MAÎTRE BENJAMIN BRAFMAN

Benjamin Brafman ou Ben né le 21 juillet 1948 à New York est un avocat pénaliste américain.

Juif orthodoxe, né de parents qui ont survécu à l’Holocauste, il a grandi dans un quartier pauvre de New York, pris des cours du soir pour pouvoir entrer à l’université et gagné un temps sa vie en tant que comédien de one-man-show.

Contrairement aux autres ténors du barreau new-yorkais, il n’a pas étudié dans une université prestigieuse de la côte Est mais à l’université de l’Ohio où il a obtenu son diplôme de droit. Après avoir fait le va-et-vient entre la magistrature et des cabinets d’avocats, il a commencé à se faire connaître en défendant des membres du crime organisé.

En effet Benjamin Brafman a été procureur adjoint à Manhattan durant quatre ans, avant de s’inscrire au barreau de New York et ouvrir son propre cabinet, Brafman and Associates.

Benjamin Brafman a eu pour clients très médiatisés, Mickael Jackson, accusé d’attentat à la pudeur sur un enfant. Parmi ses victoires médiatiques, on compte aussi l’acquittement du chanteur Sean Combs, alias P. Diddy, inculpé pour port d’arme illégal. A son tableau, on peut ajouter la défense du rappeur J-Zay, accusé en 1999 d’agression sexuelle, des mafieux ou des patrons de boîtes de nuit.

C’est déjà une stratégie en soi dans la procédure américaine que d’aller jusqu’au procès, plutôt que de plaider coupable avant. Or, «contrairement à de nombreux collègues qui cherchent à éviter des procès à leurs clients, M. Brafman brille au tribunal, où il arrache des acquittements contre toute attente», rapportait le New York Times en 2004.

C’est d’ailleurs un de ces acquittements qui a lancé sa carrière, il y a plus de vingt ans: en 1985, Benjamin Brafman défend le «petit» accusé d’un gros procès de la mafia new-yorkaise, où dix membres de la célèbre famille Gambino sont sur le banc des accusés.

Il diminue même ses tarifs pour Anthony Senter, inculpé pour meurtre, expliquant que c’était sa chance de se faire un nom dans la cour des grands. Lorsqu’il réussit à faire acquitter son client de 21 des 22 chefs d’accusations qui pesaient contre lui, alors que six autres accusés sont tous condamnés à des peines de prison, sa renommée est assurée.

Pour autant, Brafman n’est pas opposé à l’idée d’éviter un procès, dans les cas où cela s’impose: il aurait par exemple préféré que Richard Zinaman, un dentiste accusé d’avoir abusé sexuellement de trois patientes sous anesthésie, accepte un accord de plaider-coupable qui lui aurait évité la prison. Son client a voulu malgré tout aller jusqu’au procès, où il a pris trois à six ans de prison.

Simplement, «sa stratégie est d’apparaître aux yeux du ministère public comme totalement prêt à aller au procès», décrypte le professeur de droit à l’université de Fordham James A. Cohen. «Il ne semble pas avoir peur d’y aller, et je ne pense pas qu’il ait peur, mais il conseillera à ses clients de plaider coupable si l’affaire se présente trop mal.»

Pour l’instant, les avocats de DSK ont dit et répété qu’il irait au procès, et ce depuis leur première intervention médiatique le dimanche suivant son arrestation.

Dernière affirmation en date, celle de Benjamin Brafman à TF1: «On en est encore au premier stade de la procédure mais au regard de ce que j’ai vu jusqu’ici dans le dossier, je suis confiant. S’il a droit à un procès équitable à la fin des audiences, il sera acquitté. Sur la foi des enquêtes que nous avons menées nous-mêmes, nous pensons que les accusations vont se révéler fausses.»

Etre un bon avocat de procès, ça veut dire exceller à l’exercice de «cross-examination», c’est à dire l’interrogation des témoins appelés à la barre. «La clé des procès criminels», explique James A. Cohen, «c’est d’être capable de cross-examiner les témoins de l’Etat. C’est la qualité la plus importante dans la plupart des affaires». Parce que «s’il ne peut pas faire en sorte qu’on ait l’impression que la femme de chambre dit des choses fausses, DSK sera condamné».

Tout l’art de la cross-examination réside donc dans la capacité à faire croire/voir au jury que les témoins appelés par le procureur mentent ou ne sont pas crédibles.

Et Me Brafman est un spécialiste de la cross-examination. James A. Cohen a failli lui-même en faire les frais lors d’un procès de mafieux où Brafman défendait un accusé et Cohen représentait un témoin qui coopérait avec le gouvernement: «Il essayait de suggérer que mon client, le témoin à la barre, était responsable du meurtre dont son client était accusé. Mon client a fini par se rendre compte qu’il était en train d’être accusé par l’avocat et il s’est secoué et s’est défendu de manière convaincante, mais Brafman était en train de suggérer au jury que mon client avait tué le type et qu’il rejetait le crime sur l’accusé.»

Si Benjamin Brafman n’arrive pas à manipuler les témoins lors de la cross-examinationjusqu’à ce point dans l’affaire DSK, il tâchera au moins les décrédibiliser au maximum. C’est ce qu’il avait fait lors du procès de Sean Combs, accusé de possession illégale d’arme à feu et de corruption, en 2001, en lâchant aux jurés:

«Ils veulent que vous condamniez sur la base de ce qu’ont dit deux macs, un père mauvais payeur et deux gars dans une boîte qui ont des versions et des procès qui se contredisent, des témoignages qui n’ont ni logique, ni mérite et n’ont aucun sens.»

Les «deux macs» étaient deux hommes qui travaillaient pour une entreprise de call-girls, qui avaient retrouvé par terre ce que le procureur affirmait être un pistolet jeté de la voiture de P.Diddy. Le «père mauvais payeur» était le chauffeur du rappeur, qui l’accusait d’avoir voulu le payer pour qu’il prenne l’arme à feu et qui, d’après Brafman, devait plus de 30.000 dollars de pension alimentaire. Sean Combs est sorti du procès acquitté.

Cette capacité à faire en sorte que sa théorie se retrouve dans la bouche des témoins qu’il interroge, ou au moins à les décrédibiliser est cruciale: c’est au procureur de prouver la culpabilité de l’accusé «au delà d’un doute raisonnable». Si la défense parvient à créer ce doute raisonnable, il peut faire en sorte que le jury acquitte l’accusé.

Face au témoin principal de l’affaire, la femme de chambre, Brafman pourrait utiliser les deux leviers: profiter du budget peu limité de son client pour enquêter un maximum sur la vie de l’accusatrice avant que l’affaire éclate, et se saisir des moindres velléités qu’elle pourrait avoir d’intenter un procès au civil pour la dépeindre comme une menteuse seulement intéressée par l’argent, par exemple.

Jeffrey Shapiro, l’avocat de la femme de chambre, a pris soin de dire à Reuters qu’il n’y avait «pas eu de discussion» sur un potentiel procès au civil, tout en soulignant au passage le tort fait à sa cliente: «On ne l’envisage pas et on n’en a pas parlé. Je l’aide à tenir jour après jour.»

«Elégant manipulateur» ou «charmeur de jury» pour le New York Times, Benjamin Brafman a «un style auquel les jurés sont réceptifs. Il ne leur parle pas avec condescendance, il les respectent, il fait toutes ces choses qui font en général qu’un jury vous aime bien», selon James A. Cohen.

Il plaisante lors de ses plaidoiries, à coups de références à des show télés populaires ou de blagues sur sa modeste taille (1m67 d’après lui). Un avocat se rappelle ainsi pour le New York Magazine d’un procès où il a plaidé avec Brafman : «Ben a dit au jury: “Le procureur veut que vous croyiez cette histoire. Moi je veux faire 15 centimètres de plus. Mais aucun de nous deux ne va voir son vœu exaucé”.»

Il sait rire de lui et même de ses clients, comme il l’a montré lors du procès de Puff Daddy où il a dit au jury: «Mesdames et messieurs, voici Sean « Puff Daddy » Combs. On peut en parler comme Sean. On peut en parler comme M. Combs. On peut en parler comme Puff Daddy. On peut tout simplement en parler comme Puffy.»

Avant de conclure qu’on ne pouvait pas en parler comme d’un coupable.

Pour James A. Cohen, même si Brafman sait se faire apprécier des jurys, «ce n’est pas son plus grand point fort».

La botte secrète de l’avocat de DSK, qui se décrit lui-même comme «un avocat de procès bien discipliné», c’est sa précision et sa discipline, qui se voit notamment dans sa manière de mener les cross-examinations, question après question, pour amener le témoin à se décrédibiliser sans qu’il s’en rende compte.

Il aura pensé de A à Z sa stratégie, également appelée sa «théorie de défense». Une théorie de défense pourrait être celle du consentement, une autre consister à détruire la crédibilité de la femme de chambre. Dans tous les cas, Brafman aura mesuré chaque preuve à l’aune de cette théorie et anticipé les problèmes de ces preuves, afin soit d’être capable d’en réfuter les faiblesses, soit de changer de théorie si elle est impossible à défendre au vu des preuves.

Il est d’autant plus à même de voir les trous dans sa stratégie qu’il a commencé sa carrière de l’autre côté, en travaillant au bureau du District Attorney de Manhattan. C’est en tant que procureur qu’il a connu ses premiers procès, où il brillait déjà, gagnant 23 procès sur les 24 qu’il a gérés en quatre ans.

Entre ses affaires de crime organisé et sa défense de stars en tout genre, Brafman a l’habitude des médias. Or, les médias jouent un rôle important dans toute la phase de pré-procès et de procès, puisque ils sont lus/regardés/écoutés par ceux qui pourraient finir sur le banc des jurés. Toute opportunité, sinon d’établir une partialité du jury pour son client, au moins de préserver l’objectivité et l’impartialité du panel, est bonne à prendre.

Brafman sait utiliser les médias, se servant parfois de la procédure même plutôt que d’interviews pour faire parler les journaux: lorsqu’il a défendu Peter Gatien, le patron d’une boîte de nuit embourbé dans une affaire de drogue en 1998, l’avocat a laissé une note à la fois vague et scandaleuse dans un document qui relatait sa discussion avec un témoin du procès, racontant que le témoin avait assuré «avoir une relation personnelle assez extraordinaire avec l’un des membres de l’équipe du ministère public qui poursuit Gatien», pour le plus grand bonheur des tabloïds new-yorkais.

Brafman s’est ensuite empressé de noter «qu’à cause de la nature sensible de cette allégation spécifique, nous ne détaillerons pas cette information pour l’instant, puisque nous n’avons pas pu la confirmer et ne souhaitons entacher la réputation de personne». Des allégations sans aucun fondement… mais qui firent la joie des médias et énervèrent suffisamment le procureur de l’affaire pour qu’il demande un «gag order» contre l’avocat, afin de l’empêcher de parler à la presse pour tenter de discréditer les témoins. Le juge demanda aux deux parties d’arrêter de s’exprimer devant les médias.

Dans une réaction qui fait penser à sa tactique lors de l’affaire Gatien, Benjamin Brafman (et William Taylor) a envoyé un lettre aux procureurs de Manhattan où il se plaint des fuites sur l’affaire avant d’en profiter pour faire fuiter lui-même des rumeurs:«Si nous avions l’intention d’alimenter malhonnêtement la frénésie médiatique, nous pourrions aussi révéler des informations qui dévaloriseraient l’accusation et porteraient gravement atteinte à la crédibilité de la plaignante».

L’accusation ne s’y est pas trompée, égratignant ainsi les avocats de DSK: «nous sommes surpris que vous choisissiez de faire entrer dans le débat public l’’affirmation selon laquelle vous posséderiez des informations qui pourraient avoir un impact négatif sur l’affaire et nuire «gravement» à la crédibilité de la victime». Ils enjoignent finalement les conseils de l’accusé à leur transmettre ces informations «si tant est que vous soyez réellement en possession» de tels éléments.

Jusque là, la déclaration la plus marquante de Brafman avait été faite à un juge lors de l’audience d’arrangement de son client, en estimant que «les éléments médico-légaux» n’étaient «pas cohérents avec une relation forcée». Une remarque qui pourrait signaler qu’il compte plaider le consentement de la femme de chambre, ou qui pourrait simplement servir à faire parler les médias de cette possibilité, mettant en doute la version de l’accusatrice de DSK.

C’est Brafman qui maitrise toutes les interventions. Stéphane Fouks, qui s’occupait de la communication de DSK ces dernières années, explique d’ailleurs que ce sont les avocats qui gèrent la communication autour de l’affaire:«Il a été décidé d’une stratégie claire: les avocats américains ont la main. L’enjeu est avant tout celui d’obtenir l’acquittement de Dominique Strauss-Kahn. Tout le reste a disparu. Le rôle de l’agence s’arrête là. Face à des juges américains, il vaut mieux des avocats américains que des communicants français.»

Brafman a par exemple refusé de commenter les affirmations des médias disant que le sperme de DSK a été retrouvé sur la chemise de la femme de chambre et rapportant que l’ancien directeur du FMI aurait dit à la jeune femme «Tu sais qui je suis?» alors qu’elle aurait essayé de le convaincre de la laisser sortir de la suite.

L’avocat a finalement peu parlé aux médias, et en répétant les mêmes quelques commentaires, tous des variations de son premier communiqué le 15 mai où il annonçait: «M. Strauss-Kahn plaidera non coupable. Il rejette tous les chefs d’accusation».

Le même jour, il disait aux médias que «la bataille vient juste de commencer» et que son équipe «pense que ce cas est très défendable».

Le 22 mai, dans une interview à Haaretz, il répétait que son client «plaiderait non coupable et qu’au final il serait acquitté». Argument qu’il développait également pour TF1 le même jour.

Bref, Brafman n’en dit pour l’instant pas trop directement aux médias, suivant en cela les conseils qu’il donne dans ses cours sur «comment défendre une célébrité».

Aujourd’hui, à en croire le New York Magazine, «il a acquis la réputation d’être l’homme dont il faut avoir le numéro de téléphone sous la main quand on a de gros ennuis».

Les prétoires sont son terrain de prédilection: il y ménage les témoins de la défense avec sa voix douce et ses plaisanteries, tandis qu’il se montre intransigeant en ferraillant avec l’accusation.

Dans une interview, Benjamin Brafman se félicitait de maintenir le moral de ses clients : « Je pense que j’ai dissuadé davantage de gens de se suicider que n’importe quel psychiatre au monde »

Sources : www.slate.fr et www.fr.wikipedia.org