SEVERIN KEZEU (CAMEROUNAIS)

Méconnu dans son pays natal, ce fort en thème a mis au point un système technologique qui rapporte des milliards de dollars. La technologie clé n°43 du ministère français de l’Industrie a été attribuée en 2000 à l’invention Navigator, un système anticollision 3D révolutionnaire pour engins mobiles (trains, bateaux, avions, voitures, grues, etc.).

C’est un boîtier universel intelligent embarqué, équipé de capteurs indiquant la position, la vitesse, l’inertie ou encore l’accélération de l’engin, en prenant en compte les mêmes informations venant d’autres appareils en mouvement. Le pilote automatique, réputé efficace à 100%, émet des ordres réciproques jusqu’à ce que le risque de collision repasse au vert. De nombreuses vies humaines peuvent ainsi être sauvées.

Le logiciel Navigator a été adopté depuis 2007 par l’armée française, puis par le Pentagone (Etats-Unis). La société SK Solutions, qui fabrique et commercialise cette intelligence artificielle, est aussi présente à Abu Dhabi, en Arabie Saoudite, en Chine, au Qatar et en Grande Bretagne. C’est le fruit du génie d’un Camerounais, Séverin Kezeu, né le 15 novembre 1967 à Yaoundé, aujourd’hui marié à une Guadeloupéenne (Noire) et père de 3 filles. Après 10 ans d’absence, cette tête bien pleine a de nouveau foulé le sol natal à la faveur du Forum économique de diaspora, organisé le 15 août dernier à Yaoundé, où une véritable ovation a accompagné sa présentation aux participants et officiels. «J’ai retrouvé l’envie de mon pays», explique-t-il.

Cette sensation contextuellement transmissible lui était passée depuis des décennies, M. Kezeu, qui vit entre la France, Dubaï et les Etats-Unis, n’ayant été au Cameroun que 3 fois depuis un quart de siècle. Les frustrations, il en a eu, et pas des moindres, qui auraient pu l’en éloigner définitivement…

C’est à 7 ans que ce fils d’infirmière et d’enseignant fait sa première rencontre avec le monde de l’informatique, un domaine qui n’en est qu’à ses prémices sous nos cieux. Amoureux de lecture, son père le gave de documents divers. Le petit curieux, à l’heure où ses égaux tapent dans des chiffons sur des terrains vagues de Mballa II (Yaoundé), lit tout, même des livres du secondaire. Il tombe ainsi un jour sur une revue d’orientation scolaire, dans laquelle il découvre le mot «robotique», une technologie qui rend la matière inerte intelligente. Un tournant est en train de se nouer. «Très jeune aussi, je prends conscience de la problématique de la cause noire. Le Noir est capable de créer et de faire prospérer des marques. Mes références, qui sont restées intactes, sont Nelson Mandela, Malcolm X et Martin Luther King, dont l’œuvre a totalement influencé ma vie», relate Séverin Kezeu. Son ambition est déjà établie : il sera «ingénieur et chef d’entreprise». Pas moins.

Matheux

A l’école, il est toujours premier de la classe. Dans le secondaire, il décroche des bourses au fil des années et ses parents peuvent économiser sur les livres scolaires. Et c’est sans anicroche qu’il décroche son baccalauréat C avec mention. Le génie dédaigne les grandes écoles locales, et postule à une bourse gouvernementale d’études à l’étranger. Refus net et sans explication. Ses géniteurs se proposent de financer son expatriation académique. Il veut leur épargner cette onéreuse corvée, eux qui ont déjà 2 enfants étudiants en France.

En 1984, Séverin Kezeu s’inscrit en 1ère année (mathématiques-informatique) à l’université de Yaoundé. Major en fin d’année, il renouvelle sa demande de bourse. Nouveau refus net et sans explication du gouvernement. Avec l’aide de la famille, il finit par s’inscrire – moyennant 2 années préparatoires – à l’Institut national de recherche en informatique et en automatique de Strasbourg. Le jeune talent, 2 ans avant la fin de ses études, croule déjà sous les propositions professionnelles mirifiques aux Etats-Unis.

En 1991, le brillant sujet de 24 ans décroche en individuel le premier prix national français de l’invention et de l’innovation : «Lorsqu’on me remet mon diplôme, l’image de mes rêves d’enfant me revient.» Il y a dans l’enveloppe un chèque de 250.000 francs français. La région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) subventionne également ses travaux, sans oublier quelques autres aides pécuniaires. 15 jours après sa sortie d’école, le fort en thème reçoit une proposition de naturalisation du gouvernement français. Il se donnera une semaine de réflexion avant d’accepter la nationalité française.

Mais – on l’a signalé plus haut – Séverin Kezeu avait, dès le départ, «décidé de ne pas être ouvrier dans une multinationale». Son combat rejoint ses convictions. C’est aussi le saut dans l’inconnu. Jusqu’en 1998, l’ingénieur, docteur en sciences informatiques industrielles, mène ses recherches. C’est aussi à cette période qu’il procède à la mise en place des ressources.

Cerveaux
Aujourd’hui, SK Solutions, dont son président-fondateur détient 93% des parts, pèse 100 millions de dollars US. C’est 150 ingénieurs et 250 techniciens de maintenance, véritable force de travail de l’entreprise et mieux payés que les premiers cités. «Pendant des années, l’Europe a formé des techniciens hautement qualifiés, oubliant les classes intermédiaires, ces têtes bien pleines et ces bras qui font pourtant la réputation des grands groupes. Elle paye actuellement le prix de cet aveuglement, ne sachant plus où donner de la tête», explique le manager de haut vol.

C’est par ce secteur que Séverin Kezeu va signer le retour de l’enfant prodige au pays, à travers la création à Edéa d’un institut de formation concrète en maintenance industrielle. Son groupe sera le premier utilisateur de ces produits, d’autres étant destinés à l’exportation. Ce sera son premier chantier, dans cette mère patrie qui n’aura pas été tendre avec lui.

Ce retour de flamme, le petit Camerounais devenu grand le doit à une actualité récente. Invité par un groupe de jeunes compatriotes au Forum des compétences de la diaspora camerounaise (Davoc), tenu du 6 au 8 mai 2010 à Bonn, en Allemagne, M. Kezeu se retrouve «en présence d’un diplomate, l’ambassadeur du Cameroun dans ce pays, Jean-Marc Mpay, au discours terre à terre, dépouillé de la langue de bois». Il aime les choses pratiques, concrètes.

 

SON INVENTION :

 

Source : www.vkii.org