Né en 1927 près de Boudiali, au Nord de la Côte d’Ivoire, Ahmadou Kourouma est élevé par un oncle « infirmier, chasseur, musulman et féticheur ». Il fait ses études au Mali puis s’engage dans l’armée française de 1950 à 1954.
Il fut tirailleur sénégalais en Indochine ! Après sa démobilisation, il retrouve le chemin des cours.
A Lyon, il suit une formation de statisticien pour les assurances et rencontre sa femme avec laquelle il aura deux enfants.
A l’indépendance de la Côte d’Ivoire en 1960, il décide de retourner y vivre mais il est mis à l’index par Félix Houphouët-Boigny qui le considère comme un opposant.
Après quelques semaines de prison, débutent les années d’exil : L’Algérie pendant cinq ans, le Cameroun pendant 10 ans puis le Togo pour une décennie de plus…
Victime des déchirures identitaires qui saignent la Côte d’Ivoire depuis le 18 septembre 2002, il a été régulièrement la cible, pendant tous ces mois de crise, de certains journaux ivoiriens.
Accusé de sympathie avec la rébellion qui contrôle la moitié nord du pays, la presse a été jusqu’à remettre en cause sa nationalité ivoirienne.
L’écrivain a pris position contre l’ivoirité, « une absurdité qui nous a menés au désordre » dit-il.
Et pour la paix, en septembre 2003, il avait pris part à la Coalition pour la patrie, une association ivoirienne d’hommes politiques, de culture et de loi, qui souhaite aider à ramener la paix en Côte d’Ivoire.
En mars 2003, il avait commencé un roman sur le drame de son pays. « Mes enfants me l’ont demandé », se justifiait-il.
« Dans ce livre, mon héros arrive en Côte d’Ivoire mais il n’a pas de chance, les événements éclatent. Il poursuit son aventure avec les escadrons de la mort, la situation politique, les charniers. Je voudrais que le pouvoir le lise. Cela pourrait permettre de réfléchir, de prendre du recul sur la situation, de voir les responsabilités de chacun et ce qui a conduit à tout cela. Je n’écris pas rapidement. J’espère que la situation se sera améliorée avant que le livre ne soit terminé. »
Un espoir fauché. Le livre n’est pas terminé. La crise non plus. La Côte d’Ivoire, comme l’Afrique, avait encore besoin de sa plume terriblement lucide. En attendant la réincarnation de Kourouma, il faudra se contenter de relire ses livres.
Ahmadou Kourouma, dont le nom signifie « guerrier » en malinké, s’est battu jusqu’au bout. Mais la mort l’a emporté sur ce géant de la littérature africaine, aussi grand par la taille que par le talent.
S’il est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands écrivains africains de langue française, Ahmadou Kourouma a peu écrit.
Mais quels livres ! Quatre ouvrages en plume majeure auront marqué toute une génération d’écrivains et de lecteurs et sont aujourd’hui enseignés dans les universités d’Afrique, d’Amérique et d’Europe.
Il sort sa première œuvre, « Les Soleils des indépendances » en 1970, il a alors 44 ans.
Un livre-rupture qui détonne et rompt avec le style très classique des auteurs africains de l’époque et leurs thèmes de prédilection (l’esclavage, le colonialisme…). Kourouma, lui, choisit de porter un regard très critique sur les gouvernements issus des indépendances. Il traduit le malinké, sa langue natale, en français et casse la langue française afin de restituer le rythme africain.
En 1990, dans » Monnè, outrages et défis », il récapitule un siècle d’histoire coloniale.
En 1998, il livre une satire féroce de trois décennies de régimes totalitaires, largement inspirée du parcours du chef de l’Etat togolais Gnassingbé Eyadéma, « En attendant le vote des bêtes sauvages ».
Enfin, en 2000, dans « Allah n’est pas obligé » (prix Renaudot), il s’attaque aux conditions de vie des enfants-soldats.
Ahmadou Kourouma laisse aussi une pièce de théâtre, « Le diseur de vérité » et une demi-douzaine de romans pour enfants.
Ce « guerrier », venu tard à l’écriture, s’est battu toute sa vie.
Ahmadou Kourouma, 76 ans, s’est éteint jeudi 11 décembre 2003, à Lyon en France après avoir été opéré d’une tumeur bénigne. Loin de son pays, la Côte d’Ivoire, vers lequel ses pensées se tournaient sans cesse, surtout depuis le début de la crise en septembre 2002. Loin de ce pays qui s’est toujours méfié de son verbe haut et de sa vision acerbe.
Ses oeuvres :
Romans :
1°) Les Soleils des indépendances (1968) ;
2°) Monnè, outrages et défis (1990) ;
3°) En attendant le vote des bêtes sauvages (1994) ;
4°) Allah n’est pas obligé (2000) ;
5°) Le diseur de vérité (2010) ;
6°) Quand on refuse on dit non (2004).
Livres pour enfants :
1°) Yacouba, chasseur africain (1998) ;
2°) Le Griot, homme de parole (2000) ;
3°) Le Chasseur, héros africain (2000) ;
4°) Le Forgeron, homme de savoir (2000) ;
5°) Prince, Suzerain actif (2000).
Source : www.afrik.com