MAÎTRE ALEXANDRA HAWRYLYSZYN – AVOCATE INSCRITE AU BARREAU DE PARIS

LE DROIT A L’IMAGE

Le droit à l’image est un attribut du droit de la personnalité.

Le principe du droit à l’image est énoncé par les tribunaux dans les termes suivants : « toute personne a, sur son image et sur l’utilisation qui en est faite, un droit exclusif et peut s’opposer à sa diffusion sans son autorisation ».

La jurisprudence sanctionne l’atteinte au droit à l’image sur le fondement de l’article 9 du Code civil mais considère que c’est un droit de la personnalité autonome.

En d’autres termes, c’est le droit que chaque personne détient d’autoriser ou d’interdire la reproduction de ses traits identifiables.

LA CAPTATION ET LA PUBLICATION DE L’IMAGE

Sur le plan civil, la simple prise de vue ou la captation, n’est pas interdite en soi, le droit prohibe simplement la reproduction, l’exposition ou la publication du cliché sans le consentement de la personne.

En revanche, l’article 226-1 du Code pénal sanctionne le fait de capter l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé dans le but de porter volontairement atteinte à sa vie privée. Un lieu est considéré comme privé si son accès est réservé, sauf sur autorisation de celui qui l’occupe d’une manière permanente ou temporaire.

Le fait qu’une personne consente à être photographiée ne signifie pas forcement qu’elle consent, à ce que son image soit reproduite et publiée.

La publication suppose la reproduction et la diffusion de l’image.

La publication peut se faire sur tout support et par tout moyen, dans un livre, dans la presse, dans un film, à la télévision, ou encore dans un jeu vidéo (il y a même des affaires concernant des «épinglettes», des santons ou encore des poupées vaudous).

UNE PERSONNE IDENTIFIABLE

Une personne est fondée à agir en justice si et seulement si, elle est identifiable sur la photographie publiée.

Lorsque le visage de la personne est visible, l’identification ne fait aucun doute.

Mais l’identification peut également résulter de la reproduction d’une partie du corps la rendant reconnaissable par un détail particulier tel un tatouage.

De la même manière, si la personne n’est pas en soi reconnaissable sur la photo, mais que son identité est précisée, l’atteinte au droit à l’image peut être constituée.

En revanche, si la personne n’est pas identifiable sur la photographie, elle ne peut agir sur le fondement du droit à l’image. Tel sera le cas quand la personne est cachée, perdue dans la foule ou encore que l’image est floutée. Ce sera également le cas quand la personne devient plus difficilement reconnaissable avec le temps.

UNE AUTORISATION PRÉALABLE

Toute publication de l’image d’une personne suppose, en principe, une autorisation préalable de la part de l’intéressé ou de son représentant légal.

Une autorisation expresse et spéciale

Cette autorisation doit être expresse et spéciale. La difficulté principale de la mise en œuvre du droit à l’image provient de la détermination de la portée de l’autorisation donnée par la personne photographiée, ainsi que la détermination des personnes habilitées à accorder cette autorisation, s’agissant de l’image de mineurs ou d’incapables majeurs.

L’autorisation donnée par la personne pour la reproduction de son image s’apprécie strictement.

L’autorisation doit préciser, avec soin, l’objet de l’autorisation en distinguant, le cas échéant, la prise de vue et sa diffusion, sur différents supports et à des fins spécifiques.

A noter qu’il n’est pas possible de se rétracter d’une autorisation qui a été donnée par écrit, car une autorisation écrite vaut contrat et elle engage les deux parties.

En revanche, dès que les autorisations ne sont pas respectées par le bénéficiaire, il est possible d’en demander la résiliation.

En cas d’abus, il n’est pas toujours possible de se rétracter, mais il est toujours possible de demander la cessation des abus, ainsi que des dommages et intérêts.

S’il n’y a aucun délai prévu dans l’autorisation donnée, il est possible de dénoncer celle-ci par lettre RAR à compter de la date de la réception de celle-ci.

La charge de la preuve pèse sur la personne qui se prévaut de l’autorisation, c’est-à-dire, le plus souvent, l’auteur de la publication.

L’accord donné pour la publication de la photographie ne vaut pas pour sa re-divulgation.

En effet, comme pour le droit à la vie privée, le consentement à la divulgation de clichés ne signifie pas renonciation au droit de s’opposer à toute divulgation ultérieure.

Une autorisation tacite

Des décisions récentes de la Cour de cassation ont admis que le consentement pouvait être tacite, à la condition qu’il soit dépourvu d’ambigüité.

Dans ce cas, le comportement de la personne permet d’établir qu’il y a eu consentement tacite à l’utilisation de son image. Des exemples jurisprudentiels existent dans le cas de personnes photographiées dans le cadre de leur profession.

Il a ainsi été jugé dans un arrêt du 4 novembre 2004, que «l’autorisation de publier la photographie d’un mannequin peut être présumée».

Un contrat d’image

Il est judicieux d’établir un contrat d’image, pour donner un cadre juridique à l’autorisation de la personne photographiée ou filmée, et à l’utilisation de l’image qui en résulte.

Il n’existe aucun cadre légal particulier pour ce type de contrat, il convient donc de se référer au régime général des obligations.

Le fait d’établir un contrat permet de constater le consentement express et personnel de l’intéressé. Lorsque la personne est mineure, le contrat doit être signé par les parents ou par le représentant légal de l’enfant. Il est également recommandé d’obtenir le consentement du mineur.

En outre, le contrat doit prévoir de manière précise les différents modes d’exploitation de l’image.

Il faut être vigilant lors de la rédaction du contrat d’image car son interprétation est stricte, dans le souci de protéger la personne cédant son image.

Ainsi il est recommandé d’envisager dans le contrat d’image :

  • la captation de l’image ;
  • la détermination précise de l’image cédée ;
  • le mode d’exploitation envisagé par le cessionnaire (livre, revue, affiche, site internet…) ;
  • le respect de l’image (cette dernière ne devra pas être modifiée ultérieurement) ;
  • l’étendue géographique de la publication ;
  • la durée du droit d’exploitation de l’image ;

Le cas échéant, la rémunération.

L’IMAGE DE PERSONNES CÉLÈBRES

Une tolérance existe en jurisprudence concernant les personnes célèbres.

Ainsi, la diffusion dans la presse d’un cliché représentant une personnalité pendant son activité professionnelle ne nécessite pas d’autorisation préalable.

Les juges considèrent ainsi que le consentement des personnalités est tacite si :

  • l’image a été captée dans un lieu public ;
  • l’image a été captée dans le cadre de l’activité professionnelle ;
  • qu’il n’y a pas de dénaturation de la vérité ;
  • et que l’image n’est pas utilisée à des fins publicitaires sans contrat ni versement d’un cachet.

LE DROIT À L’IMAGE ET LA LIBERTÉ D’EXPRESSION

La portée du droit à l’image est toutefois amoindrie dans certaines hypothèses, au nom du droit à l’information.

En effet, la Cour Européenne des Droits de l’Homme, sur le fondement des articles 8 et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme, reconnaît à la liberté d’expression et au droit à l’image, le statut de droits fondamentaux qui mérite à priori un égal respect.

Les Tribunaux français s’attachent donc à concilier ces deux droits fondamentaux.

Il arrive cependant que le droit à l’information l’emporte sur le droit à l’image, et que le consentement de la personne ne soit pas nécessaire pour la diffusion d’une image.

Il en est ainsi lorsque la photographie illustre :

  • un sujet d’actualité : le droit à l’image ne peut pas faire échec à la diffusion d’une photographie rendue nécessaire pour les besoins de l’information. La diffusion de ces images doit être en relation directe avec l’événement relaté, et doit être limitée au temps de l’actualité liée à l’évènement. Si l’image n’illustre pas un événement d’actualité, la diffusion de l’image pourra donner lieu à condamnation.
  • un débat général : le principe de la liberté de la presse implique le libre choix des illustrations d’un débat général de phénomène de société, sous la seule réserve du respect de la dignité de la personne humaine.
  • un sujet historique.
  • lorsque la reproduction de l’image de la personne est accessoire par rapport à la photographie.
  • lorsque la personne n’est pas identifiable sur l’image en cause : par exemple, prise de vue de trois quart ou par des techniques de « floutage » des visages.

Cependant une limite demeure, les images diffusées dans ce cadre ne doivent pas porter atteinte à la dignité humaine.

IMAGE DES PERSONNES DÉCÉDÉES

Par ailleurs, il a été jugé par la Cour de cassation dans un arrêt du 14 décembre 2009, que le droit à l’image n’est pas transmissible aux héritiers. Autrement dit, le droit au respect de la vie privée et le droit à l’image s’éteignent au décès de la personne qui est seul titulaire de ce droit.

Cependant, les héritiers peuvent obtenir réparation du préjudice subi, suite à la diffusion de l’image du défunt, s’ils démontrent qu’ils ont personnellement subi un dommage, qui découle notamment d’une atteinte à la mémoire ou au respect dû au mort.

L’IMAGE DES BIENS

Un arrêt du 7 mai 2004 a mis fin à un débat jurisprudentiel concernant l’image des biens.

Il est désormais acquis que le propriétaire d’une chose ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de celui-ci. Il peut s’opposer à l’utilisation de cette image si et seulement si il en découle un trouble anormal.

Le propriétaire du bien aura à démontrer, non pas une faute de la part de l’utilisateur de l’image, mais uniquement un trouble anormal, qu’il subit du fait de la publication de l’image.

Le trouble anormal sera constitué, dès lors qu’il y une atteinte à la vie privée notamment en publiant la photographie de l’intérieur d’une habitation, ou encore en publiant la photographie d’une habitation avec des mentions quant à l’identité du propriétaire.

Ainsi, le fait de photographier puis de publier un lieu accessible à la vue de tous ne peut être répréhensible en lui-même.

A noter que le trouble anormal ne peut pas découler uniquement de l’exploitation commerciale du cliché. Cependant, le trouble anormal peut être retenu si cette exploitation commerciale entraîne une présentation dévalorisante du bien.

LA DÉTERMINATION DU RESPONSABLE

En cas d’atteinte au droit à l’image, la personne qui diffuse l’image, engage sa responsabilité quel qu’en soit le support.

Les poursuites ne peuvent avoir lieu que s’il y a eu publication effective.

Il faut en outre démontrer l’intention coupable de celui qui publie l’image sauf en cas de diffamation où la charge de la preuve est renversée.
Ainsi, la personne qui publie l’image peut engager sa responsabilité civile et pénale.

La responsabilité civile trouve sa source dans l’article 1382 du Code civil, dès lors qu’il y a une faute constituée par une atteinte au droit de la personne.

La responsabilité pénale peut être engagée sur le fondement d’une infraction prévue par le Code pénal, notamment l’article 226-1 du Code pénal qui sanctionne d’un an d’emprisonnement et 45000 euros d’amende le fait d’enregistrer ou de transmettre l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé, et l’article 226-2 du même code qui sanctionne d’un an d’emprisonnement et 45000 euros d’amende le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d’un tiers ou d’utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu sans le consentement de la personne concernée dans le cadre de la sphère privée.

Cependant, la détermination du responsable varie en fonction du mode de publication de l’image.

La responsabilité en matière de presse

Si l’image est publiée par voie de presse, il convient d’appliquer les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

La loi dresse la liste des personnes responsables. Les articles 42 et 43 prévoient une responsabilité en «cascade».
Ainsi sont passibles d’être reconnus comme auteurs principaux des crimes et délits commis par voie de presse, les personnes suivantes :

Les directeurs de publications ou éditeurs, quels que soient leurs professions ou leurs dénominations, et, dans les cas prévus au deuxième alinéa de l’article 6, les codirecteurs de la publication ;

A défaut, les auteurs ;

A défaut des auteurs, les imprimeurs ;

A défaut des imprimeurs, les vendeurs, les distributeurs et afficheurs.

Cette disposition signifie que l’on va rechercher la responsabilité du directeur de publication du journal, pour les essais on recherchera la responsabilité de l’éditeur.

Le régime de cette responsabilité en cascade a été posé, car l’on considère que le directeur de publication ou l’éditeur va rendre publique l’image, et, qu’en conséquence il leur appartient de vérifier que cette publication est licite.

Cette responsabilité repose sur une faute personnelle du directeur de publication (le défaut de contrôle de ce qui a été rendu publique).

L’auteur matériel pourra être poursuivi en qualité de coauteur ou de complice, mais pas en tant qu’auteur principal.

La responsabilité sur Internet

En ce qui concerne Internet la responsabilité est fixée par l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 relative à la confiance dans l’économie numérique. Ce texte prévoit que les hébergeurs « ne peuvent voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services s’ ils n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où ils en ont eu connaissance, ils ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible».

Le propriétaire et l’hébergeur du site pourront voir leurs responsabilités engagées, dès lors qu’ils sont identifiables. Il est donc important de déterminer qui est hébergeur et qui est éditeur, seul le deuxième pouvant voir sa responsabilité engagée.

Dans ces deux cas particuliers, c’est la personne qui publie l’image qui est responsable.

La responsabilité du fournisseur d’image

Le fournisseur d’image peut également engager sa responsabilité. La Cour de cassation estime en effet que l’agence qui commercialise des clichés doit être en mesure de fournir des clichés qui peuvent être utilisés, il faut donc que l’utilisation des images soit licite.
Si tel n’est pas le cas, l’agence commet une faute.

La Cour de cassation fait peser sur les fournisseurs d’image une obligation de résultat ce qui signifie que l’agence engage sa responsabilité sans qu’il soit nécessaire de démontrer qu’elle ait commis une faute.

LES VOIES DE RECOURS POSSIBLE

Ainsi en cas d’atteinte au droit à l’image, la victime dispose de voie de recours au pénal comme au civil.

La victime peut saisir le juge civil en référé, ce dernier peut :

prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser l’atteinte.

octroyer des dommages et intérêts en réparation des préjudices subis.

demander remboursement des frais d’avocat par l’auteur de la faute

La victime peut également agir au pénal sur le fondement des articles 226-1 et 226-2 du Code pénal.

Source : www.legadroit.com