ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 1995 DE LA COUR D’APPEL DE BOUAKE

Licenciement – Conditions – Contrat de travail –
Contrat de travail à durée déterminée (oui) – Expiration(oui) – Licenciement (non)

La Cour d’Appel de Bouaké, Chambre Sociale, Séant au Palais de Justice en son audience publique ordinaire du mercredi vingt neuf novembre mil neuf cent quatre vingt quinze à laquelle siégeaient Messieurs : YA, Président de Chambre, Président ; DA & Madame JEANNE Conseillers, Membres ;

En présence de Monsieur SOU Substitut Général ; Avec l’assistance de Maître N’GORAN Attaché des Greffes et Parquets, Greffier ;

A rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause ;

ENTRE :

BONIFACE ayant domicile élu en l’étude de Maître HE, Avocat à la Cour, Appelant, comparant et concluant par son conseil susnommé. D’UNE PART ;

ET :

La Compagnie CIDI ayant domicile élu en l’étude de la SC, Avocats à la Cour, Intimée, comparant et concluant par lesdits conseils. D’AUTRE PART ;

Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire sous les plus expresses réserves de fait et de droit.

FAITS :

Le Tribunal du Travail de Bouaké statuant contradictoirement, en la cause, en matière sociale et en premier ressort, a rendu un jugement n° 108 en date du 4/5/1995 aux qualités duquel il convient de se reporter et dont le dispositif est ci-dessous spécifié ; « Déclare Monsieur BONIFACE recevable en son action ;

Dit qu’il était lié à la CIDI par un contrat à durée déterminée ; Le déclare mal fondé en toutes ses prétentions. » Par acte au Greffe en date du 15/5/1995 Maître HE Conseil de Monsieur BONIFACE a relevé appel dudit jugement. Le dossier de la procédure ayant été transmis à la Cour d’Appel de ce siège, la cause a été inscrite au Rôle Général du Greffe de ladite Cour sous le n° 59 de l’année 1995 et appelée à l’audience du 27/9/1995 pour laquelle les parties ont été avisées. A ladite audience l’affaire a été renvoyée plusieurs fois et fut utilement retenue à la date du 22/11/1995 sur les conclusions des parties.

Le Ministère Public a déclaré s’en rapporter à Justice ;

Puis la Cour a mis l’affaire en délibéré pour rendre son arrêt le 29/11/1995.

DROIT :

En cet état la cause présentait à juger les points de droit résultant des conclusions écrites des parties. Advenue l’audience de ce jour, la Cour vidant son délibéré conformément à la loi, a rendu l’arrêt ci-après, qui a été prononcé par M. le Président.

LA COUR,

Vu les conclusions des parties et du Ministère Public ;

Vu les pièces du dossier de la procédure ; Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions et moyens des parties et motifs ci-après ;

DES FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Il ressort des pièces du dossier et notamment de la mise en état réalisée devant le Tribunal que chaque année et ce, depuis 1986, pour la compagne cotonnière, la CIDI engageait M. BONIFACE en qualité d’aide chauffeur ;

Qu’à la fin de la campagne le contrat était ipso facto rompu et M. BONIFACE libre de tout engagement pouvait vaquer à d’autres occupations et l’année suivante il se réengageait quand bon lui semblait. Ce contrat à durée déterminée variait entre 4 et 8 mois en fonction de l’importance de la campagne. Ainsi, le 15 décembre 1992, M. BONIFACE signait avec cette compagnie un contrat de travail à durée déterminée pour la campagne 1992 – 1993 toujours en qualité d’aide chauffeur sur le camion 4074.

A la fin de ladite campagne son contrat fut définitivement rompu et ses congés lui furent payés. Cependant arguant de son ancienneté au sein de l’entreprise, M. BONIFACE a conclu à un licenciement abusif de surcroît et saisissait le Tribunal du Travail de Bouaké pour voir la CIDT condamnée au paiement envers lui de :

– 130.886 F à titre d’indemnité de licenciement,

– 36.364 F à titre d’indemnité de préavis,

– 72.350 F à titre d’aggravation d’indemnité de préavis,

– et 10 millions de francs à titre de dommages-intérêts.

Aux termes de son jugement n° 002/ADD du 05 janvier 1995, ledit Tribunal, après avoir reçu l’action de M. BONIFACE a sursis à statuer au fond et ordonné la mise en état du dossier de la procédure à l’effet de connaître les circonstances de la rupture du contrat de travail liant les parties en conflit. Suivant procès-verbal en date des 17 et 31 janvier 1995, la mise en état a été réalisée. Par jugement subséquent contradictoire n° 108 du 04 mai 1995, le Tribunal du travail de Bouaké a dit que le contrat de travail ayant lié M. BONIFACE à la CIDI était un contrat à durée déterminée et conséquemment a débouté ledit travailleur de ses prétentions. Suivant acte n° 42 du 15 mai 1995, Me HE, pour le compte du salarié a relevé appel dudit jugement. A l’appui de son recours et par l’organe de son conseil susnommé, M. BONIFACE prie la Cour de bien vouloir se reporter à ses écritures de Première Instance qu’il considère comme intégralement reprises en cause d’appel. Cependant il rappelle dans les mêmes termes que devant le premier Juge les faits de la cause comme suit :

Il a été embauché en 1982 par la CIDI en qualité d’aide chauffeur moyennant un salaire mensuel de 36.364 francs. Revenu de son congé annuel en 1993 l’employeur lui donnait encore deux mois de repos motif pris de ce que le chauffeur titulaire était lui aussi parti en congé. Mais à la fin du congé dudit chauffeur, lui, M. BONIFACE s’étant rendu à la CIDI pour reprendre service, il lui fut signifié qu’il a été remplacé à son poste par un autre apprenti. Au contraire de l’employeur, il affirme avoir été lié par celui-ci par un contrat de travail à durée indéterminée et que la rupture de son contrat intervenue dans les conditions ci-dessus décrites s’analyse en un licenciement abusif et comme tel lui ouvre droit à des indemnités de rupture et des dommages- intérêts savoir :

– indemnité de licenciement : 36.357,25 x 30 x 5 = 54.535,875 F

100 36.357,25 x 35 x 6 = 76.350,225 F 100 Soit……………………. 130.886,1 F

– indemnité de préavis : 36.364 F x 2 = 72.728 F puisqu’il est en catégorie 01D1,

– aggravation d’indemnité de préavis : 36.364 F x 2 = 72.728 F et souligne qu’il a été licencié dans les 15 jours qui suivaient son retour de congé,

– dommages-intérêts : 10 millions de francs Pour justifier ses demandes, il souligne qu’il a loué ses services à la CIDI pendant 11 ans que dès lors, cette compagnie ne peut valablement soutenir qu’il n’existerait aucun contrat de travail entre eux ;

Que l’employeur ne peut arguer d’une quelconque suppression de poste puisqu’il a été remplacé par un autre aide-chauffeur. Dans ses conclusions prises devant le Tribunal il ne dit pas autre chose. Quant à l’intimée CIDI, elle conclut sous la plume de SC d’Avocats que le Tribunal ayant à bon droit décidé que le contrat en cause était un contrat de travail à durée déterminée, son jugement échappe à toute critique et ce, surtout dans la mesure où ledit jugement s’est appuyé sur les propres révélations du travailleur lors de la mise en état et sur le bulletin de paye de celui-ci à la fin de la campagne. Elle fait observer que le contrat n’est rompu qu’à son terme mais que malgré cette évidence, le travailleur insiste pour dire qu’il bénéficierait d’un contrat de travail à durée indéterminée.

Le Ministère Public conclut à la confirmation du jugement contesté.

DES MOTIFS :

Considérant que suivant contrat de travail à durée déterminée en date du 15 décembre 1992, M. BONIFACE a loué ses services à la C.I.D.I. pour la campagne cotonnière 1992 – 1993 en qualité d’aide chauffeur sur le camion n° 4074 ;

Qu’en outre lors de la mise en état ordonnée par le Tribunal du travail de Bouaké, M. BONIFACE a reconnu qu’il était lié à la C.I.D.I. par un contrat de travail saisonnier en ces termes ; « J’effectuais un contrat saisonnier qui pourrait durer 7 à 8 mois pour l’année. Après je bénéficiais d’un congé de 3 à 4 mois et je reprenais l’année suivante » ;

Que ces propos ont été confirmés par M. GUE, chauffeur titulaire à la CIDI et patron de M. BONIFACE ;

Qu’en effet au cours de l’enquête il précisait « Il était mon aide-chauffeur depuis 1986 à 1993. Nous travaillons avec un véhicule cotonnier, c’est-à-dire que nous étions chargés du transport, du coton pendant chaque saison.

L’embauche de l’aide chauffeur se fait par un contrat saisonnier. A la fin de la saison, l’employeur le libère après lui avoir payé ses droits de rupture » ;

Considérant qu’expliquant les circonstances de la rupture du contrat de travail de son collaborateur, M. BLI a spécifié : « en 1993, j’ai été affecté sur un camion semi-remorque et j’ai pu obtenir de mon employeur que le demandeur me rejoigne sur ce camion dans l’objectif de lui trouver un emploi permanent. Mais sur insistance du patron, M. SIA, j’ai dû céder mon aide-chauffeur à MOUSSA pour reprendre le sien qui était un aide-chauffeur permanent. C’est ainsi que quelques instants après SEYDOU, le responsable des chauffeurs, estimant que le contrat saisonnier du demandeur étant venu à expiration, y a mis fin de façon définitive. Malgré mon insistance, il n’a pu retrouver son emploi » ;

Considérant en outre que M. BONIFACE qui, dans ses écritures subséquentes, prétend être engagé sous contrat à durée indéterminée ne produit aucune pièce dans ce sens ;

Qu’au contraire, les documents versés au dossier corroborent qu’il était sous contrat de travail à durée déterminée, c’est le cas de ses bulletins de paie et de sa carte professionnelle ;

En effet au titre de l’année 1992, M. BONIFACE n’a pu produire que ses bulletins de salaire des mois de : avril, juin, juillet et août quant il n’exhibait pour l’année 1993 que ceux des mois de janvier à août ;

Que par ailleurs s’il est constant qu’il a produit une carte professionnelle, il n’est pas moins constant que celle-ci n’est valable que pour la campagne 1993 ;

Considérant qu’il suit de là que le travailleur n’a pas été licencié mais que son contrat de travail est venu à expiration à la fin de la campagne 1992-1993 conformément à l’accord des parties qui stipule entre autres qu’au terme du présent contrat, M. BONIFACE percevra sa rémunération de congé calculée sur la base de la période de référence et son salaire de présence à l’exclusion de toute autre indemnité » ;

Or considérant que suivant les écritures de son bulletin de paie du mois d’août 1993, il a perçu la somme de 24.243 francs au titre de ses congés payés ;

Qu’il s’ensuit que son contrat de travail est venu effectivement à échéance en août 1993 et que la CIDI a respecté ses obligations vis-à-vis de son ex-employé ;

Considérant que M. BONIFACE n’ayant pas été licencié contrairement à ses affirmations ne peut prétendre à aucun autre droit encore moins à des dommages-intérêts qui sanctionnent un licenciement abusif ;

Considérant que le premier Juge ayant statué dans ce sens, son jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort ;

Vu les conclusions écrites du Ministère Public ;

EN LA FORME :

Déclare recevable l’appel régulièrement interjeté le 15 mai 1995 par Me HE pour M. BONIFACE contre le jugement social contradictoire n° 108 du 04 mai 1995 rendu par le Tribunal du travail de Bouaké ;

AU FOND :

L’y disant mal fondé, confirme en toutes ses dispositions le jugement à tort querellé. Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Bouaké (Côte d’Ivoire) les jour, mois et an que dessus ;

Et ont signé le Président et le Greffier.

LE PRESIDENT