CHAPITRE 5 : DE L’ACCEPTATION ET DE LA REPUDIATION DES SUCCESSIONS

SECTION 1 :

DE L’ACCEPTATION

ARTICLE 43

Une succession peut être acceptée purement et simplement, ou sous bénéfice d’inventaire.

 

ARTICLE 44

Nul n’est tenu d’accepter une succession qui lui est échue.

 

ARTICLE 45

L’effet de l’acceptation remonte au jour de l’ouverture de la succession.

 

ARTICLE 46

L’acceptation peut être expresse ou tacite : elle est expresse quand on prend le titre ou la qualité d’héritier dans un acte authentique ou privé ; elle est tacite quand l’héritier fait un acte qui suppose nécessairement son intention d’accepter, et qu’il n’aurait droit de faire qu’en sa qualité d’héritier.

 

ARTICLE 47

Les actes purement conservatoires, de surveillance et d’administration provisoire, ne sont pas des actes d’addition d’hérédité, si l’on n’y a pas pris le titre ou la qualité d’héritier.

 

ARTICLE 48

La donation, vente ou transport que fait de ses droits successifs un des cohéritiers, soit à un étranger, soit à tous ses cohéritiers, soit à quelques uns d’eux, emporte de sa part acceptation de la succession.

Il en est de même :

1°) de la renonciation, même gratuite, que fait un des héritiers au profit d’un ou de plusieurs de ses cohéritiers ;

2°) de la renonciation qu’il fait même au profit de tous ses cohéritiers indistinctement, lorsqu’il reçoit le prix de sa renonciation.

 

ARTICLE 49

Lorsque celui à qui une succession est échue est décédé sans l’avoir répudiée ou sans l’avoir acceptée expressément ou tacitement, ses héritiers peuvent l’accepter ou la répudier de son chef.

 

ARTICLE 50

Si ces héritiers ne sont pas d’accord pour accepter ou répudier la succession, elle doit être acceptée sous bénéfice d’inventaire.

 

ARTICLE 51

Le majeur ne peut attaquer l’acceptation expresse ou tacite qu’il a faite d’une succession, que dans le cas où cette acceptation aurait été la suite d’un dol pratiqué envers lui ; il ne peut jamais réclamer sous prétexte de lésion, excepté seulement dans le cas où la succession se trouverait absorbée ou diminuée de plus de moitié, par la découverte d’un testament inconnu au moment de l’acceptation.

SECTION 2 :

DE LA RENONCIATION AUX SUCCESSIONS

ARTICLE 52

La renonciation à une succession ne se présume pas ; elle ne peut être faite qu’au greffe du tribunal de première instance ou de la section de tribunal du lieu où la succession s’est ouverte, sur un registre tenu à cet effet.

 

ARTICLE 53

L’héritier qui renonce est censé n’avoir jamais été héritier.

 

ARTICLE 54

La part du renonçant accroît à ses cohéritiers ; s’il est seul, elle est dévolue au degré subséquent.

 

ARTICLE 55

On ne vient jamais par représentation d’un héritier qui a énoncé ; si le renonçant est seul héritier de son degré, ou si tous ses cohéritiers renoncent, les enfants viennent de leur chef et succèdent par tête.

 

ARTICLE 56

Les créanciers de celui qui renonce au préjudice de leurs de droits, peuvent se faire autoriser en justice à accepter la succession du chef de leur débiteur, en son lieu et place.

Dans ce cas, la renonciation n’est annulée qu’en faveur des créanciers, et jusqu’à concurrence seulement de leurs créances : elle ne l’est pas au profit de l’héritier qui a renoncé.

 

ARTICLE 57

La faculté d’accepter ou de répudier une succession se prescrit par le laps de temps requis pour la prescription la plus longue des droits immobiliers.

 

ARTICLE 58

Tant que la prescription du droit d’accepter n’est pas acquise contre les héritiers qui ont renoncé, ils ont la faculté d’accepter encore la succession, si elle n’a pas été déjà acceptée par d’autres héritiers ; sans préjudice néanmoins des droits qui peuvent être acquis à des tiers sur les biens de la succession, soit par prescription, soit par actes valablement faits avec le curateur à la succession vacante.

 

ARTICLE 59

On ne peut renoncer à la succession d’un homme vivant, ni aliéner les droits éventuels qu’on peut avoir à cette succession.

ARTICLE 60

Les héritiers qui auraient diverti ou recélé des effets d’une succession, sont déchus de la faculté d’y renoncer : ils demeurent héritiers purs et simples, nonobstant leur renonciation, sans pouvoir prétendre aucune part dans les objets divertis ou recélés.

 

SECTION 3 :

DU BENEFICE D’INVENTAIRE, DE SES EFFETS ET DES
OBLIGATIONS DE L’HERITIER BENEFICIAIRE

ARTICLE 61

La déclaration d’un hériter, qu’il entend ne prendre cette qualité que sous bénéfice d’inventaire, doit être faite au greffe du tribunal de première instance ou de la section de tribunal du lieu où la succession s’est ouverte ; elle doit être inscrite sur le registre destiné à recevoir les actes de renonciation.

 

ARTICLE 62

Cette déclaration n’a d’effet qu’autant qu’elle est précédée ou suivie d’un inventaire fidèle et exact des biens de la succession, dans les formes réglées par les lois sur la procédure, et dans les délais qui seront ci-après déterminés.

 

ARTICLE 63

L’héritier a trois mois pour faire inventaire, à compter du jour de l’ouverture de la succession.

Il a de plus, pour délibérer sur son acceptation ou sur sa renonciation, un délai de quarante (40) jours, qui commencent à courir du jour de l’expiration des trois (3) mois donnés pour l’inventaire, ou du jour de la clôture de l’inventaire s’il a été terminé avant les trois (3) mois.

 

ARTICLE 64

Si cependant il existe dans la succession des objets susceptibles de dépérir ou dispendieux à conserver, l’héritier peut, en sa qualité d’habile à succéder, et sans qu’on puisse en induire de sa part une acceptation, se faire autoriser par justice à procéder à la vente de ces effets.

Cette vente doit être faite par officier public, après les affiches et publications réglées par les lois sur la procédure.

 

ARTICLE 65

Pendant la durée des délais pour faire inventaire et pour délibérer, l’héritier ne peut être contraint à prendre qualité, et il ne peut être obtenu contre lui de condamnation, s’il renonce lorsque les délais sont expirés ou avant, les frais par lui faits légitimement jusqu’à cette époque sont à la charge de la succession.

 

ARTICLE 66

Après l’expiration des délais ci-dessus, l’héritier, en cas de poursuite dirigée contre lui, peut demander un nouveau délai, que tribunal saisi de la contestation accorde ou refuse suivant les circonstances.

 

ARTICLE 67

Les frais de poursuite, dans le cas de l’article précédent, sont à la charge de la succession, si l’héritier justifie, ou qu’il n’avait pas eu connaissance du décès ou que les délais ont été insuffisants, soit à raison de la situation des biens, soit à raison des contestations survenues : s’il n’en justifie pas, les frais restent à sa charge personnelle.

 

ARTICLE 68

L’héritier conserve néanmoins, après l’expiration des délais accordés par l’article 63, même de ceux donnés par le juge conformément à l’article 67, la faculté de faire encore inventaire et de se porter héritier bénéficiaire, s’il n’a pas fait par ailleurs acte d’héritier, ou s’il n’existe pas contre lui de jugement passé en force de chose jugée, qui le condamne en qualité d’héritier pur et simple.

 

ARTICLE 69

L’héritier qui s’est rendu coupable de recel, ou qui a omis, sciemment et de mauvaise foi, de comprendre dans l’inventaire des effets de la succession, est déchu du bénéfice d’inventaire.

 

ARTICLE 70

L’effet du bénéfice d’inventaire est de donner à l’héritier l’avantage :

1°) de n’être tenu du payement des dettes de la succession que jusqu’à concurrence de la valeur des biens qu’il a recueillis, même de pouvoir se décharger du payement des dettes en abandonnant tous les biens de la succession aux créanciers et aux légataires ;

2°) de ne pas confondre ses biens personnels avec ceux de la succession, et de conserver contre elle le droit de réclamer le payement de ses créances.

 

ARTICLE 71

L’héritier bénéficiaire est chargé d’administrer les biens de la succession et doit rendre compte de son administration aux créanciers et aux légataires.

Il ne peut être contraint sur ses biens personnels qu’après avoir été mis en demeure de présenter son compte, et faute d’avoir satisfait à cette obligation.

Après l’apurement du compte, il ne peut être contraint sur ses biens personnels que jusqu’à concurrence seulement des sommes dont il se trouve reliquataire.

 

ARTICLE 72

Il n’est tenu que des fautes graves dans l’administration dont il est chargé.

 

ARTICLE 73

Il ne peut vendre les meubles de la succession que par le ministère d’un officier public, aux enchères, et après les affiches et publications accoutumées.

S’il les représente en nature, il n’est tenu que de la dépréciation ou de la détérioration causée par sa négligence.

 

ARTICLE 74

Il ne peut vendre les immeubles que dans les formes prescrites par les lois sur la procédure ; il est tenu d’en déléguer le prix aux créanciers hypothécaires qui se sont fait connaître.

 

ARTICLE 75

Il est tenu, si les créanciers ou autres personnes intéressées l’exigent, de donner caution bonne et solvable de la valeur du mobilier compris dans l’inventaire, et de la portion du prix des immeubles non déléguée aux créanciers hypothécaires.

Faute par lui de fournir cette caution, les meubles sont vendus, et leur prix est déposé, ainsi que la portion non déléguée du prix des immeubles, pour être employés à l’acquit des charges de la succession.

 

ARTICLE 76

S’il y a des créanciers opposants, l’héritier bénéficiaire ne peut payer que dans l’ordre et de la manière réglés par le juge.

S’il n’y a pas de créanciers opposants, il paye les créanciers et les légataires à mesure qu’ils se présentent.

 

ARTICLE 77

Les créanciers non opposants qui ne se présentent qu’après l’apurement du compte et le payement du reliquat, n’ont de recours à exercer que contre les légataires.

Dans l’un et l’autre cas, le recours se prescrit par le laps de trois (3) ans, à compter du jour de l’apurement du compte et du payement du reliquat.

 

ARTICLE 78

Les frais de scellés, s’il en a été apposé, d’inventaire et de compte, sont à la charge de la succession.

 

SECTION 4 :

DES SUCCESSIONS VACANTES

ARTICLE 79

Lorsqu’après l’expiration des délais pour faire inventaire et pour délibérer, il ne se présente personne qui réclame une succession, qu’il n’y a pas d’héritiers connus, ou que les héritiers connus y ont renoncé, cette succession est réputée vacante.

 

ARTICLE 80

Le tribunal ou la section de tribunal dans le ressort duquel elle est ouverte, nomme un curateur sur la demande des personnes intéressées ou sur la réquisition du Procureur de la République.

 

ARTICLE 81

Le curateur à une succession vacante est tenu, avant tout, d’en faire constater l’état par un inventaire : il en exerce et poursuit les droits ; il répond aux demandes formulées contre elle ; il administre, sous la charge de faire verser le numéraire qui se trouve dans la succession, ainsi que les deniers provenant du prix des meubles ou immeubles vendus, dans la caisse du receveur des Domaines pour la conservation des droits, et à la charge de rendre compte à qui il appartiendra.

 

ARTICLE 82

Les dispositions de la section 3 du présent chapitre, sur les formes de l’inventaire, sur le mode d’administration et sur les comptes à rendre de la part de l’héritier bénéficiaire sont au surplus, communes aux curateurs à successions vacantes.

 

ARTICLE 83

La gestion des successions non réclamées et la curatelle des successions vacantes sont exclusivement confiées à l’administration des Domaines, qui exerce, par l’intermédiaire de ses préposés, les fonctions d’administrateur provisoire et de curateur dans les conditions prévues par la législation en vigueur.