CHAPITRE 6 : DU PARTAGE

SECTION 1 :

DE L’ACTION EN PARTAGE

ARTICLE 84

Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut être toujours provoqué, nonobstant prohibitions et conventions contraires.

On peut cependant convenir de suspendre le partage pendant un temps limité ; cette convention ne peut être obligatoire au-delà de cinq ans, mais elle peut être renouvelée.

 

ARTICLE 85

L’action en partage à l’égard des cohéritiers mineurs ou interdits est exercée par leurs tuteurs.

A l’égard des cohéritiers absents, l’action appartient aux parents envoyés en possession.

 

ARTICLE 86

Si les héritiers sont d’accord, le partage peut être fait dans la forme et par tel acte qu’ils jugent convenables.

Si, toutefois il y a parmi eux des mineurs ou des interdits, même régulièrement représentés, les héritiers capables sont solidairement tenus des préjudices résultant du partage, occasionnés aux héritiers mineurs ou interdits.

A défaut d’inventaire, les héritiers que la loi entend protéger peuvent prouver la consistance de la succession par tous moyens.

 

ARTICLE 87

Tout héritier peut requérir l’apposition des scellés dans son intérêt ou dans l’intérêt de ses cohéritiers incapables.

Le même droit appartient aux représentants des incapables.

 

ARTICLE 88

Les créanciers peuvent aussi requérir l’apposition des scellés en vertu d’un titre exécutoire ou d’une permission du juge.

 

ARTICLE 89

Les formalités pour la levée des scellés et la confection de l’inventaire sont réglées par les lois sur la procédure.

 

ARTICLE 90

Si l’un des cohéritiers refuse de consentir au partage, ou s’il s’élève des contestations soit sur le mode d’y procéder, soit sur la manière de le terminer, le tribunal prononce comme en matière ordinaire ou nomme s’il y a lieu, pour les opérations de partage, un notaire, un officier public ou toute personne qualifiée dont il précise la mission et sur le rapport duquel il tranche les contestations.

 

ARTICLE 91

Il est procédé, dans les conditions fixées par le tribunal, à l’estimation des meubles et des immeubles composant la succession.

 

ARTICLE 92

En ce qui concerne les immeubles il doit être précisé la base de l’estimation ; s’ils peuvent être ou non commodément partagés ; dans l’affirmative, de quelle manière et la valeur de chacune des parts qu’on peut en former.

 

ARTICLE 93

Chacun des cohéritiers peut demander sa part en nature des meubles et immeubles de la succession ; néanmoins, s’il y a des créanciers saisissants ou opposants ou, si la majorité des cohéritiers juge la vente nécessaire pour l’acquit des dettes ou charges de la succession, les meubles et les immeubles sont vendus dans les formes prévues par le tribunal.

Si les immeubles ne peuvent être commodément partagés ou attribués, il doit également être procédé à la vente.

 

ARTICLE 94

Chaque cohéritier fait rapport à la masse des sommes dont il est débiteur envers la succession.

 

ARTICLE 95

Après que les meubles et immeubles ont été estimés et vendus, s’il y a lieu, il est procédé, dans les conditions prévues par le tribunal, à la formation de la masse générale et à la composition des lots.

 

ARTICLE 96

Dans la formation et la composition des lots, on doit éviter de morceler les héritages et de diviser les exploitations.

Dans la mesure où le morcellement des héritages et la division des exploitations peuvent être évités, chaque lot doit, autant que possible, être composé, soit en totalité, soit en partie, de meubles ou d’immeubles, de droits ou de créances de valeur équivalente.

 

ARTICLE 97

L’inégalité des lots en nature se compense par un retour soit en rente, soit en argent.

 

ARTICLE 98

L’attribution des lots se fait par tirage au sort.

 

ARTICLE 99

Avant de procéder au tirage des lots, chaque copartageant est admis à proposer ses réclamations contre leur formation.

 

ARTICLE 100

Les règles établies pour la division des masses à partager, sont également observées dans la subdivision à faire entre les souches copartageantes.

 

ARTICLE 101

S’il s’élève des contestations, le notaire, l’officier public ou l’expert commis comme il est dit à l’article 90 dresse procès-verbal des difficultés et des dires respectifs des parties et les renvoie devant le tribunal.

 

ARTICLE 102

Les lots définitivement formés et le tirage au sort effectué, il est dressé procès-verbal des opérations par le notaire, l’officier public ou l’expert commis.

 

ARTICLE 103

S’il a été procédé par un officier public ou un expert, le partage doit être homologué par le tribunal.

 

ARTICLE 104

Toute personne, même parente du défunt, qui n’est pas successible, et à laquelle un cohéritier aurait cédé son droit à la succession, peut être écartée du partage, soit par tous les cohéritiers, soit par un seul, en lui remboursant le prix de la cession.

 

ARTICLE 105

Après le partage, remise doit être faite à chacun des copartageants, des titres particuliers aux objets qui lui seront échus.

Les titres d’une propriété divisée restent à celui qui a la plus grande part, à la charge d’en aider ceux de ses copartageants qui y auront intérêt, quand il en sera requis.

Les titres communs à toute l’hérédité seront remis à celui que tous les héritiers ont choisi pour en être le dépositaire, à la charge d’en aider les copartageants, à toute réquisition. S’il y a difficulté sur ce choix, il est réglé par le jugé comme en matière de référé.

SECTION 2 :

DISPOSITIONS PARTICULIERES

ARTICLE 106

Tout héritier qui, antérieurement au décès du de cujus, participait avec ce dernier à l’exploitation d’une entreprise agricole, artisanale ou commerciale dépendant des biens de la succession et susceptible de faire vivre une famille, a la faculté de se faire attribuer celle-ci par voie de partage, après estimation par expert commis.

S’il le requiert, il peut exiger de ses copartageants, pour le paiement de la soulte, des délais qui ne pourront excéder cinq (5) ans.

 

ARTICLE 107

Seuls les héritiers qui sont susceptibles de les faire valoir par eux-mêmes peuvent prétendre à l’attribution des droits antérieurement détenus par le de cujus portant sur l’usage du sol.

 

ARTICLE 108

Lorsque plusieurs héritiers remplissent la condition exigée par l’article précédent, il est procédé au partage des droits si l’étendue de ceux-ci le permet.

Si le partage n’est pas possible, et sauf accord amiable, les droits sont attribués par tirage au sort.

 

ARTICLE 109

Les cohéritiers non attributaires des droits visés aux deux articles précédents ne peuvent prétendre à une soulte que si les terrains sur lesquels ils s’exercent portent des cultures, plantations ou constructions bénéficiant à l’attributaire. Le montant de la soulte est déterminé d’après les barèmes établis pour fixer l’indemnité due au titulaire des droits lorsque l’État donne au sol une destination qui en exclut l’exercice.

 

ARTICLE 110

Les héritiers, âgés de plus de dix-huit (18) ans, qui, sans être associés ni aux pertes ni aux bénéfices, et sans recevoir de salaire en contrepartie de leur collaboration, participent directement et effectivement à l’exploitation d’une entreprise agricole, artisanale ou commerciale dépendant des biens de la succession, sont réputés légalement bénéficiaires d’un contrat de travail à salaire différé.

Les héritiers visés à l’alinéa précédent exercent leur droit de créance après le décès de l’exploitant et au cours du règlement de la succession ; toutefois l’exploitant peut, de son vivant, pourvoir les bénéficiaires de leur droit de créance, notamment lors de la donation partage à laquelle il procéderait.

Pour chacune des années durant lesquelles l’héritier a participé à l’exploitation dans les conditions fixées à l’alinéa premier, le taux du salaire auquel il peut prétendre est égal à la moitié du salaire minimum interprofessionnel garanti, prévu pour la branche professionnelle correspondante. Le salaire à appliquer dans chaque cas est celui en vigueur soit lors du règlement de la créance, si ce dernier intervient du vivant de l’exploitant, soit au moment de l’ouverture de la succession.

Si les héritiers sont mariés et que leurs conjoints participent également à l’exploitation dans les conditions fixées à l’alinéa premier, chacun des époux est réputé légalement bénéficiaire d’un contrat de travail à salaire différé, dont le taux est égal aux trois huitièmes du salaire visé à l’alinéa précédent. L’époux qui n’est pas le descendant de l’exploitant perd le bénéfice de ces dispositions en cas de divorce ou de séparation de corps prononcé à ses torts exclusifs.

Quelle que soit la durée de la collaboration apportée à l’exploitant, le droit de créance ne peut dépasser pour chacun des bénéficiaires, la somme représentant le montant de la rémunération due pour une période de dix (10) années, calculée sur les bases des alinéas trois et quatre ci-dessus.

 

SECTION 3 :

DU PAYEMENT DES DETTES

ARTICLE 111

Les cohéritiers contribuent entre eux au payement des dettes et charges de la succession, chacun dans la proportion de ce qu’il y prend.

 

ARTICLE 112

Les incapables ne sont jamais tenus des dettes qu’à concurrence de leur part.

 

ARTICLE 113

Le légataire à titre universel contribue avec les héritiers, au prorata de son émolument ; mais le légataire particulier n’est pas tenu des dettes et charges, sauf toutefois l’action hypothécaire sur l’immeuble légué.

 

ARTICLE 114

Lorsque des immeubles d’une succession sont grevés des rentes par hypothèque spéciale, chacun des cohéritiers peut exiger que les rentes soient remboursées et les immeubles rendus libres avant qu’il soit procédé à la formation des lots. Si les cohéritiers partagent la succession dans l’état où elle se trouve, l’immeuble grevé doit être estimé au même taux que les autres immeubles ; il est fait déduction du capital de la rente sur le prix total : l’héritier dans le lot duquel tombe cet immeuble, demeure seul chargé du service de la rente, et il doit en garantir ses cohéritiers.

 

ARTICLE 115

Les héritiers sont tenus des dettes et charges de la succession, personnellement pour leur part et portion virile, et hypothécairement pour le tout ; sauf leur recours, soit contre leurs cohéritiers, soit contre les légataires universels, à raison de la part pour laquelle ils doivent y contribuer.

 

ARTICLE 116

Le légataire particulier qui a acquitté la dette dont l’immeuble légué était grevé, demeure subrogé aux droits du créancier contre les héritiers et successeurs à titre universel.

 

ARTICLE 117

Le cohéritier ou successeur à titre universel, qui, par effet de l’hypothèque, a payé au-delà de sa part de la dette commune , n’a de recours contre les autres cohéritiers ou successeurs à titre universel, que pour la part que chacun d’eux doit personnellement en supporter, même dans le cas où le cohéritier qui a payé la dette se serait fait subroger aux droits des créanciers ; sans préjudice néanmoins des droits d’un cohéritier qui, par l’effet du bénéfice d’inventaire, aurait conservé la faculté de réclamer le payement de sa créance personnelle, comme tout autre créancier.

 

ARTICLE 118

En cas d’insolvabilité d’un des cohéritiers ou successeurs à titre universel, sa part dans la dette hypothécaire est répartie sur tous les autres, au marc le franc.

 

ARTICLE 119

Les titres exécutoires contre le défunt sont pareillement exécutoires contre l’héritier personnellement ; et néanmoins les créanciers ne pourront en poursuivre l’exécution que huit (8) jours après la signification de ces titres à la personne ou au domicile de l’héritier.

 

ARTICLE 120

Ils peuvent demander; dans tous les cas, et contre tout créancier, la séparation du patrimoine du défunt d’avec le patrimoine de l’héritier.

 

ARTICLE 121

Ce droit ne peut cependant plus être exercé lorsqu’il y a novation dans la créance contre le défunt, par l’acceptation de l’héritier pour débiteur.

 

ARTICLE 122

Il se prescrit, relativement aux meubles, par le laps de trois (3) ans.

A l’égard des immeubles, l’action peut être exercée tant qu’ils existent dans la main de l’héritier.

 

ARTICLE 123

Les créanciers de l’héritier ne sont point admis à demander la séparation des patrimoines contre les créanciers de la succession.

 

ARTICLE 124

Les créanciers d’un copartageant, pour éviter que le partage ne soit fait en fraude de leurs droits, peuvent s’opposer à ce qu’il y soit procédé hors de leur présence : ils ont le droit d’y intervenir à leurs frais ; mais ils ne peuvent attaquer un partage consommé, à moins toutefois qu’il n’y ait été procédé sans eux et au préjudice d’une opposition qu’ils auraient formée.

SECTION 4 :

DES EFFETS DU PARTAGE ET DE LA GARANTIE DES LOTS

ARTICLE 125

Chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus sur licitation, et n’avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession.

 

ARTICLE 126

Les cohéritiers demeurent respectivement garants, les uns envers les autres, des troubles et évictions seulement qui procèdent d’une cause antérieure au partage.

La garantie n’a pas lieu, si l’espèce d’éviction soufferte a été exceptée par une clause particulière et expresse de l’acte de partage ; elle cesse, si c’est par sa faute que le cohéritier souffre l’éviction.

 

ARTICLE 127

Chacun des cohéritiers est personnellement obligé, en proportion de sa part héréditaire, d’indemniser son cohéritier de la perte que lui a causé l’éviction.

Si l’un des cohéritiers se trouve insolvable, la portion dont il est tenu doit être également répartie entre le garanti et tous les cohéritiers solvables.

 

ARTICLE 128

La garantie de la solvabilité du débiteur d’une rente ne peut être exercée que dans les cinq (5) ans qui suivent le partage. Il n’y a pas lieu à garantie à raison de l’insolvabilité du débiteur, quand elle n’est survenue que depuis le partage consommé.

 

SECTION 5 :

DE LA RESCISION EN MATIERE DE PARTAGE

ARTICLE 129

Les partages peuvent être rescindés pour cause de vice ou de dol.

Il peut aussi y avoir lieu à rescision, lorsqu’un des cohéritiers établit, à son préjudice, une lésion de plus du quart. La simple omission d’un objet de la succession ne donne pas ouverture à l’action en rescision, mais seulement à un supplément à l’acte de partage.

 

ARTICLE 130

L’action en rescision est admise contre tout acte qui a pour objet de faire cesser l’indivision entre cohéritiers, encore qu’il fût qualifié de vente, d’échange et de transaction, ou de toute autre manière.

Mais après le partage, ou l’acte qui en tient lieu, l’action en rescision n’est plus admissible contre la transaction faite sur les difficultés réelles que présentait le premier acte, même quand il n’y aurait pas eu à ce sujet de procès commencé.

 

ARTICLE 131

L’action n’est pas admise contre une vente de droits successifs faite sans fraude à l’un des cohéritiers, à ses risques et périls, par ses autres cohéritiers, ou par l’un d’eux.

 

ARTICLE 132

Pour juger s’il y a eu lésion, on estime les objets suivant leur valeur à l’époque du partage.

 

ARTICLE 133

Le défendeur à la demande en rescision peut en arrêter le cours et empêcher un nouveau partage, en offrant et en fournissant au demandeur le supplément de sa portion héréditaire, soit en numéraire, soit en nature.

 

ARTICLE 134

Le cohéritier qui a aliéné son lot en tout ou partie n’est plus recevable à intenter l’action en rescision pour dol ou violence, si l’aliénation qu’il a faite est postérieure à la découverte du dol, ou à la cessation de la violence.