Enlèvement d’une enfant de 8 ans 3 Juin 1974, 10 heures 50, Marie-Dolorès, 8 ans, joue avec son frère Jean-Baptiste, 6 ans et deux petits voisins devant leur immeuble de la cité Sainte-Agnès à Marseille.
Un homme en voiture s’arrête à leur niveau et leur demande de l’aider à retrouver son chien noir qui vient de s’échapper.
L’homme part seul avec Marie-Dolorès et son frère part dans la direction opposée.
Lorsque Jean-Baptiste revient bredouille à son point de départ, sa sœur et l’inconnu ont disparu avec la voiture.
Pierre Rambla, le père des deux enfants, appelle la police. L’enquête débute par le questionnement du petit Jean. Il identifie la voiture de l’inconnu comme étant une Simca 1100 de couleur gris clair.
Un autre témoin, Eugène Spinelli, 36 ans, garagiste-carrossier, déclare avoir vu une fillette prendre place dans une Simca 1100 gris clair aux côtés d’un homme d’une trentaine d’années.
Accident de la circulation Le même jour à 12 heures 15 Vincent Martinez roule sur la RN 96 en direction de Toulon. Au niveau du carrefour de « la pomme » une Peugeot 304 coupé grise roule à vive allure, ne marque pas l’arrêt au « stop » et coupe la route de sa voiture.
Malgré la violence du choc, la Peugeot repart en direction de Marseille. Quelques instants plus tard, Alain Aubert et son épouse arrivent sur les lieux de l’accident. Vincent Martinez leur demande de suivre la Peugeot afin de noter son numéro d’immatriculation.
Quelques minutes après, en bordure de la RN8 bis, les époux Aubert aperçoivent la Peugeot grise arrêtée sur le bas côté, le conducteur s’échappant dans les bois. Ils notent le numéro d’immatriculation (1369 SG 06) et retournent au carrefour de « la pomme » pour le communiquer à Vincent Martinez.
A 17 heures, dans une champignonnière distante de 2 km du carrefour, Mohamed Rahou, qui vit sur place, est sollicité par un jeune homme afin de l’aider à dégager son véhicule (La Peugeot 304 Coupé) qui est embourbé à l’intérieur d’une galerie.
Il déclare s’être aventuré là pour pique-niquer. Aidé par Mohamed Rahou et son contremaître M. Guazzone, le jeune homme quitte les lieux et prend la direction de Nice vers 18 heures.
Au matin du 4 juin 1974, la presse annonce l’enlèvement de Marie-Dolorès. Téléphonant à la gendarmerie de Roquevaire, Alain Aubert déclare que le jeune homme qu’il a vu s’enfuir dans les fourrés transportait un « paquet assez volumineux ».
Découverte du corps En début d’après-midi, les gendarmes organisent une opération de ratissage dans la zone décrite par Alain Aubert. Ils découvrent dans la galerie de la champignonnière où la Peugeot s’est embourbée la veille, un pull-over rouge.
Donné à flairer à un chien, cet indice mène l’animal à quelques mètres d’un corps dissimulé dans un buisson près de la route. Il s’agit du corps de Marie-Dolorès Rambla. Les premières constatations montrent que la petite fille a été poignardée à de multiples reprises mais n’a pas subi de violences sexuelles.
Arrestation de Christian Ranucci Identifié par sa plaque minéralogique, Christian Ranucci, un représentant de commerce de 20 ans est interpellé à son domicile niçois le 5 juin 1974, en fin d’après-midi.
Placé en garde à vue, il reconnaît le délit de fuite suite à son accident de la route mais nie être impliqué dans le meurtre de Marie-Dolorès. L’enquête commence Dans ses premières déclarations il affirme s’être arrêté un kilomètre après le carrefour pour réparer une roue qui frottait contre la carrosserie et s’est aventuré dans la galerie de la champignonnière pour être plus tranquille. Le 6 juin 1974, Ranucci est transféré dans les locaux de l’évêché, le commissariat central de Marseille. Le commissaire Alessandra décide de présenter le suspect aux deux témoins de l’enlèvement. Ni Jean-Baptiste Rambla, ni Eugène Spinelli ne reconnaissent l’homme qu’ils ont aperçu le 3 juin.
De plus, le véhicule de Christian Ranucci ne correspond pas à la Simca 1100 reconnue par les deux témoins et notamment par Eugène Spinelli, carrossier et donc spécialiste en la matière. Enfin, compte tenu de sa taille, le pull-over rouge découvert dans la champignonnière ne semble pas appartenir au suspect.
A 12 heures, Christian Ranucci est présenté aux époux Aubert entouré de plusieurs inspecteurs. Ils sont incapables de le reconnaître. Une heure plus tard, le commissaire Alessandra présente seul le suspect aux deux témoins de l’accident et cette fois ils parviennent à l’identifier.
Etrange témoignage.
Curieusement, après cette confrontation, le témoignage d’Alain Aubert évolue.
Il déclare aux policiers qu’il a vu Christian Ranucci sortir un enfant vêtu d’un short blanc de son véhicule et le traîner par le bras dans la colline.
Madame Aubert quant à elle déclare avoir entendu l’enfant dire « Qu’est-ce qu’on fait ? » d’une voix fluette. On peut se demander comment un « paquet volumineux » peut se transformer quelques heures plus tard en enfant à la « voix fluette ».
Par ailleurs il est impossible que Christian Ranucci ait pu sortir un enfant par la porte droite de sa voiture puisque celle-ci était bloquée à la suite de la collision. Le rapport d’expertise le confirme. Malgré ses incohérences, l’affaire prend une toute autre tournure quelques heures plus tard avec les aveux de Ranucci.
Des aveux extravagants Dans l’après-midi du 6 juin 1974, Christian Ranucci décide de « soulager sa conscience » et avoue être l’auteur de l’enlèvement et de l’assassinant de Marie-Dolorès.
Il dessine un plan du lieu de l’enlèvement et indique aux policiers l’emplacement de l’arme du crime, un couteau à cran d’arrêt. Cependant ses aveux présentent de nombreuses incohérences:
Le plan: le plan des lieux de l’enlèvement dessiné par le suspect est plutôt banal et surtout occulte totalement un élément très reconnaissable: un gigantesque platane ;
Le couteau: le couteau découvert le 6 juin 1974 à 19 h 30 près de la champignonnière apparaît déjà la veille dans un procès-verbal de saisie. Comment un couteau saisi le 5 juin peut-il être découvert le lendemain sous un tas de fumier suivant les indications de Ranucci ?
Les cris de la fillette: Dans ses aveux, Ranucci affirme qu’il a poignardé Marie-Dolorès après avoir paniqué parce qu’elle criait lorsqu’il l’a amenée dans les fourrés. Or dans leur déposition, les époux Aubert déclarent que l’enfant était calme et qu’ils n’ont entendu aucun cri. Instruction bâclée.
Plusieurs éléments laissent à penser que l’instruction de cette affaire ne s’est pas déroulée avec toute l’impartialité demandée par les textes de loi. d’instruction Ilda di Marino n’a entendu Christian Ranucci que cinq fois dont deux fois en présence de son avocat.
Cela semble peu pour un tel dossier.
Témoin de dernière minute Peu de temps après la clôture de l’instruction, Mme Mathon, la mère de Christian rencontre au parloir de la prison Jeannine Mattéi dont le fils est lui aussi incarcéré aux Baumettes.
Celle-ci lui révèle qu’un homme vêtu d’un pull-over rouge, conduisant une Simca 1100 a tenté d’enlever sa fille ainsi qu’un autre enfant de sa cité en leur demandant de chercher avec lui son chien qu’il avait perdu.
Confrontés à Ranucci, les deux enfants ne reconnaissent pas l’homme au pull-over rouge ce qui portent à six les témoins ne reconnaissant pas le suspect.
De plus Mme Mathon apprend que la police a demandé à Mme Mattéi de se rendre à l’enterrement de Marie-Dolorès pour dire si elle reconnaissait dans la foule l’homme qui avait tenté d’enlever sa propre fille.
Face à cet élément à décharge, un complément d’enquête est demandé par le procureur de la république de Marseille et Mme Mattéi est entendue de nouveau à l’évêché.
Mystérieusement, la plainte qu’elle avait portée à la suite de la tentative d’enlèvement de sa fille ainsi que le rapport de son audition au commissariat disparaissent.
Le procès Le 9 mars 1976 s’ouvre le procès de Christian Ranucci à la cour d’assises d’Aix en Provence.
Ce procès s’ouvre dans le contexte de l’assassinat du petit Philippe Bertrand par Patrick Henry.
Autant dire que l’opinion publique veut « la peau » de l’assassin de Marie-Dolorès. Christian Ranucci est défendu par trois avocats: Maître Lombard, Maître Le Forsonney et Maître Fraticelli.
Mais dès le début, ce dernier se désolidarise des ces deux confrères et refuse de plaider l’acquittement comme ils le souhaitent pensant qu’il n’a aucune chance.
Au cours de son procès l’accusé se montre arrogant et conteste l’ensemble du dossier. Il revient bien entendu sur ses aveux qui lui ont, selon lui, été suggéré par les policiers.
Son comportement fait une impression désastreuse aux jurés.
Le témoignage des époux Aubert, malgré ses contradictions, est impeccable et ne fait que renforcer la conviction de l’assistance. A contrario la prestation de l’avocat des parties civiles, Gilbert Collard est excellente malgré ses positions hostiles à la peine capitale alors que l’opinion publique est très majoritairement pour.
Finalement, Christian Ranucci est condamné à mort, jugement confirmé par la cour de cassation le 17 juin 1976.
La demande de grâce présidentielle est rejetée par Valery Giscard d’Estaing et Christian Ranucci est exécuté le 28 juillet 1976.
Ironie du sort, Jean-Baptiste Rambla, le frère de Marie-Dolorès, aujourd’hui âgé de 37 ans est incarcéré à la prison des Baumettes pour le meurtre de son employeur Corinne Beidl, 42 ans, disparue depuis juillet 2004 et dont le corps a été retrouvé le 12 février 2005 dans le jardin de Jean-Baptiste Rambla.
Corine Beidl a été étranglée en juillet 2004 mais son corps n’a été retrouvé que six mois plus tard en février 2005 dans un sac de sport dissimulé dans un cabanon, au domicile de l’accusé. Jusqu’à la découverte du cadavre, Jean-Baptiste Rambla est resté muet malgré les interrogatoires et n’a avoué que lorsque le corps de sa victime a été retrouvé chez lui. Reconnaissant avoir agi sous le coup de la colère Corine Beidl aurait refusé de le déclarer et l’aurait menacé de le licencier s’il ne consentait pas à avoir une liaison avec elle-, Jean-Baptiste Rambla a toujours affirmé, pour sa défense, que son crime ne pouvait s’expliquer sans évoquer le traumatisme de l’affaire Ranucci.
« JE N’AI PAS D’AVENIR DEPUIS L’AGE DE SIX ANS »
Le 20 juillet 1974, le petit Jean-Baptiste, alors âgé de six ans, voit sa sœur Marie-Dolores se faire enlever sous ses yeux. Le lendemain le corps de la fillette est découvert. Un crime dont on accuse Christian Ranucci.
Quelques années plus tard, les failles du témoignage de Jean-Baptiste Rambla ont été exploitées par les partisans de la révision du dossier qui voulaient prouver l’innocence du jeune homme, guillotiné en 1976. Outre la culpabilité de n’avoir pu sauver sa sœur, l’accusé s’est dit hanté par la culpabilité d’avoir involontairement alimenté une polémique douloureuse.
»Je n’ai pas d’avenir depuis l’âge de 6 ans, je suis transparent. Corinne ne méritait pas de mourir, tout ça c’est à cause de moi, mon mal-être», déclarait jeudi Jean-Baptiste Rambla. «Je suis envahi par la honte, les regrets, je comprends la tristesse des parties civiles parce que je sais ce que c’est de perdre quelqu’un», avait-il ajouté.
Sources : www. scenedecrime.blogs.com et www.lefigaro.fr