TITRE III : REDRESSEMENT JUDICIAIRE ET LIQUIDATION DES BIENS / CHAPITRE I : OUVERTURE DU REDRESSEMENT JUDICIAIRE ET DE LA LIQUIDATION DES BIENS (2015)

ARTICLE 25

La procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens est ouverte à tout débiteur en état de cessation des paiements.

La cessation des paiements est l’état où le débiteur se trouve dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, à l’exclusion des situations où les réserves de crédit ou les délais de paiement dont le débiteur bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face à son passif exigible.

Le débiteur qui est en cessation des paiements doit faire une déclaration aux fins d’obtenir l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens quelle que soit la nature de ses dettes.

La déclaration de cessation des paiements doit être faite par le débiteur au plus tard dans les trente (30) jours qui suivent la cessation des paiements et déposée au greffe de la juridiction compétente contre récépissé.

Sans préjudice des dispositions de l’article 33 ci-dessous, le débiteur précise dans sa déclaration s’il demande l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens.

 

ARTICLE 26

A la déclaration prévue par l’article 25 ci-dessus doivent être joints les documents suivants datant de moins de trente (30) jours :

1°) une attestation d’immatriculation, d’inscription ou de déclaration d’activité à un registre ou à un ordre professionnel ou, à défaut, tout autre document de nature à prouver la régularité de l’activité exercée par le débiteur ;

2°) les états financiers de synthèse comprenant, le bilan, le compte de résultat, un tableau financier des ressources et des emplois, l’état annexé et, en tout état de cause, le montant du chiffre d’affaires et des bénéfices ou des pertes des trois derniers exercices ou, à défaut, tout autre document de nature à établir la situation financière et économique du débiteur si la déclaration est faite par un débiteur répondant à la définition de la petite entreprise conformément à l’article 1-3 ci-dessus ;

3°) un état de la trésorerie et un état chiffré des créances et des dettes avec indication des noms, qualités et adresses des créanciers et des dates d’échéance ;

4°) l’état détaillé, actif et passif, des sûretés personnelles et réelles données ou reçues par l’entreprise et ses dirigeants ;

5°) l’inventaire des biens du débiteur avec indication des biens mobiliers soumis à revendication par leurs propriétaires et de ceux affectés d’une clause de réserve de propriété ou, à défaut, un inventaire provisoire des biens du débiteur si la demande est introduite par un débiteur répondant à la définition de la petite entreprise conformément à l’article 1-3 ci-dessus;

6°) la liste des travailleurs avec l’indication du montant des salaires et des charges salariales impayés à la date de la demande ou, à défaut, tout autre document de nature à permettre d’identifier et de dénombrer les travailleurs du débiteur et d’estimer le montant des salaires et des charges salariales impayés si la déclaration est faite par un débiteur répondant à la définition de la petite entreprise conformément à l’article 1-3 ci-dessus ;

7°) un document indiquant les noms, prénoms et l’adresse des représentants du personnel ;

8°) une attestation du débiteur indiquant qu’il ne bénéficie pas d’un accord de conciliation en cours d’exécution ou d’un concordat préventif en cours d’exécution et, en tout état de cause, qu’il n’est pas soumis à une procédure de règlement préventif, de redressement judiciaire ou de liquidation des biens qui ne serait pas encore clôturée ; le cas échéant, si le débiteur a bénéficié d’un accord de conciliation ou d’un concordat préventif, le montant des créances restant dues aux créanciers bénéficiant du privilège de l’article 5-11 et de l’article 11-1 ci- dessus ainsi que leurs noms et domiciles ;

9°) s’il s’agit d’une personne morale, la liste des membres solidairement responsables des dettes de celle-ci, avec indication de leurs noms et domiciles, ainsi que les noms, prénoms et adresses de ses dirigeants ;

10°) le cas échéant, un document indiquant les noms, qualités et domiciles des personnes qui envisagent de consentir un nouvel apport en trésorerie ou de fournir un nouveau bien ou service dans les conditions de l’article 33-1 ci-dessous avec l’indication du montant de l’apport ou la valeur du bien ou du service ;

11°) le cas échéant, un projet de concordat de redressement judiciaire, sans préjudice de l’application de l’article 27 ci-dessous.

Tous ces documents doivent être datés, signés et certifiés conformes et sincères par le déclarant.

Dans le cas où l’un de ces documents ne peut être fourni, ou ne peut l’être qu’incomplètement, la déclaration doit contenir l’indication des motifs de cet empêchement.

 

ARTICLE 27

En même temps que la déclaration prévue par l’article 25 ci-dessus ou, au plus tard, dans les soixante (60) jours qui suivent la décision d’ouverture du redressement judiciaire, le débiteur doit déposer un projet de concordat.

Ledit projet doit démontrer les perspectives de redressement de l’entreprise débitrice en fonction des possibilités et des modalités d’activités, de l’état du marché et des moyens de financement disponibles et doit également préciser les mesures et conditions envisagées pour son redressement, notamment :

  • les éléments permettant d’établir la viabilité financière et économique de l’entreprise débitrice ;
  • les modalités de continuation de l’entreprise, telles que la demande ou l’octroi de délais et de remises ; la cession partielle d’actif avec indication précise des biens à céder ; la cession ou la location-gérance d’une branche d’activité formant un fonds de commerce ; la cession ou la location-gérance de la totalité ou d’une partie de l’entreprise, sans que ces modalités soient limitatives et exclusives les unes des autres;
  • les noms, prénoms, qualités et adresses des personnes tenues d’exécuter le concordat et l’ensemble des engagements souscrits par elles et nécessaires au redressement de l’entreprise ;
  • les modalités du maintien et du financement de l’entreprise, du règlement du passif né antérieurement à la décision d’ouverture ainsi que, s’il y a lieu, les garanties fournies pour en assurer l’exécution ; ces engagements et garanties peuvent consister, notamment, en la souscription d’une augmentation du capital social par les anciens associés ou par de nouveaux, une conversion de créances en capital, l’ouverture de crédits par des établissements bancaires ou financiers ou par toute autre personne, y compris tout nouvel apport en trésorerie ou sous forme de nouveau bien ou service dans les conditions de l’article 33-1 ci-dessous ainsi que le montant de l’apport ou la valeur du bien ou du service ; la poursuite de l’exécution de contrats conclus antérieurement à la décision d’ouverture, la fourniture de cautions ;
  • le niveau et les perspectives d’emploi, ainsi que les licenciements pour motif économique qui doivent intervenir dans les conditions prévues par les articles 110 et 111 ci-dessous ;
  • le remplacement de dirigeants.

Le projet de concordat de redressement judiciaire peut établir un traitement différencié entre les créanciers si les différences de situation le justifient.

 

ARTICLE 28

La procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens peut être ouverte à la demande d’un créancier, quelle que soit la nature de sa créance, à condition qu’elle soit certaine, liquide et exigible.

A cet effet, la demande du créancier doit préciser la nature et le montant de sa créance et viser le titre sur lequel elle se fonde.

 

ARTICLE 29

La juridiction compétente peut se saisir d’office, notamment sur la base des informations fournies par le représentant du ministère public, les commissaires aux comptes des personnes morales de droit privé, les membres de ces personnes morales ou les institutions représentatives du personnel qui lui indiquent les faits de nature à motiver cette saisine.

La juridiction compétente peut également être saisie par le Ministère public. Dans ce cas, il fournit les éléments motivant sa demande.

Le président de la juridiction compétente fait convoquer le débiteur, par les soins du greffe, par signification d’huissier de justice ou notification par tout moyen permettant d’établir la réception effective par le destinataire, à comparaître devant la juridiction compétente siégeant en audience non publique. La convocation doit contenir la reproduction intégrale du présent article, à peine de nullité.

Si le débiteur comparaît, le président l’informe des faits de nature à motiver la saisine et recueille ses observations. Si le débiteur reconnaît être en cessation des paiements ou si le président acquiert l’intime conviction qu’il est dans un tel état, le président lui fixe un délai qui ne peut excéder trente (30) jours pour produire les documents visés à l’article 26 ci- dessus. Le même délai est accordé aux membres d’une personne morale indéfiniment et solidairement responsables du passif de celle-ci. Passé ce délai, la juridiction compétente statue en audience publique.

Si le débiteur ne comparaît pas, la juridiction compétente statue à la première audience publique utile, par une décision réputée contradictoire à l’égard du débiteur.

 

ARTICLE 30

Lorsque le débiteur est décédé en état de cessation des paiements, la juridiction compétente est saisie aux fins d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens dans le délai d’un (01) an à compter de la date du décès, soit sur déclaration d’un héritier, soit sur l’assignation d’un créancier, soit à la requête du ministère public.

La juridiction compétente peut se saisir d’office dans le même délai, les héritiers connus du débiteur étant entendus ou dûment appelés. Dans ce cas, ou en cas de saisine par le ministère public, la procédure de l’article 29 ci-dessus est applicable.
En cas de saisine de la juridiction compétente par les héritiers, ceux-ci doivent souscrire une déclaration de cessation des paiements dans les conditions fixées par les articles 25, 26 et 27 ci-dessus.

En cas de saisine de la juridiction compétente sur assignation d’un créancier, les dispositions de l’article 28 ci-dessus sont applicables.

 

ARTICLE 31

L’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens peut être demandée dans le délai d’un (01) an à compter de la radiation du débiteur du Registre du commerce et du crédit mobilier, ou de sa cessation d’activité. La cessation des paiements doit, soit être antérieure à cette radiation ou à cette cessation d’activité, soit résulter en tout ou partie de l’activité antérieurement exercée.

L’ouverture de la procédure peut également être demandée contre un associé d’une personne morale de droit privé indéfiniment et solidairement responsable du passif de celle-ci dans le délai d’un (01) an à compter de la mention de son retrait au Registre du commerce et du crédit mobilier lorsque la cessation des paiements de la personne morale est antérieure à cette mention ou qu’elle résulte en tout ou partie de l’activité antérieurement exercée.

Dans les deux cas, la juridiction compétente est saisie sur assignation d’un créancier, sur requête du ministère public ou se saisit d’office dans les conditions prévues aux articles 28 et 29 ci-dessus.

 

ARTICLE 32

La juridiction compétente statue à la première audience utile sur l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, les délégués ou représentants du personnel au sens de la loi de l’État partie concerné, le ministère public et, le cas échéant, le créancier demandeur.

La juridiction compétente peut entendre toute autre personne dont l’audition lui paraît utile.

Avant de prononcer sa décision, elle peut désigner un juge du siège ou toute autre personne qu’elle estime qualifiée afin de lui remettre un rapport sur la situation économique et sociale du débiteur dans un délai qu’elle détermine, et qui ne peut être supérieur à un (01) mois.

Lorsque le débiteur exerce une profession libérale soumise à un statut réglementé, la juridiction compétente statue après avoir entendu ou dûment appelé le représentant de l’ordre professionnel ou de l’autorité compétente dont relève ce débiteur.

La juridiction compétente saisie ne peut renvoyer l’affaire au rôle général.

 

ARTICLE 33

La juridiction compétente qui constate la cessation des paiements prononce soit l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, soit l’ouverture de la liquidation des biens.

Elle prononce l’ouverture du redressement judiciaire :

  • s’il lui apparaît que le débiteur a proposé un concordat sérieux, au sens de l’article 27 ci-dessus ou qu’un tel concordat a des chances sérieuses d’être obtenu ;
  • ou, si une cession globale est envisageable.

Dans le cas contraire, elle prononce l’ouverture de la liquidation des biens. Dans la décision prononçant la liquidation des biens, la juridiction compétente fixe le délai au terme duquel la clôture de la procédure est examinée, sans que ce délai puisse être supérieur à dix-huit (18) mois après l’ouverture de la procédure. Si la clôture de la procédure ne peut être prononcée au terme de ce délai, la juridiction compétente peut proroger le terme de six (06) mois, une seule fois, après avoir entendu les justifications du syndic, par une décision spécialement motivée. A l’expiration de ce délai, la juridiction compétente prononce la clôture de la liquidation des biens, d’office ou à la demande de tout intéressé.

La décision d’ouverture d’un redressement judiciaire ou d’une liquidation des biens d’une personne morale produit ses effets à l’égard de tous les membres indéfiniment et solidairement responsables du passif de celle-ci et prononce, contre chacun d’entre eux, soit le redressement judiciaire, soit la liquidation des biens, en fonction de leur situation.

A toute époque de la procédure de redressement judiciaire, la juridiction compétente peut convertir celle-ci en liquidation des biens si les conditions de l’alinéa 2 ci-dessus ne sont plus remplies. Il est fait application des articles 36 à 38 ci-dessous.

En tout état de cause, à l’expiration d’un délai de six (06) mois à compter de la décision d’ouverture du redressement judiciaire, qui peut être prorogé une seule fois par la juridiction compétente, d’office ou à la demande du débiteur ou du syndic pour une durée de trois (03) mois, ladite juridiction convertit le redressement judiciaire en liquidation des biens, d’office ou à la demande de tout intéressé.

La décision de la juridiction compétente est susceptible d’appel. La juridiction d’appel qui annule ou infirme la décision de première instance peut prononcer d’office le redressement judiciaire ou la liquidation des biens et renvoyer à la juridiction de première instance pour la suite de la procédure, notamment pour la désignation du juge-commissaire.

 

ARTICLE 33-1

En cas de conversion d’une procédure de redressement judiciaire en liquidation des biens, les personnes qui avaient consenti dans le concordat de redressement judiciaire un nouvel apport en trésorerie au débiteur en vue d’assurer la poursuite de l’activité de l’entreprise débitrice et sa pérennité sont payées au titre du privilège selon les rangs prévus par les articles 166 et 167 ci-dessous.

Les personnes qui fournissent un nouveau bien ou service en vue d’assurer la poursuite de l’activité de l’entreprise débitrice et sa pérennité bénéficient du même privilège pour le prix de ce bien ou de ce service.

Cette disposition ne s’applique pas aux apports consentis dans le cadre d’une augmentation du capital social du débiteur.

Les créanciers du débiteur ne peuvent en aucun cas bénéficier de ce privilège pour des créances nées antérieurement à l’ouverture du redressement judiciaire.

 

ARTICLE 34

La juridiction compétente doit fixer provisoirement la date de cessation des paiements, faute de quoi celle-ci est réputée avoir lieu à la date de la décision qui la constate.

La date de cessation des paiements ne peut être antérieure de plus de dix-huit (18) mois au prononcé de la décision d’ouverture. Sauf cas de fraude, elle ne peut être reportée à une date antérieure à la décision définitive ayant homologué le concordat préventif.

La juridiction compétente qui modifie, dans les limites fixées à l’alinéa précédent, la date de cessation des paiements par une décision postérieure à la décision d’ouverture statue par une décision spécialement motivée.

Toute demande tendant à faire fixer la date de cessation des paiements à une autre date que celle fixée par la décision d’ouverture ou une décision postérieure n’est pas recevable après la convocation de l’assemblée concordataire prévue à l’article 122 ci-dessous ou après expiration d’un délai d’un an à compter de la décision prononçant la liquidation des biens.

 

ARTICLE 35

Dans la décision d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, la juridiction compétente désigne le juge-commissaire parmi les juges du siège de la juridiction saisie, à l’exclusion de son président, sauf si celui-ci est juge unique. Elle peut également, si elle l’estime nécessaire, désigner un juge-commissaire suppléant.

La juridiction compétente désigne également le ou les syndics sans que leur nombre puisse excéder trois. L’expert désigné pour le règlement préventif d’un débiteur ne peut être désigné comme syndic.

Le greffe de la juridiction adresse sans délai une copie de la décision au ministère public.

 

ARTICLE 36

Le greffe de la juridiction compétente porte mention, sans délai, de la décision d’ouverture d’une procédure collective au Registre du commerce et du crédit mobilier.

Si le débiteur est une personne morale de droit privé non commerçante, la mention est portée au registre chronologique ; en outre, une fiche est établie au nom du débiteur au fichier alphabétique avec mention de la décision la concernant ; il est indiqué les noms, prénoms et adresses du ou des dirigeants sociaux ainsi que le siège de la personne morale.

Si le débiteur est une personne physique ou morale exerçant une profession ou une activité libérale soumise à un statut réglementé, la décision est également, à la diligence du greffe, notifiée au représentant légal de son ordre professionnel ou de son autorité compétente.

 

ARTICLE 37

La décision d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens est publiée à la diligence du greffe de la juridiction compétente, dans un journal d’annonces légales diffusé à partir du lieu du siège de la juridiction compétente. Sans préjudice de cette publication, une publicité supplémentaire peut également être faite dans tous autres média.

Cette publicité est, en outre, effectuée dans un journal d’annonces légales du lieu de chacun des établissements secondaires du débiteur si le journal habilité à recevoir des annonces légales du siège n’y est pas diffusé.

Elle contient les indications suivantes : le nom du débiteur ; son domicile ou son siège social ; son numéro d’immatriculation au Registre du commerce et du crédit mobilier ou son numéro de déclaration d’activité ; la date de la décision d’ouverture et le type de procédure collective. Elle doit également indiquer le nom et l’adresse du syndic auprès duquel les créanciers doivent produire leurs créances, le délai de production de ces créances et reproduire intégralement l’article 78 ci-dessus.

Une deuxième publicité doit être faite, dans les mêmes termes, à la diligence du greffe de la juridiction compétente, au plus tôt dans les quinze (15) jours et au plus tard dans les trente (30) jours à compter de la date de la première publicité.

 

ARTICLE 38

Le syndic vérifie que les mentions et publicités prévues aux articles 36 et 37 ci-dessus ont été accomplies.

Si tel n’est pas le cas, il fait procéder, sous sa responsabilité, à l’accomplissement de ces formalités dans les meilleurs délais.

Il est en outre tenu, si le débiteur est propriétaire de biens immobiliers, de publier la décision d’ouverture du redressement judiciaire ou de la liquidation des biens, conformément aux dispositions organisant la publicité foncière.