ARRET DU 18 MARS 1999 DE LA COUR SUPREME, CHAMBRE JUDICIAIRE

Contrat de travail – Modification substantielle par l’employeur – Abus – Rupture – Rupture imputable à l’employeur

La décision unilatérale de l’employeur, de ne plus payer au mois le travailleur mais de le rémunérer au rendement, s’analyse comme une modification substantielle du contrat de travail. Elle constitue un abus et met la rupture qui s’en est suivie à la charge de l’employeur

LA C O U R,

Vu le mémoire produit ;

Sur le Premier moyen de cassation tiré de la violation de l’article 41 du Code du Travail ancien

Attendu, selon les énonciations de l’arrêt attaqué (Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre Sociale:18 juillet 1996 que B. a été engagé le 19 avril 1984 par Dame T. en qualité de tailleur moyennant un salaire mensuel de 100 000 Francs ramené plus tard à 80 000 Francs; que le 09 Mai 1994 une rupture du contrat de travail intervint suite au refus opposé par le Travailleur à la décision unilatérale de l’employeur de le rémunérer désormais au rendement;

Attendu que par arrêt social contradictoire n0 949 du 18 juillet 1996 réformant le jugement social n0 503 du 15 Mai 1995 rendu par le Tribunal du Travail d’Abidjan qui a condamné l’employeur à payer à B. la somme de 160 000 Francs à titre d’indemnité de préavis et débouté le même travailleur du surplus de sa demande, la Cour d’Appel a déclaré le licenciement abusif et condamné l’employeur à payer au travailleur :

160 000 Francs à titre d’indemnité de préavis ;

263 555 Francs à titre d’indemnité de licenciement ;

1 000 000 Francs à titre de dommages-intérêts ;

Attendu qu’il est fait grief à la Cour d’Appel d’avoir, après la constatation que la rupture du contrat était imputable à l’employeur, omis d’indiquer expressément le motif allégué par l’employeur au soutien de sa mesure de licenciement alors, selon le pourvoi, que l’article 41 al 3 du Code du Travail Ancien exige que “le jugement devrait mentionner expressément le motif allégué par la partie qui aura rompu le contrat”, que, pour ne l’avoir pas fait la Cour d’Appel a violé le texte visé au moyen ;

Mais attendu qu’en retenant que la décision de l’employeur qui s’analyse comme une modification substantielle du contrat de travail constitue un abus et met la rupture qui s’en est suivie à sa charge, la Cour d’Appel qui s’est ainsi conformée aux prescriptions de l’article 16 al 12 de la Convention Collective n’a pas violé le texte visé au moyen ; d’où il suit que celui-ci n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen de cassation tiré du défaut de base légale résultant de l’absence de l’insuffisance de l’obscurité ou de la contrariété des motifs ;

Attendu qu’il est reproché à la Cour d’Appel d ‘avoir, d’une part, en mettant la rupture du contrat à la charge de l’employeur sans préciser le texte applicable et d’autre part en faisant application de l’article 116 du Code du Travail sans faire mention du contenu du texte, manqué de donner une base légale à sa décision ;

Mais attendu qu’en énonçant que la décision de l’employeur de rémunérer désormais B. au rendement s’analyse comme une modification substantielle du contrat de travail et constitue un abus mettant la rupture qui s’en est suivie à la charge dudit employeur, il est sans conteste que la Cour d’Appel a entendu appliquer l’article 16 al 2 de la Convention Collective en vigueur à cette époque et qui dispose que”… lorsque la modification doit entraîner pour le travailleur une diminution des avantages dont il bénéficie et qu’elle n’est pas acceptée (décision de l’employeur) la rupture du contrat est réputée être à la charge de l’employeur ” ;

Que le moyen n’est pas fondé ;

Attendu qu’il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi doit être rejeté

LE PRESIDENT