LES ACCORDS DE PARTENARIAT ECONOMIQUE (APE)

Le 28 février 1975, vingt sept (27) Etats de l’Union Européenne décident de conclure des accords commerciaux avec quarante six (46) Etats de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) ; Une Convention révisable chaque cinq (5) ans.

Pour la partie africaine, à l’exception de l’Algérie, de l’Egypte, de la Lybie, de la Tunisie et du Sud-soudan, les quarante neuf (49) Etats africains restants sont membres de l’ACP.

Les Etats des Caraïbes signataires sont, Antigua-et-Barbuda, les Bahamas, Barbau, le Belize, Cuba, la Dominique, la République dominicaine, la Grenade, le Guyana, Haïti, la Jamaïque, Saint-Christophe-et-Niévès, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Suriname et Trinité-et-Tobago.

Enfin, les Etats du Pacifique sont au nombre de quinze (15), les Îles Cook, le Timor oriental, les Fidji, les Kiribati, les Îles Marshall, la Micronésie, Nauru, Niue, les Palaos, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les Samoa, les Îles Salomon, les Tonga, les Tuvalu et le Vanuatu.

Les Etats de l’ACP sont donc au nombre de 80 depuis 2000.

En 1975, la Convention baptisée « Convention de Lomé I » a permis l’adoption du « Système de Stabilisation des Recettes d’Exportation » ou « Stabex » pour, par des compensations financières, stabiliser les recettes d’exportation des Etats ACP.

En 1979, la « Convention de Lomé II » signée par cinquante sept (57) Etats a porté principalement sur l’instauration du « Système de Développement du potentiel minier » ou « Sysmin » ; Système par lequel huit (8) produits miniers des Etats ACP ont été indexés pour être soutenus si l’outil de production de ces matières venait à être menacé par la baisse des cours.

La « Convention de Lomé III » a été adoptée en 1984 et a concerné l’importation de 1.300.000 tonnes de canne à sucre aux prix européens.

En 1990, la « Convention de Lomé IV » signée par soixante dix (70) Etats a porté sur les entreprises et les investissements privés.

Enfin, à la réunion du 23 juin 2000 au Benin il, a été élaboré la « Convention de Cotonou » et ces Etats ont décidé de supprimer les systèmes « Stabex » et « Sysmin ».

Egalement, il a été mis fin à l’aide systématique des Etats européens aux pays ACP. Désormais, le soutien est conditionné par le respect des droits de l’homme, de la démocratie et des règles économiques imposées par les européens.

Ce dernier accord qualifié de global, a été mentionné comme tel sur le site web de l’Union européenne en ces termes : « L’accord de Cotonou est un accord global, qui consacre des changements radicaux et arrête des objectifs ambitieux, tout en préservant l’acquis de 25 années de coopération entre l’UE et les Etats ACP. Par rapport aux accords et conventions qui régissaient jusqu’alors l’action de la Communauté européenne en matière de coopération au développement, l’accord de Cotonou constitue, à plusieurs titres, une avancée supplémentaire. Il vise à bâtir un partenariat global, reposant sur trois piliers complémentaires : la coopération au développement ; la coopération économique et commerciale ; la dimension politique. Pour les objectifs de l’accord de Cotonou, le partenariat est centré sur l’objectif de réduction et, à terme, l’éradication de la pauvreté, en cohérence avec les objectifs de développement durable et d’intégration progressive des pays ACP dans l’économie mondiale (article premier de l’accord de Cotonou). Les principes fondamentaux de l’accord de Cotonou : Egalité des partenaires et appropriation des stratégies de développement – Participation (l’Etat reste partenaire principal mais ouverture à différents types d’acteurs) – Rôle central du dialogue et respect des engagements mutuels – Différenciation et régionalisation. »

Pourtant, le 6 octobre 2002, d’autres négociations sont entreprises entre les Etats ACP et l’Union européenne pour la conclusion d’un accord appelé « Accords de Partenariat Economique » ou « APE ».

A l’origine, cet accord devrait répondre aux exigences de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui critiquait les tarifs préférentiels accordés aux Etats ACP par les Etats de l’Union européenne et jugés discriminatoires par les autres non membres des Etats ACP.

La mise en conformité des échanges commerciaux entre les Etats ACP et les Etats de l’Union européenne était donc la raison de la création des APE mais les clauses de cet accord se présenteront par la suite comme négatives pour l’économie des Etats africains.

Dénoncés aussi bien par les dirigeants africains que la société civile africaine, les APE sont qualifiés de système mis en place par les européens pour soutenir leur domination sur les Etats africains.

En effet, la clause rejetée par les africains est l’ouverture de leurs marchés aux produits européens sans paiement de droits de douane, même si les Etats européens envisagent appliquer la même chose pour les produits africains en partance pour l’Europe mais des analystes avancent que l’accès aux marchés européens ne profitent qu’à un groupuscule d’hommes d’affaires africains exportateurs de matières premières et autres marchandises.

Pour beaucoup, l’ouverture des marchés européens aux produits africains sans paiement de taxes n’inquiètent pas les européens qui ont des produits qualifés de « grandes qualités » parce que détenant les moyens humains, matériels et logistiques pour les produire.

Contrairement aux marchés européens, les produits qui envahiront les espaces africains à moindre coût constituent un risque pour les entreprises africaines qui ne pourront pas relever le défi et fermeront leurs portes les unes après les autres.

En effet, non seulement les marchandises en provenance de l’Europe sont considérées comme de « qualité » par les africains, mais elles bénéficient très souvent de subventions et, exonérés du paiement de droits de douane, ces marchandises seront vendues à très bas prix et les produits locaux ne trouveront pas preneurs ; D’où la faillite des entreprises africaines et la mise au chômage des employés de ces structures.

En plus des difficultés que rencontreront les entreprises basées en Afrique, les droits de douane sont des sources de revenus qui permettent à tout Etat de subvenir aux charges publiques et restent un moyen de protection des marchandises locales exemptées du paiement de taxes.

Plus grave, les clauses des Accords de Partenariat Economique interdisent provisoirement aux Etats africains d’appliquer de nouvelles taxes sur leurs matières premières qu’ils exportent, sauf accord des Etats de l’Union européenne.

Or, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) dispose : « Les pays en développement ont le droit de protéger leurs marchés d’importations en vue de promouvoir l’établissement ou le maintien d’une industrie privée. Elles donnent aussi aux pays en développement le droit de protéger leurs marchés d’importations dans le cas de difficultés de balance de paiement. »

De ce fait, les « anti-APE » affirment que la conclusion des APE par les dirigeants africains provoquera la désintégration économique de l’Afrique et la soumettrait à une nouvelle forme de colonisation.

Les grosses pertes fiscales obligeront les dirigeants africains à diminuer les budgets alloués aux secteurs de l’éducation, de la santé, des Infrastructures et des actions sociales et la population non préparée aux restrictions se soulèvera et la paix sociale sera ainsi compromise.

Nos représentants auront la main tendue pour « quémander l’aide internationale » et se trouveront dans l’incapacité de répondre aux aspirations du peuple puisqu’ils seront amenés à se plier aux exigences des prêteurs.

Des Observateurs estiment que sur une période de cinq (5) années seulement, les pertes économiques pourraient s’élever, pour l’Afrique, à 1 milliard 800 millions de Dollars ou 873 milliards 078 millions 603 mille 119 Francs CFA.

Les « anti-APE » critiquent aussi le mépris de l’Union européenne envers l’Afrique qui, au lieu d’échanger avec l’Union africaine, la représentante de l’Afrique entière, l’UE choisit de segmenter l’Afrique en plusieurs zones pour exercer une pression exagérée sur chaque dirigeant.

En effet, sous la menace de l’Union européenne d’interdire l’accès des marchés européens au cacao et café ivoirien et ghanéen, la
Côte d’Ivoire et le Ghana ont signé respectivement l’accord intérimaire des APE le 7 décembre 2007 et le 13 décembre 2007.

Bien avant, ignorant quelle menace a été exercée sur des pays de l’Afrique australe, le Botswana, le Lesotho, la Swaziland et le Mozambique ont signé l’accord intérimaire des APE.

Le 27 novembre 2007, en Afrique de l’Est, le Kenya, l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi et la Tanzanie ont procédé à la signature de l’accord intérimaire des APE.

Le jeudi 15 janvier 2009, le Cameroun a signé l’accord intérimaire des APE et, dans le mémorandum qui accompagnait le communiqué de signature de l’accord, l‘Union européenne a écrit ceci : « Cet APE intérimaire spécifique au pays est une solution temporaire pendant le déroulement des négociations visant à le remplacer par un APE complet couvrant l’ensemble de la région d’Afrique centrale ».

En plus de l’ouverture des marchés africains aux produits européens, les APE appliqueront la clause de la nation la plus favorisée ou NPF.

Contenue dans les principes de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la clause de la nation la plus favorisée est le système par lequel un Etat donné peut exiger d’un Etat avec lequel il entreprend des relations commerciales de lui accorder les mêmes faveurs faites à un Etat tiers.

Cette clause insérée dans les APE obligera les Etats de l’ACP à accorder toute faveur faite à un autre Etat aux Etats de l’Union européenne.

La clause de la nation la plus favorisée est dénoncée par les opposants aux APE qui trouvent qu’elle limite la marche de manœuvre des Etats africains qui ne disposeront plus de leur entière liberté pour conclure des accords commerciaux avec d’autres partenaires.

Enfin, la clause de rendez-vous des APE oblige les Etats ACP, dans les six (6) mois qui suivent la conclusion de l’APE, à entamer une rencontre avec l’Union européenne pour des négociations sur les services, la propriété intellectuelle et les investissements.

Les « anti-APE » estiment que les ape qui devraient porter sur des échanges commerciaux s’élargissent à des domaines qui ne sont pas encore définies sur le plan africain.

Pour les « anti-APE », le bon sens aurait été que l’Afrique développe ses propres stratégies sur ces matières entre Etats africains avant de l’étendre à l’Europe.

En 2007, les manifestions contre la signature des APE se déroulent partout en Afrique.

Le samedi 12 mai 2007, la Plateforme des Etudiants Africains pour un Commerce Equitable (PEACE) en partenariat avec l’OXFAM International, les membres de la société civile du Sénégal et les Associations des étudiants et jeunes ont manifesté au Sénégal pour dire « NON aux APE ».

Le 1er juin 2007, la Confédération paysanne du Faso (CPF), le Réseau des organisations paysannes et des producteurs agricoles de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA) et la société civile Burkinabé ont manifesté à Ouagadougou alors que se tenait dans la capitale du Burkina Faso, une session ordinaire du Conseil des ministres de la CEDEAO avec les APE inscrits à l’ordre du jour.

En novembre 2007, des parlementaires européens ont également critiqué les APE et Harlem Désir, Socialiste français a dit : « …La menace d’augmenter les tarifs douaniers en cas d’absence d’accord est une sorte de chantage.. ».

L’autre parlementaire allemand, Helmuth Markov a dit : « La tactique de la Commission européenne est ‘une catastrophe, car la principale préoccupation des Européens était d’ouvrir les marchés ACP à leurs produits….Un partenariat suppose le respect. Lorsque l’UE ne peut s’empêcher d’avoir une attitude qui conduit à dire : à prendre ou à laisser, il ne peut être question de partenariat. ».

Les Présidents africains qui ont ouvertement levé le ton et d’une manière virulente contre les APE sont les Présidents Abdoulaye Wade du Sénégal et Thabo Mbeki de l’Afrique du Sud.

Abdoulaye Wade, Président du Sénégal a, le 09 décembre 2007 lors d’une interview accordée à Jean-Karim Fall, Rédacteur en Chef Afrique à Radio France Internationale (RFI), dit : « …Mais on ne parle plus des APE. On a dit qu’on les a rejetés, pour nous c’est fini. Quand on va se retrouver, on discutera, l’Union européenne présentera des APE, nous nous présenterons autre chose. Mais aujourd’hui… Je l’ai même dit en plénière plusieurs fois, et cela a été dit, et redit encore ce matin : les Etats africains rejettent les APE… »

Néanmoins, au Cameroun, invité du Club de la presse de la section camerounaise de l’Union de la presse francophone (UPF), le 13 octobre 2013, le chef de la Délégation de l’UE au Cameroun, Raul Matteus Paula a mentionné que le processus était engagé pour la signature des APE par le Cameroun d’ici octobre 2014 bien que des spécialistes des échanges commerciaux indiquent que la signature des APE ferait perdre environ 100 milliards de Francs CFA par an à la Douane Camerounaise.