MONSIEUR STEPHANE LARRIERE – JURISTE D’ENTREPRISE – FRANCE

LA PLACE DE LA CHOSE JURIDIQUE AU SEIN DES PROJETS INFORMATIQUES

 

Stephane LARRIERE, pouvez-vous vous présenter ? Quel est votre parcours ?

Je suis Stéphane Larrière. J’ai 44 ans et suis juriste d’entreprise depuis près de 15 ans. Après une expérience en cabinet d’avocats, j’ai choisi d’exercer ce métier en entreprise. Il s’agissait pour moi, de me rapprocher du business afin d’agir au plus proche des problèmes de droit qui se posent aux entreprises.

Spécialisé en droit des nouvelles technologies et du numérique, j’ai donc travaillé près de 7 ans chez un opérateur télécom, et puis chez un des leader mondial des services informatiques chez qui je travaille actuellement.

En tant que juriste spécialisé dans un domaine aussi évolutif que les nouvelles technologies, j’ai l’occasion de pouvoir être un véritable acteur du droit et de façonner le droit de demain. C’est passionnant !! D’autant plus, qu’exerçant à l’international, j’ai la chance de pouvoir être un observateur privilégié des mouvements qui s’opèrent et des tendances qui se dégagent en matière de contrats et de technologies.

Au cœur du business, que ce soit du côté des vendeurs ou des acheteurs, mon travail consiste à conseiller et à accompagner les opérationnels au quotidien dans leurs activités et leurs prises de décision en France et à l’international : négociation, gestion des accords contractuels, contentieux mais aussi aide à la compréhension des environnements réglementaires, constituent le cœur de mon activité.

J’insiste sur le terme « accompagner » car le droit, comme les contrats ne doit pas être la « chose » des juristes. Aujourd’hui, le droit imprègne complètement l’entreprise et les affaires. Il est à la fois un puissant outil de protection des intérêts de l’entreprise et un régulateur de la relation. De fait, les opérationnels doivent aussi faire leur, l’écosystème juridique et réglementaire dans lequel ils évoluent. Il s’agit, pour eux, d’éviter qu’ils ne soient rattrapés par le droit avec des conséquences dommageables mettant en danger leur activité. Le juriste prend toute sa place pour les épauler dans cet exercice.

Pourquoi les informaticiens ont ils besoin des juristes ? Quels sont les enjeux de la chose juridique dans le monde très technique des projets informatiques ? 

Les grandes démocraties et en particulier la France, sont sujettes à une inflation législative. Le droit se niche donc partout.

Quelques chiffres pour saisir l’ampleur du phénomène : le Journal Officiel (le support de publication des textes en vigueur) est passé de 15 000 pages dans les années 1980 à 23 000 pages annuelles ces dernières années. Près de 9 000 lois et 120 000 décrets étaient déjà en vigueur en 2000 et ils s’enrichissent de plus de 70 nouvelles lois, 50 ordonnances et 1 500 décrets par an.

A ce mille feuilles législatif s’ajoutent une complexité des textes et un rythme (lent) du droit dont s’accommode assez mal l’évolution rapide des technologies et leur usage. Il ne fait donc pas de doute que, comme les autres, les informaticiens évoluent dans un monde pavé de droits. Ils doivent désormais intégrer le droit dans l’exercice de leur métier. Il ne s’agit pas d’une contrainte. Le droit est désormais un paramètre comme un autre. Il doit être appréhendé comme tel. A défaut, les informaticiens pourraient faire du droit sans le savoir et se retrouver dans des situations très dommageables pour leurs activités.

Qu’en serait-il d’un projet qui ne respecterait pas le droit des données personnelles en laissant stocker des données en Inde sans l’accord des clients concernés ? Qu’en serait-il encore d’un projet informatique bâti autour d’un logiciel open source, sans en respecter les droits de licence et violant ainsi le droit de la propriété intellectuelle? Qu’en serait-il enfin d’une sous-traitance qui se relèverait être un délit de marchandage de main d’œuvre ?

Dans chacun de ces cas, il existe des risques de condamnation civile ou pénale : peines de prison, amendes, allocations de dommages et intérêts. A ces risques, s’ajoute aussi aujourd’hui le risque de réputation. Il peut naître d’un bad buzz dont le retentissement exponentiel par les réseaux sociaux peut mettre à mal la crédibilité et l’image de marque de l’entreprise mais aussi jeter le discrédit sur ses protagonistes. Et quand la confiance est entamée….

Donc oui, les acteurs du monde l’informatique et du digital doivent travailler avec leurs juristes pour éviter ce type de déboires !

Quelle évolution avez-vous noté au cours de ces dernières années ? Les juristes ont ils plus ou moins de travail qu’il y a 20 ans ? Est ce que les sujets sont les mêmes ? 

Les normes se multiplient et évoluent. Les technologies et la nature des projets aussi : la digitalisation, le cloud, la virtualisation, les réseaux sociaux, le big data modifient en profondeur nos manières de conduire les projets et de travailler. Et nous n’en sommes qu’aux prémices…

Bien entendu, ils affectent aussi les juristes et leur pratique du droit. Ils doivent repenser leurs concepts, adapter leurs contrats à ces nouvelles réalités techniques et anticiper les difficultés qui risquent de survenir. Ainsi, l’emploi des réseaux sociaux dans la conduite des projets d’intégration modifie le déroulé des recettes. Juridiquement, il nécessite aussi l’aménagement de règles de preuve appropriées, pour être efficaces entre des parties en différend. La mise en route d’un projet de cloud nécessite de s’interroger sur la localisation des serveurs, la nature des données, et leur circulation qui doit par le jeu de sauvegardes respecter le droit applicable.

Dans ce contexte, le métier de juriste spécialisé en nouvelles technologies évolue aussi. S’il a tout autant de travail qu’il y a 20 ans, son travail est très différent : il ne peut se contenter de dire le droit mais doit communiquer, informer, former au droit applicable, mais aussi au droit à venir et aux risques. Maîtrise de son expertise, pratique affûtée du droit, appréciation rapide des situations mais aussi compréhension de l’environnement digital et technique sont devenus impératifs à l’exercice de ce métier.

Vous êtes l’auteur d’un site LaLoidesParties.fr. Pouvez-vous nous en parler ? Pourquoi ce site ?

J’ai décidé de lancer « La Loi des Parties » à titre privé, en dehors de mon cadre professionnel. A travers ce blog, je souhaite, en toute humilité, faire partager les perceptions et les interrogations du professionnel du droit et de la négociation.

En effet, à l’épreuve des nouvelles technologies disruptives, de la crise et de la mondialisation, de nouvelles pratiques et tendances affectent la dimension juridique du contrat et des négociations. Il faut y réfléchir et se faire acteur de ces évolutions.

L’objectif de « La Loi des Parties » est d’éclairer, de sensibiliser à ces phénomènes et ainsi contribuer à une meilleure diffusion du droit. Un droit plus diffusé, mieux partagé, contribue à une montée générale en compétences pour une meilleure compréhension et une pratique du droit plus fluide et plus efficace dans les affaires. C’est l’ambition de La Loi des Parties.

Qu’est ce qui vous a motivé à accepter le partenariat avec le site Projets informatiques ? 

Outre l’appétence que j’entretiens avec ce secteur d’activité dans lequel j’exerce mon métier, j’ai accepté ce partenariat avec « Projets informatique » parce que tout en étant simple, pédagogique et accessible,

« Projet informatique » est un site crédible et sérieux sur la gestion de projet. Son approche qui consiste à vouloir compléter son contenu éditorial par une rubrique juridique en atteste. Elle me paraît plus que pertinente ! Elle est essentielle, tant le droit est désormais une composante à part entière des projets IT (contrat, données personnelles, propriété intellectuelle etc.)!!

Cette rubrique à laquelle je suis heureux de contribuer permettra aux professionnels des projets IT de se familiariser avec le ou les droits qui s’appliquent à leur métier. Ces informations les aideront, à prendre conscience des problèmes qu’ils peuvent rencontrer et à les anticiper. Ils devraient aussi pouvoir trouver des réponses à leurs questions pour une prise de décision plus éclairée. Elle améliorera ainsi la gestion des risques en intégrant les possibles conséquences juridiques.

La gestion et le déroulé du projet n’en seront que plus sereins, l’exécution du contrat aussi. Une autre ambition que partage la « La Loi des Parties ».

Source : www.projetsinformatiques.com