PROFESSEUR KENGUEP EBENEZER – EXPERT EN DROIT MARITIME ET AERIEN – MAÎTRE DE CONFERENCE A L’UNIVERSITE DE DOUALA – CAMEROUN

LE DROIT MARITIME ET AERIEN

 

Pendant vos études universitaires qu’est ce qui a déterminé votre choix de vous spécialiser en Droit Maritime et aérien et d’en devenir un expert ?

Plus qu’une spécialité, le Droit Maritime est d’abord une passion pour moi puisque dès ma tendre enfance, j’avais pris l’habitude d’aller assister mes parents à l’ancien marché « beach » de Douala situé sur les berges du fleuve Wouri. Mais le véritable déclic arrive plus tard lorsque je suis appelé à rédiger une Thèse de Doctorat en Droit. Ayant constaté que la majorité de mes camarades d’Université s’orientaient vers le Droit du travail qui était très apprécié à l’époque, j’ai décidé, contre l’avis de mon Directeur de Thèse qui me proposait un sujet en Droit de la prévoyance sociale, de me spécialiser en Droit Maritime. J’estimais en effet qu’il s’agissait d’une occasion idoine pour échapper aux domaines classiques du droit qui étaient déjà l’apanage de nos enseignants.

L’actualité aidant, je me suis emparé de l’une des plus grandes problématiques du secteur maritime qui consiste à rechercher l’équilibre entre les intérêts des armateurs composés de pays du « Nord » et ceux des chargeurs constitués essentiellement de pays africains, afin de proposer quelques solutions pratiques et géostratégiques pour la relance de l’armement maritime en Afrique.

Par la suite, dans le but de donner une dimension pratique à mes travaux et à mes propositions, j’ai sollicité et obtenu d’effectuer un stage professionnel de trois (3) ans et demie au Cabinet de Maître MBOUCK Guillaume, Expert en avaries maritimes et risques divers, agréé en 1985 par la Chambre Nationale des Experts Techniques du Cameroun. Initialement de six mois au cours desquels je devais m’imprégner des techniques de ce métier très peu connu à cette époque, mon séjour y a été prolongé à la demande du promoteur du Cabinet.

Ces moments particulièrement intenses de mon parcours m’ont permis de maîtriser les aspects pratiques du précontentieux maritime et de les consigner par écrit dans un rapport dactylographié et déposé au Cabinet, ce qui ouvrait déjà la voie à une carrière d’Expert technique.

Après l’obtention de mon Doctorat en Droit Maritime et Transports en janvier 2003, j’ai continué à m’investir abondamment dans ce domaine où je me suis illustré par de très nombreuses publications au rang desquels de nombreux supports de séminaires de formation sur le contentieux maritime et portuaires animés dans plusieurs villes du Cameroun, trois (3) ouvrages de Droit des Transports et près d’une vingtaine d’articles spécialisés publiés dans des revues de renommée internationale telles que la Revue Juridis Périodique du Cameroun, la Revue Scapel de Marseille où j’ai effectué une partie importante de mes travaux de recherche, la Revue DMF ou encore l’Annuaire de Droit Maritime et Océanique (ADMO) de Nantes pour ne citer que ces exemples.

Pour couronner le tout, j’ai sollicité et obtenu en décembre 2009, un agrément d’Expert Maritime auprès de l’Organisation Internationale des Experts (ORDINEX/ONU) et d’Expert Judiciaire près la Cour d’Appel du Littoral et les Tribunaux de Douala, suite à un Arrêté du Ministre de la Justice, Garde des sceaux. Aujourd’hui, j’exerce comme Professeur de Droit à l’Université de Douala et Expert Judiciaire en Cabinet.

En quelques mots quel est le rôle d’un l’Expert Judiciaire en aérien dans un procès ?

Au sens de l’article 2 de la loi N° 90/37 du 10 août 1990 relative à l’exercice et à l’organisation de la profession d’Expert Technique au Cameroun, l’Expert Judiciaire est un professionnel libéral susceptible d’intervenir dans un procès à la demande de toute personne physique ou morale intéressée y compris le Juge pour : faire des constats de dommages ou d’avaries subis par des biens de toute nature ou leurs dérivés ; déterminer l’origine, la consistance et la valeur de ces dommages ou avaries.

Il a le monopole de l’exercice de ces activités (art. 3).

Pensez-vous que le droit maritime et aérien soit des domaines porteurs en Afrique et principalement au Cameroun ?

Le slogan que je défends depuis quelques années et que j’essaye de faire comprendre à l’ensemble de la communauté nationale est que : « l’avenir du Cameroun est dans la mer ». Il est donc impossible de se développer sans accorder une place prépondérante au transport et à la logistique, son pendant économique. Pour s’en convaincre, il suffit de noter d’une part, que la mer non seulement occupe 70% de la surface de la terre mais aussi et surtout elle est un gigantesque réservoir de ressources biologiques et un impressionnant gisement de matières premières et de biodiversité.

D’autre part, la mer est au centre du commerce international puisqu’elle permet d’assurer pratiquement les quatre cinquièmes des échanges intercontinentaux de marchandises. A titre illustratif, 90% des échanges planétaires transitent par la mer, 95% des communications mondiales sont acheminées par des réseaux sous – marins tandis que 90% des transports se réalisent par la mer, elle – même génératrice d’activités aériennes et de transit routier vers les pays de l’hinterland. La mer est enfin le lieu de convergence de tous les autres modes de transport et de toutes les activités économiques, ce qui accroît le développement inéluctable de la pêche, du tourisme et des infrastructures routières, ferroviaires, fluviales et aériennes.

Au vu de tout ce qui précède, il est facile de conclure que la gouvernance mondiale de la mer et de ses ressources est devenue indispensable car « notre avenir tous en dépend » et que les transports autant que la logistique sont au centre de toutes les activités économiques de ce siècle puisque même l’économie numérique a son avenir dans la mer.

Dans ces conditions, force est de constater que les métiers du futur sont ceux qui intègrent la maîtrise des transports et de la logistique comme une priorité absolue.

Quelle est la cible principale des séminaires sur le droit Maritime que vous dispensez ?

Notre prochain séminaire s’adresse prioritairement aux Magistrats et Avocats ainsi qu’à tous les professionnels du secteur des transports maritimes tels que les responsables des services juridiques, les assureurs, les transitaires, les commissionnaires de transport, etc…, le but étant non seulement de faciliter l’accès à la nouvelle réglementation communautaire mais également d’attirer leur attention sur les grands axes de la réforme intervenue dans la cadre du nouveau Code de la marine marchande de la CEMAC.

Par ailleurs, en portant le débat au cœur de la capitale du pays, j’entends attirer l’attention de la Haute Administration de la République sur la dimension géostratégique des transports maritimes et la nécessité de construire le développement socio – économique du Cameroun à partir d’un pôle maritime qui aura vocation à être la plus grande attraction économique du Golfe de Guinée.

Professionnellement, dans quelle fonction vous vous sentez le mieux, le Consulting ou l’enseignement ?

A dire vrai, je suis Enseignant par vocation, dans le souci de transmettre un état d’esprit nécessaire à l’épanouissement intellectuel et humain de la jeunesse africaine si bien que le Consultant que je suis, par ailleurs, est un praticien pétri d’expériences qui a également une stratégie de réussite personnelle et professionnelle à communiquer aux praticiens.

Je suis franchement heureux de pouvoir côtoyer les sommets théoriques et pratiques du secteur des transports maritimes lesquels font de moi un homme épanoui qui se souvient des paroles d’un illustre africain qui affirmait à juste titre que « la théorie sans la pratique est vide et que la pratique sans la théorie est aveugle ». Je suis satisfait de constater que nos universités nous emboîtent désormais le pas en s’orientant résolument vers la professionnalisation des enseignements, afin de corriger les nombreuses et lamentables lacunes du passé, héritées de la colonisation.

Vos productions intellectuelles semblent très appréciées par les professionnels du droit et aussi par les autres professions. Quels sont vos prochains challenges?

Je suis toujours en chantier pour la simple et bonne raison que l’écriture ou le travail selon Voltaire, éloigne de nous trois (3) grands maux : l’ennui, le vice et le besoin.

Je viens de commettre un article scientifique sur les réformes du Droit Maritime en CEMAC, qui sera bientôt publié dans l’une des revues que j’ai citées plus haut. Mon prochain ouvrage, qui est déjà très avancé, sera bientôt achevé et en exclusivité, je vous annonce qu’il est intitulé « Le Droit Maritime CEMAC à l’ère de la réforme ».

Dans le même temps, je suis entrain de finaliser un programme de formation professionnelle continue qui démarre le 31 octobre 2016 sur « Le Droit et le contentieux des transports maritimes ».

Chaque session s’étalera sur une période de Huit (8) semaines avec un maximum de 10 candidats. Le but de cette formation est de fournir des outils juridiques nécessaires aux Magistrats, Avocats et Cadres du secteur des transports maritimes afin de les préparer à mieux affronter l’abondant contentieux maritime qui se prépare.

Source : www.tribunejustice.com