20 septembre 2013, est compétent pour se prononcer, au cours de la procédure, sur le sort des avoirs objet du gel.
ARTICLE 14
Est puni d’un emprisonnement de 1 à 5 ans et d’une amende de 1.000.000 à 5.000.000 de francs, tout détenteur ou gestionnaire des avoirs illicites qui entrave l’exécution de la mesure de gel des avoirs qui lui a été régulièrement notifiée.
La peine d’amende est égale à la valeur du bien objet de la mesure de gel si la personne visée à l’alinéa précédent est une personne morale.
ARTICLE 15
La mesure de gel des avoirs illicites situés hors du territoire de la République est exécutée dans le cadre de la coopération judiciaire conformément aux traités et accords dont la Côte d’Ivoire est partie.
ARTICLE 16
Il est procédé de plein droit à la mainlevée de la mesure de gel des avoirs illicites, en cas de :
- rejet de la requête en application de l’article 38 de l’ordonnance no 2013-661 du 20 septembre 2013 ;
- décision de non-lieu ;
- décision de relaxe.
ARTICLE 17
En cas de condamnation de la personne poursuivie, le sort des biens objet de la mesure de gel des avoirs est réglé comme en matière de confiscation, conformément aux dispositions du Code pénal.
ARTICLE 18
La présente loi sera publiée au Journal officiel de la République de Côte d’Ivoire et exécutée comme loi de l’Etat.
Fait à Abidjan, le 13 juin 2018
Alassane OUATTARA