Suivant la Convention de New York du 28 septembre 1954 en son article 1, le terme « apatride » désigne une personne qu’aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation.
Cependant, la convention de New York n’applique pas cette notion « d’apatride » aux personnes qui bénéficient d’une protection ou d’une assistance de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations-Unies autre que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, tant qu’elles bénéficieront de ladite protection ou de ladite assistance.
Egalement, ne sont pas concernées par cette disposition, les personnes considérées par les autorités compétentes du pays dans lequel ces personnes ont établi leur résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays.
Enfin, ne sont pas des apatrides, les personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ou qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays de leur résidence avant d’y être admises ou alors qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations-Unies.
Lorsque la qualité d’apatridie est établie, il faut en distinguer deux (2) types qui sont l’apatridie de jure et l’apatridie de facto.
Il y a apatridie de jure lorsque les lois d’un Etat ne reconnaissent pas une personne comme citoyenne de cet Etat.
On parle d’apatridie de facto lorsqu’une personne a droit en théorie à la citoyenneté du fait de la loi mais que cette loi se trouve appliquée d’une façon telle que la personne n’est pas reconnue comme citoyenne.
L’apatridie, qu’elle soit « de jure » ou « de facto », a des effets origines, celles de priver une personne de sa nationalité pour diverses raisons ; de faire perdre la citoyenneté à la personne concernée ou de se trouver dans un conflit de lois car, lorsque par exemple, un enfant issu de mère et de père de nationalités différentes, les lois de ces deux (2) pays peuvent se contredire et ne pas permettre la détermination de la nationalité de la personne.
L’apatride rencontre de nombreuses difficultés dans sa vie quotidienne, comme l’impossibilité pour lui de bénéficier des avantages accordés aux nationaux de l’Etat dont il se réclame, de travailler en tant qu’un national, de voter, de profiter du système foncier et pire, de ne pouvoir attribuer une nationalité à sa progéniture.
L’histoire des apatrides la plus connue est celle des Népalais du Bhoutan qui remonte à leur installation dans un pays voisin, le Bhoutan.
Le Bhoutan est un pays situé en Asie du sud qui fait frontières avec l’Inde et la Chine et a pour voisin immédiat, le Népal.
En 1973 au Bhoutan, le roi Jigme Singye Wangchuk succède à son père, le roi Jigme Dorji Wangchuk dont le règne a duré vingt (20) ans, de 1952 à 1972.
Arrivé au pouvoir, le nouveau roi décide de poursuivre le combat de son père qui consistait à ne jamais permettre que le Bhoutan soit annexé à un autre Etat, encore moins au Népal comme cela s’était passé en 1975 où une région autonome, le Sikkim fut annexée à l’Inde.
Ainsi, pour affaiblir la puissance des immigrants d’origine Népalaise, le roi Jigme Singye Wangchuk décide d’imposer la langue Dzongha à tous les citoyens au détriment du Népali, langue des Népalais immigrés au Bhoutan.
De plus, tous les habitants du Bhoutan devraient porter des vêtements traditionnels Bhoutanais et pratiquer l’hindouisme.
Les immigrants Népalais s’opposent à ces mesures.
En 1990, une partie des Népalais installés au Bhoutan se révolte et refuse la nouvelle langue officielle, le Dzongha.
Le gouvernement du Bhoutan réagit sévèrement et prend la décision de n’accorder la nationalité Bhoutanaise qu’aux personnes d’origine Bhoutanaise, excluant ainsi les Bhoutanais d’origine Népalaise.
Le gouvernement supprime les écoles Népalaises pour faciliter l’usage de la langue Dzongha dans toutes les écoles.
Les Bhoutanais d’origine Népalaise se voient privés d’une nationalité car le Népal, leur pays d’origine refuse de les reconnaître comme des Népalais.
D’un autre côté, en 1990, ces Bhoutanais d’origine Népalaise appelés « Lhotsampas » chassés du Bhoutan se refugient au Népal.
Les Nations-Unies les installent dans des camps sous l’assistance de quelques ONG.
La monarchie du Bhoutan estime que les « Lhotsampas » ont quitté volontairement le Bhoutan et ont ainsi violé l’article 6 de la loi sur la citoyenneté qui dispose que : « Tout citoyen Bhoutanais qui a acquis la nationalité par naturalisation peut en être déchu à tout moment s’il a manqué de loyauté, en actes ou en paroles, envers le roi, le pays ou le peuple du Bhoutan de quelque manière que ce soit. Si les deux parents sont Bhoutanais et que les enfants quittent le pays de leur plein gré sans que le gouvernement royal du Bhoutan n’en soit informé et que leurs noms ne figurent pas sur le registre de citoyenneté tenu par le ministère de l’Intérieur, ils ne seront pas considérés comme des citoyens Bhoutanais. Tout citoyen Bhoutanais qui a été privé de la nationalité Bhoutanaise doit vendre tous ses biens immeubles au Bhoutan dans le délai d’un an sous peine de les voir confisqués par le ministère de l’Intérieur en échange d’une indemnisation juste et raisonnable.»
Les Lhotsampas rejettent ces accusations et disent avoir été chassés par les autorités du Bhoutan.
En 1992, le Népal et le Bhoutan décident de négocier pour étudier le retour des réfugiés au Bhoutan mais dix (10) ans après ces négociations, rien de concret n’a été décidé en faveur des 100 000 réfugiés Bhoutanais du Népal.
En mars 2001, les gouvernements du Népal et du Bhoutan décident de mener une action appelée « Processus de vérification pilote pour le camp de Khudunabari » afin de déterminer l’identité et le droit au retour de ces réfugiés.
Pour ce faire, les réfugiés Bhoutanais du Népal ont été classés en quatre (4) catégories. La première catégorie, regroupe les citoyens Bhoutanais à part entière qui représente 2,5 % des réfugiés.La deuxième catégorie est celle des réfugiés ayant volontairement émigré du Bhoutan. Elle est composée de 70 % des réfugiés. La troisième catégorie est celle des ressortissants étrangers et cette catégorie représentait 24 % des réfugiés.
Enfin, la dernière catégorie rassemble les réfugiés qui ont commis des actes criminels et ceux qui ont pris part à des activités « antinationales » contre la démocratie au Bhoutan. Cette catégorie ne représente que 3% des réfugiés.
Cette dernière initiative des gouvernements du Népal et du Bhoutan n’a jamais été réalisée.
En 2009, sur intervention du Haut Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés (UNHCR), le Canada a donné son accord pour accueillir 5.000 réfugiés Bhoutanais sur son sol au cours des trois (3) prochaines années. 350 réfugiés Bhoutanais sont déjà arrivés au Canada au cours de l’année 2009.
Le Haut Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés indique qu’il existe encore 108.000 réfugiés Bhoutanais condamnés à vivre dans des camps Népalais dans des conditions de vie précaires et difficiles. Ces réfugiés vivent principalement de l’aide internationale.