MAÎTRE ANNE PETITDEMANGE – AVOCATE INSCRITE AU BARREAU DE LYON

LE SALARIE VICTIME D’UN ACCIDENT DE TRAVAIL
DU FAIT DE LA FAUTE INEXCUSABLE DE L’EMPLOYEUR

 

Où il est question d’un salarié, victime d’un accident du travail, du fait de la faute inexcusable de son employeur, et du parcours inexorable qui est le sien avant de parvenir à obtenir une (juste ?) indemnisation.

Pour la « petite » histoire :

Un salarié cuisinier a été placé en renfort au sein d’un restaurant collectif d’une clinique, par l’intermédiaire d’une agence d’intérim.

Afféré à préparer la cuisson de blé pour le repas de midi, le salarié a littéralement reçu un tsunami d’eau bouillante sur le corps. Le couvercle de la grosse casserole de 120 litres à côté de laquelle il se trouvait, a sauté, sous l’effet de la pression et du dérèglement du piano de cuisson, libérant un torrent d’eau brûlante.

Le salarié a souffert de nombreuses brûlures de troisième degré, sur environ 20 % de sa surface cutanée. Il a subi une greffe de peau, et a été contraint de porter un vêtement compressif durant une très longue période.

Il souffre aujourd’hui d’un stress post traumatique.

Il a été déclaré inapte à travailler à nouveau en cuisine, du fait d’une (désormais) très grande sensibilité au chaud et au froid.

L’intervention automatique de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie :

  • L’accident de ce salarié a été déclaré à la CPAM.
  • Ni l’employeur, ni la CPAM n’ont contesté son caractère professionnel.

Dans le cas où la CPAM reconnaît ce critère professionnel, elle met en place le versement de deux types de prestations :

  • Prestations en nature :
  • gratuité des soins médicaux ;
  • réadaptation fonctionnelle et rééducation professionnelle (admission dans un établissement public ou privé en vue de retrouver une aptitude physique et rééducation professionnelle dans un établissement spécialisé ou dans une entreprise si la victime est inapte à reprendre son emploi précédent.).
  • Prestations en espèces :
  • Indemnités journalières ;
  • Rente d’invalidité, laquelle est déterminée selon le taux d’incapacité de la victime retenu par la CPAM (il doit être supérieur à 10 %) et du montant du salaire antérieur. OU indemnité en capital pour toutes les victimes dont le taux d’incapacité est inférieur à 10 %.

Nota bene : vous pouvez contester le taux d’incapacité fixé par la CPAM devant le Tribunal du Contentieux de l’Incapacité.

Un an et demi après l’accident, le médecin conseil de la CPAM a déclaré que l’état de santé du salarié était consolidé.

La caisse a, sur demande du salarié, amiablement réuni les parties afin que soit évoquée la question de la reconnaissance de la faute inexcusable par l’employeur.

Malheureusement, un procès-verbal de non conciliation a été dressé à l’issue de la réunion.

Aussi, le salarié n’a eu d’autre choix que d’engager une procédure judiciaire.

Oui, mais, laquelle ?

Par l’intermédiaire de son conseil, le salarié a saisi le Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) (article L. 452-4 du Code de la sécurité sociale énonce une compétence exclusive) à l’effet d’obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, sa condamnation à lui verser une provision à valoir sur la liquidation de son entier préjudice corporel et la mise en place d’une expertise médicale.

Pour info. :

Le caractère professionnel de l’accident présuppose un accident du travail (article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale).

Il appartient au salarié de prouver qu’il existe un lien de causalité entre l’accident et le travail.

L’article L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale régit la notion de faute inexcusable de l’employeur. C’est toutefois vers la jurisprudence qu’il faut se tourner pour comprendre ce qu’implique exactement cette notion.

Le 28 février 2002, la chambre sociale de la Cour de cassation a opéré une évolution significative dans sa jurisprudence en considérant que l’employeur doit une obligation de sécurité de résultat à son salarié (sur l’obligation de sécurité de résultat : Cass. Ass. Plénière 24 juin 2005– pourvoi n° 03-30038, Bull., 2005, A.P, n°7 p.16).

Il appartient, en pareil cas, au salarié de prouver que son employeur avait conscience du danger.

Pour notre salarié en question, aucune formation à la sécurité renforcée ne lui avait été dispensée. D’autres manquements ont également été pointés du doigt par l’inspection du travail.

Quelle indemnisation ?

Les accidents du travail ont un régime indemnitaire singulier.

Ce régime, il faut l’écrire, est moins favorable aux victimes d’accident du travail que celles qui subissent un accident de la vie courante (domestique, accident de la route, etc.). Ces dernières sont indemnisées sur la base des postes de préjudices listés par la nomenclature DINTHILLAC. Ce système est dit « droit commun ».

Ainsi, une victime d’accident du travail indemnisable au titre d’une faute inexcusable commise par son employeur sera indemnisée sur moins de postes de préjudices que le système indemnitaire droit commun.

Et ce, même si le Conseil constitutionnel est venu, dans une décision du 18 juin 2010 (question préjudicielle n°2010-8) augmenter les postes de préjudices indemnisables.

Principe : la réparation des fautes inexcusables est forfaitaire (article L. 452-3 du code de la sécurité sociale).

Aussi, pour chiffrer sa demande, le salarié peut compter sur plusieurs outils :

  • L’expertise médicale judiciaire qu’il a sollicitée ;
  • Les dispositions légales ;
  • La doctrine et la jurisprudence.

Le salarié sera tout d’abord indemnisé des préjudices couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale :

  • Sa rente pourra être majorée (Cass. Civ. 2ème 28 février 2013 arrêt n°338 ECLI) ;
  • Dépenses de santé et frais exposés pour les déplacements nécessités par les soins (Cass. Civ. 2ème 4 avril 2012, pourvoi n°11-18.014 ; 31) ;
  • Pertes de salaire subies pendant la période d’incapacité ;
  • Préjudices professionnels temporaires ;
  • Perte de gains professionnels futurs ;
  • Besoin d’assistance par une tierce personne après consolidation (Cass. Civ. 2ème civ. 20 juin 2013 pourvoi n°12-51. 548) ;
  • Souffrances physiques et morales ;
  • Préjudices esthétiques et d’agrément ;
  • Perte de la diminution des possibilités de promotion professionnelle.

Suite à la décision du Conseil constitutionnel précitée (décision du 18 juin 2010), les préjudices suivants sont désormais également indemnisés :

  • Déficit fonctionnel temporaire ;
  • Préjudice sexuel ;
  • Préjudice d’agrément (trouble spécifique non couvert par le livre IV de la sécurité sociale) ;
  • Aménagement du logement et les frais d’un véhicule adapté

Source : www.village-justice.com