ARRÊT DU 24 JUIN 1998 DE LA COUR D’APPEL DALOA

Licenciement – Licenciement légitime – Ivoirisation des postes – Motif sérieux et légitime (oui).

Constitue un motif sérieux et légitime de licenciement, l’ivoirisation des postes décidée par l’autorité de tutelle de l’employeur. Par conséquent le licenciement n’est pas abusif

La Cour,

Considérant que par arrêt avant-dire-droit N° 112 en date du 10 juin 1998, la Cour d’Appel de céans a reçu l’appel de T., professeur domicilié à Gagnoa, contre le jugement N° 16 rendu le 16 avril 1998 par le Tribunal du travail de Gagnoa dans la cause qui l’opposait à son ex-employeur représenté par son fondateur et ayant pour Conseil Maître M.., Avocat à la Cour ;

Considérant que le dispositif du jugement querellé a été ainsi libellé :

« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de conflit individuel de travail et en premier ressort ;

– Déclare T. recevable en sa demande comme régulière en la forme ;

– Dit qu’une conciliation est déjà intervenue sur l’indemnité de licenciement, les congés-payés, les salaires des jours de préavis; – Condamne cependant l’employeur à lui payer les sommes de :

* 417 854 francs à titre de reliquat des sommes dues ;

* 34.776 francs à titre de la prime d’ancienneté ;

* 106.703 francs à titre de gratification ; soit la somme globale de 559.333 francs ;

– Le déboute du surplus de sa demande… » ;

Considérant que la cause revient à la date de ce jour pour être statué sur le fond ;

Considérant que T. fait valoir en cause d’appel que les premiers Juges ont omis de statuer sur certains chefs de ses demandes et ce, parce qu’ils se sont à tort fondés sur un décompte incomplet de ses droits de rupture établi par l’Inspecteur du Travail et des Lois Sociales de Gagnoa, lequel décompte d’ailleurs, en saurait valoir procès-verbal de conciliation en bonne et due forme ainsi qu’ils l’ont prétendu ;

Qu’il sollicite donc l’infirmation du jugement rendu pour voir la Cour statuer à nouveau sur ses réclamations ;

Considérant que l’employeur, par le canal de son Conseil Maître M…. sus-indiqué, a déclaré qu’il reprend ses premières conclusions et sollicite la confirmation de la décision querellée ;

Qu’aux termes desdites conclusions, il argumente qu’il a été contraint pour respecter les décisions du Ministère de l’Education Nationale de se séparer de son ex-employé T., étranger de nationalité, qui exerçait à son service comme professeur de sciences physiques; Que ce dernier étant délégué du personnel suppléant, il avait dû d’abord obtenir l’autorisation de le licencier, conformément aux lois en vigueur, de l’inspection du travail ; Que ce faisant, il soutient que c’est légitimement que le contrat de travail de T. a été rompu ;

Qu’en ce qui concerne les droits de rupture, l’employeur indique que la gratification réclamée n’est pas un droit à payer obligatoirement par l’employeur et qu’elle n’est octroyée, au gré de l’employeur, qu’à ses travailleurs les plus méritants ;

Que pour les primes d’ancienneté et dommages-intérêts, elle persiste à dire que le licenciement n’est en réalité pas de son fait et que seul le Gouvernement en est responsable;

Qu’elle a donc demandé au Tribunal de ne se conformer qu’au calcul des droits fait par l’inspection du travail et de débouter, en conséquence, son ex-employé de ses prétentions au titre des primes d’ancienneté, de gratification, d’indemnité spéciale de délégué du personnel et de dommages-intérêts ;

DES MOTIFS

Considérant que, bien qu’ayant déclaré se reporter à ses conclusions de première instance aux termes desquelles, l’employeur, intimé, contestait à T. Les droits de gratification, d’ancienneté, lesquels lui ont pourtant été accordés par la décision querellée, il a sollicité en appel la confirmation de ladite décision ;

Que la Cour retient donc que l’intimé a sollicité la confirmation du jugement querellé et considère donc que l’allocation à l’appelant desdits droits n’est pas critiquée ;

Considérant qu’il reste donc à la Cour à statuer sur les prétentions de l’appelant relatives au caractère de son licenciement, à l’indemnité spéciale de délégué du personnel et autres droits calculés par l’Inspection du Travail sur lesquels le Tribunal a considéré qu’une conciliation définitive était intervenue ;

1 – SUR LE LICENCIEMENT ET LES DOMMAGES-INTERETS

Considérant que le licenciement de T. est intervenu suite à des circulaires du Ministère de l’Education Nationale, autorité de tutelle de l’employeur, portant ivoirisation des postes d’enseignants dans l’enseignement secondaire privé en date du 03 mars et 23 juin 1994 ;

Que s’il est réel que l’une de ces circulaires, notamment celle en date du 23 juin 1994 mentionnait que seuls les non ivoiriens titulaires d’une licence en Mathématiques et en Sciences physiques pouvaient bénéficier d’une autorisation annuelle, il demeure qu’il ne s’agissait là que d’une simple dérogation, d’une faculté offerte aux chefs d’établissements dont ne pouvaient se prévaloir les enseignants non ivoiriens aux contrats de travail desquels l’Etat Ivoirien demandait de mettre fin dans l’ensemble ;

Considérant que l’ivoirisation de l’emploi dans les circonstances sus-indiquées constitue un motif sérieux et légitime de licenciement ;

Que le licenciement intervenu de T. n’est donc pas abusif ;

Considérant que le licenciement intervenu pour cause légitime ne peut donner lieu à des dommages-intérêts ;

Que l’appelant est donc mal fondé en ce point et il conviendra de confirmer le jugement querellé ;

2 – SUR L’INDEMNITE SPECIALE DE DELEGUE

Considérant qu’il ne peut être valablement contesté qu’au moment de son licenciement, T. était délégué du personnel ;

Que contrairement à ces prétentions cependant, il résulte de la procédure que pour le licencier, l’employeur a obtenu en date du 29 mai 1997 une autorisation de l’Inspecteur du Travail et des Lois Sociales de Gagnoa conformément à l’article 61.7 du Code du Travail ;

Que ces prétentions quant à l’indemnité spéciale de délégué du personnel ne peuvent donc prospérer et il y a lieu de confirmer le jugement querellé sur ce point ;

3 – SUR LA CONCILIATION ET DES DROITS CALCULES PAR L’INSPECTION DU TRAVAIL

Considérant que contrairement aux motivations du jugement querellé, la pièce émanant de l’Inspection du Travail et Lois Sociales de Gagnoa portant le N° 365/BEFPPS/G du 06 novembre 1997 et intitulée « décompte des droits de licenciement de Monsieur T., … » ne peut être assimilé au procès-verbal de règlement amiable de l’Inspecteur du Travail et des Lois Sociales prévu à l’article 81.4 du Code du Travail ; Qu’il ne peut donc être dit qu’il y a eu règlement amiable définitif sur les indemnités de licenciement, de congés-payés et des salaires de jours de libertés non observés pendant la période de préavis ;

Considérant cependant que l’employeur a déjà été condamné au paiement de ces droits par le jugement querellé ;

Que T. ne conteste que le montant de l’indemnité de congés-payés ;

Considérant toutefois qu’il résulte de l’article 31 alinéa 4 de la Convention Collective de l’Enseignement privé laïc à laquelle fait allusion l’appelant lui-même que « l’enseignant qui quitte définitivement son poste bénéficiera d’une allocation de congé payé égale au douzième du salaire perçu depuis le début de l’année scolaire en cours ;

Quel tel est le cas de l’appelant dont l’indemnité querellée a donc été à juste titre fixée à la somme de 118.118 francs ; Qu’il sera, en conséquence débouté de ce chef ;

Considérant qu’il résulte au total de ce qui précède que l’appelant est mal fondé et le jugement querellé doit être confirmé en tous ses points, mais par substitution des motifs en ce qui concerne les indemnités de licenciement, de congés payés et les salaires de jours de liberté non observés pendant le préavis.
LE PRESIDENT