CHAPITRE 3 : CESSION DU FONDS DE COMMERCE

ARTICLE 147

La cession du fonds de commerce obéit aux règles générales de la vente, sous réserve des dispositions ci-dessous et des textes spécifiques à l’exercice de certaines activités commerciales.

 

ARTICLE 148

La cession du fonds de commerce porte nécessairement sur les éléments énumérés à l’article 136 du présent Acte uniforme.

En l’absence de cession simultanée des éléments précités, la cession d’autres éléments, tels ceux énumérés à l’article 137 ci-dessus, demeure possible mais n’emporte pas cession du fonds de commerce, quelles que soient les dispositions convenues dans l’acte constatant la cession.

 

ARTICLE 149

La vente d’un fonds de commerce peut être réalisée soit par acte sous seing privé, soit par acte authentique.

Les dispositions du présent Chapitre s’appliquent à tout acte constatant une cession de fonds de commerce, consentie même sous condition, y compris en cas d’apport d’un fonds de commerce à une société.

 

ARTICLE 150

Tout acte constatant la cession d’un fonds de commerce doit énoncer :

1°) pour les personnes physiques, l’état civil complet du vendeur et de l’acheteur, et, pour les personnes morales, leur nom, leur dénomination sociale, leur forme juridique, l’adresse de leur siège ;

2°) les activités du vendeur et de l’acheteur ;

3°) leurs numéros d’immatriculation au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier ;

4°) s’il y a lieu, l’origine du fonds au regard du titulaire qui a précédé le vendeur;

5°) l’état des privilèges, nantissements et inscriptions grevant le fonds ;

6°) le chiffre d’affaires réalisé au cours de chacune des trois dernières années d’exploitation, ou depuis son acquisition si le fonds n’a pas été exploité depuis plus de trois ans ;

7°) les résultats commerciaux réalisés pendant la même période ;

8°) le bail annexé à l’acte avec l’indication, dans l’acte, de sa date, de sa durée, du nom et de l’adresse du bailleur et du cédant s’il y a lieu ;

9°) le prix convenu ;

10°) la situation et les éléments du fonds vendu ;

11°) le nom et l’adresse du notaire ou de l’établissement bancaire désigné en qualité de séquestre si la vente a lieu par acte sous seing privé.

 

ARTICLE 151

L’omission ou l’inexactitude des mentions requises ci-dessus peut entraîner la nullité de la vente, si l’acquéreur le demande, et s’il prouve que cette omission ou cette inexactitude a substantiellement affecté la consistance du fonds cédé et qu’il en subit un préjudice.

Cette demande doit être formée dans le délai d’un an à compter de la date de l’acte.

 

ARTICLE 152

Tout acte constatant une cession de fonds de commerce doit être déposé en une copie certifiée conforme par le vendeur ou l’acquéreur au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier.

Il appartient au vendeur et à l’acquéreur, chacun en ce qui le concerne, de faire procéder à la mention modificative correspondante.

 

ARTICLE 153

Dans un délai de quinze (15) jours francs à compter de sa date, l’acte constatant la cession du fonds de commerce doit être publié à la diligence de l’acquéreur, sous forme d’avis, dans un journal habilité à publier des annonces légales et paraissant dans le lieu où le vendeur est inscrit au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier.

 

ARTICLE 154

Le vendeur du fonds de commerce est tenu de mettre le fonds cédé à la disposition de l’acheteur à la date prévue dans l’acte de cession.

Toutefois, si le paiement du prix a été prévu au comptant, le vendeur n’est tenu, sauf convention contraire entre les parties, de mettre l’acheteur en possession qu’à la date du complet paiement.

 

ARTICLE 155

Le vendeur du fonds de commerce doit s’abstenir de tout comportement qui serait de nature à gêner l’acquéreur dans l’exploitation du fonds vendu.

Les clauses de non-rétablissement ne sont valables que si elles sont limitées soit dans le temps, soit dans l’espace ; une seule de ces limitations suffit pour rendre la clause valable.

Le vendeur doit assurer à l’acquéreur la possession paisible de la chose vendue, et en particulier le garantir contre les droits que d’autres personnes prétendraient faire valoir sur le fonds vendu.

 

ARTICLE 156

Si l’acquéreur est évincé partiellement, ou s’il découvre des charges qui n’étaient pas déclarées dans l’acte de vente, ou encore si le fonds de commerce est affecté de vices cachés ou défauts de conformité, il peut demander la résolution de la vente, mais seulement si la diminution de jouissance qu’il subit est d’une importance telle qu’il n’aurait pas acheté le fonds s’il en avait eu connaissance.

 

ARTICLE 157

L’acheteur doit payer le prix, aux jour et lieu fixés dans l’acte de vente, entre les mains du notaire ou de tout établissement bancaire désigné d’un commun accord entre les parties à l’acte.

Le notaire ou l’établissement bancaire ainsi désigné doit conserver les fonds en qualité de séquestre pendant un délai de trente jours, ce délai commençant à courir au jour de la parution dans un journal habilité à publier la vente au titre des annonces légales.

Si au terme de ce délai, aucune opposition n’a été notifiée au séquestre, celui-ci doit tenir le prix de vente à la disposition du vendeur.

Si une ou plusieurs oppositions sont notifiées pendant ce délai, le prix de vente n’est disponible pour le vendeur que sur justification de la mainlevée de toutes les oppositions.

 

ARTICLE 158

Est nulle et de nul effet toute contre-lettre ou convention ayant pour objet ou pour effet de dissimuler tout ou partie du prix de cession du fonds de commerce.

 

ARTICLE 159

Tout créancier du vendeur qui forme opposition doit notifier celle-ci par acte d’huissier ou par tout moyen permettant d’en établir la réception effective :

1°) au notaire ou à l’établissement bancaire désigné en qualité de séquestre ;

2°) à l’acquéreur pris à son adresse telle que figurant dans l’acte ;

3°) au greffe de la juridiction ou à l’organe compétent dans l’Etat Partie qui tient le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier auquel est inscrit le vendeur, à charge pour le greffe ou l’organe compétent dans l’Etat Partie de procéder à l’inscription de cette opposition sur le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier.

L’acte d’opposition doit énoncer, outre les mentions d’identification du créancier opposant, le montant et les causes de la créance, et contenir élection de domicile dans le ressort de la juridiction où est tenu le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier.

Les formalités ainsi mises à la charge du créancier opposant par le présent article sont édictées à peine de nullité de son opposition.

 

ARTICLE 160

L’opposition produit un effet conservatoire.

Il appartient au créancier opposant de saisir la juridiction compétente pour faire constater sa créance, et recevoir le paiement de celle-ci.

 

ARTICLE 161

Le vendeur ne peut obtenir de la juridiction compétente statuant à bref délai la mainlevée de l’opposition et le versement des fonds entre ses mains qu’en contrepartie d’un cautionnement, ou d’une garantie équivalente au montant de la créance objet de l’opposition.

Le vendeur peut également obtenir du créancier opposant la mainlevée amiable de l’opposition ; dans ce cas, la mainlevée doit être notifiée par le créancier opposant dans les formes prévues à l’article 159 ci-dessus.

 

ARTICLE 162

L’opposition qui, dans le mois de sa notification, n’est pas levée amiablement ou ne donne pas lieu à saisine du juge en application de l’article 160 ci-dessus est nulle de plein droit et de nul effet. A la requête de tout intéressé, la juridiction compétente statuant à bref délai constate au besoin cette nullité et ordonne la mainlevée de l’opposition, sans préjudice de l’action en dommages-intérêts pour opposition abusive.

 

ARTICLE 163

Tout créancier ayant inscrit un privilège ou un nantissement, ou ayant régulièrement fait opposition peut, dans le mois de la publication de la vente dans un journal habilité à publier les annonces légales, former une surenchère du sixième du prix du fonds de commerce figurant à l’acte de vente.

Lorsque le fonds a fait l’objet d’une vente forcée, les créanciers nantis et opposants bénéficient du même droit de surenchère qui doit s’exercer dans le même délai à compter de l’adjudication.

Le surenchérisseur doit consigner, dans le même délai, au greffe de la juridiction compétente ou auprès de l’organe compétent dans l’Etat Partie, le montant du prix augmenté du sixième.

 

ARTICLE 164

Le cahier des charges, établi antérieurement à la vente en justice à la diligence du surenchérisseur, reproduit intégralement l’acte de cession ayant donné lieu à surenchère et mentionne les nantissements antérieurement inscrits ainsi que les oppositions régulièrement notifiées à la suite de la publication de la vente volontaire du fonds, ou au cours de la procédure de vente forcée.

Dans les quinze (15) jours francs de la surenchère, le surenchérisseur publie, à ses frais avancés, dans un journal habilité à publier des annonces légales et paraissant dans le lieu où le vendeur est inscrit au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, un avis comportant l’indication du lieu et de la date de la vente en justice ainsi que des modalités de consultation du cahier des charges. Passé ce délai, la surenchère est nulle de plein droit et les frais en sont définitivement supportés par le seul surenchérisseur sans préjudice des dommages-intérêts éventuellement dus pour surenchère abusive.

Aucune nouvelle opposition ne peut être formée pendant la procédure de surenchère.

 

ARTICLE 165

La vente se fait à la barre de la juridiction compétente, dans les formes des criées.

 

ARTICLE 166

Lorsque le prix n’est pas payé comptant, le vendeur dispose d’un privilège sur le fonds de commerce vendu.

Il doit à cet effet procéder à l’inscription de son privilège de vendeur dans les formes requises au présent Acte uniforme.

 

ARTICLE 167

Si le vendeur n’est pas payé aux échéances convenues, il peut demander la résolution de la vente, conformément au droit commun.

 

ARTICLE 168

Le vendeur qui exerce l’action résolutoire notifie celle-ci par acte extrajudiciaire ou par tout moyen prouvant par écrit la notification aux créanciers inscrits sur le fonds, et ce, au domicile élu par eux dans leurs inscriptions.

Il procède également à la prénotation de son action résolutoire conformément aux dispositions prévues à cet effet par l’Acte uniforme portant organisation des sûretés.

La résolution ne peut être prononcée que par la juridiction compétente du lieu d’immatriculation du vendeur du fonds.

Toute convention de résolution amiable d’une vente de fonds de commerce est inopposable aux créanciers de l’acquéreur du fonds qui ont pris une inscription sur le fonds.