Aîné d’une famille de cinq enfants, Ernesto Guevara de la Serna est un argentin né le 14 juin 1928 à Rosario en Argentine, fils d’Ernesto Guevara Lynch, un ingénieur et de Celia de la Serna, la benjamine d’une riche famille.
Le 2 mai 1930, à San Isidro en Argentine, après avoir pris froid sur la plage alors qu’il attendait sa mère qui nageait, Ernesto Guevara pique, la même nuit, sa première crise d’asthme.
A trois ans, il apprend à jouer au jeu d’échecs auprès de son père et devient bon joueur. Il participe à des tournois à partir de douze ans quand sa mère lui enseigne la langue française à six ans.
Ernesto Guevara conserve le goût de la lecture française mais à l’école communale d’Alta Gracia en Argentine où il est inscrit, il se bat régulièrement avec les enfants des riches et préfère la compagnie des pauvres.
Son jeu favori tourne autour des scènes de guerre.
Sujet à de violentes crises d’asthme, il travaille beaucoup pour devenir bon athlète et profite de ses temps de repos maladie pour étudier la poésie, la littérature et apprendre la photographie.
En 1945 à dix-sept ans, il obtient son baccalauréat à Cordoba et décide de faire des études de médecine à Buenos Aires.
A l’université, en dehors de l’instruction, il joue au rugby mais est contraint d’y mettre fin, sur recommandation de son père qui trouve ce jeu dangereux pour un asthmatique.
Le 1er janvier 1950, Ernesto Guevara rajoute un moteur à son vélo et effectue son premier grand voyage dans toute l’Argentine, long de 4.500 Km.
Deux années après, son ami, le biologiste Alberto Granado lui propose de mettre à exécution leur projet de traverser l’Amérique du Sud à moto et Ernesto Guevara accepte.
Le 2 janvier 1952, sur une moto de marque Norton 300 cm3 surnommée la Vigoureuse, Ernesto Guevara et Alberto Granado arrivent au Chili.
Le voyage est pénible et les oblige à dormir dans des cellules de commissariats. Ils visitent plusieurs sites du Chili et sont attristés par les conditions de vie difficile des mineurs.
A la Léproserie San Pablo du Pérou, où ils font la connaissance du Docteur Hugo spécialiste de la lèpre et fondateur du Parti socialiste Péruvien, Ernesto Guevara est influencé par les idéaux de ce Docteur qui prône des actions contre l’impérialisme américain. Dr Hugo est solidaire des peuples opprimés du monde.
Ernesto Guevara et Alberto poursuivent leur expédition mais la moto les lâche et ils continuent leur mission en canoë. Ils descendent l’Amazonie, atteignent la Colombie et les deux amis se séparent au Venezuela après huit mois de périple.
Ernesto Guevara se rend aux Etats-Unis d’Amérique dans un avion de marchandises et le 31 juillet 1952, il arrive à Buenos Aires en Argentine et est convaincu que la seule manière de changer la vie des pauvres est la révolution par les armes.
Le 7 juillet 1953, il repart en train pour la Bolivie, le Pérou, l’Equateur, le Panama, le Costa Rica, le Nicaragua, le Honduras, le Salvador et le Guatemala.
Ernesto Guevara participe à la révolution sociale populiste du Mouvement nationaliste révolutionnaire (MNR) de Bolivie en 1953 mais, révolté par les inégalités raciales au sein de ce mouvement, il se retire et part pour le Guatemala.
Pendant son séjour au Guatemala, il rencontre Hilda Gadea Acosta, une économiste péruvienne de vingt-huit ans, membre de l’Alliance populaire révolutionnaire Américaine (APRA).
Hilda qui connaît de nombreux politiques, présente Ernesto Guevara à ses connaissances, notamment à Nico Lopez du Mouvement du 26 juillet ; Mouvement créé en mémoire des survivants de l’attaque contre la Caserne de la Moncada à Santiago, à Cuba le 26 juillet 1953 qui était sous le commandement du cubain Fidel Castro et qui s’est soldée par un échec.
Fauché, Ernesto Guevara vend les bijoux de son amie Hilda Costa.
Ayant constaté que lors de leurs échanges, Ernesto Guevara prononce régulièrement, le mot Ché qui signifie Hé ! ; Mon pote ! ou Mec ! , ses camarades le surnomment le Ché.
Le Ché est séduit par les réformes agraires du Président du Guatemala, Jacobo Arbenz Guzman, né le 14 septembre 1913 dans la ville de Quezaltenango au Guatemala.
Issu d’un agrégat de Partis du centre et de gauche du nom d’Unidad Nacional, il avait été élu à une large majorité en 1950 et l’admiration de Ché pour ce Président vient du fait qu’il ait eu le courage d’annuler le monopole de la firme américaine United Fruit Company (UFCO), la plus grande compagnie bananière implantée au monde, détentrice de la majorité des terres du Guatemala.
L’UFCO est considéré, depuis la fin du XIX siècle, par beaucoup d’Observateurs, comme un Etat dans un Etat.
En effet, non seulement cette firme américaine exerce son monopole sur l’exploitation de la banane et du café du Guatemala, mais elle est propriétaire du chemin de fer, du téléphone, du télégraphe, des ports, des bateaux et de beaucoup d’autres infrastructures de ce pays.
Le Président du Guatemala a pour ambition de faire de son pays, une nation moderne, économiquement indépendante et souveraine sur le plan politique.
En juin 1952, le Président Jacobo Arbenz prend le décret 900 pour exproprier l’UFCO de 40 % de ses terres soit 2,5 millions d’hectares de terres qu’il distribue à cent mille familles en 1953.
Fâchés, les Etats-Unis d’Amérique soupçonnent le Président Jacobo Arbenz d’être un communiste et ils mettent en projet d’aider le Général Carlos Castillo Armas à formater un coup d’Etat contre lui.
A Fort Leavenworth en Kansas aux Etats-Unis d’Amérique, l’écrivain Eduardo Galeano traite le Général Carlos Castillo Armas de personnage pas cher, obéissant et abruti.
Le 15 mai 1954, le Président Jacobo Arbenz passe une commande d’armes de deux tonnes et les fait transiter par la Tchécoslovaquie ; Commande convoyée par le bateau Suédois Alflem.
Pour discréditer le Président Jacobo Arbenz et obtenir le soutien de la communauté internationale, la C.I.A, déclare que le Président guatémaltèque a commandé deux mille tonnes d’armes pour exterminer sa propre population.
Les hommes du Général Carlos Castillo Armas tentent en vain de stopper ce transbordement.
Le 17 juin 1954, les américains avec leur opération baptisée PB Success bombardent par voie aérienne la commande d’armes du Président Jacobo Arbenz.
Ecœuré par une telle injustice, le Ché prend position pour le Président guatémaltèque et décide de combattre à ses côtés. Il intègre un groupe de jeunes communistes qu’il finit par quitter pour leur inactivité.
Réalisant que le coup d’Etat contre le Président Jacobo Arbenz est sur le point de réussir, il se porte à nouveau volontaire.
Le Président Jacobo Arbenz refuse d’armer la jeunesse et se refugie à l’ambassade du Mexique.
Humilié à l’aéroport, le Président guatémaltèque parvient à quitter le Guatemala pour le Mexique et demande à tous ses partisans de quitter également le Guatemala mais, Hilda Costa qui n’a pas eu la chance de s’enfuir est arrêtée.
La répression du coup d’Etat fait plus de 9.000 morts, de nombreux blessés et des milliers de prisonniers.
Le Ché se cache au Consulat Argentin et avec le sauf-conduit qui lui est délivré, il refuse un vol gratuit pour l’Argentine, préférant se rendre au Mexique.
Témoin de l’iniquité subie par le Président Jacobo Arbenz du fait des américains, le Ché se radicalise dans son combat contre l’impérialisme.
Le Général Carlos Castillo Armas devenu Président du Guatemala annule, pour inconstitutionnalité, le décret 900 sur la réforme agraire.
Les 2,5 millions d’hectares de terres arrachées à la firme américaine UFCO et distribuées aux paysans leur sont retirées et remises à cette firme bien que défrichées par ces paysans ; Les paysans qui tentent de résister sont arrêtés et emprisonnés.
Le 26 juillet 1957, le Président Général Carlos Castillo Armas, surnommé Cara de hacha ou Face de hache, est abattu dans l’enceinte du palais présidentiel par un jeune tireur sympathisant de gauche de vingt quatre ans du nom de Romeo Vásquez Sánchez, membre de la garde présidentielle et qu’on dit s’être suicidé des minutes après son acte.
Début septembre 1957, le Ché arrive à Mexico au Mexique et est convaincu que les Etats-Unis représentent une puissance impérialiste qui renverse les régimes démocratiquement élus pour préserver ses intérêts.
Pour le Ché, l’arme inévitable pour les combattre est la révolution armée.
A Mexico, le Ché retrouve Nico Lopez et des exilés cubains qu’il avait connus au Guatemala.
En juin 1955, Nico Lopez présente le Ché à Raúl Castro, le frère de Fidel Castro et le 10 juillet 1955, Raúl Castro présente à son tour le Ché à Fidel Castro.
Toute la nuit, Fidel Castro et le Ché échangent et le Ché est ravi d’avoir trouvé le révolutionnaire qu’il a tant souhaité rencontrer ; Un combattant qui déteste farouchement les américains.
Le Ché s’attache à Fidel Castro et rejoint le Mouvement du 26 juillet qui résiste à la dictature du Président cubain Fulgencio Batista soutenu par les américains et qui dirige avec une main de fer le Cuba depuis son coup d’Etat du 10 mars 1952.
Nommé médecin du mouvement, le Ché participe activement aux entraînements militaires et le Colonel Alberto Bayo, instructeur du mouvement juge que le Ché est sa meilleure recrue.
Hilda Costa détenue en Bolivie est libérée et rejoint le Ché à Mexico.
Le 18 août 1955, à Terpotzotlan, non loin de Mexico, le Ché épouse Hilda Costa, enceinte de leur fille Hilda Beatriz Guevara Gadea qui naît le 15 février 1956.
Le Ché continue la guérilla cubaine en tant que médecin et combattant.
Le 1er janvier 1959, le Président du Cuba Fulgencio Batista s’enfuit avec sa famille et des fonctionnaires, en République Dominicaine avec dans ses valises 40 millions de dollars ou 25 milliards 016 millions 236 mille 830 FCFA.
Fidel Castro devient le Président de Cuba.
Des procès publics parfois suivis d’exécutions d’anciens partisans du régime de Batista sont tenus. L’épuration concerne aussi l’opposition démocratique au dictateur Batista ainsi que des anciens partisans de Fidel Castro et c’est le cas du commandant Huber Matos condamné à vingt ans de prison.
En 1960, on répertorie officiellement 631 condamnations à mort et qui ont été exécutées par la suite.
Après le coup d’Etat, le Ché est accusé d’avoir fait exécuter plus de 550 officiels du régime du Président Fulgencio Batista mais ceux qui connaissent bien le Ché disent de lui qu’il a beaucoup de respect pour ses ennemis et surtout qu’il disait toujours aux soldats : « …La clémence doit être la plus large possible à l’égard des soldats qui vont combattre pour accomplir (ou du moins ils le croient) leur devoir militaire. Pas de prisonniers lorsqu’il n’y a pas de grandes bases opérationnelles ou de lieux peu accessibles : les survivants doivent être rendus à la liberté, les blessés soignés par tous les moyens possibles… »
En 1958, dans la province de Las Villas, le Ché fait la connaissance d’Aleida March, citoyenne cubaine, membre du Mouvement du 26 Juillet.
Le 2 janvier 1959, Fidel Castro nomme le Ché Commandant et Procureur suprême de la prison de la forteresse de la Cabana et le 7 février de la même année, il est proclamé Citoyen Cubain de naissance.
Le Ché divorce d’avec Hilda Gadea le 22 mai 1959 à La Havane à Cuba et épouse Aleida March Torres, le 9 juin 1959 avec laquelle, il aura quatre enfants tous nés à La Havane, Aleida Guevara March née le 17 novembre 1960 ; Camilo Guevara March né le 20 mai 1962 ; Celia Guevara March née le 14 juin 1963 et Ernesto Guevara March né le 24 février 1965.
Le Président Fidel Castro, pour intégrer le Ché à son gouvernement modifie la Constitution et y insère cette disposition : « Un étranger qui s’est particulièrement illustré durant la guérilla et a reçu le grade de commandant peut devenir membre du gouvernement cubain.»
A Cuba, le Ché crée un camp de travail correctif pour rééduquer les responsables des entreprises publiques cubaines coupables de malversations et dans son désir de vouloir changer le comportement des cubains, il passe ses week-ends au travail volontaire, rejette le favoritisme et le luxe. Il dit : « On commence comme cela avec les petits privilèges, et ensuite on s’habitue et on justifie des privilèges de plus en plus grands ; jusqu’à ce que le dirigeant se transforme en un assisté insensible aux besoins des autres. »
Le 26 Novembre 1959, le Ché qui n’a aucune connaissance en Economie et qui trouve « l’argent inutile et bon à disparaître des rapports humains », est nommé Président de la Banque nationale de Cuba par le Président Fidel Castro pour défendre les intérêts des américains du Sud. Les Etats-Unis d’Amérique prennent ombrage et considèrent cette nomination comme une provocation à leur égard.
Les américains suspendent donc les crédits à l’importation accordés à Cuba.
En 1960, un navire transportant des armes à destination du gouvernement cubain explose une première fois.
La seconde explosion survient alors que les secouristes tentent de sauver les blessés et il est dénombré plus de cent morts.
Le gouvernement cubain impute ces attentats à la C.I.A qui par cet acte, tente de provoquer un soulèvement populaire afin de déstabiliser le Président Fidel Castro.
En mai 1960, le gouvernement américain interdit à ses compagnies basées à Cuba de raffiner le pétrole soviétique.
En retour, le Ché menace les américains qu’il ne payera plus la dette cubaine et nationalisera les raffineries américaines si ces derniers maintiennent leur décision de boycotter les produits soviétiques.
Un mois après sa mise en garde, le Ché met en exécution sa menace.
En réplique, les Etats-Unis d’Amérique annulent les Accords commerciaux qui lient les Etats-Unis d’Amérique à Cuba.
Le gouvernement cubain sous la direction du Ché se tourne vers l’Union Soviétique et négocie de nouveaux Accords commerciaux.
Le 25 janvier 1962, l’Organisation des Etats Américains (OEA) exclut Cuba de cette organisation par quatorze voix « Pour » et six « Contre » c’est-à-dire celles de l’Argentine, de la Bolivie, du Brésil, du Chili, de l’Equateur et du Mexique.
Toutes les relations commerciales, diplomatiques et aériennes sont interrompues entre les Etats-Unis d’Amérique et Cuba.
De l’autre côté, Cuba devient un allié sûr de l’Union soviétique.
Le 7 février 1962, à l’exception des médicaments et des produits alimentaires, les Etats-Unis d’Amérique imposent un embargo commercial, économique et financier à Cuba.
Embargo encore en vigueur et constituant le plus long embargo au monde.
Le 23 février 1961, le Ché devient ministre de l’Industrie et transforme l’économie capitaliste agraire de Cuba en économie socialiste industrielle.
Par ailleurs, pour ne pas être attaqué par les américains, il négocie, en 1962 l’implantation à Cuba de missiles balistiques nucléaires avec Moscou et en mai 1962, le Président de l’Union soviétique, Nikita Khrouchtchev démarre l’Opération Anadyr et convoie plus de 50.000 soldats, 36 missiles nucléaires et quatre sous-marins à Cuba.
Sans donner d’explication, le 29 octobre 1962, l’Union soviétique fait retirer ses navires et toutes les installations militaires réalisées.
Des Observateurs expliquent que ce retrait a été effectué pour calmer la tension avec les Etats-Unis d’Amérique.
Après la résolution de cette crise baptisée La crise des missiles de Cuba, le Ché sur un ton de plaisanterie, affirme que Cuba aurait utilisé les missiles s’ils avaient été sous son contrôle.
Le 11 décembre 1964, le Chef de la délégation cubaine à l’ONU, le Ché prononce un discours à l’Assemblée générale de l’ONU et critique la politique étrangère américaine.
Le Séminaire économique de solidarité afro-asiatique se tient les 22 et 27 février 1965, à Alger en Algérie.
Le 24 février 1964, le Ché présent à ce séminaire tient ce discours, baptisé Discours d’Alger : « Il n’y a pas de frontières dans cette lutte à mort. Nous ne pouvons pas rester indifférents face à ce qui se passe dans n’importe quelle patrie du monde. La victoire de n’importe quel pays de l’impérialisme est notre victoire, tout comme la défaite de quelque pays que ce soit est notre défaite.»
Deux semaines après son départ d’Alger, le Ché disparaît de la scène publique et est indigné par la mort du panafricaniste africain Patrice Lumumba dont le corps a été dissout dans de l’acide. Il dit : « La bestialité de l’impérialisme, une bestialité qui ne connaît pas de limites, pas de frontières. La bestialité des armées d’Hitler, est comme la bestialité de l’Amérique du Nord, comme celle des parachutistes belges, comme celle de l’impérialisme Français en Algérie. En effet, il est l’essence même de l’impérialisme de transformer les hommes en animaux sauvages, sanguinaires, décidés à abattre, tuer, assassiner et détruire le dernier vestige de l’image du révolutionnaire ou partisan d’un régime, qu’il écrase sous ses bottes parce que cela lutte pour la liberté. La statue de Lumumba, aujourd’hui détruite mais reconstruite ce matin nous rappelle l’histoire tragique de ce martyr de la révolution mondiale et qu’il faut veiller à ne jamais faire confiance à l’impérialisme en aucune façon. Pas un iota! »
Le Ché décide le 24 avril 1965, d’apporter son aide au MNC-Lumumba au Congo.
Le Président de l’Algérie, Ahmed Ben, ami du Ché rapporte ce que le Ché lui a confié un jour : « L’Afrique semble avoir un énorme potentiel révolutionnaire mais reste le maillon faible de l’impérialisme et il faut que je lui dédie mes efforts ».
Avant cette expédition en Afrique, il se déguise en vieil homme et rend visite à sa femme et ses enfants restés à Cuba. Ses proches ne le reconnaissent pas mais, pour ne pas les exposer, il évite de dévoiler son identité et ne les serre pas contre lui.
Lorsqu’il part secrètement pour le Congo, sans que sa présence soit connue des rebelles congolais, le Ché arrive au Congo-Kinshasa avec 200 personnes.
Après sept mois de combat, il est découragé en se rendant à l’évidence que les rebelles congolais n’ont pas l’esprit révolutionnaire et leur préoccupation est celle de voler la population déjà pauvre, utiliser le matériel à leur propre profit et, inexpérimentés, ils font plus confiance à la sorcellerie qu’à l’instruction militaire qu’il tente de leur donner.
Le Ché et ses compagnons quittent le Congo et il a le sentiment d’avoir échoué.
Son groupe et lui passent six mois dans la clandestinité à Dar-es-Salam en Tanzanie et à Prague en République Tchèque où il écrit ses mémoires sur le Congo.
Son silence poussent certaines personnes à avancer qu’il se serait fâché avec le Président de l’Union soviétique Nikita Khrouchtchev qui l’aurait trahi dans La crise des missiles de Cuba en retirant les missiles installés à Cuba sans avoir informé au préalable le Président cubain Fidel Castro.
Pour le Ché donc, les deux blocs Amérique et Soviétique sont pareils et restent des impérialistes.
Les Etats-Unis d’Amérique exploitent l’Ouest quand l’Union soviétique exploite l’Est.
Une autre source indique que le silence du Ché est dû à l’attitude du Président Fidel Castro qui n’apprécie plus sa popularité et le considère comme une menace.
Le 3 octobre 1965, pour répondre aux nombreuses interrogations sur l’éloignement du Ché, le Président Fidel Castro dévoile un courrier dans lequel son ami lui a réaffirmé sa solidarité dans la révolution cubaine mais démissionne du gouvernement cubain, se retire du Parti et de l’armée cubaine.
Et, dans le même courrier, il renonce à la citoyenneté cubaine.
Le Ché informé de la publication du courrier, ne l’apprécie pas parce qu’il devrait être rendu public à sa mort et non de son vivant, pour des raisons d’éthique.
Il s’interdit donc de fouler le sol cubain.
Libre désormais, le Ché décide de reprendre ses activités de combattant en se rendant dans son pays d’origine, l’Argentine mais le Président Fidel Castro l’en dissuade car, l’Argentine se s’est doté d’une grande capacité militaire.
Le Ché porte son choix sur la Bolivie où le Général Réné Barrientos a instauré un régime dictatorial après avoir chassé le Président Victor Paz Estenssoro élu démocratiquement.
Il part en 1966 en Bolivie avec quelques péruviens et des argentins et baptisent le groupe Ejercito de Liberation Nacional (ELN) ou Armée de Libération Nationale.
La paysannerie bolivienne, plus tournée vers Moscou que La Havane ne donne pas son adhésion à la formation d’une vraie guérilla.
Sans le savoir, le Ché est localisé en Bolivie par les autorités boliviennes.
Pour certains Observateurs, l’agent secret du KGB, Haydee Tamara Bunke Bider dite Tania, unique femme du groupe a privilégié les intérêts soviétiques en mettant les autorités boliviennes sur la piste du Ché.
Pour d’autres, c’est la capture de deux déserteurs de l’ELN qui a mis la puce à l’oreille du gouvernement bolivien.
La Bolivie demande de l’aide aux américains et aux pays voisins pour capturer le Ché.
Le Ché continue de combattre et le 23 mars 1967, l’ELN remporte sa première victoire contre l’armée bolivienne.
Néanmoins, le campement du Ché et des combattants est découvert et la CI.A l’identifie en inspectant ses documents, vivres et photos trouvés sur un campement abandonné.
Pour mener cette guérilla, le commando du Ché ne disposait que, pour une mission aussi délicate, de deux transmetteurs défectueux qui ne leur permettaient que de rentrer en contact avec La Havane. Aspect du combat qui pousse certains Observateurs à conclure que la mission du Ché a été sabotée par les dirigeants cubains.
L’armée bolivienne informée de la maladie du Ché, retire les médicaments qui soulagent l’asthme de tous les hôpitaux de la région.
De plus, un informateur montre le campement du Ché à ses ennemis et le 8 octobre 1967, 1.800 soldats boliviens encerclent son campement. Après trois heures de combat intenses, le Ché est fait prisonnier avec des blessures au niveau de ses jambes.
Le 9 octobre 1967, à l’Ecole de la Higuera de Bolivie, à 13H10, le Président Barrientos donne l’ordre d’exécuter les guérilléros et le Ché est exécuté par un agent de la CIA.
Le 12 juillet 1997, les restes du Ché retrouvés dans une fosse commune sont rapatriés à Cuba dans une liesse populaire accompagnée d’un hommage militaire.
La mémoire d’Ernesto Guevara dit le Ché repose dans un gigantesque mausolée à Santa Clara, la ville qu’il a libérée de la dictature du Président Fulgencio Batista en 1959.
Le jeudi 20 mars 2008, la femme du Ché, Aleida March âgée de 71 ans, qui n’avait jamais accordé d’interviews aux journalistes, présente à la presse, à La Havane, son livre intitulé Evocación ou Evocation qui relate sa vie avec le Ché entre 1959 et 1965.
Le Ché aimait beaucoup l’Afrique et a effectué de nombreux voyages et lors d’un voyage officiel en Egypte, le Ché avait dit au Président Nasser : « Le moment décisif dans la vie de chaque homme est quand il doit décider d’affronter la mort. S’il la confronte, il sera un héros, qu’il réussisse ou non. Cela peut-être un bien ou un mal politique, mais s’il ne se décide pas à l’affronter, jamais il ne cessera d’être un politicien. »
En effet, les guérilléros qui ont pu s’échapper à temps ont indiqué que le Ché aurait pu en faire autant mais il a préféré combattre jusqu’au bout.
En mars 2009, le Congrès américain autorise ses citoyens d’origine cubaine à se rendre à Cuba une fois par an et met un terme aux restrictions sur les voyages et les transferts d’argent venant des Etats-Unis pour Cuba.
Avec le rafraîchissement des relations diplomatiques, en janvier 2011, des résidents américains sont autorisés à voyager à Cuba et à faire des transferts trimestriels aux personnes de nationalité cubaine à hauteur de 500 Dollars par trimestre ou 263.891 Francs CFA chaque trois mois.
Sont exclus de ces ouvertures, les dirigeants, les membres de la Fonction publique et l’armée cubaine.
Depuis 1967 à maintenant, le Ché, reste un combattant aimé, un mythe et une icône de la révolution cubaine.
Ché représente le symbole de la lutte des pauvres et des opprimés contre le capitalisme et l’impérialisme américain.
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DISCOURS TENU PAR ERNESTO GUEVARA LORS
DE LA CONFÉRENCE D’ALGER DU 24 FEVRIER 1965
« Chers frères,
Cuba participe à cette conférence, d’abord pour faire entendre à elle seule la voix des peuples d’Amérique Latine, mais aussi en sa qualité de pays sous-développé qui, en même temps, construit le socialisme.
Ce n’est pas par hasard s’il est permis à notre représentation d’émettre son opinion parmi les peuples d’Asie et d’Afrique. Une aspiration commune nous unit dans notre marche vers l’avenir : la défaite de l’impérialisme. Un passé commun de lutte contre le même ennemi nous a unis tout au long du chemin. Cette conférence est une assemblée de peuples en lutte ; cette lutte se développe sur deux front également importants et réclame tous nos efforts.
La lutte contre l’impérialisme pour rompre les liens coloniaux et néo-coloniaux, qu’elle soit menée avec des armes politiques, des armes réelles ou avec les deux à la fois, n’est pas sans liens avec la lutte contre le retard et la misère ; toutes deux sont des étapes sur une même route menant à la création d’une société nouvelle, à la fois riche et juste.
La prise du pouvoir politique et la liquidation des classes d’oppression constituent un impératif ; mais ensuite, il faut affronter la seconde étape dont les caractéristiques sont encore plus difficiles, s’il se peut, que la première.
Depuis que les capitaux monopolistes se sont emparés du monde, ils maintiennent dans la misère la plus grande partie de l’humanité et partagent tous les profits à l’intérieur du groupe des pays les plus puissants. Le niveau de vie de ces pays repose sur la misère des nôtres. Pour élever le niveau de vie des peuples sous-développés, il faut donc lutter contre l’impérialisme. Chaque fois qu’un pays se détache de l’arbre impérialiste, ce n’est pas seulement une bataille partielle gagnée contre l’ennemi principal, c’est aussi une contribution à son affaiblissement réel et un pas de plus vers la victoire finale. Il n’est pas de frontières dans cette lutte à mort.
Nous ne pouvons rester indifférents devant ce qui se passe ailleurs dans le monde, car toute victoire d’un pays sur l’impérialisme est une victoire pour nous ; de même que toute défaite d’une nation est une défaite pour nous.
La pratique de l’internationalisme prolétarien n’est pas seulement un devoir pour les peuples qui luttent pour un avenir meilleur, c’est aussi une nécessité inéluctable. Si l’ennemi impérialiste, américain ou autre, se déchaîne contre les peuples sous-développés et contre les pays socialistes, la simple logique détermine la nécessité d’une alliance entre les peules sous-développés et les pays socialistes.
S’il n’existait pas d’autre facteur d’union, l’ennemi commun serait celui-là. Ces unions ne peuvent évidemment pas se réaliser spontanément, sans discussions ; elles doivent naître dans des conditions parfois douloureuses.
Chaque fois qu’un pays se libère, avons-nous dit, c’est une défaite pour le système impérialiste mondial, mais nous devons reconnaître que cette rupture ne se produit pas du seul fait de proclamer l’indépendance ou d’obtenir une victoire par les armes dans une révolution.
La liberté survient lorsque la domination économique de l’impérialisme sur un peuple cesse. C’est donc une question vitale pour les pays socialistes que ces ruptures se produisent effectivement.
Et c’est notre devoir international, le devoir dicté par l’idéologie qui nous guide, de continuer par nos efforts à la libération la plus rapide et la plus profonde. Nous devons tirer la conclusion de tout cela : le développement des pays qui s’engagent sur la voie de la libération doit être payé par les pays socialistes.
Nous le disons sans aucune intention de chantage ou d’effet spectaculaire, ni en cherchant un moyen facile de nous rapprocher de tous les peuples afro-asiatiques, mais bien parce que c’est notre conviction profonde. Le socialisme ne peut exister s’il ne s’opère dans les consciences une transformation qui provoque une nouvelle attitude fraternelle à l’égard de l’humanité, aussi bien sur le plan individuel dans la société qui construit ou qui a construit le socialisme que, sur le plan mondial, vis à vis de tous les peuples qui souffrent de l’oppression impérialiste.
Nous croyons que c’est dans cet esprit que doit être prise la responsabilité d’aider les peuples dépendants et qu’il ne doit plus être question de développer un commerce pour le bénéfice mutuel sur la base de prix truqués aux dépends des pays sous-développés par la loi de la valeur et les rapports internationaux d’échange inégal qu’entraîne cette loi.
Comment peut-on appeler « bénéfice mutuel » la vente à des prix de marché mondial de produits bruts qui coûtent aux pays sous-développés des efforts et des souffrances sans limites et l’achat à des prix de marché mondial des machines produites dans les grandes usines automatisées qui existent aujourd’hui ?
Si nous établissons ce type de rapports entre les deux groupes de nations, nous devons convenir que les pays socialistes sont, dans une certaine mesure, complices de l’exploitation impérialiste.
On allèguera que le volume des échanges avec les pays sous-développés constitue un pourcentage insignifiant du commerce extérieur de ces pays. C’est absolument vrai mais cela ne change rien au caractère immoral de cet échange.
Les pays socialistes ont le devoir moral de liquider leur complicité tacite avec les pays exploiteurs de l’Ouest. Le fait que le commerce est actuellement réduit ne signifie rien. En 1959, Cuba vendait du sucre occasionnellement à un pays du bloc socialiste par l’intermédiaire de courtiers anglais ou d’autres nationalités. Aujourd’hui, 80% de son commerce se fait avec la camp socialiste ; tous les produits essentiels viennent du camp socialiste et, en fait, elle en fait maintenant partie.
Nous ne pouvons pas dire que ces revenus proviennent d’un simple accroissement du commerce, ni que le commerce a augmenté en raison de la destruction des anciennes structures et de l’engagement dans une forme socialiste de développement ; les deux extrêmes se touchent et sont reliés entre eux.
Nous ne nous sommes pas engagés dans la voie du communisme en prévoyant toutes les étapes comme le produit logique d’un développement idéologique qui progressera vers un but déterminé. Les vérités socialistes jointes aux dures vérités de l’impérialisme ont forgé notre peuple et lui ont montré la voie que nous avons adoptée ensuite en toute conscience. Les peuples d’Afrique et d’Asie qui iront vers leur libération définitive devront prendre la même voie. Ils l’emprunteront tôt ou tard même si leur socialisme s’accompagne aujourd’hui d’adjectifs divers.
Il n’est pour nous d’autre définition du socialise que l’abolition de l’exploitation de l’homme par l’homme.
Tant que cette abolition ne se réalisera pas, nous restons au stade de la construction de la société socialiste et si, au lieu que ce phénomène se produise, la tâche de la suppression de l’exploitation s’arrête, ou même recule, alors on ne peut même plus parler de construction du socialisme. Nous devons préparer les conditions qui permettront nos frères de prendre directement et en pleine conscience la voie de l’abolition définitive de l’exploitation mais nous ne pouvons pas leur demander de prendre cette voie si nous sommes nous-mêmes complices de cette exploitation. Si l’on nous demandait quelles sont les méthodes qu’il faut appliquer pour établir des prix équitables, nous ne pourrions pas répondre parce que nous ne connaissons pas les données pratiques de la question.
Nous savons seulement qu’après des discussions politiques, L’Union Soviétique et Cuba ont signé des accords avantageux pur nous, grâce auxquels nous vendons 5 millions de tonnes de sucre à prix fixe au-dessus du prétendu marché libre mondial du sucre. La République Populaire de Chine paie le même prix.
Ceci n’est que le terrain de travail : la tâche réelle consiste à établir des prix qui permettent le développement.
Une conception totalement nouvelle consistera à changer l’ordre des rapports internationaux; le commerce extérieur ne doit pas déterminer la politique mais au contraire, être subordonné à une politique fraternelle à l’égard des peuples. Analysons brièvement le problème des crédits à long terme destinés à développer les industries de base. Nous constatons fréquemment que les pays bénéficiaires veulent installer des bases industrielles disproportionnées par rapport à leurs possibilités actuelles, dont les produits ne seront pas consommés chez eux et dont les réserves seront compromises par cet effort. Notre raisonnement est le suivant : les investissements des pays socialistes sur leur propre territoire pèsent directement sur le budget de l’Etat et ne sont amortis que par l’utilisation des produits qui se fabriquent jusqu’au bout de la fabrication.
De cette façon, l’immense énergie latente de nos continents, misérablement exploités et jamais aidés dans leur développement, pourrait être mise en mouvement et on pourrait entreprendre une nouvelle étape de véritable division internationale du travail, qui ne serait pas fondée sur l’histoire de ce qui s’est fait jusqu’ici mais sur ‘histoire future de ce qui peut se faire. Les Etats dont les territoires recevront les nouveaux investissements auraient sur ceux-ci tous les droits inhérents à la propriété souveraine, sans aucune obligation de paiement ou de crédits.
Les bénéfices auront pour seule obligation de fournir aux pays ayant fait l’investissement une quantité déterminée de produits pendant un certain nombre d’années et à un certain prix. Le financement de la part locale des frais que doit encourir un pays qui réalise des investissements de ce type mérite également d’être étudié. Une forme d’aide, qui ne signifierait pas des distributions de devises librement convertibles, pourrait être la fourniture de marchandises faciles à vendre, payables à long terme, aux pays sous-développés.
Un autre problème difficile à résoudre est celui de la conquête de la technique. Tout le monde connaît l’insuffisance de techniciens dont souffrent les pays sous-développés. Ils manquent d’écoles et de cadres. Il nous manque aussi parfois une conscience réelle de nos besoins et nous ne savons pas toujours décider d’appliquer en priorité une politique de développement technique, culturel ou idéologique.
Les pays socialistes doivent fournir l’aide nécessaire pour forer les organises d’éducation technique, insister sur l’importance capitale de ce problème et fournir les cadres qui manquent actuellement.
Il faut insister davantage sur ce dernier point : les techniciens qui viennent dans nos pays doivent être exemplaires. Ce sont des camarades qui devront rencontrer un milieu inconnu, souvent hostile à la technique, qui parle une autre langue que la leur et dont es coutumes sont totalement différentes.
Les techniciens qui entreprennent cette tâche difficile devraient être tout d’abord des communistes, au sens le plus profond et le plus noble du terme. Cette seule qualité, jointe à un minimum de sens de l’organisation et de souplesse, permettra de faire des merveilles. Nous savons que c’est possible parce que des pays frères nous ont envoyé un certain nombre de techniciens qui ont fait davantage pour le développement de nos pays que dix instituts, et ont contribué pus efficacement à l’amitié entre nos peuples que dix ambassadeurs ou cent réceptions diplomatiques.
Si l’on pouvait réaliser effectivement ce que nous venons de signaler et, en outre, mettre à la disposition des pays sous-développés toute la technologie des pays avancés, sans utiliser la méthode actuelle des brevets qui protègent les découvertes de chaque pays, nus ferions un énorme progrès dans notre tâche commune. L’impérialisme a été vaincu dans plusieurs batailles partielles. Mais c’est une force considérable dans le monde et nous ne pouvons espérer sa défaite définitive que de l’effort et du sacrifice de nous tous.
Toutefois, l’ensemble des mesures que nous proposons ne sauraient être prises unilatéralement. Il est entendu que les pays socialistes doivent payer le développement des pays sous-développés. Mais il faut aussi que les forces des pays sous-développés se tendent et prennent fermement la voie de la construction d’une société nouvelle – quels que soient les obstacles – où la machine, l’instrument de travail, ne soit pas un instrument d’exploitation pour l’homme. On ne peut pas non plus prétendre à la confiance des pays socialistes si l’on joue à garder l’équilibre entre capitalisme et socialisme en essayant d’utiliser les deux forces en compétition pour en tirer des avantages précis. Une nouvelle politique de sérieux absolu doit gouverner les rapports entre les deux groupes de sociétés.
Nous devons souligner encore que les moyens de production doivent être de préférence aux mains de l’Etat de façon à ce que les marques de l’exploitation disparaissent peu à peu. Par ailleurs, le développement ne peut être laissé à l’improvisation totale : il faut planifier la construction de la société nouvelle.
La planification est une des lois du socialisme sans laquelle il n’existerait pas. Faute de planification convenable, on ne peut garantir suffisamment que tous les secteurs économiques d’un pays s’uniront harmonieusement pour faire les bonds en avant qu’exige l’époque où nous vivons. La planification n’est pas un problème isolé dans chacun de nos petits pays ; ces pays dont le développement est déformé, qui possèdent des matières premières ou produisent quelques produits fabriqués ou semi-fabriqués, mais manquent de tous les autres.
Dès le départ, la planification devra tendre vers une certaine division régionale de façon à coordonner les économies des pays et arriver ainsi à une intégration sur la base d’un véritable bénéfice mutuel.
Nous croyons que le chemin actuel est plein de dangers ; non pas de dangers inventés ou prévus à longue échéance par quelque esprit supérieur, mais de dangers qui sont le résultat tangible des réalités qui nous harcèlent.
La lutte contre le colonialisme a atteint ses dernières étapes mais, à notre époque, le statut colonial n’est qu’une conséquence de la domination impérialiste. Tant que l’impérialisme existera, par définition, il exercera sa domination sur d’autres pays. Cette domination s’appelle aujourd’hui néo-colonialisme.
Le néo-colonialisme s’est d’abord développé en Amérique du Sud, dans tout un continent ; il commence aujourd’hui à se manifester avec de plus en plus d’intensité en Afrique et en Asie. Ses fores de développement et de pénétration sont diverses. L’une est la forme brutale telle que nous l’avons vue au Congo. La violence pure et simple sans considérations ni déguisements d’aucune sorte est son arme extrême.
Il existe une autre fore plus subtile : la pénétration des pays qui se libèrent politiquement, l’union avec les nouvelles bourgeoisies nationales, le développement d’une bourgeoisie parasitaire étroitement liée aux intérêts de la métropole, favorisés par un certain bien-être ou par une élévation transitoire du niveau de vie des peuples ; en effet, dans des pays très arriérés, le simple passage des rapports féodaux aux rapports capitalistes représente un grand progrès, indépendamment des conséquences fatales qu’ils entraînent pour les travailleurs.
Le néo-colonialisme a montré ses griffes au Congo. Ce n’est pas un signe de puissance, mais bien de faiblesse ; il a dû recourir à la force, son arme extrême, comme argument économique, ce qui engendre des réactions d’opposition d’une grande intensité. Cette pénétration s’exerce aussi dans d’autres pays d’Afrique et d’Asie sous une forme beaucoup pus subtile qui crée rapidement ce qu’on a appelé la « sud-américanisation » de ces continents, c’est à dire le développement d’une bourgeoisie parasitaire qui n’ajoute rien à la richesse nationale mais qui, au contraire, accumule hors du pays dans des banques capitalistes ses énormes profits malhonnêtes et traite avec l’étranger pour obtenir encore davantage de bénéfices, avec un mépris absolu pour le bien-être de son peuple.
Il existe aussi d’autres dangers : par exemple, la rivalité entre pays frères, politiquement amis, et parfois même voisins, qui essaient de développer les mêmes investissements, au même moment, et pour des marchés qui souvent ne l’admettent pas. Cette concurrence a l’inconvénient de gaspiller des énergies qui pourraient servir à une coopération économique beaucoup plus large et, en outre, elle permet le jeu des monopoles impérialistes. Dans certains cas, lorsqu’il est absolument impossible de réaliser un investissement précis avec l’aide du camp socialiste, on l’effectue moyennant des accords avec les capitalistes. Ces investissements capitalistes ont des défauts inhérents à la façon dont sont accordés les crédits, mais aussi d’autres défauts très importants, tel que l’établissement de sociétés mixtes où s’associent de dangereux voisins.
Comme les investissements sont en général parallèles à ceux d’autres Etats, le risque est que des pays amis entrent en conflit pour des différends économiques ; par ailleurs, la corruption émanant de la présence constante du capitalisme, habile à faire miroiter le développement et le bien-être pour troubler beaucoup de gens, constitue une grave menace.
Peu après, la saturation de productions similaires entraîne une chute des prix sur es marchés. Les pays touchés se voient dans l’obligation soit de demander de nouveaux prêts, soit de permettre des investissements complémentaires pour rester compétitifs. Une telle politique se solde finalement par la prise en charge de l’économie par les monopoles, et on retourne lentement mais sûrement au passé. A notre avis, pour réaliser sans danger des investissements avec la participation des puissances impérialistes, il faut que l’Etat participe directement comme acheteur unique des biens, en limitant l’action impérialiste à l’établissement des contrats de fourniture sans les laisser aller plus loin que notre porte.
Dans ce cas, il est juste de profiter des contradictions de l’impérialisme pour obtenir des conditions moins onéreuses. Il ne faut pas non plus oublier les aides économiques, culturelles, etc., dites « désintéressées » que l’impérialisme accorde lui-même ou par l’intermédiaire d’Etats fantoches qui reçoivent le meilleur accueil dans certaines parties du monde.
Si tous ces dangers ne sont pas reconnus à temps, c’est a voie ouverte au néo-colonialisme dans des pays qui ont entrepris, pleins de foi et d’enthousiasme, leur tâche de libération nationale :
La domination des monopoles s’installe subtilement, si progressivement qu’il est bien difficile d’en distinguer les effets jusqu’au moment où ils se font brutalement ressentir. Nous avons tout un travail à réaliser ; des problèmes immenses se posent à nos deux mondes : celui des pays socialistes et celui-ci, appelé le tiers-monde ; des problèmes directement liés à l’homme et à son bien-être et à la lutte contre le principal coupable de notre retard.
Devant ces problèmes, tous les pays et tous les peuples, conscients de leurs devoirs, des dangers qu’engendre notre situation, des sacrifices que demande le développement, doivent prendre des mesures concrètes pour que nos liens se nouent sur les deux plans : économique et politique, qui ne peuvent jamais se dissocier, et constituer un grand bloc compact qui puisse à son tour aider de nouveaux pays à se libérer, à la fois du pouvoir politique et économique de l’impérialisme.
L’aspect de la libération par les armes d’une puissance politique d’oppression doit être abordée suivant les règles de l’internationalisme prolétarien : s’il est absurde de penser qu’un directeur d’entreprise dans un pays socialiste en guerre puisse hésiter à envoyer les tanks qu’il produit sur un front ne pouvant présenter de garantie de paiement, il ne doit pas sembler moins absurde de vouloir vérifier la solvabilité d’un peuple qui lutte pour sa libération et qui a besoin d’armes pour défendre sa liberté.
Dans nos mondes, les armes ne sauraient être des marchandises ; elles doivent être livrées absolument gratuitement dans les quantités nécessaires – et possibles – aux peuples qui les demandent pour les utiliser contre l’ennemi commun. C’est dans cet esprit que l’Union Soviétique et la République de Chine nous ont accordé leur aide militaire.
Nous sommes socialistes, nous constituons une garantie d’utilisation de ces armes, mais nous ne sommes pas les seuls et nous devons tous être traités de la même manière.
Pour répondre à ‘agression abominable de l’impérialisme américain contre le Vietnam et le Congo, il faut fournir à ces pays frères tous les moyens de défense dont ils ont besoin, en leur offrant notre solidarité inconditionnelle.
Sur le plan économique, nous avons besoin de surmonter les difficultés du développement à l’aide de la technique la plus avancée possible. Nous ne pouvons pas entreprendre la longue ascension qu’a faite l’humanité, du féodalisme jusqu’à l’ère de l’atome et de l’automation, ce serait un chemin d’immenses sacrifices et un chemin en partie inutile. Il faut prendre la technique où elle se trouve, faire le grand bond technique nécessaire pour réduire peu à peu la différence entre les pays les plus avancés et les nôtres.
Cette technique dit s’appliquer dans les grandes usines, ainsi que dans une agriculture convenablement développée, et surtout elle doit avoir pour base une culture technique et idéologique suffisamment forte et implantée dans les masses pour permettre d’entretenir sans cesse les organismes et les appareils de recherche qu’il faut créer dans chaque pays, ainsi que des hommes qui exercent la technique actuelle et qui soient capables de s’adapter aux nouvelles techniques acquises.
Ces cadres doivent avoir une conscience claire de leur devoir envers la société dans laquelle ils vivent ; il ne pourra y avoir de culture technique convenable si elle ne s’accompagne d’une culture idéologique. Et dans la plupart de nos pays, il ne pourra y avoir de base suffisante de développement industriel, – dont dépend le développement de la société moderne – si l’on ne commence pas par assurer au peuple la nourriture nécessaire, es biens de consommation les plus indispensables et une instruction convenable.
Il faut conserver une grande partie du revenu national aux investissements dits improductifs de ‘instruction et il faut se soucier tout particulièrement du développement de la productivité agricole. Cette dernière atteint dans plusieurs pays capitalistes des niveaux incroyables, et provoqué des crises absurdes de surproduction, d’invasion de céréales et d’autres produits alimentaires ou de matières premières industrielles en provenance de pays avancés, alors que tout un monde souffre de la faim, tout en possédant suffisamment de terres et d’hommes pour produire plusieurs fois autant que ce dont le onde a besoin pour se nourrir.
L’agriculture doit être considérée comme un pilier du développement, et pour cela, il est essentiel de transformer la structure agricole et de s’adapter aux nouvelles possibilités de la technique ainsi qu’aux nouvelles obligations de l’élimination de l’exploitation humaine.
Avant de prendre des décisions coûteuses qui pourraient entraîner des maux irréparables, il faut mener une protection soigneuse du territoire national ; c’est une des étapes préalables à la recherche économique et une nécessité élémentaire pour une planification correcte.
Nous appuyons chaleureusement la proposition de l’Algérie qui suggère d’institutionnaliser nos rapports.
Nous désirons seulement proposer quelques considérations supplémentaires :
1. Pour que l’union soit instrument de lutte contre l’impérialisme, le concours des peuples d’Amérique Latine et l’alliance avec les pays socialistes sont nécessaires.
2. Il vaut veiller au caractère révolutionnaire de l’union, en y interdisant l’accès aux gouvernements et aux mouvements qui ne s’identifient pas avec les aspirations générales des peuples et en créant des mécanismes qui permettent de se séparer de quiconque s’écarte de la route juste, qu’il soit gouvernement ou mouvement populaire.
3. Il faut parvenir à l’établissement de nouveaux rapports sur un pied d’égalité entre nos pays et les capitalistes, en établissant une jurisprudence révolutionnaire pour nous protéger en cas de conflit, et donner un nouveau contenu aux rapports entre nous et le reste du monde.
Nous parlons un langage révolutionnaire et nous luttons honnêtement pour le triomphe de cette cause, mais nous nous empêtrons souvent dans les mailles d’un droit international résultant des confrontations des puissances impérialistes et non de la lutte des peuples. Par exemple, nos peuples sont oppressés par l’angoisse de voir s’établir sur leurs territoires des bases étrangères ; ou encore ils doivent supporter le poids très lourd de dettes extérieures d’une ampleur incroyable.
Tout le monde connaît l’histoire de ces autres : des gouvernements fantoches, des gouvernements affaiblis par une longue lutte de libération ou par le développement des lois capitalistes du marché ont permis que soient signés des accords qui menacent notre stabilité interne et compromettent notre avenir.
L’heure est venue de secouer le joug, d’imposer la révision des dettes extérieures qui nous oppriment et d’obliger les impérialistes à abandonner leurs bases d’agression.
Je ne voudrais pas terminer ces mots, ce rappel de principes que vous connaissez tous, sans attirer l’attention de cette assemblée sur le fait que Cuba n’est pas le seul pays d’Amérique Latine ; tout simplement, c’est Cuba qui a la chance de parler aujourd’hui devant vous ; je veux rappeler que d’autres peuples versent leur sang pour obtenir le droit que nous avons ; et d’ici comme de toutes les conférences et partout où elles ont lieu, nous saluons les peuples
héroïques du Vietnam, du Laos, de la Guinée dite portugaise, de l’Afrique du Sud et de la Palestine ; à tous les pays exploités qui luttent pour leur émancipation, nous devons faire entendre notre voix amie, nous devons tendre la main et offrir nos encouragements aux peuples frères du Venezuela, du Guatemala et de Colombie qui, aujourd’hui, les armes à la main, disent définitivement « non » à l’ennemi impérialiste.
Peu de scènes sont aussi symboliques qu’Alger, l’une des capitales de la liberté les plus héroïques, pour une telle déclaration. Que l’admirable peuple algérien, trempé comme peu de peuples l’ont été dans les souffrances de l’indépendance, sous la direction de son parti, nous inspire dans cette lutte sans quartiers contre l’impérialisme yankee.«